
 
        
         
		Annibal, ingénieux à rendre la réputation de Fabius fuf-  
 peéte, porta le fer &  la flamme dans le plus beau pays  
 de l’Italie, &  r e fp e t t a  les domaines du diâateur, j>our  
 faire foupçonner qu’il étoit d’intelligence avec lui ; 8c  
 tandis qu’il travaille à le décrier,  il exalte les talens  
 de Minutius qu’il a ffe& e  de craindre. Il engageoit  de  
 fréquentes  efcarmouches,  où  il  laiffoit  prendre  au  
 général  de  la  cavalerie  une  petite  fupériorite  q u i  
 augmentoit  fa  préfomption 8c  fon  crédit  parmi  les  
 Romains  qui,  en effet éblouis  par fes fuccès, partagèrent  
 le  commandement, 8c  chacun eut  fon camp  
 iéparé.  Le  fénat  fut  dirigé  dans  cette occafion  par  
 Annibal qui fous fa  tente-fembloit préfider aux  délibérations  
 des  Romains.  Dès  que Minutius  eut  fon  
 camp féparé,  il  crut  pouvoir exécuter  tout ce qu’il  
 ofa  concevoir ;  Annibal  s’en  approcha  8c fut  l’attirer  
 au combat,  enparoiffant vouloir l’éviter. Minutius  
 y  eût péri  avec toute  fon  armée, fi Fabius  qui  
 devoit  être  fon  ennemi,  n’eut  été  affez  généreux  
 pour le  dégager. 
 V a r r o n ,  cen feu r  amer de la fage lenteur de Fabius,  
 Fut  nommé conful pour l’année fui vante. C ’étoit un  
 homme exercé dans les tumultes populaires, où l’audace  
 &  l’inquiétude de l ’e fp r it  ufurpent la réputation  
 qui  n’eft  due qu’à la fageffe 8c aux talens.  Entraîné  
 par l’agitation de fon caraftere, il ne  favoit rien prévoir  
 , ni rien craindre. On lui avoit donné pour collègue  
 Paul Emile,  dont l’intrépidité fage &   tranquille  
 étoit dirigée par la prudence. Leurs avis étoient toujours  
 oppofés ; l’un, impatient &  bouillant, cherchoit  
 l’occafion  de combattre ; l’autre, circonfpeô fans timidité  
 , attendoit  les moyens de vaincre. Comme le  
 commandement étoit alternatif, Varron faifit  le jour  
 où l’armée étoit à fes ordres pour engager la célébré  
 bataille de Canne. Le fuccès mit le comble à la gloire  
 d'Annibal.  Trente  mille Romains  expirèrent fur  le  
 champ  de  bataille, &  dix  mille  furent  faits prifon-  
 niers : jamais vi&oire ne  fut plus complette. Ce jour  
 eût été le  dernier des Romains, fi Annibal tnt pour-  
 fuivi fes avantages, en marchant droit à Rome. Ma-  
 herbal lui promettoit  à  fouper dans le  capitole,  8c  
 le  voyant fourd à  fes  confeüs, il lui  dit :  les  dieux  
 bornés dans leurs  dons ,   vous ont  accordéAe talent  de  
 vaincre, mais  ils  vous ont  refufé celui de profiter de la  
 victoire. 
 Un  peu plus  d’aérivité  eût terminé tous  fes  travaux, 
  &  cette faute  eft  un témoignage que les  plus  
 grands génies  ont léurs  bornes, que  la patience s’é-  
 puife, &  que le courage a des momens de langueur.  
 Les efprits  vaftes à  force.de trop  vo ir ,  fe  font  des  
 difficultés qui les arrêtent dans leur marche. La réputation  
 de Rome la  foutint au bord du précipice. Les  
 légions étoient détruites,  Annibal crut les voir  toujours  
 armées.  Son  imagination  lui  repréfente  une  
 puiffance qui n’efl; plus. Il réfléchit quand il faut exécuter  
 , 8c  le fouvenir des obftacles  qu’il a furmontés  
 lui  en  peint  de  plus  grands  à  vaincre.  Ceux  qui  
 entreprennent de  le juftifier, s’appuient  fur  la  con-  
 flitution de  fon armée  plus propre  à  livrer  des batailles  
 qu’à former des fieges. Ceux qu’il avoit entrepris  
 jufqu’alors lui avoientmal réufli ; 8c les villes les  
 plus oblcures avoient été l’écueil  de  fa gloire, parce  
 qu’il avoit peu de bonne infanterie, &  qu’il manquoit  
 de  machines, comme  de fubfiftances réglées.  C’eût  
 été expofer fon armée à périr devant une ville munie  
 abondamment du néceffaire ; &   en la perdant il per-  
 doit toute fa confidération dans une terre étrangère,  
 où  il  falloit  être  le plus fort  pour être  le  plus  ref-  
 pefté ;  ainfi, il  lui  parut  plus  prudent  de  s’établir  
 proche de la mer, d’où il pouvoit çecevoir plus com-  
 • modément le fecours de Carthage. 
 Rome  dut  encore  fon  falut aux  divifions du  fénat  
 de  Carthage  ;  &  Aoviqrl Annibal  demanda  de  
 nouveaux fecours pour profiter de fes avantages, Hannon  
 plus  ennemi de  la  famille Barcine  que  des  Romains  
 , parla  plutôt comme  un  de  leurs  alliés,  que  
 comme un  Carthaginois.  QuoiJ  dit-il,  on  nous de-   
 mande  encore des troupes & de l'argent ! E t que deman-  
 deroit-il,  s'il avoit été vaincu ? Ou c'efi  un  impofleur  
 qui cherche  ,d  nousfèduire par de fiaufijès nouvelles, oit  
 c efi un avare  exacteur qui  après  s'être  enrichi des  dé-  
 pouilles  de l ennemi,  veut  encore  èpuifer fia patrie.  Le  
 fénat Romain tint une conduite toute oppofée,  il ne  
 fe diffimula point fes pertes, mais il ne fentit point fa   
 foibleffe ;  il fut défendu aux femmes de pleurer. Les  
 débris de  l’armée  vaincue  furent envoyés  en Sicile  
 pour y  cacher  la honte  de  leur défaite,  &   pour y   
 vieillir dans l’ignominie. Les prifonniers  qu’on  vou-  
 loit  rendre  pour  une  modique  rançon,  ne  furent  
 point  rachetés,  comme  étant  dégradés  du  rang  de  
 citoyens  Romains.  On  envoya  des hommes  &   des  
 vivres aux alliés,  &  Rome,  pour donner une  idée  
 de fa force, :refufa le fecours  que  Naples lui  offrit.  
 Annibal, dont  les  plus redoutables ennemis étoient  
 dans Carthage, y  trouvoit fans ceffe des oppofitions.  
 Les fecours qu’on luipréparoit étoient ou  trop lents  
 ou trop foibles,  &  ne pouvant faire  agir fon armée  
 avec g loire, il l’en dédommagea en lui faifant goûter  
 les délices  de Capoue. De vieux foldats accoutumés  
 à tout fouffrir, furent d’autant plus  ardens pour  les  
 plaifirs, qu’ils  les  avoient  jufqu’alors  ignorés.  Des  
 hommes  aufteres à qui l’on offre l’abondance,  tombent  
 bientôt dans la  débauche.  Ceux  qui  font  fami-  
 liarifés  dès  l’enfance  avec  les  voluptés,  font  rarement  
 dominés par  elles : mais  quiconque  n’efl:  pas  
 auftere par  tempéramment,  fe  livre avec plaifir  au  
 goût  des  chofes  agréablès  dont il  a  été  privé.  Les  
 Carthaginois nageant  dans  les délices, fe dépouillèrent  
 de  leur rudeffe ; 8c ce qui leur avoit paru mâle  
 8c  généreux,  ne  leur  parut  plus,  qu’une  auftérité  
 grofliere  dont il falloit laiffer l’erreur à  des peuples  
 fauvages. Ce fut aux délices de Capoue qu’on imputa  
 le relâchement de la difcipline, comme fi des  foldats  
 riches  des  dépoüilles  de  l'Italie,  n’euffent  point  
 trouvé partout  des  alimens à  leur  luxe  8c  à leurs  
 débauches. 
 Annibal étoit  le  feul dont les délices  de Capoue  
 n’avoient  point  amolli  le  courage;  mais  quand  il  
 fallut recommencer les hoflilités,. il  ne  trouva  que  
 des  foldats  fans  émulation 8c  fans  vigueur,  également  
 infenfibles  à  la  glçire  &   aux  reproches.  Les  
 généraux  Romains  avoient profité  de leurs  défaites  
 &  de fes leçons.; mais Annibal, quoique mal fécondé  
 de  Carthage 8c de fon armée ,  fut fe maintenir dans  
 l’Italie ,  dont les Carthaginois l’arracherent  pour les  
 défendre  contre Scipion,  qui défoloit l’Afrique. Ce  
 général obéit avec la même  docilité qn’on  auroit pu  
 exiger  du  dernier des citoyens. Obligé de s’éloigner  
 d’un  lieu  qui  avoit  été  le  théâtre  de  fa  gloire,  il  
 vomit mille imprécations contre la fattion d’Hannon.  
 Ce ne font pas  les  Romains, s’écrioit-il,  qui m’ont  
 vaincu ;  ce font des citoyens impies qui m’arrachent  
 a  la vi&oire. Tranfporté de fureur ,  il fit maffacrer  
 un corps  d’ Italiens  qui  refufa de  le  fuivre.  Pendant  
 le cours de fa navigation, fes yeux refterent fixés fur  
 l’Italie,  les larmes arrofoient fon vifage ;  il ne pouvoir  
 foutenir l’idée que Rome alloit devenir la dominatrice  
 d’un pays dont il avoit réglé le deftin;  8c il fe  
 reprocha mille  fois de n’avoir point marché au capitole  
 après la journée  de Canne.  Dès qu’il  fut débarqué  
 en  Afrique,  les  Carthaginois  reprirent  leur  
 uipériorité.  Ses' fuccès ne  pouvoient  être  durables ;  
 i l   étoit  trop clairvoyant pour efpérer de fe foutenir  
 parmi  un  peuple  déchiré  de  faftions.  Quoiqu’il  ne  
 refpirât que  la  guerre,  il  adopta  un  fyftême  pacifique  
 ;  il fit  demander à Scipion une  entrevue pour  
 traiter de la paix. Ces deux grands capitaines,  pénétrés  
 d’une admiration  réciproque,  fe  donnèrent  les 
 louanges  les  plus  délicates,  &  ne  purent  convenir’  
 des  conditions du  traité.  Chacun  fe  retira  dans  fon  
 camp  pour  fe  difpofer  au  combat.  Annibal,  forcé  
 d’engager  une  aûion  à  la tête d’une  multitude  fans  
 difcipline  &   fans  courage,  en  préfagea  les  fuites  
 funeftes.  Il  combattit,  fon armée fut vaincue ;  mais  
 .  il  conferva  toute  fa  gloire.  La  défaite  des  foldats  
 mercenaires  entraîna  la  perte  de  toute  l’armée ;  le  
 corps  de  réferve,  compofé  de  vieux  foldats  qui  
 avoient  fervi  en  Italie,  fut  inébranlable : la plupart  
 moururent  avant  d’avoir  été  vaincus.  Ces  braves  
 guerriers  furent  l’éloge  du  maître  qui  leur  avoit  
 donné  des leçons ;  les  Carthaginois,  les  Romains ,  
 8c fur-tout Scipion,  réunirent  leurs  voix  pour  applaudir  
 à  fa  capacité.  La  paix  fut  conclue  à  des  
 conditions  fort  humiliantes  pour les  Carthaginois ;  
 mais  elle  fut  bientôt  violée  par  les  Romains  qui  
 refuferent de rendre les otages, fous prétexte qa’Annibal  
 étoit toujours, à  la tête d’une  armée.  Le  fénat  
 de  Carthage  le  deftitua  du  commandement,  pour  
 l’élever  à  la  première  magiftrature.  Il  remplit  les  
 devoirs  de  fuffete  avec  l’intelligence  d’un  homme  
 qui  auroit vieilli  dans  les  fondrions  pacifiques.  Les  
 finances furent adminiftrées avec un défintéreffement  
 qui lui étoit naturel ;  les impofitions furent reparties  
 avec  égalité;  les  abus  furent  réformés.  Quelque  
 temps après Rome envoya des députés  qui  avoient  
 des  ordres  fecrets  de  fe  défaire  ü  Ann ibal,  foup-  
 çonné d’intelligence  avec Antiochus  qui  faifoit  des  
 préparatifs  de  guerre  contre  les  Romains. Annibal  
 pénétra leur deffein,  &  le prévint par  la fuite.  11 fut  
 joindre  le  monarque  de  Syrie  à  Ephefe,  &  il  l’eut  
 bientôt  aflocié  à  fes  vengeances ;  l’aflu rant  que  .  
 c’étoit  aux  portes  de  leur, ville  que  les  Romains  
 étoient faciles à vaincre.  Il ne lui demanda que.  cent  
 vaiffeaux  &   dix-fept  mille  hommes  de  débarquement  
 ,  pour- faire  une  defcente  en  Italie.  Le  fénat  
 envoya Villius  en ambaffade vers Antiochus ;  on dit  
 que  Scipion  lui  fut  donné  pour  collègue,  8c  que  
 dans une entrevue qu’il  eut à  Ephefe avec Annibal,  
 il  lui  demanda  quel  avoit  é té,  félon  lu i,  le  plus  
 grand capitaine ?  C ’eft Alexandre,  répondit le Carthaginois, 
   &  Pyrrhus  eft  le  fécond.  Interrogé  quel  
 étoit  celui  à  qui  il  affignoit  le  troifieme  rang ?  A  
 m o i,  répondit-il avec confiance. Et que feriez-vous  
 donc,  lui  dit  Scipion,  fi  vous  m’aviez  vaincu ?  Je  
 me ferois,  répliqua-t-il,  nommé le premier.  Cette  
 louange délicate flatta l’amour propre  de Scipion. 
 La guerre  fut  déclarée.  Il  tâche  de  fe  fortifier de  
 l’alliance  de  Philippe  de  Macedoine.  Les  confeils  
 dHAnnibal furent  écoutés,  &  ne furent point fuivis.  
 On lui donna le commandement d’une  flotte  qui  en  
 vint  aux  mains  avec  les Rhodiens;  mais  il  fut  mal  
 fécondé  8c  trahi  par  Apollonius  qui  prit  la  fuite  
 avec fon efcadre  ;  il n’eut que la  gloire  de  faire une  
 belle  retraite.  Antiochus  le  détermina .à  la  paix,  
 dont une  des  conditions fut de  livrer Annibal; mais  
 il  eut la dextérité  de  fe  fouftraire  à  leur pourfuite,  
 &  de chercher un afyle à la  cour de  Prufias,  roi de  
 Bithynie  q ui, le mit  à  la tête  de fes armées. Il l’employa  
 contre Eumenes,  roi  de  Pergame,  allié  des  
 Romains  q ui,  le  voyant  prêt  à  fuccomber,  envoyèrent  
 Flaminius  à.  la  cour  de  Prufias  pour  fe  
 plaindre  de  l’afyle  qu’il donnoit à  leur  ennemi.  Ce  
 monarque,  violateur de la foi des traités,  fit inveftir  
 fa maifon par des fatellites ; toutes les avenues furent  
 occupées par cette troupe d’affaffins. Ce grand hom-  
 m e ,  (jui n’étoit attaché à la vie  que  par  l’efpoir  de  
 faire  éprouver  fa  haine  aux  Romains,  prévint  la  
 honte d etre leur captif,  en avalant du poifon. Avant  
 d expirer,  il  vomit  d’horribles  imprécations  contre  
 fes  ennemis,  en invoquant les dieux garants 8c vengeurs  
 des traites, 8c des droits de l’hofpitalité. Tandis  
 qu il  tenoit  dans  fes  mains  la coupe  empoifonnée, 
 il s’écria  .*  Délivrons  les Romains de  Vinquiétude  que  
 leur  caufe  un  vieillard  décrépit,  dont  il  ne  peuvent  
 attendre avec patience là mort. 
 A  Telle  fut la fin  de  ce  grand homme >  qui mourut  
 âge de foixante-dix ans dans un village  de  Bithynie,  
 appellé Lybififia. On grava fur fa tombe cette infcrip-  
 üon  :  Ici  repofie  Annibal.  Ce nom  feul faifoit naître  
 une. plus grande  idée,  que  les panégyriques les plus  
 eloquens.  Malgré  toutes  les couleurs ûdieufes dont  
 les hiftoriens Romains  ont noirci fon tableau, ils ont  
 eu  affez  de pudeur pour refpe&er  fes talens ,  &  lui  
 accorder  quelques  vertus  :  voici  à-peu-près  l’idée  
 que nous en donne Tite-Live. Annibal, également né  
 pour  tous  les  emplois,  eût  été  un grand magiftrat  
 dans  des  temps  pacifiques,  comme  il  fut  un  grand  
 capitainedans un fiecle de guerre. L’obéiffance n’eut  
 pour  lui  rien  de  pénible ;  8c revêtu  du  commandement, 
   il  l’exerça  fans orgueil. Tant qu’il  fut  fubor-  
 donné  à  AfdrubaJ,  il  fut  chargé  des  entreprifes  les  
 plus  périlleufes.  Audacieux  fans  témérité  ,  c’étoit  
 dans  les  plus  grands  dangers  qu’il  déployoit  cette  
 intrépidité  tranquille,  qui  fait  tout  prévoir  &   ne  
 rien  craindre.  Le  foldat,  qui  marchoit  fous  fes  
 ordres,  étoit  animé  du  feu  de  fon  courage.  Son  
 corps,  endurci par le travail,  fupportoit  toutes  les  
 fatigues.  Les  chaleurs  les  plus  brûlantes,  les  froids  
 les  plus rigoureux, me pouvoient altérer fa vigueur  
 naturelle.  Sobre &  frugal,  il fe nourriffoitd’alimens  
 grofliers ,  8c n’en ufoit que pour contenter la nature.  
 Ennemi de toutes les voluptés, il réfiftoit fans efforts  
 à  toutes  leurs  amorces.  Il  n’a voit  point  de  temps  
 marqué pour dormir,  8c il ne fe repofoit que  quand  
 il n’avoit plus rien  à  faire.  Ce n’étoit pas fur le  duvet, 
   fur la laine ou la plume qu’il goûtoit lefommeil;  
 la  terre  lui  fer voit  de  lit.  Il  ne  cherchoit  point  le  
 filence des palais pour dormir, c’étoit dans le tumulte  
 du camp qu’il  preiioit-fôn  repos ;  c’étoit-Jà qu’on le  
 voyoit  couché  parmi  les  fentinelles -ou  dans  les  
 corps-de-garde.  Simple,  &   même  négligé  dans  fes  
 vêtemens,  il ne  fe  diftinguoit-que  par  la  magnificence  
 de fes armes 8c la beauté de fes chevaux. 
 Le  même  écrivain  ne  nous  fait  pas  un  portrait  
 aufli avantageux de fon coeur.  Il le peint cruel jufqu’à  
 la férocité ; parjure; 8c toujours prêt à enfreindre  les  
 droits  les  plus facrés ;  impie  &  facrilege,  qui mé-  
 prifoit  les  dieux  8c  leurs miniftres. On  fixe  fa mort  
 à l’an  3811  du monde. (T— n . ) 
 §   ANNONCIADE, f.  f.  {l'ordre militaire de  V )  
 fut  inftitué  en  1355  par  Amédée  V I ,  comte  de  
 Savoie,  dit  le  Verd,  au  fentiment de.quelques  auteurs  
 ,  entr’autres  Guichenon»  Ce  fut  àToccafion  
 d’une dame qui  préfenta  à  ce  prince  un  braffeletde  
 fes cheveux,  treffés en lacs-d’amour. De-là il prit le  
 nom de l’ordre du lac-dlamour. 
 La  première  cérémonie  de  cet  ordre  fut faite le  
 22 feptembre  1355 ,  jour  la fête de  S. Maurice,   
 patron de  Savoie. 
 Le  collier  étoit  compofé  de  lacs-d’amour,  fur  
 lefquels  étoient  entrelacées  ces  quatre  lettres,  
 F.  E.  R.  T.  qui  fignifient firappe£,  entre£,  rompe£  
 tout. 
 D ’autres  hiftoriens  prétendent  que  l’ordre  de  
 l’Annonciade n’a  point été établi fous le nom d’ordre  
 du  dac-d'amour' ;  mais  qu’Amédée  VI,  comte  de  
 Savoie ,  l’inftitua pour honorer les quinze myfteres  
 de.Jefus-Chrift  8c  de  la  fainte  Vierge,  8c  aufli  en  
 reffouvenir des aérions glorieufes de  fon aïeul Amédée  
 V.  Il  créa  quinze  chevaliers-,  8c  ordonna  que  
 les comtes  de  Savoie  ( actuellement  rois  de  Sardaigne) 
  feroient les grands-maîtres de l’ordre. 
 L e 1 collier  de  lacs-d’amour,  chargé  des  lettres  
 F. E.  R.  T .  fignifient fortitudo ejus ,  Rhodum tenuit ,  
 c’eft-à-dire,  par  fon  courage  il  a  conquis  l’île  dç  
 Rhodes.  Cette  devife  a  été  mife fur ce  collier,  en