
632 A S D
viôoire en Afrique, & quelque tems après-il fut
encore défait par Cecilius Metellus, qui lui enleva
tous fes éléphans. Ces animaux avec qui les Ro-
piains n’étoient point encore familiarifés , furent
promenés, comme autant de trophées, dans toutes
les villes d’Italie. Afdrubal, quoique malheureux à
combattre , n’en fut pas moins refpefté de fes concitoyens,
parce que fécond en reffources , il re-
paroit promptement fes pertes, & paroiffoit aufli
redoutable après une défaite, que d’autres apres une
vi&oire. Uparoît qu’il ne fut pas toujours malheureux
à la guerre, puifque Carthage, fort économe
dans la diftribution des récompenfes, lui accorda
les honneurs de quatre triomphes, ce qui fuppofe
qu’il fit au moins quatre campagnes glorieufes. La
Sardaigne fut le brillant théâtre de fes viüoires. Il
y mourut en héros dans une bataille, dont le fuccès
affura à Carthage la conquête de cette île. iHailfa
un fils auquel il tranfmit tous fes talens , ■ qu’il déploya
dans la guerre de Numidie. Afdrubal, grand
homme de guerre, exerça avec gloire tous les emplois
civils. Il fut enlevé onze fois à la dignité de
fuffete. Cette fuprême magiftrature étoit éleôive
& annuelle comme le confulat à Rome. Celui qui
en étoit revêtu avoit la même autorité à Carthage,
que les rois avoient à Lacédémone. Le commandement
des armées n’étoit point attache à cette,
dignité , parce qu’il paroiffoit dangereux de mettre
dans- la même main le glaive de la loi & celui de
la guerre. (T —N.') . •
_ A s d r u b a l , fils de Gifcon , fut nomme par le
fénat pour commander en Sicile , pendant la première
guerre punique. Son incapacité favorifa les
progrès des Romains, & toujours mal fécondé par
fes foldats, dont il étoit méprifé, il n’effuya que
des revers. Après l’avoir accablé d’outrages , ils
pouffèrent la licence & la cruauté jufqu’à le crucifier.
Cette milice infolente & cruelle ne fit que
prévenir l’arrêt de mort que devoit prononcer contre
lui le fénat de Carthage, qui avoit coutume de
regarder les malheureux comme autant de coupables.
( T - n .) .
A s d r u b a l , fumommé le Beau , avoit reçu de
la nature tous les dons de plaire , & tous les talens
qui font eftimer. Ses grâces touchantes lui méritèrent
la bienveillance du grand Amilcar à qui il
devint néceffaire. Un attachement li marque fit foup-
çonner que le héros de Carthage bruloit pour lui
d’un amour criminel ; le fénat pour arrêter ce fcan-
dale , leur défendit de fe voir. Amilcar pour fe
fouftraire à l’arrêt flétriffant des magiftrats, donna
fa «fille en mariage à fon ami. La loi ordonnoit de
ne jamais féparer le gendre du beau-pere. Ce fut
en ufantdu privilège de cette loi qu’il fut autorife
à le mener avec lui en Efpagne , où il le chargea
de 'toutes les expéditions où l’on pouvoit acquérir
le plus de gloire. Ce fut dans la guerre de Numidie
qu’il déploya tous fes talens pour la guerre. Les
Numides voyant les Carthaginois occupes en Efpagne
, eurent la témérité de déclarer la guerre aux
Carthaginois. Afdrubal quitta l’Efpagne pour paffer
en Afrique , dont fes viôoires pacifièrent les troubles,
& firent rentrer les peuples dans l’obéiffance.
Après la mort de fon beau-pere, l’armée d’Efpagne
le proclama général, & ce choix fut confirme par
le fénat qui crut ne pouvoir mieux confier fes defti-
nées qu’à un éleve d’Amilear. Les premiers jours de
fon commandement furent marqués par la défaite
d’un prince Efpagnol , qui ofa le provoquer au
combat. La conquête de douze villes qui lui ouvrirent
leurs portes, furent le fruit de cette victoire.
La modération dont il ufa envers elles, engagea
des contrées entières à fe foumettre plutôt
que de s’expofer à la fortune de fes armes. Plein
A S D
de reconnoxffance pour la mémoire d’Amilcar, il
follicita le fénat de Carthage de lui envoyer Annibal
pour le faire entrer dans la carrière d e 4a gloire;
,& fupérieur à l’envie , il ne craignit- point d’être
effacé , par un jeune guerrier que lés voeux des foldats
appelloient au commandement. Un mariage
qu’il contracta avec une princeffe Efpagnole, acheva
de lui gagner tous les coeurs de la nation. Après
qu’il eut étendu fes* conquêtes , il crut devoir s’en
affurer la poffeflion en bâtiffant une villé qui pût
fervir de rempart à ce nouvel empire. Il lui donna
le nom dé Carthage la neuve, & cette ville devint
dans la fuite la plus riche & la plus commerçante
du monde. Les Romains alors trop occupés contre
les Gaulois , qui avoient fait une irruption dans
l’ Italie , n’étoient point en état de l’arrêter dans le
cours de fes profpérités. Il étoit plus intéreffant pour
eux de protéger leurs foyers que de porter leurs
forces dans une terre étrangère ; ainfi ils conclurent
le fameux traité, par lequel les Carthaginois
s’engageoient à ne point paffer l’Ebre , à ne jamais
troubler Sagonte & les autres côlonies Grecques
dans la jouiffance de leurs privilèges. Ce traite fut
religieufement obfervé , & Afdrubal tourna, fes armes
contre cette partie de l’Efpagne qui s’étend
depuis l’Océan jufqu’à l’Ebre. Les rois 6c les peuplés
, fubjugués par fon affabilité , n’oppoferent aucune
réfiftance ; Carthage conquérante fans effufion
de fang, vit toute l’Elpagne le faire un mérite de
fa foumiffion. Tandis qtiAfdrubal jouiffoit paifible-
ment de fes conquêtes , il fut aflaffiné par un
efclave Gaulois qui crut devoir venger fon maître
condamné à la mort par le général Carthaginois.
Ce ferviteur, fanatique , tranquille & ferein au milieu
des tourmens , ne parut fenfible qu’à la gloire
d’avoir vengé fon maître. (T—n .')
A s d r u b a l B a r c a , fils d’Amilcar, & frere.d’Annibal
, eut toutes les inclinations belliqueufes qui
diftinguoient ceux de fa maifon. Inftruit dans le métier
de la guerre par fon pere & fon beaü-frere , il fe
montra le digne éleve de fes illuftreS maîtres. Ce
fut lui qui fut établi gouverneur de l ’Efpagne, lorf-
qu’ Anmbal partit pour porter la guerre en Italie ;
on lui laiffa le commandement de la flotte pour
protéger les côtes, & une puiffante arméé pour contenir
les peuples dans l’obéiflancè. Tandis qu’Annibal
triomphoit en Italie, Cneus Scipion fubjuguoit
tout le pays , depuis l’Ebre jufqu’aux Pyrénées.
Magon qui commandôit dans cette partie de l’Ef-
pagne , fut taillé en pièces par ce Romain. Les troupes
viftorieu fes fe répandirent dans la campagne,
fans obferver ni ordre ni difcipline. Afdrubal qui
étoit venu au fecours de fon collègue , profita de
la difperfion & de la fécurité préfomptueufe des
Romains. Il fe mit à la tête de dix mille hommes
de pied & de mille chevaux , paffa l’Ebre & fondit
fur cette multitude éparfe, dont le plus grand nombre
fut paffé au fil de l’épée. La fortune ne lui fut
pas aufli favorable la campagne fuivante. Il mit en
mer quarante-cinq vaiffeaux de ligne, dont il donna
le commandement à un certain Amilcar qui paffoit
pour le plus grand homme de mer de fon tems. Il
y eut une a&ion fanglante où la fortune des Romains
triompha de la valeur des Carthaginois. A fdrubal
cquipoit une nouvelle flotte , & fit voile
pour la Sardaigne , d’où il fe propofoit de defcen-
dre en Italie , & d’y conférer avec Annibal fur le
plan de cette guerre. Mais Servilius avec une ef-
cadre de foixante & dix galeres, l’obligea de rentrer
dans fes ports. Les Romains affoiblis par les
pertes qu’ils effuyoient en Italie , étoient dans l’im-
puiffance de fournir des fecours à l’Efpagne, dont
Afdrubal fe promit l’entiere conquête. Il faifoit des
préparatifs formidables lorfqu’il reçut de Carthage
1 ' l’ordre
l * f !
A S D
f ordre de paffer en Italie, pour porter du fecours
à fonfrere épuifé par fes propres viftoires. A peine
fe mettoitril en marche qu’il apprit qu’Ibera étoit
vivement preffée par les Romains. Il fait fes dif-
pofitipns pour la délivrer. Au bruit de: fon arrivée
le fiege eût levé , & fennemi vient camper près de
fon armée. Les deux partis étoient dans une égale
impatience de combattre , on en Vint bientôt aux
mains. Annibal. dirigeoit en grand capitaine les
mouvemens de fon armée , & fes premiers',avantages
lui préfageoient une pleine viftoire., lorfque
les Efpagnols, ou lâches ou infidèles, lâchèrent le
pied & l’abandonnèrent, dans la plus grande chaleur
du combat. Le motif de c.ettê défection étoit le
chagrin d’être tranfportés en Italie. Vingt mille Carthaginois
refterent fur la .place, & dix mille furent
.faits, prifonniers. Afdrubal-trahi par les,alliés de
Cartilage,.n’a d’autre rèffou’rce.que dans lui-même:
il équippe une flotte puiffante & met à la.voile.pour
la Sardaigne, où il étoit appelle par les voeux de
tous les hàbitanS , fatigués , de la domination des
Romains ; dès qu’il fut débarqué il, r,envoya fes
vaiffeaux en Afrique,. pour marquer aux infulàires
qu’il mettoit en eux toute fa confiance. Les Sardes
fe rangent en foule fousfes -enfeignes. Manlius qui
cominandoit dans cette île raffemble une; armée &
livre un combat, oii Afdrubal cpâ. touchôit au moment
de la victoire , eft lâchement abandonné"par
ces perfides infulàires. dont il défendoit les droits &
la liberté. Il trouve à peine le moyen de'retourner
en Efpagne où toutes les provinces,; pendant fon
abfente, s’étoient déclarées pour les Romains. Son
génie fécond y crée une; nouvelle armée .dans un
pays où Carthage n’a plus ni-alliés ni fujets. Il y
balance la fortune des Romains, il livre deux combats
, & quoique toujours vaincu, il fourient la. réputation
de grand capitaine, parce que dans- fes
malheurs .il n’eut point de fautes à fe reprocher.
Annibal n’en impofant plus dans l’Italie par l’éclat
de fes yiûoires, fe vit abandonné de tous fes alliés ,
la fortune parut alors fe laffer de fervir les Carthaginois
dans tous les lieux où ils portèrent la guerre;
le jeune Scipion fe fignala en Efpagne par la prife
de Carthagene. C’étoit-là que les richeffes des Africains.
étoient accumulées;: cette ville étoit l’arfenal
-où étoient .dépofées leurs armes & toutes leurs munitions
& leurs machines de guerre. Ç’étoit faper
la puiffance de Carthage dans fes fondemens .; il
falloit ua Afdrubal pour en retarder la chute, ; il fe
maintint a.vec, gloire julqu’.au moment t ou Edefco ,
prince-Efpagnol ,• fort.accrédité parmi; fa; nation.,
émbraffa le parti des Romains. Son exemple entraîna^
plufieurs autres chefs,qui aimèrentmieux combattre
fous les enfeignes.d’un peuple belliqueux , que fous
.les drapeaux de républicains commerçans. iAfdrubal
voyant que fon armée s’affoibliffoit chaque-jour par
.de nouvelles défertions , comprit qu’il lui' falloit
remporter des. vi&oires. .pour rétablir la.-réputation
de lès armes. Les circonftances ne lui p.ermettoient
point .d’attendre l’arrivée de'Magon. &-id’uno autre
.Afdrubal, qui lui avoient été, affociés dans-le .commandement.:
Le mal étoit urgent, il ne: prit confeil
que .de la néçeflité. Il fe lafla de la -lenteur de fes
collègues, % choififfant une pqfition où il avoit droit
de fe croire invincible, il .engagea un a&iom, .OÙ
les hifforiens affurent qu’îl fut battu. Mais if n.e. faut
pas que (fa, perte fut confi.d.érabte. ; puifqqé ce- revers
ne l’empêcha, point 1 de faire • fa ionââ;çn .aÿçe fe s
collègues^, ce qu’il n’a voit pu exé ci] ter .avant, le
combat. De piqs xls firent le .partage des, pr,oyinces,,
„qe qui. fupppîe:qR;ilscen. é.toient encore-'fes maîtres.
AJdrubal fut chargé de conduire une armée en Italie,
. pour y favorifer les:;opérations de,fon frere An-
-nibal. Il traverfe les Gaules, procédé de le^s éle-
f o m e 1 ,
A S D €3 îphans
', & dans tôus lèsdieux de fon paflage il laiffe'
des monumens' de fa généralité. On lui permet par-
tout-de faire des recrues, : & les'Gaulois féduits par
fa magnificenceV'é’elnpréffent à marcher foüs’ fes
ordres.; Les Liguriens le-reçurent‘comme le libé-
rateur de leur pays1. Sa marche fut fi- rapide que
Plailance ^etoit: afliégée avant que-les - Romains &
Annibal même foupÇonnaffentfon entrée dans FItalie.
IL fut contraint-d’en lever le fiege. pour hâter fà
jonâion avec fon frère: Les lettrés écrites pour éta-:
blir leurs relations-, furent interceptées. Les confuls
inftruits.de leur deflèin réunirent leurs armées , &
pour le prévenir, ils-'s’approchèrent' de fon camp,
pour mieux obferver tous1 fes mouvemens. Afdru-
trop foible pour réfifter à leurs forces réunies,
prit là réfolution de- faire fa retraite , & d’éviter
une ariion avec des forces trop inégalés. II étoit
dans un;pays dont il ignoroit les routes , -il fut dans
la néçeflité de fe confier à des guides infidèles qui
abuferent de- fa confiance-. Il erra quelques jours fans
pouvoir tenir une route -certaine ; les Romains le
•joignirent fur le -fleuve -'-Metaro-, dont il ne con-
noiffoit ni les profondeurs, ni les iffues. Mais toujours
foutenu par fon intrépidité naturelle, il affeéla
laomêmé’ tonfianee que. fi le danger n’eût ménacé
que fes propres ennemis: fes difpofitions favantes
annonçoiént un général confommé.; L’avantage de
fa pbfition & la fageffe de fon ordre de bataille ,
fuppleôient à la fupériorité du nombre. Il donne le
fignal. du: combat & i ’exèmple de la plus1 grande
intrépidité; Déterminé à vaincre & -^ mourir, il
voit tomber à fes pieds des milliers de'foldats qui
tous briguent l’honnetrr de mourir à fes yeux. Hon-
teiix. de: fùrvivre ;à; cette milice courageufe , il fe
précipité au milieu d?iine;• cohorte où*il trouve une
«niort digne d’un fils d’Amilcar & d’un frère d’An*
nibab .Le.barbare:.Claudius déshonorant fa viftoire ,
lui fitvcoiiper la itêtëi, qui fut jettée quelques jours
•après dans le camp de fon frere Annibal. Le héros
Carthaginois, faifi; d’horreur & de pitié, ne lut dans
l’avenir.qu’un:enchaînement d’évenemens funeftes*,
& il.prifagea dès 'ce. moment quel feroit le deftin
de Carthage. (T—n S)
--. A sd r ü îb a l , généraiedes Carthaginois dans la der-
ni.er.ej guerre punique, n’étoit ppint de la' famille
Barcine,;.-mais il paroît'-avoir eu 3’pour le nom romain
,• l ’âverfion 'dont ceux de côHS“*àaiî<5n' furent
animés contre ces;tyrans;des nations.1 Doipiné 'par
fon earariere turbulent & farouche , il décéléra la
ruine*de -fa patrié, par les efforts mèmè -qu’il fit p'o'ur
la relever. de fa chtrtevLe peuplé-fédîtit par le faite
.■ d’un zele pouffé^ juiqii’à l’enthoufiàfm'e--républicain-,
-s’abandonna à toutes -' Jés rimpuiftôns •' de -fori génie
inquiet .& fougueux. Ce- fâétieüx çitôÿeh , devenu
chef -des.’tumultes ; populaires , introdtiiftt-- dans l’état
la confufion de l’anarchie; quarante dès prin-
•çlpâLjx citoyens • furent:.condamnés à* l’éxil par l’a-
-bu$. ..qu’il fit de fon pouvoir , & ce fyran - domeftï-
-que ■ fit'lj.urier âu peupfe que jamais il né 'parleroit
-dei. lieur. : rappel : > les grands & • le'fénat-gémirent
dans l’oppreflion. ries- plaintes : ■ furent punies
jriomineile :cri de là révoltée. Cks illûftres bannis fe
-réfugièrent) auprès de Maftiniffa , roi de Numidie ,
qui ^’intéreffa pour leur retour. -lié refus’infultiant
qu’il ) èfluya ; futn lè - prétexte d?une guerre, où plus
-4o-cinquante anille:/Carthaginois périrent: dans une
:feül.e bataille ; ce coup Violent dont Carthage chan-
chelanta fut- frappée, épuifa fes forces laiïguiffantes,
jélle, accepta là..paix jà -des conditions’humiliantes,
• dont; la 0éceflité 8c fa foibléffe lui déguiferent l’igno-
.mieftèv «i
ld Lès Gafhaginois;,.par leur dèrnier traité;avec les
Romains, .s’étoient fournis 'à né jamais prendre les
armes faos. l’aveu préalable du fénat , ils avoient
' L L 11