de fes biens, fans envier ceux des autres. Pendant
les guerres de Céfar & de Pompée, il refta tranquille
à Rome, quoique ceux qui reftoient dans la
neutralité fuffent regardés comme des ennemis par
les deux chefs de parti. Pompée, qui exigea le plus,
ne fut point offenfé de fon indifférence pour fa cau-
fe : & Céfar, vainqueur à Pharfale, lui témoigna les
mêmes égards que s’il en eût été bien fervi: tel eft
l ’afcendant des hommes maîtres d’eux-mêmes. Lorf-
que l’ivreffe des factions eft diffipée , on félicite
ceux qui ont refufé d’y prendre part. Céfar lui envoya
le fils de fa feeur Pomponia fait prifonnier à
Pharfale, & pendant toute fa di&ature, il lui témoigna
la même confiance.
Son efprit fouple & docile fe prêtoit à tous les
goûts, jeune encore il fût plaire à Sylla dans fon
déclin ; vieux il devint également cher à Brutus, qui
étoit dans la fleur de fon âge. C’eft le privilège des
âmes tranquilles, qui jamais ne fe livrent aux faillies
de l’humeur, ni aux impreflïons de l’enfance.
Lorfque la fortune abandonna Brutus, & qu’il fut
oblige de fortir d’Italie, Atticus qui avoit été indifférent
à fa çaufe, fe fit un devoir de l’obliger,
parce qu’il étoit malheureux ; il lui fit tenir en 'Epire
une fomme confidérable, & après la journée de
Philippe, il ufa de la même générofité envers les
illuftres profcrits, à qui il fournit de l’argent & des
vaiffeaux pour fe retirer dans la Samothrace. An-
■ toine heureux ne le compta pas parmi les adorateurs
de fà fortune ; mais lorfqu’il eût été déclaré ennemi
de la république, Atticus fe fit un devoir d’adoucir
le fort de fa famille, délaiffée dans un tems ou l’on
n’avoit pas lieu de préfumer qu’elle feroit en état de
lui en marquer fa reconnoiffance. Fulvie, femme de
ce triumvir, étoit alors pourfuivie par des créanciers
impitoyables , il fe-rendit fa caution fans en
être follicité lui prêta même de l’argent fans intérêts,,
pour aller .rejoindre fon mari; & comme on
lui demandoit le motif de cette, générofité envers
un homme qu’il avoit négligé dans la profpérité , il
répondoit : Il faut aimer les hommes ÔC non pas leur
fortune. Une révolution imprévue ramena Marc-
Antoine heureux & triomphant à Rome ; ceux qui
qui l’avoient abandonné dans fa difgrace éprouvèrent
fes vengeances. Atticus craignit que fes iiaifons
avec Cicéron ne l’euffent fait parqître coupable , il
fe tint caché, pour ne pass’expofer à l’orage. Antoine
qui vouloit s’honorer d’une fi illuftre amitié ,
lui écrit de fe rendre avec confiance auprès de lu i,
l’affurant qu’il étoit effacé de la lifte des profcrits ,
ainfi que fon ami Canius. Atticus heureux de s’être
fauvé du naufrage commun, s’abandonne comme -
auparavant à la bienfaifance de fes penchans : protégé
d’Antoine, il n’ufa de fon crédit que pour adoucir
les maux de ceux qui avoient fuivi le parti de Brutus.
Servilie,mere de ce dernier des Romains,tombée
dans la difgrace, vieilliffoit dans la mifere, il eut
pour elle les mêmes égards,que dans les tems oit fon
fils étoit l’idole des Romains. Vipfanius-Agrippa,qui
avoit droit de prétendre à tout, à caufe de la faveur
dont il jouiffoit auprès d’Augufte , ne crut pouvoir
contracter une alliance plus riche & plus honorable
qu’avec la fille d’Atticus, il l’accepta pour gendre,
& il n’eut d’autre motif que dé fe fervir de fon crédit
pour protéger tant d’illuftres infortunés que lestrium-
virs avoient profcrits. Il naquit de ce mariage une fille
qui dans la fuite fut mariée àTibere-Claude-Néron.
Devenu plus puiffant par çette alliance qui le faifoit
entrer dans la famille d’Augufte , il fut toujours fans
ambition , & il n’y eut que. les malheureux qui firent
l’heureufe expérience de fa faveur. Augufte, enchanté
de fa converfation, déroboit tous les jours
quelques heures aux affaires pour s’entretenir avec
lui, & lorfqu’il étoft éloigné de Rome, il étoit exaft
à lux écrire. Des intérêts domeftiques allumèrent des
haines entre les deux rivaux de la puiflance fuprême.
Atticus , favori d’Augufte, ne ceffa jamais d’être
l’ami d’Antoine , avec lequel il entretint un commerce
de lettres jufqu’au dernier moment de fa vie*
Il eut la même conduite envers Cicéron & Hoçtenfuis
qui partagèrent fon attachement. Les rivaux de
talens rarement font fans haine ; mais ces deux orateurs
étoient trop fupérieurs au refte des hommes
pour s’abandonner à la baffeffe de l’envie : pénétrés
d’une eftime réciproque, ils regardoient la gloire
comme un commun héritage, & ce fut ce fentiment
qui les unit conftamment avec Atticus.
Il étoit parvenu à l’âge de 77 ans fans avoir
éprouvé aucune de ces infirmités qui affligent la
vieilleffe, alors il fé fentit attaqué d’une irritation
d’humeur dans la partie inférieure des inteftins. La
vie ne fut plus pour lui qu?un fentiment douloureux.
Ennuyé d’en fupporter le poids, il prit la folle réfolu-
tion de s’en délivrer. Eh quoi! difoit-il, quand je fuis
- inutile aux autres, 6* que je fuis â charge à moi-même ,
dois-je préférer Une continuité de fouffrahees à une d if
folution infmfibk? Il appelle fes proches & fes amis,
il leur fait d’éternels adieux avec la même férénité
que s’iln’eût entrepris qu’un voyage ordinaire. Cette
feene fut touchante ; il fe priva de toute efpece
d’alimens, & mourut le cinquième jour; Il avoit
défendu qu’on lui rendît aucuns honneurs funèbres ,
il fut dépofé fans pompe dans le tombeau de Céci-
liûs fon oncle dont il avoit réuni toutes les affe&ions.
Mais les .regrets & l’affluence des gens de bien qui
. aflifterent à fes funérailles, furent le plus bel orne*
ment de fa pompe funebre : fa piété filiale fait l’éloge
de la trempe de fon coeur. C’eft vis-à'vis de fés proches
qu’on fe livre fans contrainte à fes penchans :
on eft en repréfentation devant le public. Atticus
avoit 67 ans, lorfqu’il perdit fa mere, âgée de 90.
Il fe confola de fa mort par le témoignage que pendant
le cours d’une fi longue v ie , leur tendreflè réciproque
n’avoit éprouvé aucune altération. Il eut le
même attachement pour fa foeur Pomponia, avec
laquelle il fe fit un devoir de partager fa fortune :
tel fut cet homme opulent, qui n’ufa de fes richeffes
que pour foulager les malheureux; ce favori des
maîtr es du monde, qui n’ambitionna quede les rendre,
des hommes de bien ; ce favant fans orgueil, qui ne
connut jamais l’envie; ce philofophe, qui ne fit fer*,
vir cette feienee qu’à régler fes moeurs. ( T—n . )
§ ATTIGNY-, ( Géogr. ) petite ville. de France
en Champagne, & chef-lieu d’une petite contrée
appellée la vallée du bourg ; elle -eft fur la riviere
d’Aifne , à trois lieues fud-eft de Rhetel, & à huit
fud de Charleville : ce lieu eft fort ancien & très-
célebre par les conciles qui s’y font tenus. Plufieurs
rois de Francè y ont fait leur féjour ; & Chilperic ,
neve.u de Clovis I I , y mourut. Ce fut à Attigny
où l’on tint les premières affemblées d’état pour
la légiflation du royaume , fous le régné des Mérovingiens.
( C .A . j
§ ATTIGOUVANTANS ou A t t i g o v a n t a i s ,
( Géogr. ) peuples de l’Amérique feptentrionale , à
l’occident du îae des Hurons. On ne connoît à ce
peuple chafïeur d’autres habitations que des cafés
en forme de grands fours ,- couvertes d’éçorces
d’arbres & nattées en hiver , foit d’herbes longues,
foit de peaux d’ours. On ne lui connoît pas non
plus d’autre police que les avis paffagers qu’il reçoit
de l’affemblée de fes vieillards , ni d’autre
culte religieux que fes invocations à un être imaginaire
ou à un dieu nommé Ocqui, dont les attributs
femblentêtre plutôt ceux d’un démon que ceux
d’une divinité bienfaifante. Ils enterrent leurs morts
avec pompe, &c chargent leurs tombeaux de vê-
temens , d’arcs , de fléchés & d’uftenfiles , fe
A T I
perfuadant qu’après cette v ié , il en eft une Autre oîi
l’on va bien loin goûter la douceur de fe retrouver
avec, tous fes amis. Les feftins font fort en ufage
parmi eux : leurs médecins font à la fois leurs devins
& leurs faltimbanques ; & dans leurs maladies,
à ce qu’on affure, leurs remedes les plus ordinaires
font la mufique & la danfe. On affure auffi qu’avant
le mariage , leurs filles fe proftituent fans réferve ;
mais qu’une fois devenues femmes,il n’y a rien de plus
exemplaire que leur chafteté : ce font ces mêmes
femmes qui labourent les terres , fement les maïs »,
le moiffonnent, affemblent le bois pour les cabanes,
portent le bagage d’un endroit à un autre, &
prennent enfin fur elles feules toutes les peines du
ménage. Les hommes n’y font autre chofë que trafiquer
, aller à la chaffe ou bien à la guerre. (C. A i)
ATTIRAMEGUES , ( Géogr.) peuplé fiel’Amé-.
tique feptentrionale au 50 dégré de latitude, vers
le lac S.aint Thomas^en remontant le fleuve,.à l’embouchure
duquel on aMtila ville des Trois Rivières
entre Quebec .& Montréal. Ce peuple paffe pour
l’un des plus dociles de cette contrée. (C , A . )
ATTILA , ( Hijl. des Goths.) fils de Bendeme,
àrriere-fils du grand Nembroth, élevé & nourri dans
Ëngaddi, par la grâce de Dieu , roi des Huns, des
Medes, des Goths, desDaçes; la terreur, l’effroi
de l’univers, la verge & le fléau de Dieu. Tels
étoient les titres que prenoit cet homme farouche ,
le plus redoutable & l’unique de fon efpece que
nous offrent les annales du monde. Rien n’égaloit fa
fuffifance & fon orgueil ; il avoit coutume de dire
que les étoiles tomboient devant lu i, que la v.oûte
des cieux s’abaiflbit, que fon poids faifoit la terre ;
& qu’il étoit un marteau pour tous les peuples. On
ne fait rien de fes premières armées, mais On peut
croire qu’elles annoncèrent qui il devoit être. Aidé
de Bleda fon frere & fon affocié au trône des Huns,
il ravagea toutes les provinces de l’empire d’Orient,
& força Théodofe le jeune à lui payer tribut. Après
avoir ainfi humilié ce prince , il lui fit chaque jour
de nouveaux outrages. «Théodofe, difoit-il info-
>> lemment, eft iffu d’un pere très-noble, ainfi que
» moi ; mais en me payant tribut, il eft déchu de
» fa rlobleffe, & eft devenu mon efclave. S’il ofe
i> me faire là guerre , ou me dreffer des embûches,
>> je le punirai comme un efclave rebelle & mé-
,> chant ». Un jour , il lui envoya un Goth pour
âmbafladeur, avec ordre de lui parler en ces termes
: << Attila, mon maître & le vôtre, vous or-
>> donne de tenir un palais prêt pour le recevoir.
» Il ne convient pas à Théodofe , difoit-il encore ,
>> d’être fourbe ou menteur : il a promis à un de
*> mes fujets la fille de Saturellus en mariage ; s’il
i> viole fa promeffe, je lui fais la guerre : s’il eft
» dans l ’impuifl'ance de l’accomplir , & qu’un de fes
»> fujets ofe lui défobéir , je vole le venger ». Outre
le tribut qu’il exigeoit de l’empereur, il rece-
\Voit les appointemens de général. Une circonftance
îinguliere de la vie de cet homme étonnant, c’eft
qu’il ne voulut foumèttre les Romains que pour
avoir droit de les défendre : il fe déclara leur protecteur
, lorfqu’il pouvoit être leur maître. Cependant
,■ après la mort de Théodofe le jeune, Marcien,
fucceffeur de ce prince , refufa de plier, fous le
joug du barbare : après avoir fait fortifier tous les
poft.es> importans ,• il déclara qu’il ne vouloit pas
d’un femblable général. Attila prétendit en tirer
vengeance ; il fit une irruption fur les terres de
l’empire d’orient. Mais Marcien lui ayant op-
pofé de bonnes troupes , il fe replia vers l’occident,
où il fe promettoit des victoires plus faciles : il
avoit fait maffacrer fon frere Bleda , ne pouvant
fupporter d’aflbcié au trône. Plufieurs écrivains
rapportent qu’il fubjügua une. partie de la grande
A T T 68 7
Germanie. Oh ne voit cependant pas qu’il ait été
en guerre contre les peuples de cette célébré con*
trée. Au refte , les Germains pouvoient s’être volontairement
fournis à un prince qui ne le voit aucun
impôt fur fes fujets, & q u i, moins intérefle
qu’ambitieux, fe contentoit de fOumettre les nations
, & leur en abandonnoit les dépouilles. Attila
ne demandoit aux Huns que des hommes & du feri
Les Germains naturellement avides de gloire Sé de
butin , ne pouvoient choifir un meilleur général*
Ce fut vers l’an quatre cent cinquante-un qu’il entreprit
cette invafion fi fameufe fous le nom d’in-
vafion d’Attila : il avoit une armée dé cinq cens
mille hommes tous dévoués à la yiftOire ou à là
mort; il leur avoit infpiré un zèle fanatique &
fuperftitieux, fe difânt armé par le dieu Mars qui
lui avoit envoyé fon égide & .fon épéè; Çës
troupes prodigieufes & déterminées ne fera péchèrent
pas de recourir à la rufe : tous les moyens
de réuflir entroient dans fa politique ; aucun n’é-
toit vil à fes yeux , s’il afliiroit le fuccès. Lorfqué
les Romains d’occident lui demandèrent contre qui
il deftinoit fes immenfes préparatifs , il leur répondit
que c’étoit pour châtier les Vifigoths fes enclaves
, & fe venger d’une injure que lui avoit faite
Theodoricleurroiy ainfi que des Francs qui âyoiené
ofé mettre le pied fur les terres de l’empire dont
il s’étoit déclaré le protecteur ; dans le, même teins ;
il recommandoit à Théodoric de' rie pas prendré
l’alarme , l’afliirarit -qu’il ne venoit dans lés Gaules
que pour les partager entré les Huns & les Vifigoths*
Lorfqu’il eut trompé fur fes deffeins Valentinien
III & Théodoric, il couvrit le Danube d’une infinité
des barques : il traverfe la Pannonie, le No*
rique & la Suabe ; arrivé dans les Gaules, il marché
vers Cologne ; il en chaffe Merouéë , & livre là
ville au pillage Sé à la flamme. Tôngres, Treves;
Spire , Vormes , Mayence , Andernac, Arras , Be-
fariçon; Metz, T o u l, Langrès & plufieurs autres
villes éprouvèrent également la fureur de cet impitoyable
conquérant. Les Romains étonnés de ces
fuccès ; en conçurent la plus vive inquiétude. Âé-
,tius fe rendit aufli-tôt à Arles : les Huns étoient
devant Orléans, dont ils battoiènt lés murs. Comme
il n’avoit qu’une foible arniee, il fe tint fur la dé-
fenfive , & envoya des députés aux affîégés les
affurer d’un prompt fecours. Les Orléànois étoient
affez portés à faire une vigoureufe défenfe ; le fort
effrayant de leurs voifins étoit pour eux un aiguillon
puiffant. Aétiüs fit aufli-tôt folliciter Théodoric
pour l’engager à fé joindre à lui, afin d’oppofer
une digue au torrent. Le roi des. Vifigoths te re-
fufa d’abord aux follicitations du général Romairi ;
il avoit réfo'lu d’attendre , pour fe déclarer , que
les Huns euffent mis le pied fur fes terres : il étoit
retenu par Attila qui l’affuroit toujoiirs dé fdrt
amitié , & lui proriiettoit de l’affpcier à fes cdn*
quêtes ; mais le préfet Avitus fe fervit de fofî af-
cendant fur l’efprit de ce prince ; & le décida pouf
la caufe communiéï II l’éclairâ fur les deffeifts à!Attila
j & lui fit voir que cet ambitieux teftdoit à fé
former une monarchie univerfelle ; & ; comme bri
l’a remarqué , Théodoric pouvo'it - il fe flatter que
le roi des Huris, qui régnoit par le. ma d'acre d’un
frere , & dont le nom étoit redouté jufqu’aux r'iveS
de l’Indus & du Tariaïs, eût reip’efté l’alliance des
Vifigoths?
^ Tandis qu’Àvitus né’gdcioit à la coür dé Théo'-
dôric, Aétius avoit envoyé des députés au - delà
du Rhin & dans toutes les parties dés Gaules , bit
les Huns n’avoient point encore pénétré. Il négocia
avec tant de fuccès , que fort armée ; fui varié
Profpér, fut en peu de tenïs prefque auffi norit-
breufe que celle des ennemis ; elle étoit eompoféd