îéduifoient les ConnoiffanCës géographiques que l’on
avoit dans ce tems-là de la partie méridionale de
1 % , & les feuls matériaux avec lefquels on pût
dreffer des cartes. On étoit embarraffé comment
tout concilier, & cê d’autant plus qu’encore de nos
jours les Ruffes nous cachent ce qui, étant à notre
portée, devroit être le plus connu, la côte entre le
Piafida jufqu’à la pointe de ïon cap à l’eft : i°. on
avoue qu’elle a été reconnue par terre le long du
Pialida, 8c ipême les Côtes de la mer à Ton oueft jufqu’à
fon embouchure, font remplies de fimovies ou
habitations d’hiver, par conféquent peuplées ; 8c
celles qui font au-delà de cette petite riviere doivent
être fi inconnues, qu’on a cru devoir les marquer
d’une maniéré indéterminée.
On difoit, le'cap Tabin doit faire un finis terres,
une extrémité de YAfie vers le nord. Il y a une mer
qui baigne toutes ces côtes : on nous afîiire qu’une
autre fépare YAfie d’avec l’Amérique ; il faut donc
que ces deux mers fe joignent, 8c à cet endroit forment
un angle qui fera ce Tabin, 8c une île à fon
oueft qu’on indiquoit comme fe trouvant^ Petit*
bouchure d’une riviere. Cette idée, malgré tant
d’autres découvertes qui dévoient la détruire, a
toujours fubfifté d’une façon ou d’autre, jufqu’à nos
jours. Il y en avoit q u i, fe fondant fur le rapport
des Samoïedes, marquoient la côte depuis le cap
vers le Taimura en déclinant peu-à-peu vers le fud-eft.
D ’autres, voulant concilier l’un avec l’autre, marquoient
cette déclinaifon feulement vers le Lena,
à fon embouchure, ayant appris qu’il s’y trou voit
des îles-: de-là on faifoit remonter cette côte Vers
le nord-eft pour conferver ce cap Tabin. Lorfqu’on
apprit que les Mofcovites 8c autres peuples regar-
doient le Swietoi-noff ou Swoetoi-noff comme le cap
le plus avancé, on donna ce nom ou celui de Promon-
torium facrum au prétendu Tabin ; enfuite on fut que
ce Swietoi-noff étoit fitué à l’eft du Lena ; on le marqua
ainfi, 8c on n’en fut que plus perfuadé que les
îles à l’embouchure de ce fleuve étoient celles de
Tazzata; par contre on perfifta dans l’idée d’un cap
Finis terra, qu’on laifla fubfifter fous les noms de
Tabin (dont je continuerai à me fervir dorique je
voudrai en parler en ce fens 'y, Swietoi-noff, caput
facrum , cap des T%thouhfck{ , des Tchalahk£ , &c.
Ce qui a caufé une confiifion qui a augmenté de
plus en plus ; tâchons de rétablir l’ordre.
20. Strahlemberg indique ce cap Tabin d’une
manière frappante ; aufli les navigateurs du fiecie
paffé, Linfchotten même déjà, 8c fes contemporains,
furent perfuadésquece n’étoit autre chofe que
ce dit angle faillant vers le Taimura ; en effet, c’eft
le cap le plus avancé de toute la côte , fe trouvant
au-delà de 77 dégrés 8c demi ou à 78, ainfi le finis
terra vers le nord ; mais Strahlemberg indique en
même tems l’île de Tazzata, qu’il prouve être la Nouvelle
Zemble , vu que les anciens Scythes & leurs
fucceffeurs ont commencé-avec- les peuples fep-
tentrionaux de l’Europe , par la riviere Taas,
d’Où ils nomment le grand golfe , auquel nous donnons
le nom d'Obi, golfe de Taas, 8c duquel la
Nouvelle-Zemble qui eft vis-à-vis, a été nommée
Taaçata; cela eft fi naturel 8c on en peut douter
d’autant moins, què cette île a toujours été réputée
comme fituée à l’oueft du cap Tabin, vers
l’embouchure d’une riviere. Strahlemberg en conclut
que ceux des géographes qui la marquent plus à
l’eft, ont grand tort ; hue ufpiam Ta^ata infula à
PUnio ponitur.
Après la conquête de la Sibérie, il y eut des
Ruffes qui firent la même réflexion qu’avoient faite
les Anicowiens fur les richeffes que l’on pouvoit
tirer de ces pays orientaux par les pelleteries , en
allant s’en fournir en droiture, foit par la çhaffe,
foit par le commerce ; il y. eut plufîeurs affociations
de ces gens qu’on nommoit 8c nomme encore Pro-i
myfchleni.
30. Ils réfléchirent que le plus grand profit qu’ils
pouvoiént faire, feroit d’aller par mer, terre-à-
terre , trafiquer avec des peuples inconnus, q ui,
ignorant la valeur de. ces pelleteries, les leur cede-
roient à vil prix : ils ne fe trompoient pas; 8t malgré
le grand rifque qu’ils couroient, parce que leurs
bâtimens étoient petits 8c mifé râblés ; qu’ils étoient
aufli ignorans dans l’art de les conftruire qu’en celui
de les gouverner ; que né s’éloignant pas des côtes,
ils rifquoient à tout moînent, de périr dans les
glaces ;• l’amour du gain étoit trop fort pouf qu’ils
ne fuiviffent pas leurs projets ; & la cour s’en trouva
fi bien, que ces gens lui fournirent le moyen de
rendre tributaires tous ces peuples.-
Ils commencèrent leurs courfes à peu-près en
1636; de cette façon allant pas à pas., ils découvrirent
chaque année prefque, une nouvelle riviere,'
un nouveau cap, le Jana, le Chroma, l’Indigir ,
l’Alofeja, le Kolyma 8c d’autres moins confidéra-
blés. Cette réuflîte les engagea à tenter de nouveaux
progrès en 1646.
4°. Ignatien paffa plus loin, & fit lé premier
un voyage à l’eft du Kolyma pendant 48 heures.
11 y trouva des Tfchouktfchi, avec lefquels il fit
quelque commerce,dans une baie à 7 1 dégrés;
ces 48 heures font 7 dégrés & demi. Staduchin
ayant entendu parler d’une riviere Pogitfcha ou
Kowitfcha, à laquelle on pouvoit parvenir avec
un très-bon vent du Kolyma en trois ou quatre
jours , quoique Ignatien ne l’eût pas trouvée après
48 heures ; Staduchin conftruifiten 1648 , un bâtiment
vers l’Indigir, 8c partit du Kolyma, dans l’été
de 1649, pour faire cette découverte; il fit voile
pendant 7 fois 24 heures ; ce qui feroit à cette
latitude, comme ci-deflùs, à raifon de 6 4- lieues par
dégré, 27 dégrés ; il demanda aux habitans des
côtes des nouvelles de cette riviere ; ils ne purent
lui en donner. Bien-tôt après, on apprit que cette
riviere Pogitfcha n’ étoit autre que l’Anadyr. On
apprit des idolâtres de cette contrée, que pour
trouver l’Anadyr , on avoit une route bien plus
courte par terre, aufli-tôt une focieté de Promy-
fchleni demandèrent la permiflion de s’emparer de
cette contrée ; l’ayant obtenue avec unfieur Motpra
pour leur chef, 8c ayant fait un prifonnier parmi
les Chodynsky, pour leur fervir de guide , ils y
réuflirent.
50. La paflion des découvertes , d’augmenter les
revenus de la cou r, 8c les richeffes des entre-
prenneurs fut fi forte , que pendant ce même tems ;
une autre grande fociéte de Promyfchleni fe forma
en 1647, dont les principaux furent, Fedot Ale-
xiew, Defchnew 8c Gerafim Ankudinow, qui
partirent en juin avec quatre kotfches , efpece
débarqués: ils 1 ne purent y réuflir cette année,
parce qu’ils rencontrèrent plus de glaces qu’à l’ordinaire
; loin de fe décourager, ils furent excités
à fuivre leur projet par toutes les relations qu’ils
eurent ; le nombre même des entrepreneurs
augmenta , 8c on équipa fept kotfches , dont
chacune étoit montée d’environ 30 hommes. On
partit le 20 juin 1648.
Les auteurs fe plaignent de ce que la relation
de Defchnew, dont M. Muller trouva l’original
dans les archives de Jakontsk , dife fi peu, ne dife
même rien de ce qui eft arrivé à quatre de ces
kotfches, rien de ce qui arriva à lui & à fa compagnie
qui étoit fur les troisjautres kotfches jufqu’au
grand cap ; rien des glaces , parce que fans doute,
dit M. Muller, il n’y ep avoit point, 8c que, comme
Defchne-'ÿ remarque ailleurs, îâ mer ri’eff pâs
toutes les années également navigable. •
6°. Sa relation commence,par ce cap .1 il dit,
fcecap eft tout-à-fait différent de celui qui fe trouve
près de la riviere Tfchukolfchia à l’oueft du Kolyma,
il eft fitué entre le nord & le nord-eft , Si s’étend en
d em i -cercle vers l’Anadyr. Du côté de l’oueft ou de
la Ruflîe , les Tfchontfchky ont élevé à côté d’un
rùiffeau quantité d’os de baleines, en forme d’ühe
tour ( d’autres difent de dents'de cheVaux marins ).
Vis-à-vis-' de ce cap il y a deux îles, fur lefquelles
on a vu des gens de cette nation qu’on tecortnoit
par les dents des chevaux marins, qu’ils paffent
par leurs leVres. Avec un très-bon vent on peut
paffer depuis Ce cap jufqu’à l’Anadyr en trois fois
24 heures ; le-kotfche d’Ankoudinow fit, naufrage ;
l’équipage fut fauvé 8c diftribué fur les deux autres;
peu après celles-ci furent féparées, 8c ne fe revirent
plus. Defchnew fut jetté loin de l’Anadyr vers,
le fud , 8c‘ fit naufrage * à .ce que l’on fuppofe,
vers la riviere Olotiera. Nous dirons plus bas un
mot de Fedot Alexiew.
7°. Defchnew erra long-tems avec fa troupe
pour retrouver l’Anadyr, fans réuflir plutôt qu’en
été fuivartt 1649 ; il fonda l’Oftrog Anadyrs-koi.
Motôra 8c Defchnew, après des jaloufies qui les
défUnirent, fe réunirent à la fin, conftruifirent des
bâtimens fur l’Anadyr ; Motora ayant péri dans une
rencontre avec les Anaules , Defchnew remarqua
à l’emboiichure de l’Anadyr un grand banc de fable,
qui depuis fon côté feptentrional s’avance beaucoup
dans la mer, 8c qui étoit l’endroit où s’affembloit
line grande quantité de chevaux 8c chiens ou
veaux marins ; efpérant d’en faire un grand profit,
il fit couper du bois, en 165 3 , pour conftruire un
kotfche, 8c s’en fervir pour envoyer le tribut à
Jakontsk par mer; il s’en défifta, tant parce qu’il
n’avoit pas tout qui étoit neceffaire pour cette
conftruftion, 8c parce qu’on l’affurâ que le cap
n’étoit pas toutes’ les années également libre de
glaces. -■ - - ' • ■ . ' : '
- 8°. En 1654, il fit ün nouveau tour vers ledit
banc de fable , pour chercher des dents de ces
amphibies. La même année arriva un certain Seli-
werftow, envoyé par Stadouchin ; il de voit ramaffer
de ces dents pour le compte de l’etat: ceci donna
lieu à des difputes entre lui 8c Defchnew ; le
premier voulut s’approprier la découverte de ce
. banc , difant qu’il y étoit venu par eau avec Stadouchin
en 1649. Defchnew lui prouva par contre
qu’il n’étoit pas feulement venu jufqu’au grand
Cap , entouré de rochers , 8c qui ne lui étoit que
trop connu-, puifque le kotfche d’Ankoudinow y
avoit péri ; que ce n’étoit pas le premier cap à
qui on avoit donné le nom de Swietoi-Nofs ; que
la véritable marque par laquelle on pouvoit recon-
noître ce cap , étoient les deux îles habitées par
ces hommes ornés avec ces dents i de chevaux
marins; que ni Stadonchin, ni Seliwerftow les
avoient vus, mais que lu i, Defchnew, les avoit
découvertes, 8c que le banc à l’embouchure de
l’Anadyr en étoit encore fort éloigné.
90. Defchnew fit en attendant route le long de
la côte , 8c apprit des Koriaques le fort des deux
Ankudinow , de même que de Fedot Alexiew.
En 1650 , on entreprit encore plufieurs voyages,
mais par les empêchemens ci-deffus, quoique ïortant
en juillet, les glaces leur firent tant de mal entre
les embouchures orientales du Lena 8c le’Swietoi-
Nofs, qu’on en fut dégoûté pour long-tems ; ce
ne fut que fous le “régné de Pierre le Grand, qu’on
reprit de nouveau pareilles entreprises. Gn fait
que fon vafte* génie n’avoit que de vaftes idées
8c de grands projets ; que s’appliquant principaiement
à établir uii commerce étendu par la
navigation $ il y travailla 8c commença par établir
la inaVigation de la mer Baltique en fondant Péters^-
bourg ; Archangel fur la mer Blanche exiftoit déjà ;
il .crut avoir réufli; pour la navigation de la mer
Noire par A z o v , 8c celle de la Cafpietine par Aftra-
can , qu’il exécuta : mais des événemens malheureux
les firent tomber ; enfin il crut qu’il ne lui feroit pas
impoflïble de participer au riche commerce des
Indes, du Japon, de la Chine 8c de l’Amérique,
par des étâbliffemens ;confidérables à l’extrémité
de l’Afie , voifine de ces pays. La compagnie
hollandoife des Indes orientales n’ayant pas voulu
entreprendre la découverte du paffage par le Nord,
le, Czar tenta de: découvrir 8c d’affujettir les pays
voifins des objets de fon commerce, encommen-
çànt par. le Kamtschatka dont on avoit quelques
notions obfeures. ,
io°. En 1696 on y envoya "Wolodimir Atlaflbw ,
qui étoit établi Commandant des Cofaques à
Anadyrskin Oftrog, établiffement qu’on avoit con-
fervé depuis qu-il avoit été fait par Defchnevr
comme deffus, 8c qui naturellement devoit avoir
de: vaft.es connOiffancés de tous, les pays Voifins.
Il y envoya 16 Cofaques de Jakontsk-, pour rendre
les Koriaques, fur la riviere Opuka, tributaires ;
Moroskoleur chpf s’en acquitta bien, 8c prit mêrti e
un Oftrogkamtfchadale. Atlaffow profitant de cet
avantage,, conduifit 60 Cofaques 8c autant de
Qukàgtes vers la riviere Kamtlchat 8c dans les
environs: dans fa déclaration‘juridique , il raconte
êntr’autres avant de continuer fon récit fur fon
voyage vers le Kamtfchatka :
1 1°. Qu’entre le Kolyma 8c l’Anadyr il fe trouve
un double cap que quelques-uns nommoient cap
Tfohalatski 8c Anadyrskoi. Il affure de celui-ci,
qu’on ne le peut jamais dépaffer avec des bâti*
mens ordinaires , parce que du côté de l’oueft
ou du nord, il y a toujours des glaces flottantes
(ftables 8c fermes en h iv e r ) , & que l’àiitre côté
de la mer du cap Anadyrskoi eft toujours libre
dé glace. Que lui-même n’avoit pas été perfon-
nellement à la hauteur .de ces caps, mais qu’il
apprit des Tzchouktfchi , 'qui habitoient vers l’embouchure
de l’Anadyr , que vis-àrvis.de ce cap,’
il y avoit une. grande île habitée par des gens
qui venoient chez .eux pardeffus la glace en hiver,
8c leur apportoient de mauvaifeszibelines.
Pour abréger, je ne dirai rien du relie de fa
relation. M. Muller me paroît trop févere là deffus :
il avoue-qu’elle eft réellement d’Atlaffo-w , mais
dit qu’elle ne s’accorde ni avec ia requêle de celui-
ci de 1700 , ni avec fa déposition juridique de
170 1; pour faire valoir fon doute, il auroit dû
communiquer ces pièces, comme tant' d’autres
intéreffantes, dont il a enrichi fon recueil ; il ne
l’a pas fait ; 8c puifque le C z a r , fi bon connoif*
feur des hommes, en a été fi. content, -qu’il la
fait colonel, des Cofaques à Jakontsk, ceci fait
bien plus d’impreflion fur moi.
12°. On envoya foüvent des partis contre les
Tfchouktski, fans pouvoir les fubjuguer. Popow
voulut obliger, en ■ 1.711 , ceux qui demeurent de
l’autre côté de la baie 8c du cap ou noff, à payer le
tribut, ce qu’ils refuferent. I l ,tira pourtant d’eux
des connoiffances fur la fituation des pays voifins;
entr’autres, que vis-à-vis , foit du Kolyma , foit de
l’Anadyr, on Voit une île , que -les Tçhouktski nomment
la orande terre , dont les habitans fe percent
les joues 8c y paffent de grandes dents ; n’ayant
pas la même langue que les Tfchouktski, cjui font
en guerre avec eux depuis un tems immémorial.
Popow en vit dix , qui étoient prifonniers chez les
Tfchouktski ; 8c il remarqua que .ces dents étoient