13 6 A I R
Cille plus naturel Sc le plus fain qü’on'puîflV refpl-
rer. Il eft d’expérience que les évaporations fulphu-
reufes & minérales, qui font nuifibles à lafanté, s’ab-
forbent dans l’eau, &c. Les fels qui font mêlés avec
l’eau,font tellement fixes,qu’ils né peuvent meme
être élevés par la chaleur de l’eau bouillante, &c.
Pourquoi les équipages, qui traverfent un yafte ef-
pace d’un air aufli pur que nous l’avons dit, font-
ils fujets à tant de maladies ? C’eft que les vaiffeaux
o n t , pour ainfi dire, leur atmofphere particulière,
Sc qu’ils portent dans eux le principe de la corruption
de Y air que les équipages font obligés de ref-
pirer. U air des cales a peu de circulation, & il eft
fort chargé de vapeurs, Les vivres s y échauffent
; Sc par une fermentation très-fenfible, ils répandent
une exhalaifon dangereufe. D un autre co té,
les beftiaux placés dans i’entre-pont, contribuent à
altérer Y air par leur fumier, par la mauvaife odeur
de leur laine graffe, par leur tranfpiration Sc leur
refpiration. La mal-propreté, & le grand nombre de
gens qui couchent dans ce même entre-pont avec
kurs habits , fouvent pénétrés d’humidité ou de
fueur, font des caufes encore plus réelles de la corruption
de Y air, &c. Il fe mele dans 1 air des ^ vaiffeaux
une vapeur très-pernieieufe, dont on n’a pas
encore parlé, c’eft celle qui s’élève de l’eau qui fe
corrompt, & qui croupit en féjournant dans le fond
des vaiffeaux, &c. La quantité des vapeurs augmente
journellement, puifque les parties les plus groffieres,
après s’être élevées dans Yair, Sc avoir flotte quelque
tems dans ce fluide , s’attachent, & s embar-
raffent dans les pores qui font à la furface des corps
qu’elles touchent. Souvent même ces vapeurs les pénètrent
affez profondément ; Sc c’eft de-là que vient
cette odeur forte, & fi difficile à fe diffiper, que contrarient
les vêtemens, Sc tout ce qui a été embarq
u é , &c. ».
Après cet expofé, M. le vicomte de Morogues
détermine le rapport du volume des vapeurs, avec'
celui de Y air de la cale Sc de l’entre-pont ; il compte
le nombre de refpirations, 8c la quantité d'air qu’un
homme afpire pendant les douze heures qu’il paffe
dans l’entre-pont : il montre la perte de 1 elafticite de
Y air ; & fixant à-peu-près à un quart de Y air total de
la ca le, la quantité de vapeurs qui s’y trouvent, Sc
à un huitième au moins celle qui eft dans l’entrepont
, il prouve d’une maniéré inconteftable ,
combien eft pernicieux le liquide empoifonné que
l’on y refpire, Sc qui fe mêle dans le fang Si abreuve
les poumons. _
Le réfultat des connoiffances fur le danger de Y air
que l’on refpire dans les vaiffeaux, conduit naturellement
à defirer d’y remédier : c’eft ce dont traite
auffi l’ouvrage que j’ai cité. On peut voir les machines
, Sc les différens moyens qu’il confeille pour renouveler
Y air de l’entre-pont Sc des cales, Sc pour
y introduire Y air extérieur, aux mots Manche Sc
Ventilateur, Diction, raif. des Sciences, &c. Sc
Suppl. En finiffant cet article , je dois rappeller que
veiller fur la confervation des équipages, intéreffe
l’humanité,le bon citoyen, Sc eft une obligation di-
re£e & un devoir effentiel pour l’officier de la marine.
( M. le Chevalier d e l a C o u d r a y e . )
Air de vent, ( Marine. ) la bouffole eft divifée par
les marins en trente-deux parties , Sc chaque point
de cette divifion s’appelle air de vent. Les trente-
deux airs de vent ont chacun leur nom particulier,
qui dérive de celui des quatre principaux airs de vent,
connus de tout le monde; le nord, le fu d , Y eft Sc
Youefl. La bouffole repréfente l’horifon, Sc eft auffi
divifée comme lui enAéo?: conféquemment, entre
deux airs de vent, il y a iz ° 15^* Oette fécondé
divifion eft néceffaire pour l’eftimation de la route
d’un vaiffeau ; ca r, dans une route longue fur-tout,
A I R
il eft bien différent d’avoir couru à l’eft, ou entre l’êft
ic l’eft-quart-fud-eft. Dans ce cas , pour exprimer’
Y air dt Vint où l’on a couru, on dit avoir couru à l’eft
5° 30' fud.
Si l’on pouvoit eftimer avec exa&itude à la mer-
Yait de vint oh un vaiffeau a porté , Pobfervatioa
de la latitude feroit alors fuffifante , pour connoître
auffi la longitude, c’eft-à d ire, pour favoir avec pré- •
cifion la route qu’a fait le vaiffeau, & le point oh
il fe trouve au moment de l’obfervation ( excepté
dans le feul cas oh il auroit couru dire&ement dans -
l’eft ou dans l’oueft; exception de peu d’importance ) ; -
mais malhèureùfement cette eftimation ne peut 1e
fa ire , parce qu’un vaiffeau ne parcourt jamais la
ligne droite qui conduit à Y air de vent, oh il préfente :
le cap : les vagues, la derive, <S*c. l’en détournent ;
Sc ces caufes ne peuvent être appréciées.
Voici l’ordre qu’on a fuivi dans la nomination .des
trente-deux airs de vent. Entre le nord Sc 1 eft, il y
a huit fois n ° 15' * Sc conféquemment fept airs de
vent; celui du milieu, ou le quatrième ,foit eh commençant
à compter par le nord , foit en commençant
à compter par l’e ft , s’eft nommé , du. nom des
deux, nord-elt. Cette divifion faite entre le nord-eft,
& chacun des airs principaux, le nord Sc l’eft, il ref-
toit quatre fois 1 1° 1 5 ', Sc trois airs de vent; celui du
milieu a pris'egalement le nom des deux airs de vent
entre lefquels il fe trouvoit ; ainfi entre le nord Sc
& le nord-eft , on a dit nord-nord-efi; Sc entre l’eft'
Sc le nord-eft, on a dit efi-nord-efi.
Pour nommer chacun des airs de vent, qui s’entremêlent
avec ceux dont nous venons deparler, oa
leur a donné' le nom de 1 air de vent principal ou du
principal-compofé, auprès duquel ils fe trouvoient,
en ajoutant qu’il s’en éloignoit d’un quart ( c’eft-à-.
dire , du quart de la diftance qui eft entre un air de
vent principal, Sc un principal compofé ) ; ainfi les
deux airs de vent, qui font auprès du nord-eft, f e
nomment nord-efi comme lui ; mais on ajoute un quart
vers le nord à celui qui s’incline vers le nord, 6c un
quart vers l’eft à celui qui s’incline vers l’eft. Il en
eft de même des deux airs de vent qui font auprès dix
nord, dont un s’appelle nord-un-quart vers U nord-eft,
Sc l’autre nord un quart vers Le nord.
On écrit ces noms par abréviation , Sc même on
les prononce par abréviation : au lieu de nord un
quart vers le nord-eft, on dit Nord-quart-nord-e(i,
Sc on écrit N $ ne; on ûïtnord-efi-quan de-nord,
nord-ejl-quart-dleji, & on écrit Ne fizz, Ne j e , Scc.
Conféquemment à ce que nous venons de dire, la
figure 3 de la planche I. (Architecture nav. S up.), offre
un quart de la bouffole, qu’il feroit facile d’achever,
d’après les mêmes principes, avec la légère obfer-
vation de nommer Y air de vent principal avant le
principal compofé , Sc de mettre dans la prononciation
la particule de aux airs de vent, qui portent le
nom de quart, lorfqu’ils paffent d’un des quatre principaux
compofés à un des quatre airs de vent principaux;
Sc de ne point l’ajouter au contraire, lorfqu’ils
paffent d’un des quatre principaux à un des quatre
principaux compofés. Ainfi l’on dit E. N-e. Sc non pas
N-e. E ; Sc l’on prononce N-e fi de N , Sc non pas
N-e fi.n; quoique l’on prononce N fi N-e, Sc non pas
N - de N-e.
L’ufage a auffi corrompu la prononciation de ces
mots, qui ne s’expriment point comme on les écrit.
Nord-eft fe prononce nordts, comme procès; fud-eft
fe prononce de même fûts : fud-oueft fe prononce
furoiia ; Sc nord-oueft, noroüa. ( M. le Chevalier D E
, L A C O U D R A Y E . )
Air ou Aire , ( Marine. ) Acquérir de Y air ou
de Y aire fe dit d’un vaiffeau qui paffe de l’étàt de non-
mouvement à celui d’une certaine vîteffe quelconque.
P oit-on dire air ou aire ? C’eft une queftion,
A I R
Aire me paroîtroit mieux dit : air femble être feul en
ufaee. Dans le premier fens, acquérir de Y air feroit
acquérir ou parcourir de l’efpace : dans le fécond ,
acquérir de Y air, doit fignifier parcourir ou rencontrer
une plus grande quantité d'air. « On dit qu’urt
vaiffeau a beaucoup d’air, pour dire qu’il fait un
grand fillage. »On dit donner de Y air au bâtiment,
en parlant d’un vaiffeau qui eft au plus près du vent,
pour dire faire porter un peu largue , afin que le
v en t, frappant les voiles d’une manière plus directe
, donne plus de vîteffe au vaiffeau ».
. Air fe prend auffi pour la vîteffe que conferve un
bâtiment, après que la force qui lui a communique
cette vîteffe, a ceffé. « Une chaloupe qui veut aborder
à une ca le, ceffe de faire ufage de fes avirons ,
à une certaine diftance de cette ca le , parce que.
fon air fuffit pour la lui faire accofter. » On dit que
Y air d’un vaiffeau eft amorti, pour dire que là
force qu’il confervoit, Sc qui le faifoit mouvoir
dans un certain fens, a été détruite, & n’a plus
lieu ». V .
Plus un vaiffeau a de maffe, Sc plus^ lông-tems
proportionnellement conferve-t-il la vîteffe communiquée
après l’anéantiffement de la pùiffance
communicative. (M. le Chevalier DE LA CoUDRAŸE.)
Air , f. m. (Littérature. Poéjie lyrique.) en lifant St
relifant YEJfaifur Üunion de lapqefie & de la mufique ,
je me fuis fi bien pénétré des idées dont cet excellent
ouvrage eft rempli ; Sc depuis , mes reflexions
Sc les lumières que l’expérience a pu me donner,
fe font fi parfaitement accordées avec les principes
de l’auteur de YEJfai, qu’en écrivant fur la poefie
deftinée à être mife en chant, il ne me feroit plus
poffible de diftinguer ce qui eft de lui ou de moi,
Sc qu’il vaut"mieux'tout d’un coup lui attribuer,
foit que je le copie ou non, tout ce que je dirai
fur l’objet qu’il a fi bien approfondi. _■
U air eft une période mu'ficale qui a ton motif,,
fon deffein, fon enfemble, fon unité, fa fymmétnê
Sc fouvent auffi fon retour fur elle-même.
Ainfi l’air eft à la mufique ce que la période eft à
l’éloquence, c’eft-à-mre ce qu’il y a de plus régulier,
de plus fini, de plus fatisfaifant pour l’oreille ; Sc_
l ’interdire au chant théâtral , ce feroit retrancher
du fpeâacle lyrique le plus fenfible de fes plaifirs.
;C ’eft fur-tout le charme de Y air qui dédommagé les
Italiens de la monotomie de leur récitatif, Sc de la
froideur de leurs fcenes épifodiques ; & c’eft ce
qui manque à l’opéra François pour en diffiper la
langueur, Sc pour le ranimer par des impreffions
plus vives Sc plus fenfibles que celles de la danfe,
qui femble être aujourd’hui à ce fpeûacle la feule
reffource contre l’ennui. . /a
Mais fi Y air doit être admis dans la mufique théâtrale
, il doit y être auffi naturellement amené ; Sc
l ’art de le placer à propos n’a pas été affez connu.
La mufique vocale a trois procédés' différens : le
récitatif fimple, le récitatif obligé, Sc Y air, ou le chant
périodique Sc fuivi. Le premier s’emploie à tout ce
que la icene a de tranquille & de rapide ; le fécond
a lieu dans les fituations plus v iv e s , il exprime le
choc des pallions , les mouvemens interrompus de
l’ame , l’égarement de la raifon , les irréfolutions
de la penfee, Sc tout ce qui fe paffe de tumultueux
Sc d’entrecoupé fur la fcéne. ( Voyeç Récitatif.
Suppl. )
Quelle eft donc la place de Y air ? le voici. Il eft
des momens oh la fituation de l’ame eft déterminée,
Si fon mouvement décidé, ou par une paffion fimple
, ou par deux paffions qui fe fucCedent, ou par
deux paffions qui fe combattent Sc qui l’emportent
tour-à-tour. Si.l’affeéHon de l’ame eft fimple, l’<z£r
doit être fimple comme elle ; il eft alors l’expreffipn
d ’un m o u vpm p n t nlnc lo n t nn rdilC rnnidp . nllIS VIOA
I R
lent OU plus dou x, mais qui n’eft point contrarié ;
& Y air en prend le cara&ere. Si l’affeélion de l’ame
eft implexe , Sc qu’elle fe trouve agitée par deux
mouvemens oppofés, 1æ/> exprimera l’un Sc l’autre,
mais avec cette différence,que tantôt il n’y aura qu’une
fucceffion direûe , un paflàge , comme de l’abattement
au tranfport, de la douleur au défefpoir ; Sc
alors le premier fentiment doit être encontrafte avec
le fécond, Sc celui-ci former fa période particulière :
c’eft-là ce qu’on appelle un air à deux motifs, mais
fans retour de l’un à l’autre ; tantôt il y'aura un retour
de l’ame fur elle-même , & comme une efpece
de révulfîon du fécond mouvement au premier, Sc
alors Y air prendra la forme du rondeau : il commencera
par la colere , à laquelle fuccédera un mouvement
de pi'tié, qu’un nouveau mouvement de dépit
fera dîfparoître, en ramenant avec plus de violence
le premier de ces fentimens. Par cet exemple , on
voit que l 'air en rondeau peut commencer par le
fentiment le plus v i f , dont la fécondé partie foit le
relâche, Sc qui fe réveille à la fin avec plus de chaleur
& de rapidité : c’eft quelquefois Famour que le de-
voir retient, mais qui lui- échappe & s’abandonne
,à toute l’ardeur de fes defirs ; c’eft la joie que la
crainte modéré, Sc qu’un nouveau rayon d’efpérance?
ranime ; c’eft la colere que ralentit un mouvement
de générofité , mais que le reffentiment de l ’injure
vient ranimer encore avec plus de fureur.
Il peut arriver cependant que la première partie
de. Y air, quoique la plus douce , ait un caractère
fi fenfible , fi gracieux ou fi touchant, qu’elle fé faffe
defirer à l’oreille, Sc alors c’eft au poète à prendre
foin que le mouvement de l’ame l’y ramene : l’oreille
qui demande Sc qui attend ce retour , feroit défia-»
gréablement trompée fi on lui en déroboit le plaifir.
Enfin,les révolutions de l’ame ou fes ofcillations
d’un mouvement à l’autre , peuvent être naturellement
redoublées , & par conféquent le retour de
la première partie de lW p e u t avoir lieu plus d’üne
fois.
La marche Sc la coupe de Y air eft donc prife dans
la nature , foit qu’il exprime un fimple mouvement
de l’ame , une feule affeélion développée Sc variée
par fes nuances ; foit qu’il exprime le balancement
& l’agitation de l’ame entre deux ou plufieurs fentimens
oppofés ; foit qu’il exprime le paffage unique
d’un fentiment plus modéré à Un fentiment plus rapide
, & vice verfâ: car tout cela eft conforme aux loix
des mouvemens du coeur humain ; Sc demander alors
que la déclamation muficale ne foit pas un air,
mais un fimple récitatif, rompu dans fes modulations
, fans deffein Sc fans unité, c’eft non feulement
vouloir que l’art foit dépouillé d’un de fes ornemens,
mais que la nature elle-même foit contrariée dans
l’expreffion qu’elle indique. Un fentiment fimple Sc
continu demande un chant dont le cercle l’embraffe,
Sc dont l’étendue circonfcrite le développe Sc le
termine ; deux fentimens qui fe fuccedent l’un à
l’autre, ou qui fe balancent dans l’aiiié , démandent
un chant compofé dont les deffeins foient en con-
trafte ; la reprife même de Y air à fon modèle dans
la nature , car il arrive affez fouvent à la réflexion
1 tranquille , Sc plus encore à la paffion, de ramener
l’ame à l’idée ou au fentiment qu’elle a quitté. Il y a
donc autant de vérité dans le da-capo en mufique, que
dans ces répétitions de Moliere , le pauvre homme !
qu'alloit-il faire dans cette galère ? ma cajfette , ma
ckere cajfette ! Scc.
Mais pour que Yair foit naturellement placé , il
faut faifir avec jufteffe le moment oh la vérité de
l’expreffion le follicite ; Yair, dans un moment vuide
ou froid, fera toujours un ornement poftiche. C ’eft
■ le moment le plus v if de la feene qu’il faut choifir
pour y attacher l’expreffion la plus faillante ; Si cette