
 
        
         
		s 
 ■ dans  l’ignorance  de  fes  charmes,  &   ne  témoigne  
 aucune  furprife ;  elle  n’a  befoin  ni  d’effort  ni  de  
 mouvement.  Déeffe,  &   fans  paffion,  l’ingénuité  
 l’accompagne,  &   la  curiofité  ne  la  peut  animer ;  
 mais  ion  premier foin  eft de plaire , &   de  paroître  
 à  fon  avantage. Dès-lors  elle  eft occupée  de  fa parure  
 naturelle ; elle arrange  &   difpo'fe fes cheveux:  
 le foin, qu’elle  apporte  pour  les  effuyer,  prouve  
 ^qu’elle vient de fortir  de  l’eau  ;  &  tout ce  qui rappelle  
 une  aâion  précédente  ,  eft  une  preuve  aulïi  
 rare que  confiante  du  génie  des  artiftes.  Que  de 
 I parties  muettes &  poffibles,  dans le même inftant,  
 faut-il  réunir avec  fageffe &  convenance,  pour les  
 faire  concourir  à  l’expreffion d’un objet fixe  &   immuable  
 ,  tel  qu’il  eft  pour  la  peinture  !  Ainfi  
 l’attitude  qu’Apelles a  préférée ,  eft  favante  fans  le  
 paroître , fine  par une  a&ion convenable au fexe &   à l’âge ;  agréable ,  parce qu’elle  eft dans  la nature ;  
 ■ que  l’oeil  le  plus  lever e  n’y   peut  remarquer  la  
 moindre  affeâation ;  &   qu’enfin , fous  l’enveloppe  
 •la  plus  fimple  &   la  plus  jufte,  l’efprit  charmé  n’a  
 nul  befoin  de fous-entendre &  de demêler, &  qu’il  
 ne  peut  y  parvenir  fans le  fecours  de  la  réflexion. 
 II réfulte de toutes  celles  que  l’on peut faire ,  que,  
 plus  on  étudie  les  anciens,  plus  on  eft  frappé  du  
 mérite &   de la fupériorité  des  Grecs.  Dans  toutes  
 les  opérations de  l’efprit,  les  produftions  de  cette  
 heureufe  nation  font  les  feules  qui  préfentent  les  
 exemples de  la  jufteffe  &  de  la fimplicité :  le  delir  
 de  montrer de l’efprit, cette maladie  qui tourmente  
 les modernes ,  ne  s’eft  introduit  chez  eux  que fort  
 tard,   &   dès-lors le bon  goût s’eft  affoibli. Le  peu  
 de  progrès  de nos  connoiffances  &   de  nos  talens ,  
 vient  en grande partie  de ce  qu’on  lit,peu  les  anciens  
 ,  &  que  l’on s’écarte  des grands  &   véritables  
 exemples qu’ils ont laiffés. 
 Telles  font les  réflexions  fenfibles &  judicieitfes  
 de M. le  comte de Caylus, fur ce tableau  d’Apelles.  
 Cet  habile  connoiffeur,  à  qui l’art  doit infiniment,  
 a  fait  un  excellent mémoire  fur  la  Vénus Anadyo-  
 mene ,  dont cet article  eft un extrait.  Il eût  été difficile  
 d’ y  fubftituer quelque chofe d’aufli bien penfé,  
 d’aufli  finement fenti. 
 Le Titien  a   ofé  traiter  le  même  fujet : il a  re-  
 préfenté Vénus effuyant fes  cheveux, feule &  dans  
 l ’eau jufqu’au-deffous de la ceinture. Le peintre Grec ,  
 ne l’avoit pas tant découverte.  Le moderne n’a point  
 exprimé  cette  écume,  de  laquelle  la  déeffe  étoit  
 née , &   dont l’ancien  avoit  heureufement  profité  
 pour  la  vérité de  l’hiftoire,  &   pour  faire  une  op-  
 pofition avec les  chairs  ,  &   les eaux  calmes  de  la  
 mer ;  car elles dévoient  être auffi  attentives que  le  
 refte  de  la  nature  à  la  naiffance de  Vénus. Mais  le  
 Titien  a ajouté une  coquille qui  nage aux  côtés de  
 la déeffe. Quoique  ce  tableau  du  Titien  foit  très-  
 beau , il n’a  point cette  élégante précifion de  trait,  
 jointe à  cette  vénufté  ,  que  toute  l’antiquité  s’accorde  
 à  donner à Apelles,  &  que  l’on  peut  regarder  
 comme la partie  fublime des opérations de l’art. 
 On  ne  peut  douter  que  la  Vénus Anadyomene,  
 devenue  fi  célébré,  n’ait  été  traitée  par  des fcul-  
 pteurs  Grecs , qui  l’auront  copiée ,  ou  plutôt  arrangée  
 &   difpofée pour  leur  art,  c’eft-à-dire ,  qui  
 auront néceffairement ajouté les parties de la ronde-  
 boffe  ,  pour  faire  une  ftàtue  d’une  figure  peinte.  
 M.  le  Comte  de  Caylus  reçut en  1759  un bronze  
 antique  ,  qu’il jugea être  une  imitation  du  tableau  
 d’Apelles.  Sa  conjecture  étoit  d’autant  plus  jufte ,  
 qu’il  avoit  vu  plufieurs  pierres  gravées,  repréfen-  
 tant la même  figure.  Le  fculpteur  habile,  frappé  
 de  la  beauté de  fon  modèle , &  touché  de l’a  fimplicité  
 de  fon  aâion,  ne  s’eft  permis que les  additions  
 que la fculptureiexigeoit. Une imitation exa&e  
 n’auroit produit qu’un bas-relief, dont l’effet eût été 
 médiocre.  Il  aura fait pofer la  nature  dans  la même  
 attitude, pour  étudier les  parties que  le  peintre n’a-  
 voit  pas  exprimées ; &   évitant d’altérer celles  que  
 le  peintre  avoit effentiellement décidées, la  nature  
 l’aura guidé elle-même  pour la pofition des jambes,  
 lexpreflïon  du dos, &   larichefle des  belles  formes  
 qu’Apelles n’avoit  point  repréfentées.  C’étoit l’unique  
 moyen de rendre fa figure  plus approchante de  
 la  pureté  de  fon  original :  elle  fait  voir  l’agréable  
 balancement, &  l’élégante difpofition du bel antique.  
 Le  trait  de  la  gravure  (  Planche  I   des  Antiquités,  
 Suppl. ) ,   qui  la  repréfente,   a  été  auffi  exprimé  
 d’après nature. 
 ANADYR,.( Géogr. ) riviere confidérable d’Afie,  
 dans  la Sibérie  orientale.  Elle  a  fon  cours  du fud-  
 oueft  au  nord-eft, &  fon embouchure dans l’océan,  
 vers  le  cap  Saint-Thadée.  Ce  pourroit  bien  être  
 urte  branche  du  Jenifca  ,  dont  on  ne  connoît  pas  
 encore  bien  le  cours.  Les  Ruffes  ont  fur  cette  rivière  
 un fort  qu’ils nomment Anadirskoi.. (£7. A .)  ' 
 *  §  ANÆTIS,  A n e t i s   ,   A n a ï t i s   ,  ( Mythol. )  
 &   A n i t i s   ,  dont on  a  fait  un  fécond  article ,  font  
 la même déeffe  : c’eft Diane, appellée encore Anaïs.  
 Elle  eft  nommée  Nanéè dans  les  livres  des Macha-  
 bées  :  c’eft  le  temple de  cette déeffe qu’Antiochus  
 voulut piller. Marc-Antoine exécuta long-tems après  
 ce  qu’Ântiochus  n’avoit pu  faire  :  il pilla le temple  
 de  Nanée ,  ou de  Diane d’Elimaïs. Hyde ,  dans fon  
 livre  de Religione  veterum  Perfarum ,  parle. fouvent 
 ,  de  cette  déeffe. Lettres fur ÜEncyclopédie. 
 *  §   ANAGNIE  ou  A g n a n i   ,  (  Géogr.  )  ville  
 d’Italie, dans la Campagnè  de Rome ; &   A g n a n i e   
 ou  A n a g n i  , ville  d’Italie,  dans l’État eccléfiaftique  
 &  la Campagne de Rome , font la même ville, dont  
 il  ‘étoit  inutile  de  faire  deux  articles.  Lettres  fur  
 V Encyclopédie. 
 ANAGOGIES  ,  (  Mythol. ')  fêtes  qui  fe  célé-  
 broient  par  les habitans  d’Eryx ,  aujourd’hui  Tra-  
 pano  en  Sicile ,  en  l’honneur  de  Vénus,  comme fi  
 elle  fut  partie  pour  aller  en  Lybie  :  on  la  prioit  
 alors  de vouloir  bien revenir  promptement.  (4-) 
 §  ANAGRAMME, (Belles-Leur.) ce jeu d’efprit,  
 qui  confifte  à  tranfpofer  les  lettres  d’un  nom  ou  
 d’une  propofition  entière, pour én formef un nouveau  
 mot  ou  une  nouvelle  propofition ,  eft  une,  
 invention  inconnue  dans  la belle  antiquité. On s’en'  
 eft.fervi  pour  amener  ou  l’éloge  ou la fatyre  de  la  
 perfonne  dont  le  nom  donnoit 1’'anagramme.  Cette  
 pénible  bagatelle  n’eft  heureufement  plus  guere  
 accueillie  aujourd’hui  ;  il  faut  convenir néanmoins 
 unes  de  très-jolies.  Celle  que  nous allons  rapporter  
 femble  mériter  d’être confervée.  En voici l ’oc-  
 cafion.  Le  jeune Staniflas,  depuis  roi de  Pologne ,  
 étant  revenu  de  fes  voyagês,  toute  l’illuftre  mai-  
 fon  des  Lefcinski  fe  raffembla à  Liffa pour lè  complimenter  
 fur  fon  retour.  Le  célébré  Jablonski,  
 alors  reâeur  du  college de  Liffa,  f it ,  à cette occa-  
 fion, un difcours oratoire , qu’il fit  fuivre  de divers  
 ballets &   exécutés  par  treize  danfeurs,  qui  repré-  
 fentoient  autant  de  jeunes  héros. • Chaque  danfeur  
 tenoit  à la  main un bouclier ,  fur  lequel  étoit grav 
 é ,  en  caraâeres d’o r ,  l’une  des  treize lettres des  
 deux mots  : Domus  LescInia , &   à  la fin de  chaque  
 ballet,  leS* danfeurs  fe  trouvoient  rangés  de  
 maniéré  que  leurs  boucliers  formoient  autant d’a-  
 nagrammes  différentes.  * 
 Au  premier  ballet  c’étoit  l’ordre  naturel :  
 Domus  Lefcinia. 
 A  des  incolumis. 
 Omnis  es  Lucida. 
 Mane Jîdus  loci. 
 Sis  columna  dei. 
 / ,  fcande folium. 
 Au  fécond, 
 Au  troifieme,  
 Au  quatrième,  
 Au  cinquième,  
 Et  au  dernier, 
 Cette  derniere  anagramme  eft  d’autant  plus  remarquable  
 qu’elle  fut  une  efpece  de  prophétie* 
 Ç Cet  article  ejl tiré de  la  Théorie  des  Beaux-Arts  de  
 M .   SULZER.  ) 
 §  ANAGYRIS,  ( Botaniq. )  en  François  ,  bois-  
 puant ;  en  Anglois,  fiinking bean-trefoil ?  en  Allemand  
 ,  ftinckbaum* 
 Caractère générique. 
 La fleur, qui eft papillonnacée  , eft compofée d’un  
 pavillon  cordiforme  qui  dépaffe beaucoup le  calice  
 de deux ailes  ovales  &   fimples  &   d’une  nacelle ,  •  
 plus  longues  que  le  pavillon.  L’embryon  devient  
 une  grande  filique oblongùe , qui contient plufieurs  
 femences réniformes. 
 On ne connoît  qu’une  feule  efpece  de  ce  genre ;  
 qui  eft  de  la  claffe  des  monogynia  decàndria  de  
 Linnæus. 
 Anagyris  à  feuilles  Ovales &   à  fleurs  latérales;  
 Anagyris foliis  ovatis ,  floribus  lateralibus.  Anagyris. 
  foetida.  Bauh.  Pin.  391. 
 Stinking  bean-trefoil., 
 Get  arbrifféau  croît  naturellement  én Èfpagne ,  
 en S i c i l e e n  Italie,  dans, la  France  méridionale ,  
 aux  lieux  montagneux,  où  il  s’élève  à  la  hauteur  
 de  huit  ou  dix  pieds.  Dans  la  France,  feptentriô-  
 nale  ,  ainfi  qu’en  Angleterre,  il  craint  le  froid ;  il  
 faut  le  planter près  d’un  mur  expofé  au  midi,  ou  
 lui  pratiquer,  dans Un  bôfquet,  un bon  abri entre  
 des  haies  d’arbres  toujours  verds  ,  &   l’empailler  
 ■ durant  les  jours  froids* 
 Il  produit  en  avril &   en  mai  des  épis  de  fleurs  
 d’un jaune  éclatant  qui  reffemblent à ceux  du grand  
 cytife. 
 Il  fe  multiplie  ae femences &   de marcottes.  On  
 doit  le  femer  à  la  fin de  mars dans  des  eaiffes emplies  
 de  bonne  terre  légère,  enterrées  dans  une  
 couche tempérée ; fi les graines font bonnes, les arbuf-  
 îes paroîtront au bout d’un mois ; on leur fera paffer  
 les  trois  premiers  hivers  fous  des  eaiffes  à  vitrage  
 ;  mais le  premier printëms,après la  germination,  
 on  aura  tranfplanté  chaque  arbufte  dans  un  petit  
 p o t :  ces  pots  doivent  être  enterrés  pendant l’été  
 dans  un  lieu  qui  foit  à  l’abri  des  vents  froids.  Le  
 troifieme  printëms,  après  la  première  tranfplanta-  
 tion  ,   on  plantera  ces  arbuftes  avec  leurs mottes  
 . dans  l’endroit  où  ils  doivent demeurer. 
 Lés  marcotes fe  font également  vers les  derniers  
 jours  de  mars,  &  fi on  a  foin  de’ les arrofer pendant  
 la  féchereffe ,   elles feront au printëms  de l’année  
 fuivante ,  fuffifamment  pourvues  de  racines*  
 Au  commencement  de  l’automne,  peu  avant  que  
 cet  arbufte  perde  fes  feuilles,  on  févrera les marcottes  
 ,  &   on les plantera  à demeure.  Les plus foi-  
 bles  doivent  être  mifes  dans  des  pôts,  '&   jufqu’à  
 ce  qu’ elles  foient  plus  robuftes,  ces  pots "feront  
 placés  l’hiver  dans  des  eaiffes  à  vitrage.  M.  le  
 Baron  de Ts ch o u d t .) 
 ANALOGIE,  f. f.  ( Belles-Lettres. )   fans  compter  
 l’accord  de  la  parole  &   de  la  penfée  ,  qui  eft  la  
 première  réglé  de~ l’art  de  parler &  d’écrire ,  nous  
 avons  encore  dans  le ftyle plufieurs  rapports à ob-  
 ferver, lëfquels peuvent  être«compris  foüs le terme  
 d'analogie. 
 Par l'anàlogte du ftyle en lui-même, on entend l’unité  
 de ton& de couleur. Le langage  a différens tons,  celui  
 du bas peuple,  celui du peuple  cultivé ,  celui  du  
 monde &  de la cour, qu’on appelle familier noble, celui  
 de  la  haute éloquence ,  celui de la pôéfie héroïque,,  
 &  dans  tout  cela  une  infinité  de  gradations  &   de  
 nuances qui varient  encore  félon  les  âges, les conditions  
 &   les  moeurs* 
 Par  l’unité  de  ton  &  dé  couleur ,  on ne  doit pas  
 entendre  la  monotonie ;  le  ftyle  peut être  homogene  
 fans  uniformité. C’eft dans la  variété  des niÔU*  
 vemens &  des images que confifte la variété du ftyle;  
 Les tons  différens  dont  je  parle ,  font  à  la  langue  
 ce  que  les  divers modes  font  à  la  mufique  :  cha*  
 que  mode  a  fon  fyftême  de  fons  analogues  en-  
 tr eu x,  chaque  ftyle a de même un cercle de mots ;  
 de  tours  &   de  figures qui lui conviennent, &  dont  
 plufieurs  ne  conviennent  qu’à  lui.  C ’eft  dans  cé  
 cercle  que  la  plume  de  l’écrivain  doit  s’exercer *  
 &   plus  elle  y   conferve  de  liberté  de  vivacité  ôC  
 d’aifance ,  plus,  dans  ces  limites  étroites,  le  ftylé  
 a de  variété. 
 Le  ton  le plus  aifé à prendre &  à foiiténir,  après  
 celui  du  bas  peuple,  c’eft  le  ton  de  la  haute  éloquence  
 &  de  la haute poëfie,  parce  qu’il eft donné  
 par les  bons  écrivains ,  &   qu’il ne dépend  prefquê  
 plus  des  caprices de  l’ufage.  Un homme au fond dé  
 là  province  peut,  en  étudiant  Racine, Fénélon &   
 M.  de Voltaire ,  fe  former  au  ftyle  héroïqüe. 
 Le  ton le  plus  difficile à  faifir &  à obferver  avec  
 jufteffe,  eft celui  du  familier noble ;  parce  qu’il eft  
 le  plus  fujet  de  tous'  aux  variations  de  la mode 5  
 que  les  couleurs  en  font  auffi  délicates  que  changeantes  
 ;  &. que  pour  les  appercevoir  il  faut  un  
 fentiment  très-fin  &   habituellement  exercé.  C ’eft  
 fur quoi les  gens  du monde  font le  plus  éclairés  &   
 le  moins  indulgens.  Toute la fagacité  de  leur efprit  
 femble  appliquée à -remarquer  Tes  expreffions  qui  
 s’éloignent  de  leur  ufage  ;  ou plutôt,  fans  étude &£  
 fans  intention  ,  ils 'en  font  frappés,  comme  par  
 inftinâ,  &   les bienféanees  de  ftyle  ont en  eux  des  
 juges auffi  féveres  que  les  bienféanees  des moeurs.  
 Voilà  pourquoi  un  ouvrage  dans  le  genre  familier  
 noble  ne  peut  être  bien  écrit,  dans  notre  langue $  
 qu’à Paris ,  &   par  un  homme qui fe foit formé au  
 milieu  de  cette  fociété  choifie  qu’on  appelle  le  
 monde, 
 C’eft encore moins  par la  dîverfité des tons,  qué  
 par  l’incertitude  &   là variation continuelle de leurs  
 limites  ,  qu’il  eft  difficile d’ôbferver,  en écrivant,  
 une parfaite analogie de ftyle.  Parler le langage  fimple  
 de  l’honnête  bourgeois  ,  fans  tomber- jamais  
 dans  celui  du  bas peuple ;  parler le langage  noble  
 &  familier de  la  cour  &   du  monde,  fans  s’élever  
 jufqu’au  ton  de  la  haute éloquence, fans  s’abaiffer  
 jufqu’au ton bourgeois ;  donner  à chacun  la couleur  
 &   la  nuance  qui lui eft propre,  &   conferver  fans  
 monotonie  cette  analogie  confiante  ,  dans  le  dégré  
 de nobleffe ou  de fimplicité  qui  lui  convient :  voilà  
 l ’extrême  difficulté. 
 A m&fure qu’une  langue  fe  polit,  &   que  le goût  
 s’épure  ,  lès  divers  ftyles  s’affôibliffent,  &   leur  
 cercle  fe  rétrécit.  Le goût leur faifant le partage des  
 termes &   des  tours propres  à  chacun  d’eux,  une  
 partie  de  la  langue eft refervée  à chacune  des claf-  
 fes  dont  nous  avons  parlé,  une  partie aux  arts &   
 aux  feienees,  une  partie  au  barreau,  une  partié  
 à  la  chaire  &   aux  ouvrages  myftiques ;  la  prôfe  
 même eft  obligée  de céder aux vers  une  foule d’ex'*  
 prèffions  hardies  &   fortes  qui  l’auroient animée ,  
 ennoblie,  élevée ,  fi l’ufage  les  y   eût  àdmifes. 
 Bien  des  gens  regrettent la langue  d’Amiot  &  de  
 Montagne,  comme  plus  riche  &   plus  féconde  :  
 c’ eft  qu’elle  admettoit  tous  les  tons.  Les  écrivains  
 font  aujourd’hui  les  éfclaves de  l’ufàge ;  Affiiot  &   
 Montagne  en  étoient  les  fois; 
 On  a  prétendu  que  la  diverfité  des  tons  dans le  
 langage,  teiioit à la  diftin&ion  marquée  des  diffé*  
 rentes  claffes de  citoyens  dans  une  monarchie.  Si  
 cela e f t ,  heureux  l’écrivain dont la  langue  eft  celle  
 d’une  république. 
 La même  raifon  nous  fait  porter  envie  aux  anciens. 
   Peut-être  leurs langues avoierit-elles des tons  
 ‘  âuffi  variés que  la  nôtre.  Mais  la  gêné  à  laquelle