des pièces de cèlles des chevaux marins. Il apprit
qu’en é té on y paffoit en un jour avec des baidâres,
& en hiver fur les glaces , auffi en un jour, dans les
traîneaux.
Sur le promontoire ou terre de ce cap, on ne voit
que des loups & des renards, parce qu’il n’y a pas
de forêts ; mais fur l’autre terre, il y a toutes fortes
d’animaux qui fournirent de belles pelleteries. Les
habitans ont de nombreux troupeaux de rennés.
Il y a dés cedres, fapins, pins , melezès & autres
arbres. Popon jugea que le nombre des Tfchouktski
du cap fe -peut monter à zobo hommes, & celui
des infulaires au triple ; que , depuis l’Oftrog-Ana-
dy r, on paffoit par terre pour aller au noff, à côté
du rocher Matkol-, qui étoit au fond d’un grand
golfe. ~
ï3°. Jelticshin , en 1716-, devoit entr’autres fe
rendre depuis leTfchouktskoi-Noff-,àuxîles & autres
pays du côté oppofé, mais ce voyage n’eut- point
de fuite.
- En 1718 des Tfchouktski fe rendirent à l’Oftrog-
d’Anadirski, pour fe foumettre volontairement, &
rapportèrent qu’ils habitôient le promontoire entre
l’Anadyr & le Kolyma ; qu’ils étoient au nombre
d’environ 3 500 hommes ; que ce promontoire étoit
rempli de rochers & de montagnes ; mais - que le
plat-pays confiftoit en terres à tourbes ; que vis-à-
vis du cap on voyoit une île de grandeur médiocre,
dont les habitans reffembloient aux Tfchouktski,
mais fe fervoient d’une autre langue ; que depuis
la pointe on pouvoir paffer en un demi-jour à cette
île ; qu’au-delà de celle-ci on trouvoit un grand
continent, qu’on pouvoit voir depuis l’île par un tems
ferein ; que fes habitans reffemblans auffi aux
Tfchouktski, àyoient une langue différente, beaucoup
de forêts, &c. ( ce qui eft la defcription exa&e
de la grande île rapportée ci-deffus ) ; qu’avec-leurs
baidares ils pouvoient, en côtoyant le promontoire,
faire le voyage depuis le fond de la baie de l’Anadyr,
à la derniere pointe du promontoire, en trois femai-
hes , fôuvent'en moins de temps.
140. Pierre le Grand voulant avoir une connoif-
fance plus précife de ces pays & paffages, & ne
pouvant obtenir de la Compagnie des Indes en Hollande
' de s’en charger, ayant d’ailleurs ce deffein
fort à coeur, il envoya en 1727, deux géodeftftes
ou géomètres, au Kamtschatka. On n’a jamais rien
pu apprendre fur ce qu’ils firent & découvrirent.
On lait feulement qu’à leur retour , le czar le reçut
fort gracieufement ; ce qui a fait préfumer qu’ils
s’acquittèrent avec fuccès de ce dont ils étoient
chargés.
150. Enfin le czar voulant abfolument contenter
fa curiofité & faire reconnoître ces paffages, &
principalement être’ alluré fi l'Ajie étoit contiguë
à l’Amérique, du côté du N. E ., vers le cap des
Tfchouktski, puifque du côté du nord, on étoit
déjà fur qu’elle ne l’étoit pas ; il choifit Beering,
Danois, marinier très-expert.
Pierre eut cette affaire fi fort à coeur, que , quoi-
qu’alité par- la maladie qui mit fin à fa v ie , il en
parla à Beering, & dreffa en outre, de fa propre
main, une inftruâion détaillée pour lu i, laquelle
lui fut remife cinq jours après le décès de ce grand
monarque.
Il eut pour adjoints les capitaines Spangberg &
Tchirikon. _
160. 11 partit le 14 juillet 1728 , depuis la riviere
Kamtfchat, & cingla vers le nord-eft, fuivant les
côtes, qu’il perdit rarement de vue ; & dreffa une
carte de celles-ci, auffi exaâe qu’il étoit poffible ,
& c’eft encore à préfent la meilleure qu’on en ait.
Le 8 août, fe trouvant à 64°. 30' de latitude ,
un baidare, avec $ hoçnmes* s’approcha de fon
vaiffëaii ; ils fe difoient Tfchouktski, nation dèpuisf
long-tems connue des Ruffes, & qui réellement
habité cette contrée.- Ils dirent que la côte étoit
remplie d’habitations de leur nation,'& firent en-,
tendre que la côte tournoit affez près de-là vers
l’oueft ; ils indiquèrent encore une île peu éloignée ,
que Beering trouva le 10 août, & lui donna le nom
de Saint-Laurent.
Le i'5 du même mois , il étoit parvenu à 67°,'
18' de latitude ; voyant que , comme les Tfchouktski
le lui avoient indiqué , la côte couroit vers l’oueft
& non plus au nord , il. empira la conféquençe erro-»
née, dit-on , qu’il a voit atteint l’extrémité du nord-
eft de Y Ajie ; que la côte tournant dès-là vers l’o.ueft,
une jonftion de Y Ajiê. avec l’Amérique ne pouvoit
avoir lieu;, & qu’il s’étoit acquitté de fa Commiffion.
M. Muller ajoute qu’il fe trompoit,puifqu’il fe trouva
feulement au Serdrekamen , d’oit la côte à la vérité
alloit vers l’oueft, & formoit un grand golfe ; mais
elle fe retournoit enfuite vers le nord & nord-eft,
jufqu’au grand Tfchouktskoi-noff.
Au retour, le 20 août, . quarante Tfchouktski
vinrent vers fon vaiffeau dans- quatre baidares & dirent
que leurs compatriotes alloient fouvent vers
le Kolyma , -par terre, avec des marchandifes , mais
jamais par eau.
170. En 1727, Scheftakow voulut aller fubjuguer
les Tfchouktski, de même que les Koriaques ,
vers le golfe de Penfchinska, au nord du Kamtschatka,
découvrir enfuite les pays fitués à l’oppo-:
fite du Tfchouktskoi-noff & les conquérir. II. eut
pour adjoint le capitaine,Pauluski, avec lequel il fe
brouilla & s’en féparà, le géodefifte Givosden <5e
autres. -
Scheftakow, marcha vers/le fud pour dompter les
Koriaques du Penfchinska ; mais en étant à deux journées
, il rencontra un très-grand nombre de Tfchouk-
tski, qui voulurent auffi aller faire la guerre-aux K oriaques.
Scheftakov alla à leur rencontre & fut tué ;
trois jours.avant fa mort il avoit envoyé le Cofaque
Krowpifchew, pour inviter les habitans des environs
de ce fleuve à fe foumettre aux Ruffes 3 & lui recommanda
encore Givosden. Il eft sûr, continue M.Muller,
que celui-ci a été en 1730 fur une côte inconnue ,
entre le 6 5 & 66e degré , pas loin du pays des
Tfchouktski, où il trouva des gens auxquels fine
put pa rler, faute d’interprete.
L’officier Ruffe y ajoute que Givosden ayant été
envoyé pour chercher les provifions , qui étoient
reftées depuis l’expédition,de Beering, & les conduire
dans le pays de Tfchouktski, pour celle de
Pawluski, il parvint jufqu’au Serdzekamen, & fut
chaffé par les vents fur le côtes de l’Amérique, peu
éloignées du pays des Tfchouktski.
Le 3 feptembre 1730 , Pawluski arriva à Anadyr,'
& fit la guerre aux Tfchouktski l’année fuivante;
Il avança direôement vers la mer Glaciale, vint à
l’embouchure d’une riviere eonfidérable inconnue,
avança pendant quinze jours vers l’e ft , prefque
toujours fur les glaces, fouvent fi loin de la terre,
qu’on ne pouvoit appércévoir les embouchures
des rivières ; à la fin il remarqua une grande armée
dé Tfchouktski qui s’avança & parut prete à
combattre ; le premier juin i l les attaqua & remporta
la viftoire. Après quoi il y eut encore deux
combats.
Il paffa donc vi&orieux le Tfchouktskoi-noff, où
il trouva de hautes montagnes , qiu’il lui fallut gravir
, & employa dix jours pour atteindre les côtes
oppofées ; ici il fit paffer partie de fies gens fur des
baidares , & lui avec le refte continua fon voyage
par terre le long de la côte qui court fud-eft, & eut
chaque foir des nouvelles de fes baidares ; le vingt-
feptieme jour il fe. trouva à l’embouchure 4 ’unç .
riviere, & dix-fept jours après à celle d’une autre, à
environ dix verfts ( 2 lieues ) ; derrière celle-ci
un cap s’avance très-loin v e r s l’eft, dans la mer;
il confifte au commencement en montagnes qui peu
à peu deviennent plus baffes & finiffent enfin en
plaine.^ •'
Selon toute apparence, continue M. Mulleryfc’eft
le même cap d’où le capitaine Beering étoit retourné.
Parmi ces montagnes il y en a une , q u i, à
caufe'de fa figure reffemblante à un coeur, eft nommée
par les habitans d’Anadirskoi Oftrog , Serdrekamen.
Ici Pawiuski quitta la côte , & retourna par le même
chemin qu’il avoit pris en allant à Anadirski où il
arriva le 21 oârobre.
180. M. Muller parle du zele ardent que M. Ki-
rilow, alors fecrétaire du fénat, manifeila pour la
réuffite de ces découvertes én 1732.
Après avoir rapporté ce que les Ruffiens, ën particulier
M. M... nous apprennent -, ajoutons en peu
de mots , ce que nous tenons d’autres auteurs plus
anciens.
190. Le P. Avril a appris d’un vaivode , que les
habitans , vers le Kowima, alloient fouvent fur les
bords de la mer Glaciale à la ehaffe du behemot ou
cheval marin , pour en avoir les dents.
20°. M. Witfen, qui s’eft rendu fi célébré par les
foins infinis qu’il a pris, depuis' environ 1670 à
1692 , pour découvrir ces pays inconnus, d it ,« que
la grande "pointe faillante, qu’il nomme cap Tabla,
s’étend près de l’Amérique ; que 50 à 60 hommes,
venant du Lena, un peu avant 1692, fe font avancés
dans la mer glaciale , & ayant tourné à droite, font
arrivés à la pointe, contre laquelle donne toute la
force des glaces qui viennent du' nord , &c. Il ne
leur a pas été poffible de doubler ce cap , ni d’en
appercevoir l’extrémité depuis les montagnes du
nord-eft de cette pointe de Y Ajie, qui n’a pas beaucoup
de largeur en cet endroit ; ils remarquèrent que
la mer étoit débarraffée des glaces dé l’autre côté,
' ç’eft-à-dire, du côté du fud, d'où l’on peut conclure
que le ter rein de cette pointe s’étend fifortUu nord-
eft, que les glaces qui défcéndent du nord ne peuvent
pas paffer du côté du fud ».
M/Buache * , d’où je tire cepaffage, appuie &
explique ceci, en difant : « lés premières glaces venues
du nord s’arrêtent à l’île , entre le cap & l’Amérique
, & aux bas-fortds qui la lient aUx deux
continents ; ces glaces s’étant amoncelées, forment
comme un pont ; & ce n’éft qu’après cela que les
autres qui arrivent enfuite du nord, ne peuvent
paffer au fud, &c. On trouve fur cette pointe ,
continué M. Witfen , des hommes qui portent de
petites pierres & des os incfuftés dans leurs joues,
& qui paroiffent être en grande relation avec les
Américains feptentrionaux ».
‘ 2 i°. Kæmpfer , èn 1683 , n’épargnant rien pour
connoître l’état des pays.feptentrionaux , plufieurs
perfonnes lui dirent, que la grande Tartàrie étoit
jointe par un ifthme, com’pofé de hautes nionta-
gnes, à un continent voifin , qu’elles fuppôfoièrtt de
l’Amérique. Oniui montra les premières cartes de
l’empire de Ruffie , drefféespeu d’années auparavant
fâns degrés de lôngittrde.
On y'voyoit fur ies côtes orientales de Sibérie ,
plufieurs caps çoufidérables ; un entr’autrés trop grand
pour entrer dans la planche, gravée für bois , étoit
coupé au bord. C’eft cette pointe dont M. "\Vitfen a
parlé ; mais alors on la croyoit environ 40 degrés
plus proche dit-on, qu’ elle n’eft de la Ruffie.
’ 22!0. Isbrind Ides, après dés informations prifes
avec tout le foin poffible en 1693 Se 1694, parle
de Kamtfchatka comme d’une ville , qui, de même
(*) Confidér. géograph. pages 10J & 106,
que les environs, étoit habitée par les Xuxi &c
Koeljki ( Tfchouktski & Koreski ou Koriaques.) ,
d it , que le cap de glace eft un langue de terre qui
s’avance dans la mer, où elle eft coupée par plufieurs
bras d’eau, qui forment des-golfes & des
îles au-deffûs de Kamtschatka ; la mer a une entrée
par où paffent les pêcheurs ; on y voit les villes d’A-
nadyrskoi & Sabatska ( dans la carte, & félon d’autres
Sàbatjïa ) habitées par les deux nations fufdires.
Les habitans de Jakontsk vont au cap Saint-Sabatfia,
Anadyr , Kamtshat, &c. pour pêcher le nayval.
22°. L’officier Suédois, qui fut prifonnier en Sibérie
de 1709 à 1721 , combat l’opinion de ceux
qui croient Y Ajie contiguë à l’Amérique , en affu-
rant pofitivement, que les bâtimens ruffes, côtoyant
la terre ferme, paffent à préfent le Swoetoi-nofs ,
& viennent négocier avec les Kamtschadales, fur la
côté de la mer orientale, vers le 50 dégré de latitude
; mais il faut pour cela qu’ils paffent entre
la terre ferme, &une grande île , qui eft au nord-
eft du cap Swoetoi-noff, & que cette île eft le nord-
oueft de l’Amérique. ‘ Strahlenberg ne dit rien de
plus dans fon ouvrage , que des faits rapportés déjà
ci-deffus , excepté que les Jukagres font un peuple
vers la mer Glaciale, entre l’embouchure du Lena
& le cap Tabin. .
On a trouvé que dans la partie de la terre-ferme
de l’Amérique , dont on a eu quelque connoiffance,
vis-à-vis le cap , il y a un grand fleuve qui charie
quantité de gros arbres, &c.
23 °. Dans l’atlas de Berlin , on marque une côte
fur ce continent, Vers les 70 dégrés, où lés Ruffes
doivent avoir’ fait nauvrage en 1743 , fans que j’aie
pu découvrir un feul veftige d’une pareille relation.
240. Ce qu’on a appris de plus nouveau de ces
pays & paffages, confifte en ce qui a été annoncé
de Pétersbourg, ën date du 7 février 1765 ; & que
le tradu&eur de l’ouvrage de M. Muller rapporte
de cette maniéré , «que des gens envoyés par les
deux compagnies de commerce du Kamtschatka St
du Kolyma , ont rapporté que ceux-ci ont doublé
le Tfchouketskoi-noff à 74 dégrés , courant au fud
par le détroit qui fépare la Sibérie d’avec l’Amérique
, ils ont abordé par le 64e dégré, à quelques
îles, remplies d’habi tans, avec lefquels ils ont établi
un commerce de pelleteries ; ils en ont tiré
quelques peaux de renards noirs, des plus belles
qüi fe- foient jamais vîtes, & ils les ont fait pré-
fenter à l’impératrice-. Ils ont donnéle nom d’Aleyut
à toutes ces îles & terres, dont quelques-unes , à
ce 'qu’-ils croient, font partie du continent de l’Amérique.
Pendant Ce tems ceux de Kamtschatka ve-
noient du fud au nord, & ont trouvé ceux du Ko-
lyrna près des îles d’Aleyut. Ils ont donc jugé à
propos d’établir èn commun un cdmmerce, & de
faire un établiflement dans l’île de Beering pour fer-
vir.-d’entrepôt ; que l’impératrice avoit nommé le
capitaine Bleumer & quelques habiles géographes
pour pouffer ces découvertes depuis l’Anadyr ».
Paflbris aux cartes géographiques ,- & donnons
un rapport fuccint des pofitions de quelques-unes
fur ces contrées au nord- & nord-eft, pour les combiner
enfuite avec les relations. Sanfôn fils, de meme
que tous les géographes de ces tems, avant Isbrand
Ides, "Wîtfen, Strahlenberg n’en ayant aucune connoiffance
, & cherchant Amplement à placer le cap
Tabin, repréfentoit, comme nous l’avons dit , lô
cap fi avancé vis à-vis la nouvelle Zemble , enfuite
la Côte fud-eft ; & , après avoir repréfenté l’île Taz-
zata, continuoit la côte vers le nord-eft, pour pouvoir
fixer ce cap Tabin ; le refte de la côte encore
fud-eft jufques vers le Jeffo.
Nicolas Vifcher, dans fa mappe-monde , après