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de nos auteurs économiques, les encouragemens
d’un miniftere éclairé, les nouvelles découvertes
qu’on a faites en phyfique & dans l’hiftoire naturelle
, dés circonftances heureufes qu’il feroit
long peut-être dangereux de développer, pa-
roilfent enfin avoir décidé notre nation du coté de
Y Agriculture. Les préjugés contre un art fx noble
& fi a v ili,. font enfin diffipés , grâce à la philofo-
phie dont ‘la voix a appris aux hommes qu’ils, font
égaux dans l’ordre de la nature,, .& quela difpro-
portion.conventionnelle que la différence, des rangs
met entr’e u x , ne fauroit détruire cette égalité ; les
grands s’étant accoutumés à regarder comme pouvant
être d’une efpece femblable à la leu r , ceux
qui fontnécefîaires à leursplaifirs, leur raifon a fait
un pas, & ils en font venus à regarder de même
ceux qui font néceffaires à leur foiitien. Toutes les )
caufes d’en^ourdiffement font enfin difîlpées fous un
monarque qui veut mériter: le titre de Bienfaifant,
en s’occupant fans celle de notre bonheur, & qui
fait que la gloire d’un fouverain eft d’avoir des fujets
heureux. : :
Depuis long-tems le fagefle attentive de Louis
X V . avoit déjà empêché la defiruftion des be-.
fiiaux ; un arrêt du confeil du 4 avril 1 7 10 ,.défend
de vendre., d’acheter ou de tuer aucune vache
encore en état.de porter des veaux; un autre arrêt
du 14 mars 1745 , confirmatif du premier , porte
trois cens livres d’amende contre les bouchers
qui tueront des vaches aü-deffous de dix ans : les
réglemens fur les haras, ont alluré la confervation
des chevaux. Les établiffemens des écoles vétérinaires
à Lyon & à Alfort ; les ouvrages lumineux
qui font fortis de ces écoles , un excellent traité
des bêtes à laine, imprimé par les ordres du miniftere
& parles foins de M. Parent, &c. affurent
à jamais au royaume l’état permanent d’une, florif-
fante Agriculture , puifque les animaux en font la
bafe & le foutien.
Hiéron enfeigna lui-même à fes fujets l’art de
cultiver la terre ; aufli fut-il le plus grand roi de fon
tems, & il furpaffa , par fa magnificence , les plus
puiffans monarques. Louis le Bien-aime n’a pas dédaigné
d’entrer dans les mêmes détails d'Agriculture ;
des expériences faites à Trianon , fous fes yeux &
par fes ordres, nous ont appris les caufes des maladies
contagieufes qui détruifoient les efpérances de
nos moiflons, & le s moyens d’y remédier ; une charrue
faite' par fon ordre & confervée au château de
Trianon ; une charrue , dis-je , foutenue par des
mains royales, ,eft un événement qui annoblit pour
toujours un infiniment fi vil autrefois, & un art fi
injuftement méprifé. Nous avons vu célébrer de nos,
jours une fête pareille à celles qui font fi fameufes
à la Chine , où l’empereur trace chaque année un
fillon à la vue de tout fon peuple, afin de rendre
refpeclable, par fon exemple, un art qui eft le
foutien de fon empire. L’exemple a paru infuffifant à
l’amour de notre monarque pour fes fujets , il a
voulu leur procurer des fecours plus réels : un arrêt
du confeil du 16 août 176 1 , pour encourager les
défrichemens, fuivi de plufieurs loix fur le même
objet, ont occafionné une efpece de révolution. Le
fieur Defpommiers , connu par fon excellent ouvrage
fur le fainfoin, dont la préface m’a fourni une
partie de cet a rticle, ainfi que celle de l’agronomie,
a.été employé par le gouvernement pour l’amélioration
de l'Agriculture. Cet auteur ayant imaginé
une charrue à grandes roues, propre pour les défrichemens
, a été envoyé en Guienne, en Berry ,
en Poitou, en Touraine, en Bretagne, &c, pour
èn faire l’eflai fur les landes qui occupent une grande
partie de ces pays : les landes font des terres incultes
remplies d’ajons & de bruyères, plantes fortes dont
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les racines tranchantes & vivaces réfiftent aux moyens
de défrichement ordinaires. On peut v o ir , dans la
fécondé édition de fon ouvrage imprimé à ParisV
chez Quillyn, en 1 7 7 1 , fes expériences & fes fuccès
dans ces diverfes provinces..
De nouvelles loix ont encore excité par-tout lé
zele de la culture 6c des défrichemens, en permettant
l’exportation des grains. Plufieurs arrêts du
confeil , pour l’exportation de province en province
, a levé les obftacles qui gên’oiënt la circulation.
intérieure , & qui opéroienf faviliflement des
grains dans les lieux d’où ils ne pouvoient iortir. On
avoit aufli permis l’exportation à l’étranger, dans les
mêmes vues d’animer le cultivateur par le puiflant
motif de l’intérêt ; mais on n’avoit pas prévu que
ce même intérêt nous ayeugleroit au point de nous
priver de notrepropre fubftànce pour la convertir en
or & qu’il expoferoit le peuple à mourir de faim ;
d’autres loix ont cru prévenir les funeftes' effets de la
cupidité , en défendant de vendre les bleds ailleurs
que dans les marchés publics & fur les ports. Des
loix plus récentes ont levé cette dëfenfe, & la liberté
de la vente n’a plus d’entraves. Peut-être on feroit
jouir le royaume dé tous les avantages puiffans de
l’exportation à l’étranger , fans çompfomëttrè la vie
du pauvre ôc de l’arûfan , en établiflant par-tout des
greniers d'abondance. Ce. moyen fi fimple qui nous
affureroit le néceflàire, nous permettroit de difpofer
du fuperflu en faveur de l’etranger. Le récit de tout
ce qui eft arrivé au fujet de l’exportation, fait une
partie confidérable de l’hiftoire de XAgriculture, mais
il feroit trop long pour l’inférer ici. ( Voye^ le mot
Exportation dans ce Suppl. )
Si l’exportation des grains à l’étranger eft fi u tile,
lbrfqu’ellè fera exa&ement reftrainte au fuperflu ,
& que l’on aura trouvé dés moyens fûrs pour empêcher
je monopole , l’exportation des farines féroit
encore bien plus avantageufe, en ce qu’elle laifferoit
dans le royaume les profits de la main-d’oeuvre, les
iffues des grains pour la nourriture des beftiaux ; d’un
autre côté les. grains ne pouvant fe moudre à profit
que lorfqu’ils ont fué & qu’ils font, fées,.' l’exportation
des farines ne fe feroit jamais que vers le
tems de la récolte fuivante : par ce moyen fi fimple
on auroit toujours une année d’avance, & le peuple
n’auroit plus de crainte d’être affamé par l’exportation;
le même moyen épargneroit aüflila dépenfe
des greniers publics qui feule peut tranquillifer dans
le cas de la libre exportation des grains. D’ailleurs
l’exportation des farines eft bien plus ffire, moins
embarraflante ,- moins coûteufe & moins rifquante
que celle des grains , fur-tout lorfqu’elles font bien
purgées du fon qui les fait fermenter, & qu’elles ont
été préparées fuivant les nouveaux procédés de la
Mouture économique.,
Les pertes confidérables que l’on fait dans les
provinces fur la mouture des grains, félon les méthodes
ordinaires, ont engagé un miniftere attentif
à tout ce qui peut intéreffer l’humanité, à éclairer
cette partie intéreflante de l’économie fur l’emploi
des grains. Par tout le royaume on croyoit moudre
fuffifamment. les grains, en les faifant paffer une
feule fois fous des meules grofliérement piquées ,
qui le plus fouvent ne font que partager les grains*
& qui font peu propres à repaffer les.gruaux, ou ces
petites parties des grains concafles qu’on nomme
ailleurs, recoupes ou J ’on dur. Il eft aifé de voir combien
une mouture aufli groflîere doit occafionner de
perte fur la denrée la plus néceflàire. On voit dans
les efiais du commiflaire Lamare, Traité de la Police,
qu’un fetier de bled pefant 240 livres , rendoit autrefois
à peine la moitié de fon poids en pain, qui
fouvent ctoit de mauvaife qualité. Les Romains
avoient une mouture bien plus économique, parte
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qu’ils faifoient remoudre à plufieurs reprifes les
divers produits du grain , pour en tirer diverfes
fortes de farines ; favoir, la fieuty Jîmildgo; la farine
de bled, farina tritici; la farine de gruau , pollen ;
celle de fécond gruau,fecundaniparus; de troifieme
gruau, cibarii punis. Sur une mine de bled pefant
108 à 114 livres, ils n’avoient que trois livres de
fon de rebut, & le froment leur rendoit en pain un
tiers plus que fon poids ( Voyez l’excellent Effai fur
les Monnaies, par M. Dupré de Saint-Maur). L’art
de la mouture étoit donc dégénéré, comme celui de
X Agriculture, pendant les fiecles de barbarie, où toute
l’Europe a été enveloppée dans les ténèbres dé
l’ignorance. Ce ne fut qu’en 1760,que le fieurMaliflet,
célébré boulanger, dont M. Malouin a employé les
mémoires dans Y Art de la Boulangerie & de La Meunerie
, propofa ufte nouvelle maniéré de moudre les
grains, qui devoit épargner une quantité confidérable
fur la •confommation, & donner du pain bien
fupérieur en qualité. Cette méthode confifte à adapter
une double blutene au moulage , dont la fupé-
rieure fépare la fleur, & l’inférieure les gruaux, que
l’on fait remoudre à plufieurs reprifes , ce qui exige
dans les meules une piquûre en rayons, & beaucoup,
plus fine que celle des meules ordinaires. Depuis,
on a encore perfeftionné cette méthode.
M. Bertin, miniftre, ayant été informé de tous
les avantages de la mouture économique , prit des
mefnres pour la faire répandre dans les provinces.
Onfenvoya un meunier intelligent à -Lyon , à Bordeaux
, en Périgord, en Bourgogne , en Normandie
& en Champagne , afin d’y établir la mouture économique
, après avoir conftaté futilité par des procès
verbaux de comparaison entre les deux moutures
, dreffés en préfence des magiftrats.
Ce n’étoit point affez pour le zèle du Miniftre, d’avoir
fait ces établiffemens utiles: il falloir répandre
ces connoiffances pour les rendre d’une utilité plus
générale, & les faire adopter par-tout, contre les
oppofitions du préjugé, de l’ignorance, ou de l’intérêt
mal entendu. M. Bertin, inftruit que j’avois
envoyé en 1768 à l’académie de Lyon , des: mémoires
fur la conftruflion des moulins & fur la mouture
économique , me fit la grâce de jetter les yeux fur
moi pour rédiger les mémoires que le gouvernement
vouloit faire publier fur la mouture économique.
Je me rendis à Paris dans cette vue , & je trouvai
les plus riches matériaux dans les meilleures mains.
Secondé par un citoyen aufli inftruit que zélé , &
que fon attachement à M. Bertin , fon défintérefiè-
ment & fa modeftie, fi conformes aux fentimens de
ce Miniftre, feront fuffifamment connoître, nous
nous avons rédigé de concert le Traité de la Mouture
par économie, contenant tout ce qui concerne la meilleure
conftruftion des différentes fortes de moulins&
de toutes, les pièces qui les compofent, l’hiftoire de
l ’art de la meunerie,l’état a&uel des mouturesdansles
provinces, tout le détail des procédés de laroouture
économique, fes avantages, ceux du commerce des
farines, &c. Ce volume, accompagné de planches &
dé figurés exactement deffinées & enluminées, fera
précédé d’un autre volume fur la connoiflance des-
grains’, leurs différentes efpeces, leurs maladies, les
infeétes qui les dévorent, les moyens d’y remédier,
fâchât des grains, leur confervation dans les greniers
publics. & particuliers, l’hiftoire des greniers
d’abondance chez tous les peuples, ceux delà Chine,
enfin un tableau des récoltes & du Commerce des
grains en France & en Angleterre , d’après lequel
on fera en état de donner la folution du fameux
problème fur l’exportation. T el eft cet ouvrage annonce
plufieurs fois dans 1 e Journal des Savons, &
dont l’impreffion fort avancée nous fait efpérer
de le voir bientôt paroître. Rien n’eft plus propre
Terne I,
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a exciter fa mou r de la reeonnoiflance des peuples
pour un miniltéjie aufli eflentiellement occupé de
leur bonheur.
On aura fans douté été furpris de ce que j’ai dit
plus haut ^ue, du tems de Pline , le froment rendoit
en pain un tiers plus que fon poids en bled,
fur-tout fi on compare ce réfultat avec les produits
aftuels , & avec les eflais faits dans les villes, pour
parvenir à faire des taux ou tarifs propres à régler
le prix du pain. 11 s’enfuivroit d’ailleurs qu’en lup-
pofant qu’on pût tirer en pain un produit excédant
le poids du bled, & en abandonnant cet excédant
pour les frais de'boulangerie , la livre de pain ne
devroit pas plus coûter que .la livre de bled; cependant,
prefque.par-tout, le pain vaut la moitié, les
trois quarts & quelquefois le double du prix de la
livre de bled. En 1770 je fus nommé par le parlement
de Bourgogne, pour faire faire des eflais dans l'abbaye
de Citeaux, en préfence de quatre confeillers-
commiflaires de la cour. Par le fécond de ces eflais,
un quintal de froment a produit 91 libres 14 onces
de,pain blanc & 40 livres de pain bis, en tout 131
livres 14 onces de pain, ce qui fait, comme du tems
de Pline, le tiers en fus du .poids du bled, & cela
fans autre précaution que d’avoir fait remoudre une
fécondé fois les fons gras, féparés par le blutage
de ce quintal de-bled réduit en farine. On peut voir
les procès-verbaux qui conftatent ces eflais & expériences
, imprimés par ordre du parlement à
Dijon , chez Gaufle, 1771. Ces procès-verbaux
font précédés d’une differtation curieufe & favante,
qui eft le fruit.du travail de l’un de MM. les cora-
m'iflaires préfens à ces eflais, de laquelle il réfulte
que cent livres de bled doivent toujours produire
plus de cent livres de pain, même dans les méthodes
ordinaires, & fans faire remoudre les fons gras.
On nie pardonnera aifément d’avoir parlé dans
une hiftoire.de l’Agriculture, de l’art de moudre les
grains; le rapport entre la clafle des laboureurs qui
font venir les grains , & la profeffion de ceux qui
les réduifent en farine pour notre ufage, eft fenfible ;
& le plus indifpenfable des travaux après XAgriculture
, eft celui qui prépare le bled pour la nourriture
des hommes. Plus l’épargne fera confidérable dans
cette préparation, plus la terre fera utile au propriétaire.
Cette partie tient d’ailleurs néceflairement
à l’expofé fidele de ce qu’a fait un miniftre bienfai-
fant en. faveur dé 1 Agriculture. Un feiil trait fervira
à faire connoître jufqu’oîi s’étendent fes* fi®is paternels,
qui ne dédaignent pas d’entrer dans les plus
petits détails fur tout ce qui peut intéreffer XAgriculture
& la nourriture des hommes.
Il y avoit en Bourgogne beaucoup de bleds ergotes
dans la récolte de 1771. Oh venoit de publier
dans le Journal encyclopédique une differtation de
M. Schleger, où l’on prétendoit prouver par quelques
expériences , que l’ergot des grains, ne produi-.
foit aucun mauvais effet fur ceux qui en mangent
dans le pain. J’avois parlé dans le Traité de la Mouture
y des fuites funeftes de l’ufage des bleds ergotés,
& je me,crus obligé d’appuyer mon fentiment par de
nouvelles recherches : je fis un petit ouvrage fur les
maladies des grains, procédant du mauvais choix des
fem ences, & en particulier furies caufes phyfiques de
l’ergot, fur le danger de ce poifon, & fur les moyens
d’én prévenir l’effet. M. Maret, médecin à Dijon,
qui en avoit eu communication, crut devoir y ajouter
un mémoire fur le traitement de la gangrené
feche, occafionnée par l’ergot. M. Amelot, intendant
de Bourgogne, informé de cet effai, le fit imprimer
la même année à Dijon, pour le faire diftribuer
gratuitement dans la province.
Dans le même tems , M. Read, médecin à Metz,
fit paroître un excellent traité du feigle ergoté avec
E e ij