deffeins d’un'ambitieux qui auroit pu abufer de fôn
pouvoir pour affervir fa patrie. Cette loi avoit les
avantages & fes abus. Elle affuroit la liberté publique
, mais elle ôtoit à l’état des héros qui fetils pou-
voient le défendre. Les momerts qu'Agis ne paffa
point fous la tente , furent employés à la réforme
des abus qui s’étoient gliffés dans le gouvernement.
Il crut devoir abolir l’égalité qui fubfiftoit entre les
fix tribus, 6c il lui parut jufte d’accorder de plus
grands privilèges à celles qui étoient les plus utiles ;
les prérogatives furent proportionnées aux fervices.
Mais comme chacune avoit la vanité de croire en
être la plus digne , ces changemens introduits firent
beaucoup de mécontens & de murmurateurs ; fon
mérite 8c fon courage impoferent filence à la cen-
fure. Ce prince laborieux, dans fon loifir , s’occu-
poit des moyens d’abaiffer l’orgueil d’Athènes ; 8c
quoiqu’il ne fut plus à la tête dès armées , il en diri-
geoit les mouvemens en facilitant aux généraux
leurs conquêtes. Ce .fut dans ce tems qu ’Alcibiade,
fugitif d’Athenes , fut chercher un afyle à Lacédémone
, o it, pour fe venger de fon ingrate patrie, il
indiqua à Agis les moyens de faper fa piiiffance par
la prife de Dercilée q u i, n’en étant éloignée que de
fept lieues, pouvoit fervir à intercepter les convois.
Agis fe chargea lui-même de cette entreprise, 6c
l ’exécuta avec fuccès. Après avoir fortifié Dercilée,
al fe répandit dans FAttique , dont il ravagea les
moiffons. Les Athéniens avoient réuni leurs, forces
dans le territoire de Mantinée , Agis impatient de
les combattre, marche'contre eux, les joint 6c donne
le lignai du combat. Les deux armées faifies d’une
terreur foudaine, forcent leurs chefs à conclure une
treve de quatre mois. Agis menacé par une folda-
tefque infolente 6c rebelle , eft forcé dè foufcrire
aux conditions. Les Lacédémoniens irrités de cette
molle condefcendance lui font fon procès , 6c l’on
alloit prononcer fon arrêt lorfqu’il s’abaiffa à demander
fa grâce , non par un fentimenf de crainte, mais
pour lui laiffer le .tems d’effacer fa honte par quelque
aétion d’éclat. Il obtint la vie , mais il eut l’humiliation
d’êtré fournis aux confeils de dix perfonnes, 6C
il lui fut défendu de rien exécuter fansiavoir leur
approbation préliminaire. Cette févérité -contre le
ch ef de la nation étoit autorifée par une loi qui per-
mettoit aux rois de lever; autant de foldats qu’ils
croyoient que le befoin l’ exigeoit ; mais il leur étoit
défendu de retirer les troupes prêtes à combattre ,
6c c’étoit la faute qu’on reprochoit à Agis. L’aétion
la plus utile 6c la plus prudente devenoit criminelle,
lorfqu’elle étoit une infraction à la loi.
La treve de quatre mois fut bientôt violée par les
Athéniens ; 6c cette infraction fournit à ce prince
l’occafion d’effacer fa honte dans la plaine de Mantinée
, o ù il combattit avec un courage qui approchoit
de la férocité. Son ambition étoit d’exterminer juf-
qu’au dernier des ennemis ; 8t ce fut lui qui eut tout
l’honneur de cette journée. Il fut auffi heureux à
négocier qü’il avoit été habile à vaincre ; il détacha
les Argiens, lesThraces 6c les Eubéens de l’alliance
d’Athenes , dont la flotte fut battue 6c difperfée
devant Syracufe. A fon retour à Sparte , il ne put
obtenir le privilège dé fouper avec fa femme : ce
roi vainqueur fut fournis à -la loi commune qui
affujetiffoit tous les citoyens à fe trouver aux repas
publies; Il étoit d’un caraCïere franc 6c brufque,
fes reparties étoient vives. Le député d’une ville
alliée lui fit une longue harangue 6c lorfqu’il eut
fini., il lui demanda quelle réponfe il feroit à peux
qui l’a voient. envoyé : disAeur , répond Agis, que
tuas eu bien de la peine à finir, & que j'en ai eu
autant à t'entendre. Il m o u ru t trois cens quatre-
,Vmgt-dix-fept ans avant Jefûs-Chrift. (T— jv.)
. Agis III. monta fur le trône de Sparte dans un
âge Ou les paffions exercent le plus d’empire. Lés itl-
ftitutions de Lycurgue étoient tombées dans l’oubli,
6c l’ancienne auftérité avoit été remplacée par le
luxe 6c la molleffe. Agis élevé dans,les délices, ne
fe laiffa point féduire par l’exemple ; il forma le
deffein de rendre aux' inftitutions primitives leux
ancienne vigueur ; 6c pour y réuflir, il commença
la réforme fur lui-même. Le luxe Afiatique, introduit
par les relations des Spartiates avec les Perfes,
fut fubitement profcrit. Sobre 6c frugal, il ne fit fervir
fur fa table que des mets communs 8c fans affai-
fonnement : fimple dans fes habits, fes moeurs pures
furent fa plus belle parure : l’exemple des rois e ft la
réglé de leurs fujets. Les jeunes Spartiates fe firent
un devoir d’imiter fa fimplicité. Toute réforme eft
moins pénible aux jeunes gens qui n’ont point encore
fixé leurs penchans , qu’aux vieillards blanchis dans
les préjugés, 6c domptés par l’habitude. La mere
d'Agis épouvantée de la témérité de l’entreprife, ne
vit dans ce p r ô je t qu’un amour dangereux des nouveautés
; mais elle fe laiffa fubjuguer par les Sollicitations
de fon frere Agéfilasqui, quoique corrompu
par le lu x e, goûta d’autant plus volontiers le
projet d’une réforme , qu’elle le mettoit à couvert
de la pourfuite de fes créanciers. La mere raffurée
par la pureté des motifs qui dirigeoient fon fils,
verfa tout fon or dans le tréfor public, 6c fit le
facrifice de fes biens immenfes à la patrie. Son exemple
eut bientôt de généreux imitateurs. Un enthou-
fiafme fubit faifit tous les Spartiates. Les dames
entraînées par l’exemple de la mere de leur roi em-
brafferent l’auftérité de la réforme ; elles exerçoient
alors une domination abfolue fur leurs maris qui
n’étoient que leurs premiers efclaves ; elles n’ufe-
rent de leur pouvoir que pour les affranchir de la
Servitude des fens. .
Ce premier mouvement étoit trop v if pour être
durable : elles fe repentirent bientôt d’avoir renoncé
à l’élégance de leur parure, 8c auflitôt elles réfolu-
rerit de. détruire l’ouvrage qu’elles s’étoient'empref-
fées d’élever. Le roi Agis avoit pour, collègue L é o -
nidà , qui avoit vieilli dans le luxe 6c les voluptés.
Il ne put fe réfoudre à fe foumettre dans fon déclin
à.un régime févere. Les vieillards,qui. trembloient
au feul nom des inftitutions de Lycurgue, formèrent
une efpécè de confédération pour arrêter lesréfor-
mateur dans fa marche. Agis , que les obftacles ren-
doient plus ardent, leur oppofa Lyfandre 6c pliir
fieurs citoyens refpëétés par leur défintéreffe.ment ;
,8c àffurë de leur appui, il convoque le fénat, o ù il
propofe d’abolir les dettes, 6c de partager par égales
portions les terres entre tous les.citoyens. La pro-
pofition fut vivement agitée , ôc les oppofans l’emportèrent
d’une voix. Ce. premier début ne r e b u t a
point le réformateur, il fe tranfporta dans, l’affem-
blée du peuple , où il fe dépouilla de. t o u t fon patrimoine
: fa m ere, fon aïeule , fes parens 6c fes amis
firent le même facrifice. Le peuple f r a p p é d u défin-
téreflèment d’un roi qui fe dépouilloit pour le revêtir,
le révéré comme une intelligence divine envoyée
fur là terre pour préfider à fes deftinées. Léonida
jaloux de la gloire de fon collègue , ne voit en lui
que le cenfeur de fon avarice; il fouleve le fénat,
dont les membres étoient accoutumés .à des fuper-
fluités que l’habitude rend nécefl’aires. Lyfandre ,'
pour fe débarraffer :d’un ennemi fi dangereux , le
cite au tribunal du peuple, juge de fes rois, il l’ac-
cufe d’avoir épôufé une femme étrangère, 6c d’élev
e r , comme les enfans , les fruits, d’une union que
la loi flé'triffoit comme un côncubinage. La plus
grave des accufations étoit d’avoir fait: un long fé-
jour dans une cour étrangère, dont il avoit rapporté
la molleffe, 6c les vices. La loi de:Sparte:décernoic
peine de mort contre celui qui , fans permiffxon
réfidoit
réfidoit fur une terre étrangère. Léonida ÿ pour fe
fouftraire à la rigueur de fon arrêt, chercha un afyle
dans un temple. 11 fut auflitôt dégradé, 6c fon gendre
■ fut mis en fa place.
Sparte déchirée de factions, fe foutint par la
prudence d'Agis, qui ne vit dans Léonida qu’un
infortuné que- fon m a lh eu r lui rendoit refpe&able ;
6c pour ne point l’expofer à être la viétime d’une
multitude furieirfe, il lui donna une efcorte qui le
conduifit à Tégée. Dès qu’il n’eut plus d’oppofition
dans fes deffeins, 6c qu’il vit que fon nouveau collègue
confpiroit avec lui dans leur exécution , il
-ordonna d’apporter dans lé forum toutes les obligations
pécuniaires, qui, auflitôt furent brûlés aux yeux
des créanciers dépouillés de leurs titres. Le partage
des terres fut enfuite propofé, le perfide Agéfilas
s’oppofa à l’exécution. Les dettes abolies Favoient
délivré de l’importunité de fes créanciers ; il étoit
le plus riche de la Laconie en fonds de terre, il ne
put confentir à un partage qui le réduifoit à l’égalité :
-fur ces entrefaites, Agis fut obligé de marcher au
fecours des Achéens. Pendant fon abfence, Agéfilas
revêtu du pouvoir, exerça les vexations les plus
criantes;, 6c fa tyrannie devint le crime des deux
rois qui Favoient favorifé, lorfqu’il ne s ’étoit point
encore rendu criminel. Agis triomphant n’effuie à
fon retour que des outrages. Ses amis l’abandonnent
: il cherche un afyle dans Je temple de Minerve.
Léonida revenu de fon e x il, devient fon juge 6c
fon plus ardent perféeuteur. ■ C e prince ingrat eut
la lâcheté d’oublier., que dans la première révolution
, il n’avoit été redevable de la vie qu’à la géné-
rofité de fon collègue. Il corrompt des hommes
pervers pour l’arracher de fon afyle. L’éphore Am-
phare fe chargea de lui livrer fa viftime. C e traître,
quelque tems auparavant, avoit emprunté la vaif-
felle d’ or 8c les meubles les plus précieux de la mere
à'Agis. Il faifit cette oçcafion pour fe les; approprier.
Il..ya trouver Agis, pour le conduire au bain
avec une forte efcorte , 6c comme le prince étoit
prêt de rentrer dans le temple qui lui fervoit d’afyle,
il eft traîné en prifon par fon ami parjure. Les épho-
res le, condamnèrent à la mort. Tous les officiers re-
fuferent de le conduire au lieu de fon fupplice. Am -
phâre , fans remord 6c fans pudeur, fe charge de .
remplir lui-même ce barbare miniftere. Agis voit
d’un oeil tranquille Fappareil de la mort : tous les
fpeftateurs verfent des larmes ; c’eft lui qui veut
être leur confolateuri Ce n'efi pas moi , dit-il, que
vous deve^ plaindre , réferveç votre pitié pour ceux
qui me font périr. Sa mere 8c fon aïeule à qui l’on
avoit caché fa m o r t, fe rendent à fa prifon pour
le confoler. Archidamie , accablée - d’infirmités 6c
d’années , entre la première , 6c en même tems elle
expire fous le fer des affaffins : la mere d'Agis , qui
fut enfuite introduite, apperçut le cadavre fanglant
de fa mere 6c de fon fils. La nature étonné^ lui fait
éprouver trois fupplices , elle s’écrie : O , Agis !
mon cher Agis ! ta douceur dangereufe nous a conduits
a la mort. L’inexorable Amphare l’écoute avec indignation
, 6c lui dit : Puifque tu ofes plaindre ton
fils , tu te déclares fa complice; 8c auffi-tôt il donne
aux bourreaux le fignal de frapper. Dieux immortels
, s’ecrie-t-elle, je ne vous demande pour grâce
que d'épargner ma patrie : ne permette£ pas que mon :
fnng, ni celui de ma famille , foit la femence des calamites
publiques : les remords' de nos ennemis feront nos '
vengeurs. Archidamas , frere d'Agis, fauva fa vie
par la fuite. ( T - jv.)
Agis IV. n’eft célébrérque par fa jaloufie contre
Alexandrele Grand, dont il crut pouvoir arrêter les
profperités ; il fouleva le Péloponëfe, 6c avec l’argent
delà Perfe il leva une armée qui fut défaite 6c diffipée
par les lieutenans du héros Macédonien. (T—N.)
Tome /. • -
AGITATION de la mer^ (Marine.) La mer, ainfi
que tout corps gravitant, eft naturellement dans un
état tranquille ; ôc l'agitation plus ou moins forte,
mais continuelle dans laquelle elle eft , provient de
caufes qui lui font étrangères. Entre ces caufes on
petit en diftinguer deux principales ; l’une agite la
maffe entière des eaux, 6C la remue dans toute leur
etendue Ôc dans toute leur profondeur, 6c c’eft à
la combinaifon des forces de l’attraétion de la lune
ÔC du foleil, qu’il femble qu’on doit l’âttribuer. Cette
agitation ou ce mouvement de la m er, s’appelle ƒ ha?
& reflux. ( Voye{ Flux & Reflux , dans le Dici. des
Sciences, &c. ) L’autre caufe de Fagitation de la mer,
eft l’effort du vent ou la preffion du vent fur fa fur-
face \ agitation qui fe trouve' réduite à la feule partie
dè là mer où cet effort fe fait fentir.
La première de ces caufés agiffant.fur toute îa
maffe des eaux en même temps 6c d’une maniéré
douce 8c progreffxve , ne produit aucune marque
fenfible à leurfurface ( j’en excepte cependant les
courans qui font bien une agitation dépendante du
flux & reflux, mais dépendante auffi de la combi-
naifon d’une autre caufe , 6c qui n’occafionnent d’ailleurs
aucune agitation à la mer dans le fens où je
la confidere, c’eft-à-dire une agitation de haut ÔC de
basent d’inégalité perpendiculaire). Mais la fécondé
des caufes agite violemment la mer , la fillonne, la
rend raboteufe 6c inégale , 6c produit ce qu’on appelle
houle, lame, vagite &C lainefourde. Lame ÔC vague
.font de mots fynonymes , mais la-houle ôc la lame
fourde en different,6c different entre elles. La lame ou
vague eft occafionnëe. par la*preffion- du vent 6c eft:
conféquemment proportionnelle à fa force, cômpen-
fatîon faite toutefois des .circonftances. qui l’accompagnent
comme la pluie qui peut , en. frappant
Continuellementl’eau, l’unir ou empêcher plus longtemps
fa furfac'e de s’altérer.
Lorfque les vents ont régné long-temps d’üne
même partie , les vagîtes qui fe fuccëdent lès unes
aux autres ont acquis un mouvement dans Ce fens,
qu’elles confervent long-temps encore après la cef-
fation de ce vent. Souvent même un vent oppofé
ne peut détruire cette ondulation de la mer, 6c on
éprouve alors deux lames en fens contraire : l’une
plus nouvelle 6c plus à la furface eft la lame du vent
• régnant ; 6c l’autre plus ancienne 6c plus creufe eft
ce qu’on appelle la lame fourde.
Le long des côtes,' la lame .élevée & ^pouffée par
le Vent s’étend fur les plages à une diftanee où elle
n’atteindroit pas naturellement, 6c d’où fon propre
poids la fait refluer avec d’autant plus de vîteffe que
la pente de cette plage eft plus rapide. Il fe forme
donc alors un conflit des mouvemens en fens op-
pofés qui fe font fentir à une certaine diftanee, 8c
forment une inégalité dans la prolongation des lames,
qui cara&érife la houle 6c la différencie'. Sur les ac-;
cores d’un banc, à une différence fubite de profondeur
d’eau , fur un fond inégal 6c coupé de roches,
en des endroits battus en peu de temps par différens
vènts, la mer y eft houleufe ou patouilléufe. Le
même effet fe fait fentir auffi dans les mers refferrées,
6c quijont conféquemment proportionnellement plus
de côtes. La mer houleufe fatigue beaucoup davantage
les vaiffeaux , parce qu’elle leur communique,
des mouvemens plus vifs 6c plus irréguliers.
• Il eft utile de diftinguer ces differentes fortes d’<z-
gitation , 6c même d’établir des nuancées entre la
groffeur de la vague. A la mer où les chôfes dépendent
fi fouvent de l’élément fur lequel le vaiffeau
eft porté , comment juger d’une relation, avec quel-’
que forte de certitude , fi Fon ne fixe pas les idées
fur l’état de la mer', 6cs’il n’ÿ'a point de mots propres
à les y attacher, 6c à en déterminer la valeur ?
c’eft ce qui m’a porté à,faire cet article, 6c à parler.'