perfonnage eft réalifé, convient ou non au fujet du '
poëme. Ainfi, par exemple , dans VEnéide l’amour
eft pris pour un être ré e l, & dans la Henriade ce
n’eft qu’un être allégorique de la même claffe que
. la politique & la difcorde.
Nos anciens poètes ont porté à l’excès l’abus des
perfonnages allégoriques ; le Roman dé la Rofe les
avoit mis en vogue : dans ce roman l’on voit en fcene,
jaloujie, bel accueil, faux-femblant, & c . , & d apres
cet exemple, on mettoit fur le théâtre, dans les
fotties & les myfteres, le tien, le mien, le bien, le
. mal, Y efprit. , la chair, le péché, la honte, bonne compagnie
, pajfe-tems, je bois à vous, 8cc., & tout cela
.étoit charmant ; & , dans ce tems-là, on auroit jure
que de fi heure ufes fixions réuffiroient dans tous les
fieçles.'. v . ' *
Non-feulement on faifoit des perfonnages, mais
encore des mondes allégoriques, &C l’on traçoit fur
des cartes, de .pofte en pofte, la route du bonheur,
le chemin de l ’amour : par exemple, on partoit du
port d’indifférence , on s’embarquoit fur le fleuve
d’efpérance , on pafîoit le détroit de rigueur , on
s’arrêtoit à perfévérance, d’où l’on découvroit l’île
de faveur, où faifoit naufrage innocence. Ces cu-
rieufes puérilités ont été à la mode dans le fiecle du
bel-efprit & du précieux ridicule ; le bon efprit les
a réduites à leur jufte valeur; & on n’en voit plus -
que fur des écrans, ou dans quelques livres m ylli-
ques. (M . M a r m o n t e l . )
§ ALLEMAGNE , ÇGéogr. Hiftoire.') Cette région
de l’Europe fut connue, dans.les premiers tems,
fous le nom de Germanie ( Voyez G ermanie dans
ce Suppl, j . Elle renfermoit alors le Danemarck, la .
Norvège & la Suede ; jufqu’au golfé Botnique.-Elle
a aujourd’hui moin§fd’étendue du côte du nord.
L ’océan, la;frier Baltique, & tout ce que les anciens
appelloient Cherfonefe Cimbrique, la bornent au fep-
tentrion ; la Hongrie & la Pologne à L’orient ; l’Italie
& la Suiffe au midi; la France & les-'Pays-Bas à
l’occident. Les pertes qu’elle a eflùyées du côté du
feptentrion ont été réparées du côté du midi, où
elle a reculé fes frontières jufqu’à la Dalmatie &
l’Italie, & même au-delà du Danube : elle a encore
pris des accroiffemens du côté de l’occident, par
l’acquifition des pays qui compofoient une partie
de la Gaule Belgique.^
Les traits & le -fonds du caractère des anciens
Germains fe font perpétués dans leurs defcendans.
La candeur, le courage & l’amour de la liberté font
chez' eux des vertus héréditaires qui n’ont point
éprouvé d’altération. Les Allemands, comme leurs
ancêtres , font robuftes, grands & bien conformés.
Tous femblent nés pour la guerre ; leurs exercices,
leurs jeux, & fur-tout leur mufique, manifeflent
leurs inclinations belliqueufes. Ce peuple de fol-
dats, quoique fier & jaloux de fes privilèges, fe
foumet fans murmuré à l’auftérité de la difciplirie
militaire ; & quoique le commandement y foit dur,
l’obéiffance y eft fans répliqué. Leur efprit inventeur
a étendu les limites des arts utiles ; & leur dédain
pour les arts agréables leur en a fait abandonner
la .culture à leurs voifins. Lachimerede la naiflance
eft un mérite d’opinion qui ouvre en Allemagne le
chemin à la fortune & aux honneurs. Les comtes,
les barons fe regardent comme des intelligences
fublimes & privilégiées. Leur vanité leur fait croire
que la nature n’a employé qu’un fale argile pour
former lé vulgaire des hommes, & qu’elle a réfervé
le limon le plus précieux pour compofer ceux de
leur efpece. Ce préjugé eft fortifié par les prérogatives
attachées à la naiflance : ce n’eft qu’à la faveur
d’une longue fuite d’aïeux qu’on peut prétendre aux
dignités de l’Eglife , dont les richeffes entretiennent
la fplendeur des familles.
La conftitution ariuelle de l’Allemagne eft à-peu-
près la même que dans fon origine..C’eft un refte de
ces confédérations formées par plufieurs tributs ,
pour aflùrer l’indépendance commune contre les
invafions étrangères. Cette région étoit autrefois
habitée par différens peuples, qui avoient une identité
d’origine, de langage & de moeurs, 8c dont
chacun avoit un gouvernement particulier indépendant
des autres. Le pouvoir des rois étoit limité par
la lo i, & les intérêts publics étoient difcutés dans
les affemblées nationales. Les Germains, toujours
armés, & toujours prêts à combattre & à mourir
pour conferver leur indépendance 8c leurs poffeffions
, furent fouvent attaqués , quelquefois vaincus,
8c jamais fubjugués. C’eft le feul peuple de la
terre qui n’ait point obéi à des maîtres étrangers.
Les Romains y firent quelques conquêtes, mais leur
domination, y fut toujours chancelante , & jamais
ils né comptèrent la Germanie au hombre de leurs
provinces. Il eft vrai que les différentes républiques
ne connurent pas toujours, affez le prix de leur confédération
, 8c que , fouvent divifées d’intérêts ou
de haines perfonnelles , elles s’affoiblirent par des
guerres domeftiques, au lieu de réunir leurs forces
contre leurs oppreffeurs. Elles euffent été invincibles,
fi elles avoient eu autant de politique que de courage.
- Quoique l'Allemagne eût été dans tous les tems
le théâtre de la guerre, elle a toujours été furchar-
gée d’habitans. Son exceffive population la fait ap-
peller la pépinière' des hommes. C ’eft un privilège
dont elle eft redevable à la falubrité de l’air qui
entretient la vigueur du corps, & à la fertilité de fon
fol qui fournit des fubfiftancés faciles au cultivateur.
Les rivières, dont ce pays eft arrofé, favorifent fa
fécondité naturelle 8c fes relations commerçantes.
Des bains d’eaux minérales, chaudes 8c tempérées ,
offrent des reffources puiffantes contre les maux qui
affligent l’humanité. Quoique le climat 8c le fol ne
foient pas favorables à la culture de la vigne, on
recueille fur lés bords du Neckre & dû-Rhin des
vins fort eftimés. Les bords de la mer, beaucoup
plus froids, ne conhoiflënt pas cette richeffe, mais
On y fait d’abondantes moiffons dé bled, 8c l’on y
nourrit des troupeaux nombreux dans, de gras
pâturages.
Les Francs, qu’on regarde comme originaires de
la Germanie, furent les premiers qui en changèrent
la conftitution. Après avoir été les conquérans des
Gaules, ils repafferent le Rhin ,' & fe rendirent les
maîtres de tout le pays renfermé entre le Danube
8c le Mein. Charlemagne étendit plus loin fes conquêtes;
& après avoir fubjugué la Saxe & la Bavière,
il porta fes armes virioriéufes jufques dans les provinces
voifines de la Pologne 8c de la mer Baltique.
L'Allemagne, fous-ce prince conquérant & fous le
régné de fon fils , ne fut pour ainfi dire qu’une province
de France, dont elle fut détachée par le partage
imprudent que les fils de Louis le débonnaire
firent de fon riche héritage. Elle échut à Louis II. à
titre de royaume; & fes defcendans-la pofféderent
depuis 3 40 jufqu’à 9 1 1 , que Louis l’enfant mourut
fans laiffer de jJoftérité. AlorsVAllemagne'futrendue
éleriive ; 8c , féparée de la France, elle forma un
gouvernement particulier , fous le nom à’eftipire
Romain, titre ftérile q u i, loin de contribuer à fà
fplendeur, l’a inondée d’un déluge de calamités re-
naiffadtes. ‘
Le chef du corps Germanique prend le nom d’em-
pereûr des Romains, fans pofféder l’héritage des
anciens maîtres du; monde. L’origine de cet ufage
fe découvre dans la foibleffe -des peuples d’Italie
opprimée par des barbares, 8c fur-tout dans l’ambition
des papes qui, voulant fe fouftraire à la domination
des Goths , des Lombards 8c des Grecs*
choifirent Charlemagne pour proterieur : il lui déférèrent
un titre qu’ils n’avoient point droit de lui donner;
mais ils ne purent faire pafferfous fa domination
les peuples qui obéiffoient à des maîtres étrangers.
Lamajeftédece prince fut révérée dans Rome, il
y fut reconnu empereur, exerça tous les aries de
fouveraineté : il conferva les magiftrats & la conftitution,
non pas qu’il n’eût le droit de les changer ,
mais par une fuite de fa politique, pour ménager de
nouveaux fujets, & les attacher à fa domination.
- Les Romains fe laflèrent bientôt d’avoir pour protecteurs
8c pour maîtres, des princes affez puiflàns
pour être impunément leurs tyrans. Les papes, ambitieux
d’envahir le pouvoir fuprême, fomentèrent
en fecret le mécontentement du peuple qui commença
à . rougir d’être affervi a des fouverains
étrangers ; 8c dès qu’ils furent appuyés de la multitude
, ils abuferent des foudres de l’Eglife contre
tous ceux qui refuferentde ployer fous leur defpo-
tifme. Les rois d’Allemagne, à qui le titre d’'empereur
des Romains ne fufcitoit que des guerres, fe défi-
fterent fucceflivement de leurs droits, 8c abandonnèrent
le fiege de Rome aux papes qui, pendant
plufieurs fiecles, bouleverferent l’Europe pour s’y
conferver. Mais en renonçant à la réalité du pouvoir,
ils continuèrent à fe parer d’un titre vain 8c pompeux;
8c, à leur élection, on les fait encore jurer
qu’ils feront les défenfeurs de l’empire, mot qui
n’offre "aucune idée , .& qui n’impofe aucune obligation
, puifqu’il ne refte aucun veftige de cet empire.
Ils ont même aboli l’ufage d’aller fe faire couronner
à Rome , ufage qui coûta tant de fang à
l’Europe ; & les princes éle&eurs n’exigent point
l’accompliffement de leur ferment: les dépenfes de
cette cérémonie épuifoient 1 '‘Allemagne, & enrichif-
foient l’Italie.
L’'Allemagne , comme dans les premiers tems, eft
encore .gouvernée par différens fouverains, dont
l’empereur eft le chef, mais, dont le pouvoir eft
reftraint par celui des états de l’empire, qui font
compofés des princes, dont les uns font eccléfiafti-
ques , & les autres féculiers. Cette dignité, depuis
Charlemagne, a toujours été é leftive, quoique toute
la nation fût convoquée pour donner fa yoix. Il eft
confiant qu’il n’y eut prefque jamais que les prince
s , les évêques & la nobleffe, qui donnèrent leur
fuffrage. Le nombre des électeurs eft aujourd’hui
reftraint à neuf, dont trois font eccléfiaftiques ; fa-
voir les archevêques de Mayence, de Treves & de
Cologne. Les fix autres font le roi de Bohême , le
roi de Pruffe, les ducs de Bavière, de Saxe & de
Hanovre , & le comte Palatin du Rhin. On ne
peut fixer le tems où ces princes fe font appropriés
ce privilège exclufif : la plupart des droits ne font
que d’anciens ûfages. L’opinion la plus générale en
fixe l’époque à Othon III. Il eft probable que les
premiers officiers de l’empire, qui tenoientdans leurs
mains tout le pouvoir, s’arrogèrent le droit d’élection.
La bulle d’Or les confirma dans une ufurpa-
tion, dont ,on ne pouvoit les dépouiller. Le chef
de tant de fouverains eft fort limité dans l’exercice
du pouvoir fuprême : il ne peut rien décider fans le
concours des princes ; ôc dès qu’il eft élu , il.con-
firme par fes lettres & par fon fceau , les droits &
•les privilèges des princes , de la nobleffe & des
-villes.
L’empereur & les électeurs font les feuls princes
qui foient véritablement fouverains, parce qu’ils
font affez puiffans, pour faire refpeéler leur privilège
& là foi des traités. La couronne impériale ,
opres avoir ceint le front des princes de Saxe, "de
Suabe, de . Bavière & de Franconie , &c. paflà fur
la tete du comte de Habsbourg, tige delamaifon
d’Autriche , dont les .defcendans ont étendu leur
A L L 30 9
domination dans les plus belles provinces de l’Europe
, plutôt par une politique fage & fuivie , que
par la force 6c l’éclat des armes, L’extindlion de
cette augufte maifon en a fait pafler l’héritage dans
celle de Lorraine, qui., à ce que quelques-uns ont
prétendu, avoit une commune origine avec elle.
La maifon des comtes Palatin du Rhin fe glorifie *
de la plus haute antiquité. Sa domination s’étend depuis
les Alpes jufqu’à la Mofelle : elle eft diviféè en
deux branches principales, dont l’une , qui defcend
de Rodolphe, a pour chef l’éleôettr Palatin ; l’autre,
qui defcend de Guillaume, poflède la Bavière. La
branche Palatine des Deux Ponts a donné des rois à
là Suede, & des fouverains illuftres à plufieurs pays
de l’Allemagne. On peut dire à la gloire de cette
maifon, qui poffede aujourd’hui deux éleftorats ,
qu’elle a été dans tous les tems féconde en grands
hommes.
La maifon* de Saxe, qu’on voit briller dans le
berceau de Y Allemagne, paroît auffi grande dans
fon origine , qu’elle l’eft aujourd’hui. La Thuringé ,
la Mifnie , la haute & baffe Lufaee qu’elle poffede,
font fituées au milieu de Y Allemagne. Elle eft divifée
en deux branches qui en forment plufiéurs autres.
L’Erneftine, qui eft l’aînée, a été dépouillée de
l’éleftorat qui a paffé dans la branche Albertine.
Si les poffeffions de cette maifon étoient réunies fur
une feule tête, elles formeroient une puiffance redoutable
:les princes de Gottha,dé Veimar, Hild-
burghaufen, &c. n’ont plus que l’ombre du pouvoir
, dont leurs ancêtres avoient la réalité.
La maifon électorale de Brandebourg eft parvenue
au dernier période de la grandeur, fous un roi philo
fophe & conquérant : fes poffeffions s’étendent
au-delà dè Y Allemagne, où il eft maître de la Poméranie
ultérieure, de la Marche, de la Pruffe,
du Brandebourg, de la Pruffe érigée en royaume, de
Cleve , de la plus grande partie de la Siléfie , des
évêchés d’Halberftad.,. de Minden, de Bamin, & de
l’archevêché de Magdebourg. Cet état confidérable
par fon étendue, prend chaque jour de nouveaux
accroiffemens par fa population , dont les progrès
font favorifés par la fertilité du f o l , & par les
encouragemens du gouvernement.
L’éleftorat eft paffé dans la maifon de Brunfvic-
Hanovre, qui a auffi la gloire d’occuper le trône
d’Angleterre. Les poffeffions de cette maifon , quoique
divifées , lui donnent un rang confidérable
parmi les princes fouverains de Y Allemagne. L’électorat
de Bohême eft tombé dans la maifon d’Autriche
: les électeurs eccléfiaftiques font chanceliers
de l’empire. Celui de Mayence doit exercer cette
dignité en Allemagne ; celui de T re v e s, dans la
Gaule & la province d’A r le s, à laquelle les Aller
mands confervent. toujours le titre de royaume ;
celui de Cologne dans l’Italie. On peut juger par
ce partage que leurs fonctions font trop fimples ,
pour être pénibles il n’y' a que le premier à qui
fon titre impofe des obligations réelles.
Chaque électeur eft, haut officier de l’empire. Le
duc de Bavière prend'le titre de grand-maître :
c’eft lui qui, dans' lafolemnité du couronnement,
porte la couronne d’or. L’éleéieur de Saxe, en fa
qualité de grand maréchal, porte l’épée. Celui de
Brandebourg, comme grand chambellan, porte le
fceptre. Le Palatin, comme grand tréforier, diftribue
au peuple les pieces d’o r , dont l’empereur a-coutume
défaire des largeffes après fon couronnement.
Enfin chaque élerieur a fa fonriion, qu’il fait exercer
par des vicaifes, fur-tout depuis que plufieurs
d’entr’eu x , revêtus du titre’ de ro is , croiroient fe.
dégrader, en defcendant à dés devoirs qu’on n’exige
que d’un fujet. Lorfque l’empire.eft vacant, 8c qu’il