île de glace-, fans rifque, fi loin, la faire avance?,
la diriger de quel côté on le juge néceflaire. 7e
'ne dis rien des provifions , je penfe que Pavlaski
le fera pourvu de la chair de renard, loups &
•autres délicateffes ; car pour pêcher il ne le pouvoir
pas fur une glace fi étendue, fi ferme; mais
du moins, le génie devoit les pourvoir de quelques
fecours, pour fé repôfer fur des couches molle
s , & à les garantir du grand froid- Ëtoit-il encore
fur les glaces ou fur terre, lorfqüe les Tfchou-
ktski avancèrent pour lui 'livrer bataille ? Si c’eft
le premier, On ne peut qu’admirer fon courage
& fon habileté, d’avoir pu & voulu abandonner
fon île de glace pour aller à terre, uniquement
dans le but de fe battre,
De-là il avança encore plus loin, trouva deux
rivières , qui fe jettent à une journée l’une de
l’aütre , dans la mer glaciale; rivières aufli inconnues
à fes prédécefleurS' nommés ci-deflùs. Il faut
que cette côte foit d’une étendue immenfe , puif-
qu’après le 7 juin, il ne repofa que huit jours, &
pourtant ne parvint à cette derniere ; & qu’il n’y
eut un fécond combat que le 30 juillet ( i l eft
vrai qu’enfuite parlant du troifieme combat, il eft
dit le 14 juillet; il faut donc que par erreur, on
ait mis 30 -juillet, au lieu de juin^). N’importe, en
calculant fon Voyage jufqu’à -l’arrivée de l’autre
côté du cap prétendu , il faudroit placer cette
extrémité, non à 208 lieues.,, mais à 250 ; vu que
le dégré n’y donne,plus que 5 lieues & demi:
pofons 6 lieues, & que, comme il eft dit, en fe
rendant vers la m er, depuis Anadirskoi, il laiflala
fource de cette riviere , marquée à plus de 12
dégrés à l’eft de Kolyma à fa gauche, & marchant
dire élément au nord , malgré donc l ’éloignement
fuppofé & incroyable de ce cap T abin, du Kolyma
( toujours d’après la carte de M. Muller ) 7*1 n’y
auroit depuis la première riviere inconnue , juf-
qu’au cap, ou fa naiflance, qu’environ 10 dégrés
ou 60 lieues. Je voudrois qu’on pût concilier .cela
avec toutes ces journées & tems qu’il y a employé.
Après le troifieme combat, il pafïa ce cap Tabin,
% mit dix jours pour parvenir à la côte op-
pofée, à caufe des grandes montagnes qu’il avoit
à paffer. Je n’en ferai pas le calcul ; mais ce voyage
augmente toujours cette étendue fi* extraordinaire ;
depuis cet endroit, il fut vingt jours en chemin,
lui & fes baidares de même , jufqu’au Serdzkamen ,
d ’où, e f t - il dit , il reprit le même chemin, pour
retourner à Anadirskoi, qu’il avoit pris pour aller
à la mer Glaciale. L’auteur de la relation montre
par-tout qu’en la compofant, le bon fens l’a voit
entièrement abandonne. 11 alla depuis Anadirskoi
directement au nord, fit un voyage de près d’un
mois vers l’eft ; de-là au fud jufqu’au Serdzkamen,
& revint pourtant par le même chemin qu’il étoit
allé vers le nord. En vérité , pareilles fornettes
épuifent toute crédibilité', crédulité même ; & on
eft en droit de rejetter toute la relation : mais,
enfin, d ira -t-o n , il a été à ce cap dont on nie
l ’exiftence. Je veux fuppofer que, fur un endroit
de la côte , il y ait de grandes montagnes ,'tout
comme au Serdzkamen, & dans prefquetoute la
partie de cette extrémité de l’Afie; mais ij n’eft
pas dit un mot qu’il s’y trouve un cap J i fort avancé
dans la mtr : quand même donc tout ce récit feroit
aufli véritable qu’il eft manifeftement fabuleux ,
cela ne prouveroit rien en faveur du cap ; au contraire
, toutes ces relations s’accorderoient plutôt
'avec celles des anciens , avec leurs cartes ,. &
l ’idée même de M. de l’Ifle , que depuis le Lena ,
la côte s’avance toujours au fud-eft, & non point
ï 8°- Je n’ai rien à remarquer ici fur M. Kirilov^
finon que c’ eft par connoifîance de caufe que le
fénat mit tant de confiance en fon zele & fes lumières
lorfqu’il s’agifloit de fa relation de Spang-
k erg...
■ 19e. On yoit par ce que M. "Wltfen d i t , & la
remarque de M. Buache , que tout ceci ne peut
s’entendre que du Serdzkamen , quoiqu’il foit un
de ceux qui font imbus dé l’idée de ce-cap Tabin ,
& de i ’exiftence tout-à-fait infoutenablë des îles
& bas-fonds à cette latitude ; ce que M. Witfen
dit.des hommes à joues percées, le confirme encore
plus- v
20°. Ce que dit Kæmpfer eft de même ; un ifthme
n’a jamais pu être fuppolé à 73 dégrés ; mais il y en a
un au Serdzkamen , rempli dé montagnes , repré-
fenté par tous les auteurs , comme avançant fi
fort en mer , qu’on rfien connoît pas la fin, &
nommé cap de glace par M. de l ’Ifle , qui en eut
la çonnoiflance fous ce nom , de même que du
Kamtfchat , fans fe douter qu’il exiftât un autre
plus au.nord; que même,on ne le connoîtroit pas
fans les nouvelles décou ve rtes, auxquelles celle
de Béering a mis le fceau ; ce font les montagnes
de Nofle , fi fameufes chez les préc.édens géographes.
Ce ne peut être que ce cap coupé fur la planche
, que Kæmpfer a vu ; quand même on allcgueroit
& admettroit-les montagnes mentionnées dans la relation
plus que fufpecte de Pawluski, toutes les
autres circonftances ne peuvent convenir qu’au
Serdzkamen."
218. Les Xuxi & K o e lik i, habitant'•les pays
jufqu’au Kamtfchatka , la langue de terre ou , cap
dé glace , coupée par des îles , ne fauroient indiquer
que le même ; l’entrée des pêcheurs vers le
nord ne peut convenir qu’à celui - c i , puifque ce
font les paflages entre ce cap & les îles ; on voit
qu’il parle d’Anadirskoi & de fes environs : enfin que
le Naval fe trouve en abondance fur ce banc de
l’Anadyr; cîeft là que ceux de Jakontsk fe rendent,
& que le cap Saint , avec tops lés autres
endroits mentionnés, font voifins l’un de l’autre,
non à 10 dégrés, ou 200 lieues plus au nord.
220. L’officier fuédois parle encore aflez récemment
des Rufles quipaflent le Svoetoi-N.offpour commercer
avec les Kamtfçhadales,. vers les 50 dégrés
de latitude.Ne fera-ce pas encore le Serdzkamen ?
Aflùrant qu’ils feront obligés de pafler entre la
terre ferme & une grande île au nord-eft du
cap Svoetoi-NofT. Où trouver cette grande île vers
ce cap Tabin ? Eft-ce à fon nord-eft ? Perfonne n’o-
fera aflùrer qu’on en ait une ombre d’indice de ce
cô té , au lieu que la grande île , que ce'foit la côte
du continent ou non , eft en grande partie au nord-
eft du Serdzkamen ; c’eft à cette confufion que
la prétendue terre des Eidigani deVoit fon origine ,
parce qu’on l’a placée vis-à-vis le Kolyma ; ce qui
a caufe bien des frais & des peines pour en conf-
tater l’exiftence, qui, enfuite des informations juridiques,
s’eft trouvée fans fondement.
Les Jukagres habitent précifémentles pays dont
cet officier parle , depuis la fource de l’Anadyr,
jüfques vers les bords de la mer du nord à l’oueft
du Kolyma ; fon cap Tabin eft donc le Serdzkamen
, vu que les Tzûtskioccupent ftuls tout le pays,
depuis l’Anadyr vers le prétendu cap.
23 °. Cette relation toute récente a frappé bien
des favans qui ont été furpris de la voir fi concordante
avec mon fyftême de la poflîbilité & facilité
de pafler ce formidable cap Tabin ( que j ’avois
encore laifle fubfifter alors), contrq tout ce que
les autres géographes avoient foutenu ci-devant;
& ce qui me paroît le plus fingulier , c’eft qu’en
fuppofant ce cap , on Je regardent comme un
obftacle infurmontable au paflage par le nord ; mais 1
que Payant pafle , il îi’y en àvoit plus pour fe
rendre àu Kamtfchatka, au lieu que tout raifon-
nement & les expériences générales fondent un fenîiment
-oppofé.^
C e cap Tabin eft, dit-on, à l’extrémité du nord-
eft de l’A fie, ayant la mer du nord à l’oueft &
àu nord ; l’autre mer à l’eft & fud-eft : ce doit être
un finis terra. L’expérience inconteftable prouve
que dans une telle mer , l’agitation des vents , de
quel côté qu’ils viennent, eft fi forte, que jamais
il ne's’y pourroit former des glaces , encore moins
y refter fi peu de tems que ce foit ; tous ceux qui
donnent la defeription des Cotes de .la mer & de
ces glaces ( Voye^ art. F r o id e t G l a c é s dans ce
Supplément ) affurent unanimement qu’un vent ordinaire'du
nord les jettant fur le rivage , qu’un
autre de terre les fait d’abord retourner en mer;
& qu’eft-ce qu’un tel vent en comparaifon de ceux
qui régnent continuellement vers un tel cap de tous
les côtes ? Voilà donc ce cap , quelque grand qu’on
le fuppofe, finiflant en pointe * dit-on , qui ne rtiet-
trôit jamais d’obftaclè au paflage ; il n’en eft pas
de même du Serdzkamen , un promontoire grand,
•large, s’avançant très-loin Vers l’eft dans la mer ,
fon extrémité' fuivie de plufieurs îles grandes &
petites vers le continent peu éloigné : quoi de plus
naturel que les glaces emmenées de toutes les bandés
du nord, qui s’arrêtent à cette prefqu’île , autrefois1
pris pour un ifthme, vers les îles fuivantes
& entre les îles ? Voilà le véritable cap de glaces ,
& qui eft très à craindre : cependant on voit qu’on
peut le franchir avec de bons vaifleaux; & on ne
le craint point.
■ On ne m’objeftera pas qtt’étant plus au fud, les glaces
y font moins à craindre ; nous prouverons à
l’article cité -, que ce n’eft pas le plus ou moins
de proximité du pôle , qui eft la caufe du plus
ou moins de glaces , mais des circonftances qui
n’y font pas précifément relatives.'' Je dois feulement
remarquer fur cette relation , que ceux du
Kolyma ont nommé eçs îles , vers l’Amerique ,
Aleyut ; & que félon le rapport de M. Muller,
d’après les Tchoutski, le peuple de la première île
fe nomme Achjuch- Allât ; celui de la grande contrée
à l’eft Kitfchin-Aliat, ce qui paroît être le même
nom que celui $ Aleyut ; une autre nation d’une de
cet 'les Peckeli : tout ceci eft très-conforme l’un à
l’autre.
Pour ne pas être trop prolixe, nous dirons peu
fur les cartes citées.
• Nous voyons-que ce que les anciens auteurs
marquent du cap Tabin, n’eft fondé, comme nous
l’avons dit, que fur l’envie de donner une place
à celui de Pline, d’après les idées qu’on s’en eft
formées, & non fur des relations ; que tous plaçoient
dans le voifinag'e. du cap l’Indigir , le Kolyma ( celui
ci même quelquefois au fua ou à l’eft ) , l’Ana-
. dyr , le Kamtfchat, comme peu éloignés lès uns des
autres; ce qui fortifieroit l’idée , qu’en omettant
ce cap, on devroit marquer une.même côte depuis
le Lena jufqu’au Serdzekamen ; & que ce n’eft
pas fans raifon, que plufieurs , & encore Gmelin
qui a eu une grande connoiflance de ces pays &
rivières , ont regardé ÜIndigir & ÜAnadyr comme
rivières de la même Vzer ; Ce q u i, fans Cela , feroit
aufli ridicule & plus , que fi on parloit ainfi1 du
Rhône & du Tage.-
Strahlenberg, à la vérité, a laifle fubfifter ce cap
Tabin: niais il met fa naiflance tout près du Kolyma;
& ce cap fait une langue de terre étroite , fort avancée.
dans la mer, dont l’extrémité vis-à-vis l’île
fuppoféé des Eidigani. Les officiers fuédois, en
5726, ont omis l’un & l’autre, comme ne meriétant
également aucune créance. Par contre, eux &
Strahlenberg-ont marqué avec foin un grand promontoire
ou p re fq u ’île comme uii finis terra de ce
côté ; c’eft le cap A n a d i r s k o i , le feul cap réel &
co’nfidérable ; une grande île à fon e ft , nommée des
Luchochouski, qui fera celle découverte vers l’A ra é -
rique : & d’autres petites ( a ) . Ce feul grand cap
finit du côté du f u d , foit fon commencement à 60
dégrés ; le tout depuis le 65 dégré admirablement
conforme à la v é r i t é ; fans doute, parce qu’on l’a
appris d’Atlaflbn ; dans la relation de Strahlenberg,
article Inkagri, il d it.. . , entre le Lena & le S w a toi-
h o f f , ö lt , comme difeht les Rußes, Nolf-Tchalaskoi
& Anadirskoi : voilà donc tout explique ; qu’au-delà
du Lena, il n’y a point d’autre cap que le Serdzekamen,
fous le meme nom qu’ Atlaflbn lui donna,
comme tout près de l’Anadir, point d’autre confi-
dérable entre celui-ci •& le^ Lena .
Si dans la carte d’Isbrand Ides , la riviere Kamtfchatka
eft marquée à 72 dégrés , c’eft toujours par
la fuppofition qu’il y a un cap au 75 dégré ; &C
pourtant on n’en coftnoifioit point d’autre que le
cap voifin de l’Anadir qu’on éloignoit à proportion ;
d’ailleurs les latitudes même & encore plus les longitudes
font encore fi peu sûrement indiquées de
nos'.jours ( comme nous le remarquerons article
L a t iiu d e dans ce Suppl..'),.qu’il ne faut pas être
furpris fi les anciens y faifoient des fautes.fi grof-
, fieres ; ce n’eft point fur quoi je me fonde , mais
fur les polirions Réciproques & relativèS des caps
& nvieres qui pouvoient & dévoient être con-
nues, fans que la latitude le fut. Ortelius , félon
que M. Muller le remarque lui-même , a placé les
dix tribus -d’Ifraël fur la rive de l’O b i, à 82 dé-
/ grés ; fi donc on a pu commettre une faute figrof-
fiere, qui n’empêche pas l’exiftence de J’O b i, Ides
a bien pu placer le Kamtfchat à 72 degrés : il
s^agit des fituations.
Le foupçon de la déclinaifon de la côte & de
la plus grande proximité de l’Indigir & du Kolyma
fe fortifie encore par d’autres réflexions.
M. Gmelin dit : « il y a même des veftiges qu’un
>* homme dans un petit bateau qui n’étoit guere
» plus grand qu’un canot de pêcheur, a doublé
» le cap Schalaginskoi , & a fait le voyage de-
» puis le Kolyma jufqu’en Kamtschatka w. On demandera
fi je fuis aflez crédule pour le croire ?
Non : fi jaecoidois ce qu’il entend par ce cap,, il
faudroit félon cesdiftancesarbitraires; données fur
les cartes faire 5 a 600 lieues ; mais , fi félon mon
fyftême, on fait rentrer le cap Tabin dans fon
néant, diminue l’étendue des côtes , rapproche les
rivietes , fur-tout le Kolyma , fait doubler le Serdzekamen,
comme le feul & véritable cap Schalaginskoi,
alors cela ne fera pas impbflible dans
une des années, o ù , comme M. Muller l’avoue,
il n’y a pas de glaces dans fes environs ; & alors
je dois rendre juftice à M. Gmelin qui, par devoir
, a fait fon poffible pour infinuer Pim poflîbilité
du voyage , l’exiftence du cap Tabin , & la dif-
tance infinie qu’on a trouvé à propos d’établir ;
quoiqù’ en divèrs endroit^de fa relation, il lui foit
échappé des vérités contraires, dont la cour ne
lui aura pas fu gré ; enfin toutes les cartes & les
relations pefées avec impartialité & à la balanee
du bon fens, feront voir qu’il faut refferrer le con-
: tihent de l’ Afie , que l’on a fait trop long & trop
large jufqu’ici. C’eft fur cette idée que j’ai drefle
la carte n°. III ; c’eft aux découvertes ultérieures,
faites avec foin, & aux relations véridiques & non
(À Gette fmiàtion véritable a été fi bien reconnue & adoptée^,
qu’on'l’a aufli vepréfentée telle dans l’Hfloire des Tartans
d Alulgafi Bayadur Ck.vi, de* laquelle nous l’avons tirée &
inférée dans notre carte no III. Supplément »Q