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& à la priere ; plus jaloux d’être refpefté que de
plaire , il avoit cette auftérité de moeurs, ces caprices
de dévotion qui en impofent toujours au vulgaire
qui croit que celui qui eft fans attachement fur
la terre, a les affeôions dans le ciel; auffi avoit-il
coutume de dire que celui qui prétendoit aimer le
monde & fon auteur, prononçoit un menfonge. 11
étoit ennemi déclaré de cette théologie contentieufe
qui fait tout obfcurcir fous prétexte de tout difcuter.
Le vertige de la difpute avoit alors faifi tous les Mu-
fulmans ; & après avoir défendu leur religion par le
fe r , ces hommes greffiers employèrent la fcholafti-
que pour défendre l’Iflamifme.. Ce fut de fon tems
qu’on agita fi l’alcoran étoit créé ou increé ; ces disputes
firent des viftimes & des perfécuteurs. Shafd
méprifa ces queftions futiles ; & plaignant les fureurs
religieufes des deux partis, il compofa un ouvrage
fur les fondemens de l’Iflamifme, oii tout le droit
civil & canonique des MufulmanS eft expliqué. Sa
doôrine parut fi pure & fi lumineufe, que Saladin
fonda un college pour l’enfeigner publiquement.
Gayathoddin, troifieme fultan de la dynaftie des
Gaurides, fit bâtir à.Hera dans le Khorafan,une
magnifique mofquée, dont une partie des revenus
futaffeûée à l’entretien des profeffeurs d’un college
où l’on enfeignoit la jurifprudence de ce do&eur
Sonnite ; fes feâateurs nommés Shafeites, étoient
autrefois répandus dans tout l’orient, mais ils^ font
aujourd’hui bornés à l’Arabie. Leur hiftoire eft écrite
dans un livre intitulé Thabakath. (T— N.')
Abdalla Almamon , 27e calife de Bagdad, (Hiß.
des califes. ) fut proclamé le même jour que fon frere
fut aflaffiné. Son premier foin fut de confier l’admi-
niftration à des hommes intégrés & éclairés, qui
confpiraffent avec lui à faire le bonheur de fon peuple.
L ’empire étoit alors agité de guerres civiles, deux
defeendans d’Ali s’étoient fait fucceffivement proclamer
califes dans Gufa ; mais cette rébellion fut
bientôt réprimée. Les théologiens Mufulmans fufei-
terent des troubles plus difficiles à appaifer : il s’agif-
foit de décider fi l’alcoran étoit créé ou incrée. Un
de ces dofteurs débita devant lui des argumèns fub-
tils , pour lui prouver que chaque article venant de
Dieu devoit être éternel comme lui ; le calife qui
favoit mieux faire ufage de fon cimeterre que des
armes de la fcholaftique, finit la difpute en coupant
d’un feul coup la tête du feientifique do rieur. Ab-
dalla Almamon penchoit en fecret pour la ferie d’A li,
& ne pouvant plus contenir fon zèle, il défigna pour
fon fucceffeurun defeendant du gendre du prophète.
C ’étoit facrifier à fa religion les intérêts de fa famille,
qui depuis long-tems poffédoit le califat. Les Abbaffides
, pour prévenir leur dégradation, réfolurent
de le dépofer & de mettre à fa place Ibrahim fon
oncle, qui auffUtôt fut proclamé calife dans Bagdad.
Almamon reconnut alors l’indiferétion de fon zèle ;
& pour regagner l’afferiion des peuples., il fit affaf-
finer dans le bain fon v ifir, qui lui avoit confeillé de
fe ranger parmi les difciples d’Ali; & marchant en-
fuite vers Bagdad, il apprit fur fa route qu’Ibrahim
avoit été dépofé.: il y fit fon entrée avec tout l’appareil
de la vengeance, & après avoir infpiré la
crainte, il eut la modération de pardonner. Mais les
habitans furent feandalifés de voir fes troupes habillées
de v e rd , qui étoit la livrée des Alides ; & ce
fut pour faire ceffer les murmures, que huit jours
après il les fit habiller de noir , qui étoit la couleur
dès Abbaffides. Quand tous les1 troubles domeftiques
furent appaifés, il tourna fes armes contre les Grecs
qui avoient fait périr feize cents habitans de Tarfe &
de Mafyfia, en Çilicie ; les terres de l’empire furent
ravagées ; il parcourut enfuite fes provinces agitées
par l’ambition des gouverneurs qui s’érigeoient en
fpuverains. Aydus, qui étoit le plus redoutable, fut
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vaincu &puni. Les Bimaïdës, tribu puiffante d’Egypte,
qui ne vouloit point reconnoître de maîtres, furent
taillés en pièces ou réduits en efclavaige; & rentrant
enfuite fur les terres de l’empereur G re c , il
s’empara de quatorze villes. Il eût pouffé plus loin
fes conquêtes, fi la mort ne l’eut arrêté dans le cours
de fes triomphes. Ses traits nous ont été tranfmis
par les hiftoriens fes contemporains. Sa phyfionomie
étoit agréable, & fa taille régulière & majeftueufe
ahnonçoit un maître du monde. 11 mourut dans la
quarante-neuvieme année de fon âge, après un régné
de vingt ans cinq mois & treize jours. Ce prince fut
l’ornement de la famille des Abbaffides, fi féconde
en grands hommes ; proterieur des talens, il ap-
pella dans fa cour les favans de toutes les contrées.
C ’étoit par le glaive que fes prédéceifeurs avoient
établi riflamifme ; il prit une autre route : ennemi de
la théologie fcholaftique, il dédaigna & punit ces
dorieurs turbulens qui obfcurciffent les vérités les
plus fimples par des raifonnemens pointilleux., La
tolérance de tous les cultes affura la tranquillité de
l’empire ; humain & indulgent, il avoit coutume
de dire que fi la trempe de fon coeur étoit bien connue
, les plus grands criminels l’aborderoient fans
craindre d’être punis. Les dorieurs rigides le blâmèrent
d’avoir introduit la philofophie & les autres
fciences fpéculatives ; ce fut fous fon régné que
l’aftronomie commença à être cultivée chez les Mu*
fulmans, qui auparavant n’avoientque des aftrolo-
gues imbéciles ou fripons. (T —N.')
Abd a l la , fils de Zobeir & d ’Afma, fut un guerrier
dévot & féroce, comme tous: -les premiers Mufulmans
: il étoit de la tribu des Ashémites , comme
le premier calife Ali ; & ce titre devoit l’intéreffer à
la caufe de cette famille, dont deux enfans fauvés du
carnage avoient.des droits au eaiifot, que leur enfance
les empêchoit de faire valoir. L’Arabie & la
Syrie fe difputoient, les armes à la main, le privilège
de nommer le calife. Jefid delà famille des Ommia-
des, occupoit alors cette dignité- fans partage ; les
Alides , retirés dans Médine, avoient de nombreux-
partifans qui n'attendoient qu’un tems favorable
pour éclater. Abdalla fe mit à leur tête, & couvrant
fon ambition du voile de l’Iflamifme, il infpire à fa
troupe ce zèle fanatique qui prépare les grandes ré-;
volutions. Il fe tranfporte dans la mofquée, où, fe
dépouillant de fon turban, il dit au peuple affemblé,
je dépofe Jefid du califat, comme f ôte ce turban de dejfus
\ ma tête. Les autres fecouen't leurs fandales & difent,
nous dèpofons Jefid du califat, comme nous otons ces
fandales de nos pieds. La terre fut dans l’inftant couverte
de turbans & de fandales, & tout le peuple eft
entraîné par l’exemple. Abdalla profite de ce premier
mouvement, & faifant de cette multitude une armée
, il la conduit à la M ecque, où il fut reçu comme
le vengeur de la famille du prophète : dès qu’il fut
affuréde ces deux villes, il parcourut l’Arabie pour
la ranger fous fa domination ; fon éloignement de
Médine qui avoit donné l’exemple de la révolution,
expofa cette v ille au reffentimentdes.Ommiades. Le
fiege fut long &c meurtrier ; les affiëgeans & les
affiegés, dans leurs attaques, faifoient éclater cette
intrépidité qu’infpire le zèle religieux, & l’efpoir
d’obtenir la palme du martyre. Medine, fans efpoir ,
d’être fecourue, s’abandonna à la diferétion du vain- -'
queur barbare, qui porta par-tout le fer & la flamme.
La famille d’Ali tut la feule refperiée ; J efid, quoique
ufurpateur de fes droits, fut toujours affez généreux
ouaffez politique, pour ne pas fouiller fes mains
d’un fang précieux aux zélés Mufulmans. Il craignoit
qu’en les rendant trop malheureux, il ne les rendît
trop r.efperiablés ; & en effet, la perfécution reli-
gieufe ne fait qu’enfanter de nouveaux rébelles.
- L’armée Syrienne, après la conquête de Médine
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marchâ vers la Mecque, pour lui faire fubif la même
deftinée. Le général apprit dans fa marche que la mort
avoit enlevé fon maître Jefid ; les Mufulmans les plus
fuperftitieux crurent que le bras de l’éternel s’étoit
appefanti fur lui, pour le punir du deffein impie de
profaner la ville du prophète. Le général & ceux qui
lui étoient fubordonnés, furent frappés de la même
terreur, & ce futla fuperftition qui fauva Iâ Mecque.
Moavia II, recueillit avec remords l’héritage de fon
p e re , & à peine fut-il monté fur le trône, qu’il crut
devoir en defeendre. V oici le difeours qu’il adreffa au
peuple le jour de fon abdication : Mon aïeul Moavie /,
ufurpa le feeptre de Syrie fur la poflérité du prophète,
dont le gendre étoit beaucoup plus noble, plus parfait &
plus vertueux que Moavie, qui ne fut qu'un ufurpateur.
Mon pere Jefid trempa fes mains dans le fang d’Ofein,
petif-fils du prophète, qu'il eut du refpecter comme fon
maure} je me croirais criminel, f i je regardois comme un
légitime héritage une puiffance ufurpée,qui ne s'efl affermie
qu'en verfant le fang le plus facré. Je me condamne
■ a pleurer dans le Jilertce la faute de mes peres, & je vais
■ demander au prophète qü'il pardonne les crimes de ma
maifon. •
Abdalla ne fut pas profiter de cette abdication
pour abolir le califat de Syrie. Les Arabes.& les S yriens
,, long-tems rivaux & ennemis, fentoient également
l’importance de réunir fous un même chef
toutes les forces de l’empire. Tous les yeux fe fixèrent
fur Abdalla-, & il fut le feul qui oppofa des
obftacles à fon élévation; au lieu de défarmer les
haines, il les aigrit par des vengeances imprudentes :
ébloui par une aurore de fortune, il s’abandonna à
toute la férocité de fon earariere. Tous les Ommia-
des qui réfidojent à la Mecque furent égorgés avec
leurs partifans. Les Syriens inftruits de fes cruautés,
refuferent d’obéir à un maître auffi barbare. Mer van *
qui d’abord avoit voulu l’élever au trône, y fut placé
lui-même par le^ fuffrâge unanime de la nation. Le
califat fut partagé, & les haines nationales produifi-
rent dè\ nouveaux ravages. Abdalla refferré dans
l’Arabie, laiffoit languir dans l’obfcuritê. les enfans
d’Ali, quoique ce fût du titre d’être leur parent qu’il
empruntât le droit de commander. Il étoit trop ambitieux
pour defeendre du trône , & l’habitude du
commandement ne laiffe appercevoir que des amer-
tûmes & des humiliations dans la vie privée. L e droit
des Alides au califat, lui caufoit de vives inquiétudes.
Il exigea de Mahomet qui étoit l’aîné, un ferment
de fidélité ; mais ce jeune prince,fier de janobleffe de
fon origine, lui répondit que le fang dont il fortoit
ne connoiffoit point de maître : les menaces ni les
promëffes ne purent vaincre fa réfiftance. L’ufurpa-
Xeur indigné de ce refus , comprit ce qu’il devoit en
attendre ; tous les Alides furent tramés en prifon par
fes ordres, & il ne leur laiffa que l’alternative de.
mourir ou de fouferire à leur dégradation. Il leur accorda
un tems limité pour fe réfoudre ; leurs parti- i
fans, alarmés fur leur fort, s’affemblent tumultaire-
ment & fe rangent fous les ordres de Moftar, qui
force Abdalla à relâcher ces illuftres prifonniers, le
jour même qu’on devoit prononcer l’arrêt de leur
mort. Cette faftion affez puiffante pour leur confer-
ver la vie fut trop foible pour les placer fur le trône
de leurs peres. L’Arabie étoit alors dévaftée par les
Syriens, qui s’en regardoient comme les dominateurs
; on avôit befoin d’un chef qui pût la garantir
du joug étranger : il eût été imprudent d’allumer une
guerre civile , quand les Syriens menaçoient les
villes. Les haines furent fufpendues, les faÛions fe
réunirent fous les ordres d'Abdalla qui, étant déjà
revêtu du pouvoir paroiffoit le feul capable de pré-
fider aux deftinées publiques. Il ne confirma pas l’idée
quon s’étoit formée de fa capacité : cet ufurpateur
P laJ 01t répandre que le fang de fes ennemis
Jomc I.
s x u
defarmes ; intrépide foldat & général fans talent, il
ne put fauver ni la Mecque, ni Médine, ni l’Irax, qui
turent la conquête des Syriens ; & après avoir été le
nonteux témoin de leurs victoires, il perdit la vie
dans une bataille , l’an 73 de l’hégire & la foixante &
douzième année dé fon âge. ( T -N )
§ A B D E L A R I ,A B D E L A V I . f . m. (Hi/l. nat.
f “" “ "/;) nom égyptien d’une efpece de melon, qui
dittere des autres efpeces en ce que la planté en eft
beaucoup plus velue, plus tendre ; les feuilles plus
rondes , moins découpées ou moins liilueufes ; les
tnms.de moyenne grandeur, plus alongés, plus
pointus, verds à l’extérieur, couverts d’un duvet
allez épais, fans aucune broderie, à chair blanc-jau-
natre intérieurement, ordinairement creüfe au centre
, & d’une faveur fucrée, mais fade, & inférieure
a celle des melons ordinaires que l’on appelle melons
maraifehés, à Paris. Hoyer Melon. CM. A d an so n ’I
, ABDELATIF, ( Hifl. des Tartares.') grand Kam
des Tartares, mort en 1435, fut le dernier de la race
de Gengis-kham.
ABDEMELECH, ( Hifl. Sainte. ) Ëthio pien de
nailiance, eunuque ou ferviteur du roi Sedécias,
lâchant que Jerémie languiffoit dans une prifon où
les principaux de Jérufalem l’avoient fait m ettre, obtint
de fonmaitre lapermiffion d’aller l’en tirer. Cette
aftion génereufe ne refta pas fans récompenfe, comme
le lui avoit prédit le prophète (Jérérn. x x x ix . /5.16.)
Nabuzaraan, ayant pris & pillé la ville, Abdemelech
oc Jérémie furent épargnes. An du monde 3416 ,
avant J. C. 584, & avant l’ére vulgaire 588.
ABDENAGO ou Azarias , (Hifl. Sainte.) proche
parent du roi Sédécias, fut un des trois jeunes Hébreux,
compagnons de Daniel, qui furent jettés dans
une fournaife ardente, pendant la captivité des Juifs
à Babylone, pour n’avoir pas voulu fe profterner
devant la ftatue que Nabuchodonofor avoit fait éri-
g er, & qu’il youloit qu’on adorât. Dieu les délivra
miraculeufement, en envoyant fon ange qui réprima
l’ardeur des flammes, afin qu’ils n’en fuffent point
endommagés. , • ' r
ABDERAME I , (Hifl. des califes. ) fufnommé
Abdel, c’eft-à-dire , le Jufte -, mérita fans doute ce
glorieux furnom par des aérions que l’hiftoire ne
nous a pas tranfmifes : car elle ne nous le peint que
comme un conquérant qui dévafte tous les pays qu’il
foumet à fa puiffance. Il étoit petit-fils du calife Hef-
cbam de la race des Ommiades ; après la ruine de fa
famille en A fie , les Sarrafins révoltés contre leur
toi Jofeph, l’appellerent d’Afrique en Efpagne, vers
7 5 4; défit plufieurs fois ce prince, & lui ayant
Qté la vie dans le dernier combat qu’il lui liv ra, il
prit le titre de roi de Cordoue , & celui de calife en
761. Il çonquit-ou plutôt il ravagea la Caftille, l’Ara-
gon, la Navarre , le Portugal. Aiu-élius, l’un des rois
d’Efpagne, acheta de lui la paix, en lui payant un
tribut annuel de cent jeunes filles. Abderame bâtit la.
grande mofquée de Cordoue ; mais nous ne voyons-
rien dans tout cela qui mérite, le furnom de Jufle. II
mourut en 790, laiffant onze fils & neuffilles ; Ofman
fon fils lui fiiccéda. Il y a eu trois autres Abderame,
rois de Cord ou e, qui méritent à peine d’être^
nommés*
Abderame du Abdalrahman, ( Hifl. des Sar-i
rafins. ) général de Hefcham, calife des Sarrafins au
huitième fiecle, conquit l’Efpagne, pénétra en Fran ce
avec une puiffante armée, prit Bordeaux, dont il
pilla & incendia les églifes, vainquit Eudes, duc
d’Aquitaine, traverfale Poitou en conquérant dé-
vaftateur, & s’avança jufqu’à Tours. Charles Martel
fécondé d’Eudes, que fa défaite enflammoit d’une
nouvelle ardeur contre Abderame, arrêta fes conquêtes,
& lui #ôta la vie dans une bataille fameufe
donnée près de Poitiers en 73.2.
Ç i j