134 A C C
ôffeufe. Nous avons vu cette humeur extravafee
entre les membranes des arteres, dans tous ces diffe-
rens degrés d’endurciffement : ce ne font point des
fibres endurcies, ni de véritables membranes ofli-
fiées. On trouve quelquefois de ces imitations des
véritables os dans des cavités qui ne contiennent aucune
membrane, 8c qui n’ont pu naître que dune
humeur. r
La naiflance des cheveux eft plus difficile à expliquer.
On en a vu dans des tumeurs de 1 omentum,
éloignés de toute épiderme, mais toujours dans la
graiffe. Ce phénomène n’eft pas encore aflèz éclairci,
8c fe concilie difficilement avec Y accroijfement 8c la
ftruélure des cheveux naturels.
Les dents font bien plus difficiles encore à expliquer.
En fuppofant qu’on n’en a trouvé que dans
des ovaires , dans les trompes de Fallope, ou dans
des tumeurs qui ont fervi d habitation à des foetus ,
en admettant que ces dents font des relies d’un foetus,
dont les autres parties font détruites, il relie encore
bien des doutes à réfoudre. Ces dents font parfaites,
prefque toujours molaires, placées quelquefois dans
une mâchoire ; ce ne font pas les dents d’un foetus qui
n’a encore que des petites lames fans épaiffeur, 8c
non pas des dents folides avec leurs racines. Comment
faire arriver à une dent ifolee, fans coeur,
fans artere, la nourriture nécefiaire pour lui donner
fon accroijfement?
Pour trouver la folution de cette difficulté, On
peut ralfembler quelques faits. Une portion du placenta
prend très-fouvent des accroijfemens dans l’utérus
, fans foetus & fans arteres : il y en a de fibreux
qu’on nomme moles; il y en a de veliculaires : les
uns 8c les autres ne font pas rares. Sans entrer dans
un grand détail, il faut néceffairement que l’utérus
ait fourni les humeurs néceffaires , pour donner à ces
placenta dégénérés un volume fouvent très-confi-
dérable , & qu’en même tems il ait donné à ces mê-
met tumeurs l’ïmpulfion nécefiaire pour gonfler les
vaiffeaux du placenta, 8c pour en prolonger les fibres
cellulaires.
L’utérus fait bien plus : on a plufieurs exemples
de foetus fans coeur , qui font arrivés à un accroife-
ment peu éloigné-de la perfection, dont les membres
fe font formés , & dont plufieurs vifceres , 8c
le cerveau fur-tout, ont reçu leur figure & leur volume
naturel. On ne trouve ici que la veine ombilicale
, qui ait pu porter dans les vaiffeaux de ces
foetus, & l’humeur nourricière, & le mouvement.-
L’artere d’une dent,ou de plufieurs dents, doit
avoir échappé au naufrage général, & s’être inoculée
à une branche artérielle de l’utérus; alors elle aura
pu fournir à la dent, & la nourriture, 8c le mouvement
néceffaire pour développer le germe qui y eft
caché. Ce n’eft qu’une conjecture ; mais nous n’ap-
percevons rien de mieux.
Une autre irrégularité dans Y accroijfement, difficile
à expliquer, ce font les accroijfemens précipités de
quelques perfonnes qui atteignent la puberte à trois,
quatre ou cinq ans, & dont la taille & les forces
font très-proportionnées, 8c dont tout le corps gagne
en peu d’années la folidité, 8c l’état qu’il ne devroit
atteindre que dans un triple nombre d’années. L’ame
ne fe perfectionne ordinairement pas dans la même
proportion ; 8c ces adultes prématurés font des en-
fans pour l’efprit 8c pour le jugement. Il nous manque
des différions exaCtes de ces petits géants :
nous nous fouvenons cependant d’avoir vu un jeune
homme croître de treize lignes en quarante-un jours. Il
mourut : le coeur s’y trouva être d’une grandeur
monftrueufe ; il rempliffoit toute la poitrine. On fent
bien que la fupériorité des forces du coeur, 8c le
peu de réfiftance des folides, ont pu accélérer Y accroijfement..
A C C
Il nous refte quelques idées à expofer fur la maniéré
8c les caufes de Y accroijfement de ces progrès,
8c du développement des parties primitives de
l’animal.
Nous avons parlé du coeur, & touché l’attraCtion.
La derniere de ces caufes agit fur la gelée animale,
principal élément de l’embryon, 8c fur les élémens
folides du corps animal, qui en naiffent. Elles tendent
toutes à le rapprocher ; c’eft une force qui balance
la force expanfive qui part du coeur : elle donne
en général de la confiftance aux parties folides, qui,
fans elle, s’affoibliroient en s’étendant : elle agit plus
puiffamment dans les mufcles 8c dans le tiffu cellulaire.
C’eft l’attraCtion qui forme de ce tiffu des membranes,
la peau même ; c’eft elle qui réunit les vaiffeaux,
pour en faire des vifceres. O n ia voit travailler
fur le foie ; 8c d’unfyftême d’arbriffeaux vaf-
culaires, entourés d’une gelée tranfparente, former
un vifcere compaCt 8c folide. Cette force réunit également
les petits os nombreux, qui font le fquelette
de l’embryon : elle forme le crâne.
C ’eft à elle & à ce tiffu cellulaire, qu’elle anime
d’un mouvement lent 8c confiant, qu’il faut attribuer
les courbures de toutes les parties animales ;
généralement fimples 8c droites, elles font ramaf-
fées par l’attraClion, 8c forment des courbes différentes.
C ’eft d ’elle feule que naît la. figure de bec
d’oifeau, qu’on voit dans la véficule du f ie l, & que
proviennent les cellules du cæcum, les plis de la
véficule féminale, les laqs de la carotide.
Les mufcles agiffent fur les o s , ils les courbent.
Le fémur de l’homme eft arqué ; il étoit droit dans
le foetus. Ces mufcles dilatent les petites cavités du
diploë, 8c donnent naiflance aux cellules maxillaires;
ils alongent les places de l’o s , par-tout où ils y font
attachés; ils y produifent de petites épines 8c des
tubérofités : c’eft leur force fupérieure dans notre
fe x e , qui donne au fquelette de l’homme un air plus
raboteux, un nombre d’éminencés & d’excavations ,
qui le diftingue de celui de la femme. Les cellules
que nous venons de nommer, font beaucoup plus
grandes dans le colporteur, que dans l’homme aifé
8c oifif.
La précifion de ces mufcles excave les o s , 8c les
rend triangulaires , de cylindriques, qu’ils étoient
dans le foetus. Les mufcles 8c les tégumens de la
poitrine repouffent le coe u r , & lui donnent une
airedion perpendiculaire , au lieu de la fituâtion
tranfverfale qu’il avoit dans le foetus. Cette preflïon
eft très-fouvent la caufe des anckylofes : c’eft elle
qui rejoint dans quelques animaux les offelets du
métacarpe, qui commence par unir .les faces qui fè
répondent , qui en fait un diaphragme percé de
trous , 8c q u i, peu-à-peu, efface ce diaphragme
même.
La folidité & l’endurciffement des parties dépend
principalement de là 'preflïon. Les arteres battent la
cellulofité qui les entoure, les mufcles & les os : elles
font approcher à chaque inftant les élémens folides les
uns des autres ; elles chaffent les élémens fluides ;
elles forment des membranes , des parenchymes ,
des fibres, des lames offeufes. C ’e^ la preflïon des
mufcles qui unit les lames extérieures des os, dans
le tems que l’intérieur refte celluleux ; preuve évidente
que ce ne font pas les couches internes qui
naiffent les premières, 8c qui font recouvertes par
les couches du périofte : dans cette hypothefe , ce
feroit la face intérieure de l’o s , qui s’oflîfieroit la
«première.
Nous rapportons à la preflïon les effets furpre-
nans que les parties les plus molles du corps humain
font lur les plus dures. Les finus de la dure-mere ,
les veines, le cerveau même & la moelle de l’épine
impriment au crâne des routes 8c des- excavations*
AC C
V o s frontal, qui fait le plafonds dfe l’orbite, eft
fouvent tout rempli de boffes, 8c de creux qui ne.
font que la furface même du cerveau exprimée dans
Los. Ce qui peut furprendre davantage, c’eft que
c e s traces s’excavent, non dans les os du foetus,
dont la furface eft toujours unie, mais dans ceux de
l’homme adulte. C’eft l’effet de la preflïon d ’une
partie molle, qu’étendent des humeurs nourricières,
8c qui furmonte la réfiftance des parties dures , dont
les vaiffeaux font plus petits & plus comprimes, 8c
dont Y accroijfement 8c l’impreflion des fluides ont
moins- de force 8c de vîteffe.
Les hommes ont appris à imiter la nature. Plufieurs
nations de l’Amérique preffent la tête encore
molle des enfans, avec de l’argile ou même avec
des planches : ils réuflïffent à leur rendre la tête
plane., 8c les ; os plus .minces 8c plus durs.^
La figure du foie 8c des vifceres, en général, eft
en partie l’effet de la preflïon que ces vifceres éprouvent
de la part des o s , 8c même de la part des autres
vi|peres leurs;ÿoifins.
’ Une puiffance, dont la conformation du foetus
dépend en grande partie, c’eft celle de la dérivation
& de la révulfion. Nous appelions dérivation l’effet
du courant du fang déterminé dans l’artere principale
d’une partie , par une réfiftance nouvelle , Ou par
l’abolition d’une branche principale du même tronc.
L’exemple le plus commun, c’ eft l’épanouiffement
8c Y accroijfement du baflin , qiïi fuit la naiflance & qui
eft l’effet de la ligature des arteres ombilicales... Ces
grandes branches de l’aorte ne receyant plus de fang,
les arteres fémorales & les hypogaftriques en reçoivent
une nouvelle portion par ce. furcroît, 8c les
extrémités inférieures, le baflin 8c l’utérus fe développent.
Mais l’ utérus ne parvient à fa maturité que
lorique l’artere fémorale trouve trop de réfiftance
dans les pieds formés à la fin, & dans les cartilages
endurcis des épiphyfes; cette réfiftance augmentée,
fait refluer le fang, fuivant les loix de la dérivation’,
îl fe porte aux vifceres du baflin vers la fin de Yaç-
croijfement. Delà les réglés. ,
Dans le foetus, le fang de l’aorte fe porte^u commencement
de l’incubation par les vaiffeaux de là
membrane du jaune & par la membrane ombilicale;
il eft employé à donner un accroijfement rapide à ces
membranes extrêmement vafculeufes. Mais quand
celle du jaune a atteint le blanc de l’oe uf, que fes
branches ne peuvent plus s’étendre vers le feptieme
jo u r ,‘& que la membrane ombilicale s’étant développée
fur toute la furface de l’oeuf, ne peut plus acquérir
de volume, ce qui arrive au neuvième jour,
alors le fang de l’aorte inférieure, ne trouvant plus
la même facilité à étendre des vaiffeaux qui ne peuvent
plus s’alpnger,fe porte au foie , aux autres
vifceres du bas-ventre, 8c aux extrémités ; celles-ci
s’étendent à leur tour, le foie fe remplit de vaiffeaux
rouges, les reins paroiffent pleins de gros vaiffeaux
qui ferpentent dans leur fubftance, 8c toutes les parties
du foetus fe développent.
La révulfion fait un effet contraire. Elle rappelle
d’une partie du corps animal le courant du fang,
lorfque cette partie lui réfifte davantage, 8c qu’une
autre partie du même corps réfifte moins qu’elle.
La tête eft formée avant l’abdomen 8c avant les
parties inférieures,: elle eft beaucoup plus grande
que toute la partie du foetus, qui eft inférieure^ au
coeur. Le coeur eft également formé avant le refte des
vifceres, il eft plus grand qu’aucun d’eux; ce coeur
ce cette tête plus parfaite & plus folide, .offrent plus
de réfiftance au fang que les parties inférieures, qui,
nebuleufe.s le premier jour, font plus molles 8c plus
dilatables, par conféquent, que les parties fupérieures
dont 1 accroijfement 8c la folidité les ont devancés.
(Delà vient la difproportion de Y accroijfement dans
A C C *35
Ces parties Vers les derniers jours de l’iricubatiôn ; le
volume du coeur cede bientôt à celui du foie, 8C
l’abdomen, prefque invifible le fécond jo u r , furpaffe
de beaucoup la tête les derniers jours de la ponte;
la raifon qui change fes proportions, eft dans Yaccroif-
femtnt qui fe ralentit dans les parties les plus folides >
8c s’accélère dans les parties qui prêtent davantage.
L’inégalité de la nourriture en général a beaucoup
d’influence fur la figure des parties de l’animal. La
tête du poulet peut fervir d’exemple : fa figure eft
prefque celle d’une maffue , le premier & le fécond
jour ; c’eft le crâne 8c le fiege du cerveau qu’on ap-
perçoit alors; bientôt après, les yeux fe développent
, ils ajoutent à la tête comme deux lobes latéraux.
Le bec croît plus vite que le cerveau, il fe prolonge
8c la tête devient alors plus longue. La mâchoire
inférieure commence plus tardà croître; elle répare
fa lenteur, & la tête de l’oifeau devient conique*
La nature de l’aliment peut beaucoup : non feulement
il détermine très-fouvent la taille des animaux
& donne aux chevaux frifons , nourris d’une herbe
abondante, une fupériorité confiante fur les chevaux
de PIflande 8c des Orcades, élevés fur une peloufe
maigre & fine, elle change quelquefois la figure même
des parties qu’elle nourrit. On a remarqué que
les atriplex du bord de la mer ne font que l’efpece
commune, qui par la nourriture falée perd peu-à-peu
les angles, 8c dont les dents des feuilles. s’arrondif-
fent 8c s’épaiflîffent. On fait l’effet que font de certaines
eaux fur les glandes de la gorge : la nourriture
marécageufe des oifeaux amollit les oeufs des
poules dans les ifles du Danube ; l’ufage fréquent de
l’huile des poiffons, rend flafque la gorge des filles
Samoïedes ; des pâturages particuliers donnent à la
queue des moutons calmouquesune graiffe exceflive.
Nous ne dirons plus qu’un mot des humeurs : leur
premier état eft d’être parfaitement diaphanes. L e s
élémens folides, dont la proportion eft très-petite
dans les-commencemens du foetus, pénétrés d’une
eau parfaitementtranfparente, font diaphanes comme
eux ; le crâne & même le tibia , 8c le fémur font
tranfparens. C’eft cette tranfparence qui cache plufieurs
parties du poulet, 8c qui les empêche d’être
apperçues, non qu’elles n’aient pas affez de volume
pour être vifibles, mais.parce qu’elles n’ont aucune
couleur. T el eft le poumon, tels font lesinteftins 8c
le ventricule. Ces parties, en fortant de l’état invifible,
ont trop de volume pour avoir été invifibles
à caufe de leur petiteffe un jour auparavant. Les
acides donnent de l’opacité aux parties albumineu-
fe s ; auflï rendent-ils le coeur, le poumon 8c lesinteftins
vifibles avant le tems' preferit par la nature, Si
démontrent qu’ils ont exifté.
Le blanc eft la couleur générale des animaux qui
commencent à vivre \ il l’eft de même dans les végétaux
; il fuccede à la tranfparence, 8c précédé les.
couleurs.
Les vaiffeaux dilatés par la force du coeur, s’ouvrent
bientôt à des particules moins fines , & la
blancheur fuccede à l’opacité. La rougeur commence
dans les vaiffeaux de la figure veineufe dès l’heure 72,
elle eft parfaite le troifieme jour.
Le coeur reçoit 8c donne une goutte de fang des
l’heure 42 , fucceflivement les vaiffeaux des vifceres
8c des extrémités fe rempliffent de fang. Par-tout,
les premières apparencesde couleur .rouge né forment
que des points ; ils s’étendent bientôt , 8c de--
viennent des lignes , 8c l’humeur tranfparente pri-.
mordiale difparoît enfin entièrement. Tout le foetus,
devient rouge, quand il eft parvenu. à fa maturité.
Le fang s’ouvre alors un paffage aifé dans les plus
petites arteres, tendres alors 8c fans réfiftance. ,
Les autres couleurs, le noir des y eux, le jaune du
foie, le verd de la b ile, naiffent beaucoup plus tard ;