cinquième jour de fes couches, fi elle n’a point le
i'ein gonflé, 8c même plutôt en été. Elle peut changer
de linge en même temps, 8c faire renouveller l’air
de fa chambre. Tout cela étant fait avec précaution,
contribue beaucoup à donner promptement des
forces 8c de l’appétit.
La quantité d’alimens doit être réglée fur le befoin
qu’elle a.de manger. Quoique la femme nourriffe ,
il ne faut pas qu’elle prenne des alimens uniquement
dans la vue de ne pas fe laiffer iépuifer : ce
qu’on mange fans appétit fatigue l’eftomac. Il eft prudent
qu’elle ne faffe point ufage de viande pendant
les fept ou huit premiers jours, 8c qu’elle ne .boive
que de l’eau rougie, qui ne foit ni chauffée ni
rafraîchie.
S’il arrive quelquefois, ce qui eft néanmoins bien
rare, que la mere manque de lait, on lui fera manger
des lentilles, des farineux, 'de la laitue cuite,
des légumes cuits, des fruits bien mûrs , 8c qui
n’aient prefque point d’acide ; elle boira de la bierre,
s’interdira les alimens épicés 8c falés, les liqueurs, &
tout ce qui eft échauffant ; elle fe couchera de bonne
heure & felevera matin ; elle évitera lesappartemens
trop chauds ; elle fera un exercice modéré, 8c fe
tiendra au grand air le plus fouvent qu’elle pourra. 11
faut cependant remarquer que la quantité du lait
n’eft pas le principal objet qu’il faut envifager, c’eft
la qualité ; & ï l arrive fouvent qu’une femme paroît
ne pas avoir du lait dans les feins, & que malgré cela
l’enfant profite à merveille.
Il n’eft point vrai que le fein fe difforme en donnant
à tetter ; ce qui le fane, & qu’il eft prudent
d’éviter, c’eft de mettre des topiques deffus en fe-
vrant, pour détourner le lait. Plus une femme nourrit
long-temps, plus elle a de facilité à fevrer. Elle doit
choifir pour cela l’été : le lait s’évacue plus aifément
alors. Il faut s’y préparer un mois d’avance, en
donnant moins fouvent à tetter, jufqu’à c e que l’enfant
foit à deux fois par jour. Lorfque la femme veut
ceffer tout-à-fait, elle fe garnira le fein, elle fera
beaucoup d’exercice , elle évitera l’humidité, elle
mangera «n peu moins, elle boira de l’eau de chiendent
, elle prendra quelques lavemens, & fe purgera
quelques jours après.
Les femmes font dans l’opinion que les enfans
n’ont pas de chaleur ; & pour qu’ils n’aient pas froid,
on les étouffe dans des vêtemens, on les fait fuer,
on les prive d’air pendant les premières femaines de
leur naiffance, enfuite toutes les fois qu’il fait du
v en t , ou un peu froid, & pendant tout l’hiver ; en
forte qu’ils paffent les trois quarts de l’année renfermés
, étouffés dans leurs hardes & dans leurs lits.
Dès qu’un enfant foigné de cette maniéré prend l’air,
ou qu’on lui ôte la moindre chofe de ce qui le garnit,
il s’enrhume ou il a des coliques ; de-là l’on conclut
qu’il faut le renfermer, 8c le regarnir même lorfqu’il
fait chaud. En effet on y eft obligé, lorfqu’on l’a
accoutumé à ce genre de vie ; on ne s’apperçoit pas
que c’eft la maniéré dont on l’a gouverné qui l’a
rendu frileux. On continue , & l’on empêche par-là
le progrès de fes forces, au point qu’il refte délicat
toute fa vie. Le froid n’enrhume que parce qu’on a
eu chaud auparavant; il eft donc très-avantageux
d’accoutumer par dégrés les enfans à l’a ir , afin de
ne pas être obligé de les tenir renfermés au moindre
froid ; ce qui leur fait un tort confidérable. La chaleur
, lorfqu’elle eft étrangère, affoiblit; les enfans
qu’on renferme marchent tard, & ont de la peine à
faire les dents. Chaque fois qu’on arrange un enfant
bien garni, on lui arrête la tranfpiration, ou du moins
on court rifque de la lui arrêter, 8c par conféquent
de lui faire prendre un rhume.
Lorfqu’un enfant vient au monde il faut le laver :
l’eau fuffit. Le vin qu’on y mêle ordinairement eft
inutile ;un peu de favon délayé dans l’eau eft reconnu
pour ce qu’on peut y mettre de mieux. On peut
dégourdir l’eau dont on fe fert pour cette opération;
mais il faut bien prendre garde de là chauffer.
Lorfqu’on couche l’enfant, il faut fe fervir de
couffins garnis de paille d’avoine bien feche, ne point
mettre de plume fous lui, le laiffer libre dans fes
langes , 8c regarder fouvent fi le cordon du nombril
ne le délie point. Au lieu de la quantité de couvertures
dont on furcharge ordinairement les enfans ,il
faut les mettre à portée de recevoir la chaleur de la
mere. Si une femme accouchoit fans avoir recours
aux pratiques que nos ufages ont introduites ; fon
enfant refteroit auprès d’elle, collé fur elle auffi-tôt
qu’il feroit au jour.
Il faut avoir foin de mettre un nouveau né fur le
côté, afin qu’il rende facilement des phlegmes. Il ne
faut le tenir fur le bras que le moins qu’on peut ;
cette attitude leur fait donner une mauvaife tournure
aux genoux : il eft néceflaire de leur donner beau'coup
de mouvement, & de ne. pas les laiffer long-temps
dans la même fituation quand ils font éveillés.
Lorfqu’un enfant commence à tetter, on ne doit
point lui donner d’autre nourriture : le lait de la mere
fuffit long-temps ; les autres alimens dans les premiers
mois, fur-tout la bouillie , lui donnent des indigefi»
tions , qu’on prend pour des tranchées. Il faut bien
fe garder de leur donner des huilè^ quand on croit
qu’ils ont des tranchées ; elles font lourdes 8c indi-
geftes, 8c augmentent la caufe du mal qu’on veut
détruire : fi l’on croyoit qu’un enfant eut abfolument
befoin de manger, on pourroit lui donner un peu de
bifcuit ou du potage. On ne doit lui donner de la
bouillie que rarement, 8c faite avec de la farine
cuite au four : il feroit encore mieux de faire la
bouillie avec de la mie de pain bien réduite en
poudre.
Lorfque les enfans n’ont point de tranchées, ils
dorment prefque toujours pendant les deux premiers
mois après leur naiffance ; il faut les laiffer jouir de
ce repos, & ne leur rien faire qu’ils ne foient bien
éveillés. Quand on a interrompu leur fommeil plu-
fieurs fois de fuite, ils ont de la peine à le reprendre ;
ils s’agitent, ils crient ; on croit qu’ils ont des tranchées
; on leur donne des drogues qui leur en caufent,
8c on leur nuit beaucoup. Lorfqu’ils ont véritablement
des tranchées , un des meilleurs remedès qu’on
. puiffe employer, c’eft de leur donner beaucoup de
mouvement, 8c de leur faire prendre des yeux d’é-
çreviffe, de l’eau de miel 8c du fyrop de chicorée.
Il ne faut couvrir leur berceau que d’une gaze |
pour les garantir des infeâes, 8c afin que l’air puiffe
toujours agir fur eux. Les mauvaifes odeurs font un
effet prodigieux & funefte fur les petits enfans; il
faut avoir grand foin de renouveller fouvent l’air de
leur chambre, & de n’y laiffer aucune mal-propreté.
Il faut changer les enfans lorîqu’ils font mouillés
avec du linge f e c , mais jamais chaud, 8c les laver
avec de l’eau froide au moins deux fois par jour
dans les plis des cuiffes avec une petite éponge ; par
ce moyen les enfans les plus gras ne fe couperont
point, & n’auront pas des rougeurs ni des cuiffons
qui les font crier. Dans la belle faifon il faut laver
tout le corps des enfans avec de l’eau froide ; cette
pratique leur fortifie les genoux & les reins. Il faut
encore leur laver le derrière des oreilles 8c la tête
entière , en évitant d’appuyer fur la fontanelle , &
la leur broffer fouvent, pour empêcher qu’il ne fe
forme ce que les nourrices appellent le chapeau.
Il eftàfouhaiter que les enfans aient le ventre libre
lorfqu’ils font les dents; ce relâchement les garantit
des convulfions qu’ils auroient s’ils étoient reffejrés.
Ils doivent en tout temps évacuer tous les jours ; s’ils
y manquent, il faut leur faire boire de l’eau de miel,
J
& leur appliquer un petit luppofitoire de favon ; 8c
fi la conftipation dùroit tro p , il faudroit leur faire
prendre un peu de fyrop dé pomme.
Il faut tâcher de leur donner à tetter jnfqu’à ce
qu’ils aient une vingtaine de dents, parce qu’à chaque
fois qu’il leur en pouffe, leur eftomac eft plus foible
qu’à l’ordinaire, 8c ils digèrent difficilement ce qu’ils
mangent alors. C’eft une erreur abfurde de croire que
les enfans qui tettent long-temps, ont l’efprit lourd
& tardif ; le lait de la mere leur convient en tout
temps, 8c ils n’en prennent qu’autant qu’il leur en
faut.
Nous terminerons cette matière en donnant le
précis de l’article de l’avis aux meres qui veulent
nourrir leurs enfans ; par Madame L. R. intitulé :
Des inconvénient qu'on évite en nourriffantfes enfans
foi-même. Si l’on faifoit attention à la quantité prodi-
gieufe de perfonnes des deux fexes qui font d’une
mauvaife fanté, 8c qu’on fentît vivement le malheur
de celles qui font dans cette fâcheufe fituation pour
le refte de leurs jours, on chercheroit les différentes
caufes qui ont pu produire ces mauvais effets, 8c
l’on trouveroit que la plupart de ces perfonnes
infirmes ont été négligées dès leur naiffance. Lorfqu’on
abandonne un enfant à des mains étrangères,
çn devroit réfléchir qu’on l’expofe à être malheureux
pendant toute fa vie , 8c que la difformité empêche
fouvent un garçon de fe placer, 8c une fille de fe
marier.
Lorfqu’on donne un enfant à une nourrice, on
efpere qu’il viendra bien ; parce que dans la quantité
de ceux qui font mis en nourrice, on en voit qui
ont le bonheur d’en revenir en bonne difpofition ;
mais on ne tient pas regiftre dans les villes de tous
ceux qui ont péri en nourrice faute de bons foins. Je
fuppofe qu’il revienne dans les villes la moitié des
enfans qui vont en nourrice ; ceux de cette moirié
qui fe portent le mieux, font ceux qu’on voit le plus;
les malades 8c les eftropiés font renfermés, & ceux
qui font morts dans les campagnes nous échappent.
On dit qu’il en meurt beaucoup dans le travail des
dents ; c’eft parce que la maniéré dont on les a conduits
les a mis hors d’état de foutenir cette opération
de la nature. Beaucoup d’enfans ont été retirés des
mains d’une nourrice négligente, ou dont le lait a
été reconnu mal-faifant, 8c font morts entre les
mains d’une autre, qu’on croyoit bonne, par les
fuites des mauvais foins de la première. Plus un
enfant eft jeune, plus le traitement qu’il reçoit lui
fait de bien ou de mal. Un enfant qui n’a pas été bien
conduit, 8c qui a pris une mauvaife nourriture pendant
les premiers jours de fa naiffance, furmonte
très-difficilement les infirmités qui en réfultent.
Une mere fe tranquillife quelquefois fur le fort
de fon enfant, parce qu’elle ignore le danger qu’il
court ; 8c en difant, il n'eji pas loin, je le verrai fouvent.
Elle vifite fréquemment fon enfant, 8c elle fait
très-bien. Si elle le trouve en bonne main, o’eft un
grand bonheur ; s’il eft médiocrement bien, elle le
laiffe oiiil eft, parce qu’elle doute fi le mauvais état
de fon enfant vient de la nourrice ou de fa délicateffe
naturelle. Si l’enfant eft fort mal, elle le change de
nourrice. Eh! comment fe ra- t-on certain que la
fécondé vaudra mieux que la première, qu’on avoit
crue bonne ? Quand elle feroit meilleure, eft-il sûr
qu’il ne foit pas trop tard de changer de nourrice ; 8c
■ <IueA pendant fix femaines ou deux mois qu’un enfant
a pati, fon tempérament ne foit pas affoibli au point
qu il ne puiffe plus profiter des bons foins 8c du bon
lait d une autre nourrice ?
On croit pouvoir juger des foins d’une nourrice
en allant tous les jours chez elle ; mais faura-t-on ,
pour une heure qu’on y paie à chaque fois, fi l’enfant
tette fouvent,fi la bouillie ne fait pas fa principale
nourriture, fi l’on ne le laiffe pas trop crier, s’il eft
changé chaque fois qu’il eft fale , fi l’on ne lui laiffe
pas perdre fes forces au l i t , au lieu de le mettre au
grand air ; fi le frere de lait ne tette pas ?
, P o , r fi11 une mere fut sûre que la nourrice, même
étant dans fa maifon, fous fes yeux, fait parfaitement
fon devoir, il faudroit qu’elle la gardât à vue jour
« nuit : autant vaudrait qu’elle nourrît elle-même •
efte éviterait par-là le défagrément de voir fon enfant
s attacher à une étrangère, & lui refufer des careffes
qu’elle aurait dû mériter. C’eft en vain qu’on fe flatte
de regagner par la fuite la même force de tendreffe
de la part de fes enfans, que fi on les avoit allaités
foi-même.
Parmi les enfans qui réuffiffent le mieux en nourr
ic e , on en voit très-peu qui foient bien en tous
points. Il y en a qui paroiffent forts & gras ; mais
l’un tend le derrière, l’autre dandine ; celui-ci a les
genoux en dedans, celui-là a les reins foibles; un
autre a une defeente , l ’un louche, fans que cela lui
foit naturel ; l’autre a une brûlure quelque part : c’eft
une chofe rare que de voir un enfant en nourrice qui
n’ait pas quelque difformité ou infirmité accidentelle,
apparente ou cachée. Il y en a plufieurs qui ont le
carreau, un gros ventre, des vers ;■• ils tettent le
pouce prefque tous, ils reftent long-tems fales de
nuit; beaucoup font de la petite efpece, 8c n’en
auroient pas été s’ils euffent été nourris par leur
mere ; & un grand nombre deviennent étiques.
Il y a à préfent une maladie fort commune aux
enfans : elle eft connue fous le nom d’humeurs froides.
J’imagine que, fi l’on ne mettoit pas les enfans
en nourrice, cette infirmité feroit moins commune.
Les dartres font auffi très-repandues. Qui fait fi elles
ne font pas une fuite d’un mauvais lait pris en naif-
fant ? Beaucoup d’enfans enfin ont la vue foible &
ne peuvent pas regarder le grand jou r , parce qu’ils
ont été trop renfermés.
Quand les nourrices de la campagne auroient la
bonne volonté de faire leur devoir , lorfqu’elles
font peu payées, il eft impoffible qu’ elles- paffent
auprès des enfans tout le tems qui feroit néceflaire
en fuivant leur routine. Celles qui ne travaillent
point aux champs font chargées du détail de l’intérieur
de la maifon, qui eft confidérable. Lorfqu’elles
fortent, au lieu d’emporter leur nourriffon avec
elles, ce qui lui feroit beaucoup de bien, elles lui
laiffent perdre fes forces dans le li t , ou elles le livrent
à d’autres enfans. Une nourrice occupée dans
la maifon, 8c entourée d’enfans qui crient, peut-elle
renoncer à tout pour le nourriffon ? D ’ailleurs doit-
on fe flatter qu’une femme qui fevre fon propre
enfant par intérêt, & qui par-là l’expofe à mourir,
aura quelque pitié d’un enfant étranger ?
Si la nourrice a allaité fon enfant affez long-tems,'
fon lait eft vieux, 8c n’étant pas d’une qualité propre
au nouveau-né, celui-ci le digéré mal. Il eft faux
qu’un nouveau-né renouvelle le lait; c’eft une erreur
de croire qu’un vieux lait foit bon pour les nou-
veaux-nés. Il eft d’ailleurs évident qu’une nourrice
accouchée depuis dix mois ou un an, eft plus expo-
fée à devenir groffe qu’une femme nouvellement
accouchée ; 8c on fait que les nourrices ne difent
qu’elles font groffes que le plus tard qu’elles peuvent.
Prefque tous les enfans que l’on met en nourrice
font févrés trop tô t , 8c font fouvent prefque toutes
leurs dents fans tetter. Faut-il s’étonner s’il en périt
beaucoup dans le tems qu’ils font leurs dernieres
dents, quand ils font privés de la feule nourriture
que leur, eftomac, affoibli alors , pourroit digérer ?
Les pauvres gens de la campagne font ordinairement
logés dans le bas d’une maifon ; les pièces qu’ils
habitent font humides, 8c elles font puantes par lçs