feux; & ceux de plufieürs pièces réunies p eu v e n t
alors caufer un grand défordre , & de plein faïe't
& à ricochet, fi leurs dimerifions les rendent propres
à ces effets, & f i la batterie n’eft pas trop é le v é e
au-deffus du niveau de la campagne : car on fait
l ’avantage que M. de Valierè tira des pièces de
12 & de 8 , qu’il avoit placées fur la colline entre
Aftembek & lè bois, avec lefquelles il rompit le
corps des Heffois & des Hanovriens qui fe d ifp o -
foient à fondre fuir nos troupes aufortir de ce village.
G e t e x em p le n e contredit point une maxime prouvée
par la raifon & par l’expérience , qu’il ne faut
pas placer le canon de préférence fur des hauteurs
trop élevées, parce qü’alors les coups font p lo n g
eo ns & incertains. C’eft au coup d’oeil & à l’expérience
à juger de ces fortes de polirions, qui font
toujours favorables lorfque le commandement de la
batterie ri’eft que de 1 5 à 20 pieds fur une étendue
d’environ 300 foifes.
Nous établirons une autre maxime avec l’auteur de
VEffai fur l'ufage de l'artillerie, qui n’eft pas moins importante;
« c’eft que les batteries, pour avoir un effet
décifif dans une affaire, doivent être fortes & fe
protéger réciproquement. Cela n’exclut pas, continué
le même auteur , l’avantage des batteries plus
foiblës & plus éloignées les unes des autres, c’eft
lë meilleur qu’on propofe fans rejetter le bon » :
les circonftances déterminent d’ailleurs entre le plus
& le moins , mais, autant qu’il eft poffible , il faut
s’en tenir à la maxime qu’on ne peut nier, & dont
la vérité eft reconnue par les militaires même
qui font le moins d’accord fur les autres points.
Voici ce que dit l’auteur de VE f a i general de
la Tactique , à l’occâfion d’un général habile qui
oferoit s’écarter de l’opinion reçue & n’aüroit que
150 pièces de canon , avec une armée de 100
bataillons , égale à celle de fon ennemi', mais
qui auroit 400 pièces de canon. Tous les avantages
, dit-il, feront du côté du premier. Il n’aura
point ce que nous appelions des pièces de régiment,
parce qu’il calculera que ces pièces n’ont pas des
pqrtées affez longues & allez décifives ; que difper-
fées & formant de petites batteries, elles ne rempliffent
point de grands objets......... Ses batteries mieux
difpofées, mieux emplacées, mieux exécutées, des
pièces d’un calibre plus décifif, des prolongemens
plus habilement pris, lui donneront encore l’avantage.
L’eftimable auteur qui a écrit contre YEJfai général
de Tactique, qui réunit à de profondes con-
noiffances , une longue expérience de guerre, dit,
dans un ouvrage fur les opinions qui partagent les
militaires : « Que pourra-t-on oppofer à mes dé-
monftrations ? Le nombre de canons très-augmenté
dans les armées depuis le commencement du fiecle?
Mais l’augmentation ne porte que fur des petites
pièces fort peu darigereufes f i elles font fépdrces; &
fi elles font réunies par brigades fur la ligne, c’eft
une raifon de plus pour ne pas s’y expofer long-
tems. — Les batteries £une certaine force, compofées
de pieces du parc & du calibre de 8 au-moins,
bien placées, font effectivement redoutables & méritent
Confidération. Les partifans de la nouvelle
artillerie ne font pas fi blâmables lorfqu’ils difent
que le canon doit à préfent décider les batailles ;
autrefois ils penfoient feulement que par des polirions
bien choifies & par un fervice bien dirigé,
ils influoient for le fuccès. -Des prétentions fi fin-
gulieres naiffent naturellement de l’ e fp e c e de tactique
dont on fe -fert.
Nous finirons ce qui regarde les petites pièces
éparpillées le long de laligne, parce que nous liions
dans le Supplément à VEffai fur V ufage de Vartillerie.
« Quant à Y artillerie fixement- attachée aux batail-
Ions ’ e^e pëut être trop légère, de quelque
cote qu’on l’envifage : plus on épargnera fur ce
point, plus on méritera d’éloges, car elle coûtera
toujours trop en cônftruftion & munitibris pour
* ay?n,taSe, ^Lie ^ tat en tirera dans les batailles ».
Il n én fera pas de même des fortes batteries dont
nous venons de parler, lefquelles.occupant des pofi-
tidns favorables, pourront croifer avantageufement
leurs feux fur des corps de troupës à la diftance de
500 toifes & plus loin encore, fur-tout fi les pièces
de 12 & de 8, dont elles feront compofées, ont l’avantage
de pbrter loin, fous le moindre angle d’élévation:
mais il faut alors tirer lentement & fe donner
le tems de pointer & de juger de l’effet de fes
coups. Ce font les circonftances qui décident le commandant
éclairé d’une batterie, & qui lui font juger
de l’avantage ou de l’inutilité de tirer à de grandes
diftances : c’eft la quantité de munitions qu’il a ; c’eft
le befoin qu’il prévoit en avoir dans la fuite de l’action
; c’eft l’effet de fon feu, c’eft enfin fon expérience
& fes lumières qui le déterminent. Que n’a-
t-il pas à foufïrir dans ces occafions, de l’empref-
fement, fouvent indifcret, des troupes qui l’environnent
, lefquelles voudroient toujours voir Y artillerie
en action & entendre du bruit, même lorfqu’i!
eft évident qu’il feroit fans effet: fituation pénible,
mais dont il eft bien dédommagé, lorfque dans la fuite
de l’affaire, fes munitions, fagement économifées,
font employées avec autant de fuccès que d’éclat.
Dans quelque circonftance que ce foit, on doit,'
au lieu de tirer par falve, ne tirer qu’un coup après
l ’autre, en forte que le feu foit continu; c’eft la
maniéré la plus fûre d’inquiéter l’énnemi, de lui
faire tout le mal poffible & de ne lui pas donner un
moment de relâche. Sans s’écarter de cette maxime,
dont la vérité ne fera pas conteftée, il faut tirer vivement
à 200 toifes de diftance , parce que le coup
commence à devenir certain , & à 100 /toifes très-
précipitamment parce que le feu devient alors auffi
meurtrier qu’il peut l’être, & une troupe qui y feroit
expofée, fans pouvoir l’éviter, le foutiendroit
difficilement fans fe rompre.
Après avoir parlé de la légéreté de Y artillerie du
nouveau fyftême, dont fes partifans Ont prétendu
tirer de fi grands avantages, après avoir montré ce
que les pièces raccourcies perdoient fur la longueur
& la rectitude des portées * nous- devons entrer dans
quelque détail fur le canon tiré à cartouche. Cette
queftion tient au fyftême actuel de tactique qui pa-
roît univerfellement adopté par toutes les puiffances
de l’Èurope, & doit nécéflhirement entrer dans- cet
article , dont Y artillerie de campagne eft l’objet :
nous le terminerons par quelques réflexions fur
l’économie qu’on a cru devoir réfultêr du nouveau
fyftême & fur la dégradation des chemins que la
nouvelle artillerie de'vôît plus ménager que l’ancienne
, par rapport à fa iégéfeté.
M. Joly de Maiferoy, auteur auffi eftîmable que
militaire zélé, nous dit dans l’avant - propos de l’ouvrage
fur les opinions qui partagent l:es militaires ,
que « depuis le fiecle de Charles V. & de François
I. où. l’on vit renaître en Europe la fcience de la
guerre, l’infanterie cônftituée fur les principes, des
anciens, s’y ëtoit foute nue fans contradiction juf-
qu’apfès la paix de Nimeglte , en 1678. Les fulils
qui commençoient alors à fuècéder aux xhpufquetS j,
étant plus maniables & plus faciles à tirer , firent
prendre infenfiblement du dégoût pour les piques,
l'invention de la baïonnette contribuoit encore a
l’augmenter, de forte que lés piques forent entièrement
abandonnées en 1703 ; ce fut M. de Vauban
qui détermina Lotus XIV. a les fiipprimer, époque
qui doit être remarquable dans l ’hiftoirede notre
tactique. Peu d’années après toute l’infanterie fut
fermée d e fufils avec la baïonnette à douille, & la plupart
imaginèrent que l’atmé de jet devoit être déformais
prépondérante: cette idée ayant pris faveur,
«on ne périfa plus qu’à fe ranger dans un ordre qui
parût propre à faire ufage de tout fon feu ; ôn oublia
totalement celui qui con vendit le mieux pour la
charge & qui avoir été précédemment comme la
forme naturelle de l'infanterie.
Il auroit femblë que l’ordre mince & cette extrême
confiance qu’on met aujourd’hui dans le feu, ne pou-
voie nt fe concilier avec Timpéfoëiife vivacité de la
înàtion Fràriçbilè, fi bien connue de toutes les autres :
quoi qu’il en foit de cette difcuffion qui n’eft cependant
pas étrangère à notre fiijet, il fuffit de dire .que
toutes les puiffances dé l ’Europe ayant adopté là
formation dés bataillons'fur, trois de hauteur, on a
cru qu’on ’ne poiirroit rëfifter au feu de leur infanterie
& de leur nombreufé artillerie, qü’en leur ôppô-
jfant des troupes rangées dàns le même ordre, une artillerie
auffi nombreulequela léur, & , par ce moyen,
un feu auffi bien nourri que le leur. De là notre ordonnance
âéiuelle ; de-là nos exercices, nos feux de pelotons,
de divifions , de deux rangs ; de-là Y artillerie
légère ’& multipliée, de-là les coups de canon à cartouches
préférés aux boulets ÿ même à de trop grandes
diftances.
Ce fyftême de ta étique ayant prévalu , il eft certain
que les partifans de la petite artillerie avtiient
un beau champ pour défendre leur opinion. Vous
voulez du f e u , ont-ils dit, vous y mettez toute
Votre confiance, vous abandonnez les armes dé longueur
qui mettoient votre infanterie dans le cas deie
défendre contre là cavalerie & même de l’attaquer;
«vous voulez que les François fi impétueux & fi déterminés
à en venir p rom p tem en t aux mains; à fondre
bruiquement fur l’ennemi, à l’attaquer de vive
force même dâns des poftes, dans des retranchemens,
craignent de le joindre à découvert & relient en
panne expofés au feu de la moufqueterie & de Yar-
tillerie, fe u d ’au tan t plus redoutable que les nations
que vous prenez pour modèle , en font leur principale
affaire & qu’il convient à leur caraélere : vous
éteignez la bouillante ardeur des François, vous
enchaînez leur courage, vous voulez gêner les fa-
vantes difpofitions, la valeur du général habile qui
fera à leur tête. Il faut donc nous conformer à vos
vues & à vos nouveaux principes , & copier les
puiffances étrangères, dans la partie qui nous regarde
, comme vous les copiez dans toutes les autres,
il faut multiplier Y artillerie & devenir fupérieur à
l ’ennemi, dans le genre même qui parut toujours
nous convenir le moins ; nous aurons comme lui
deux petites pièces de 4 attachées à chaque bataillon
( celles de 3 conviendroient même mieux par
leur extrême légéreté pour fuivre les mouvemens
des t ro u p e s ). La portée de nos petites pièces fera
àflèz longue & la force du boulet plus que fuffifante
pour emporter trois hommes de file, p u ifq u e les
bataillons ennemis font formés fur trois de hauteur :
cette formation préfe'ntant un grand front fur, peu
d e profondeur, nous tirerons bien plus à mitraille
qu'à boulet, à 2 0 0 , même à 3 0 0 toifes. Chaque
coup vomira 41 balles de fet battu qui fortiront
d ’une boîte à culot de fe r , lequel donnera la mort
à celui qu’il frappera & chaque coup de canon équivaudra
, en outre, à quarante & un coups de fufil :
nous mettrons par là plus de monde hors de combat
, quoique nos pièces tirent en courant & tour
jours vis-à-vis d’elles. Dirigées par les mêmes motifs,
,nos pièces de parc de 11 & de 8 feront emplacées -,
fi on né peut pas les traîner à bras à la fuite des
troupes, & n’ayant à tirer que fur des corps minces,
il fera très - a v an ta g eu x de les tirer à cartouches ,
même à de très-grandes diftances. Si nous tuons
Tome /,
ï>eit de monde, nous ferons des blelîures multipliées
à un point qui fe conçoit à peine , & nous
mettrons plus d’ennemis hors de combat, ce qui
eft notre y évitable objet & le plus raifonnable qu’on
pùiffe fè 'pfopofer. Noûis dirigerons la vivacité na*
turelle au François du côté du feu, & nous ferons
fuperieurs a nos ennemis,, même à cet égard, par la
vîteffe de noire exécution, & par la formidable multitude
de nos pièces, de canon : elles pefent beaucoup
moins que les anciennes : elles coûteront donc moins
& elles gâteront moins les. chemins. Ne critiquez
pas notre petite artillerie > puifqu’elle tient à votre
ta étique, qu’elle eft hëcèffaire à votre ordonnance,
qu’elle eft une fuite de vos principes, & puifqu’en-
fin vous ne pouvez là blâmer fans tomber en con-
■ 'tradiélion avec vous-meme.
Voilà en fubftancé ce que nous avons entendu
dire én faveur dé là nouvelle artillerie; & nous convenons
, avec notre impartialité ordinaire, qu’il n’eft
pas ailé d’y répondre, à moins d’attaquer le fyftême
aéluel de faéliqùe en’ totalité, dqnt Y artillerie n’eft
qu’une branche. On-a vu une partie des reponfes qui
ont été faites. Finiffons çe qui nous refte à rapporter
fur cette importante matière , & renvoyons , pour le
refte, à l’E (fai sérierai de Tactique & aux ouvrages
qui l’ont réfuté.
Il pâroît par les épreuves faites à Strasbourg, &
les, grandes diftances auxquelles on y tiroir les coups
à mitraille, qu’on eft dans le déffein d’employer des
boîtes de fer blanc terminées par un culot dé fer,
& remplies de quarante-une balles de fer battu , de
préférence aux boulets, contre les regies de l’ancienne
pratique ( Poye^ CAN O K de bataille. ) ; mais
en fuppofant que dans tous les terreins & à tous les
niveaux, ori auroit à la guerre des réfuitats pareil S
à ceux qu’on nous a donné dés-épreuves, ce qui né
peut fe firppofer,’ on ne peut pas dire que cette qualité
de bien porter la mitraille, foit particuliere aux:
pièces courtes, car celles qui ferôient plus longues
auroient encore la fupériorité à cet égard, ainfx que
l’ expérience l’a prouvé: c’ eft d’ailleurs une maxime
reconnue de tous les anciens officiers d'artillerie, que
les boulets font généralement plus de mal & caufent
plus de défordre que les coups à mitraille : fi les ennemis
font formés fur trois dehauteur, on cherchera des
polirions avantageufes pour les battre d’écharpe &
en flanc: les longues pièces auront la fupériorité
fur les courtes dans ces pofitions ; on ne peut en douter.,
& dans l’impoffibilité de faire courir les unes
& les autres à la fuite des troupes, on les y placera t
quant aux petites pièces-de régiment qui tireront
en courant, fur des hauteurs Ou dans des fonds ( car
les champs de bataille ne font pas des furfaces planes
comme les champs d’épreu v e ) , leur effet fera nul ou
prefque nul..
Il eft encore reconnu que les grappes de raifin 8c
les boîtes de fer blanc remplies de petits mobiles,
ne font pas d’un auffi bon ufage que les balles dé
munition renfermées dans des facs d’une toile légere
& que, quelle que foit l’efpece de mitraille que l’on
emploie , on ne doit fe fervir des pièces de canon,
pour cet ufage, que lorfqu’on eft fort près de l'ennemi.
Les coups à mitraille , ajoure-t-on , .n’ont
qu'une portée médiocre * font arrêtés ou détournés
•de leur route par de légers obftacles : une partie
des petits mobiles paffe au deffus de la troupe contre
laquelle ils étoient dirigés, une partie tombe en
avant fans l’atteindre, & la petite quantité qui pour-
roit frapper, à une trop grande diftance , ne fait que-
des bleflures légères qui n’infpirent point d’effroi.
L’effet fera moindre encore fi les mobiles font de fer
battu & léger, par la réfiftance qu’ils éprouveront
de la part de l’air, & parla direction qu’ils prendront
au fortir de la boîte qui les renferme * laquelle ayant
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