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 l ’ignorance  diminuoit  alors  à  vue  d’oeil ; |jjj| cjù’efl  
 paffant  par  des nuances  8c des  dégradations  inlenfi*  
 b lé s ,  elle  tendoit au  favoir. 
 Recherchons  à  préfent  d’où  Venoit  cet éloignement  
 pour la  fcience,  cet attachement à  l’ignorance  
 privative.  Changez de pofition ,  8c  vous trouverez  
 fa  raifon du fait dans  ce  que  je crois  pouvoir nommer  
 l’ignorance  pofitive,  dans le^ faux  favoir.  Les  
 fubtilités, les obfcurités,  les  puérilités de toutes les  
 doftrines,  fans  eh excepter la plus fainte de toutes ,  
 avoient  tellement  dégoûté  le  refie des  humains  de  
 l’étude ,  qu’on ne peut bonnement  leur  en  faire un  
 reproche.  Ouvrez  les  livres du  maître  des  fenten-  
 ce s ,  &  de  tous les do&eurs de la même trempe ; 8c  
 voyez  fi de  pareils  ouvrages  ne tomboient  pas né-  
 ceffairement  des  mains  de  ceux  qui  y   jettoïent les  
 y e u x ,  6c  ne leur infpiroient pas  même une forte de  
 frayeur.  Suivant  le  poëte  fatyrique,  l’homme  eft  
 bien au-deffous de l’âne ; mais  le docteur étoit alors  
 fort  au-deffous  de  l’homme.  Cela me  rappelle  la  
 plaifanterie  du  libraire de Hollande,  qui  faifant  la  
 table  d’un Boileau, y  mit :  D octeur.  Voye^ Ane. 
 Dans le  grand  nombre  il y   avoit  fans  contredit  
 quelques dofteurs eflimables; mais je ne  puis mieux  
 faire fentir la différence que le temsmettoit entr’eu x,  
 qu’en comparant  deux hommes qui fe  touchent, 6c  
 dont l’un a fuccédé immédiatement à l’autre : ce font  
 les deux premiers fecrétaires de Vacadémie, des fciences  
 de Paris  ,  MM.  du  Hamel 6c  de Fontenelle.  M.  du  
 Hamel étoit certainement ce  qu’on pouvoit  être  de  
 mieux de  fon tems :  encore  faut-il  remarquer qu’il  
 avoit vu  l’aurore  du  jour  cartéfien,  6c  qu’il avoit  
 fçu  en  profiter.  Mais  quelle  différence  de  lui  à M.  
 de  Fontenelle ,  inondé  ,  pour  ainfi  dire,  de tout  
 l ’éclat  d’un  fieçle  de  lumière",  6c y   rayonnant lui-  
 même  avec  la  plus  grande  force, quoiqu’avec  la  
 petite  tacjie'd’être mort  cartéfien ;  peut-être  parce  
 q u e ,  fans le favoir , 8c quoique  l’avocat, le héraut  
 des modernes,  il étoit encore  un peu  ancien  ! 
 Dans cette  fermentation d’efprits ,  de quoi s’agif-  
 foit-il?  D ’infpirer  aux  uns  le  goût  du  vrai favoir,  
 &   de  porter  les  autres,  chofe  bien  plus  difficile,  
 à  l’abjuration  du faux  favoir. Après le flambeau  allumé. 
  6c  préfenté  par  Defcartes,  rien  n’étoit  plus  
 propre à produire ces  heureux  effets,  6c ne  les  a  
 mieux produits en effet que  l’établiffement  &es  académies. 
   Quand on  a  vu des  gens  d’élite ,  parmi lef-  
 quels  il  n’a  pas tardé  à  s’en  trouver de  très-diftin-  
 gués  par  leur  naiffance  6c  par  leurs  dignités  ,  , fe  
 dévouer à  l’étude ,  6c fans prendre ni robe,  ni bonnet  
 ,  fans  aller  ^enrouer  fur  les  bancs  d’aucune  
 é co le ,  s’abforber dans  les  fciences,  dans celles  en  
 particulier,  q u i,  vers la  fin du  fiécle paffé  ,  acquirent  
 ,  par  un  jet  imprévu,  fi  je  puis  m’exprimer  
 ainfi ,  tant  de hauteur ;  quand  on les  a vus en faire  
 leurs  délices /  y   chercher  leur gloire ,  on a d’abord  
 eu  peine à  en  croire  fes  yeux ; mais  de  l’étonnement  
 on  a bientôt paffé à  l’admiration,  de l’admiration  
 à  l’imitatipn ;  6c  je ferois  tenté  de  craindre  
 qu’on ne  fe foit jetté,  ou qu’on ne  vienne à fe jetter  
 dans  l’extrémité oppofée.  Les  places d’académicien  
 font  devenues  des  brevets  d’honneur,  qui  figurent  
 avec  ceux  des  maréchaux  6c  des  miniftres ;  elles  
 font même  recherchées  par  des  princes  ,  par  des  
 héros  ,  que  la  renommée  exalte,  que  la  gloire  
 couronne. 
 Quelle  révolution ! Et ne  fommes-nous  pas  ex-  
 cufables de  l’envifager  avec complaifance  !  L’ignorance  
 n’a plus  d’autre partage que  le  mépris  6c  la  
 honte ;  le  faux favoir d’autre atyle  que  le  refte  de  
 quelques écoles péripatéticiennes.  Par-tout ailleurs,  
 jufqu’aux  glaces  du  p ô le ,  les  académies  font  des '  
 capitales des  fciences  dont on ne  croit  pas que  les 
 A  C  A 
 Capitales des empires doivent ou mêmepuiffeht être;  
 dépourvues.  Il me femble  déjà les  voir traverfer ce  
 détroit  tant cherché,  6c  à  la  découverte duquel  il  
 femble  qu’on'touche , celui  qui  fépare l’Europe  de  
 l’Amériquë ,  8c  procurer à  notre globe un avantage  
 dont  le  foleil lui-même ,  quoique pere du jou r , ne  
 fauroitle  faire  jouir,  c’eft d’avoir  fes  deux  hëmi-  
 fpheres  éclairés  à la  fois. 
 Que refte-t-il donc à faireaux  académies? Quelle  
 èft  leur  tâche âttuelle,  leur but principal,  6c  leur  
 effet  le plus  avantageux  dans  les  circônftanCes  oit  
 nous  nous  trouvons ?  C’eff  ce  qu’il  s’agit à  préfent  
 de déterminer. Il a fallu préalablement montrer d’où  
 nous  fommes  partis,  en  fait  de  fcience,  6c  voir  
 jufqu’oii  nous  fommes  arrivés. Nous fommes partis  
 de  l*ignorance qui  eft  naturelle à l’homme  ;  fé§  ténèbres  
 ont été infenfiblement diffipés par les «travaux  
 d’une longue fuite de  fiecles ; on a  obfervé lés phénomènes, 
   on  a  cherché  leurs'  caùfes,  8c  l’on  eft  
 parvenu  à  en  connoître  un  certain  nombre ; mais  
 tandis  que  ce  paffage  de  l’ignorance  à  la  fcience  ,   
 s’opéroit  avec  la  plus  grande  lenteur,  8c  par‘ des  
 efforts,  qui le plus fouvent n’étoient que  des tâton-  
 nemens,  il  furvint  une  efpèce  de  maladie  épidémique  
 de  l’efprit  humain,  qui  arrêta  tout  court  
 l’a&ivité  de  fes  recherches  ,  8c  qui retint pendant  
 une  autre  fuite de  fiecles > les hommes  au point  oit  
 ils étoient arrivés, dans  la fauffe  6c folle perfuâfion  
 qu’ils ne pouvoient  aller plus  loin , 6c qu’il n’y  avoit  
 aucune queftion qui ne  fût  actuellement  decidee. 
 On comprend que je parle du régné de la fcholaf-  
 tique.  Les doCleurs  angéliques ,  fubtils ,  illuminés ,  
 n’ignorôient  rien ;  ils  avoient  la  fcience  infufe  6c  
 univerfelle ;■  ils la communiquoient à leurs difciples ,   
 qui la trânfmettoient à d’autres,  toujours la même ;   
 à-peu-près comme  ce  talent ënfoui  qü’on  retire de  
 la terre  tel qu’il lui a  été confié.  Avec des  cieux  dé  
 criftal,  on n’avoit pas befoin du fyftême dé  Copernic  
 6c de  l’aftronomie de Newton. Avec des qualités  
 occultes,  on étoit difpenfé de  connoître  les loix  de  
 la  nature,  le  méchanifme  de  l’organifation.  Avec  
 des  diftinctions,  on  fe  débarraffoit  de  toutes  les  
 difficultés; :  il  n’y  avoit point de noeud  gordien dont  
 leur redoutable  tranchant ne vînt à bout. 
 Une  pareille  fituation  autoit pû  durer toujours  
 8c  il  eft  furprenant  qu’elle  ait  pris  fin ;  puifque  
 l’orgueil  6c  la  pareffe,  les  deux  paffions  les  plus  
 cheres  à  l’homme  ,  y   trouvoient  également  leur  
 compte.  Cependant un rayon d’évidence perça ;  les  
 yeux  fe  diffiilerent,  quoiqu’àprès  une  longue  6c  
 opiniâtre  réfiftance  :  on  eut honte du faux  favoir ,  
 on  comprit  qu’il  étoit  pire  que  l’ignorance ;  6c  ce  
 font  certainement  les  académies  q ui,  depuis  leur  
 établiffement,  ont  le  plus  contribué,  foit  à  défricher  
 les  terres  incultes,  foit  à  arracher  les  ronces  
 6c les épines de deffus celles qui en étoient couvertes.  
 On n’admet plus aucun fait fans des preuves de fait ;  
 on n’affirme plus aucune propofition fans des preuves  
 de raifonnement. Quand les unes ou les autres de ces  
 preuves manquent,  on fufpend fon jugement,  o u ,’  
 fi l’on hafarde  des  décifions,  elles  font vigoureufe-  
 ment relancées ;  perfonne n’étant plus d’humeur de  
 voir par les yeux d’autrui, 6c de fe rendre à la fimple  
 autorité de qui que ce foit. 
 Que  reflert-il  donc  à  faire ?  Les  académies  ont,'  
 félon  moi ,  une  nouvelle  tâche  à  remplir,  une  
 nouvelle révolution  à  opérer ;  tâche peut-être plus  
 difficile que les précédentes, révolution à laquelle je  
 prévois  les  obflacles  les  plus  puiffans,  fi  tant  eft  
 qu’ils ne foient pas infurmontables.  L’ennemi  que la  
 fcience  a  aujourd’hui  en tête  ,  6c  qui  partage  avec  
 elle  l’empire  des  lettres,  ou  plutôt  qui l’a prefque  
 ufurpé  6c  envahi  tout  entier,  c’eft  le demi-favoir.  
 Qu’eft-ce que ce demi-favoir ?  Que peuvent 6c que  
 doivent 
 A  C  A 
 doivent  faire  les  académies  pour  l’extirper?  Ces  
 objets  me  paroiffent  dignes  d’une  attention  toute  
 particulière. 
 Le demi-favoir eft une expreflîortconnue 8creçue,  
 dont  je  me  propofe  de  fixer le fens  relativement  à  
 mon  but.  J’en  fais  donc  un  terme  générique,  par  
 lequel  j’entends  tout  degré  de  eonnoiflance  qui  
 n’eft pas exactement apprécié par ceux qui le poffe-  
 dent.  Ainfi  le mot de  demi n’eft employé  que  pour  
 abréger. Divifons  le  favoir en cent  portions : celui  
 qui en a dix,  6c celui qui en a quatre-vingt-dix,  s’ils  
 croient l’un 6c l’autre avoir les cent,  font des demi-  
 favans ;  ils  prennent  la  partie  quelconque  pour  lç  
 tout. 
 Il s’enfuit donc  de là  d’abord que  je  n’appelle pas  
 demi-favans  ceux  q u i,  ne  fachant  que  certaines  
 chofès,  favent  en  même  temps  6c  reconnoiffent  
 qu’ils ne favent que ces chofes là. Ce font au contraire  
 les citoyens les plus eflimables  de la république des  
 lettres. Le favoir univerfel n’exifte point : les fàvans  
 qu’on a décorés de cette épithete,  font ceux qui ont  
 le  mieux  fenti  combien  peu elle  leur  convenoit.  Si  
 vous poffédez un champ que vous avez bien cultivé,  
 je  vous  regarderai  comme  un  bon  laboureur,  6c  
 je vous donnerai les éloges que vous méritez incon-  
 teftablement; mais fi vous prétendez être unfeigneur,  
 un prince, je me moquerai de votre vanité. Le bota-  
 nifte  eft unfàvant,  quoiqu’il  ne  foit  pas  chymifte ;  
 6c le chymifte  un  favant, quoiqu’il ne foit pas bota-  
 nifte.  Celui  qui  n’eft  exactement  au  fait  que.  des  
 champignons, eft un favant, quoiqu’il ignore le refte  
 de la botanique ;  il en eft de même du métal!urgifte,  
 quoique  toutes les opérations du laboratoire chymi-  
 que ne  foient pas fon  fait.  En un mot,  celui qui fait  
 bien Une chofe, eft favant quant à cette dhofe-là,  6c  
 t f eft  point  un  demi-favant,  s’il  ne. s’arroge  rien  
 au-delà :  en faifant allufion à un proverbe,  qui n’eft  
 pas  affez noble pour le  citer,  je  dis  que,  fi  chacun  
 faifoit ainfi fon métier ,  les fciences leroient mieux  
 cultivées. 
 Ces  hommes  fimples  8c  modeftes  font  le  petit  
 nombre ic i, tout comme .en morale 6c dans la fociété:  
 on ne  rencontre de  toutes parts  que  gens  à  prétentions  
 ; il s’agit de les caraCtérifer, 6c, pour ainfi dire,  
 de les nuancer. 
 La  première  nuance ,  mais fi  obfcure  qu’elle  ne  
 mérite  pas  d’arrêter  long-temps  nos  regards,  c’eft  
 celle  qu’offrent  des  gens  qui  n’ont  que  la  teinture  
 d’une  feule  fcience,  6c  qui  croient  y   primer,  y   
 exceller.  Cette  illufion  eft  rare  dans  les  fciences  
 exaétes,  telles  que  la  Géométrie,  6c  toutes  fes  
 dépendances, mais elle eft commune dans les autres  
 fciences,  telles que la M étaph y fiqu ela  Morale,  le  
 Droit naturel ,  la Politique  : tout fourmille de  gens  
 qui  s’annoncent  6c s’affichent  pour  favoir  le  fin,  fi  
 j’ofe  m’exprimer  ainfi,  8c  avoir  le  feeret  de  ces  
 fciences  ,  tandis qu’ils ne font qu’y  balbutier. 
 Ne les tirons pas davantage  de  leur  obfeurité,  6c  
 confidérons  ceux qui poffedent .en effet une fcience ,  
 6c  y   ont même  pris -un  vol  a.uffi  élevé  qu’elle  le  
 permet.  La  hauteur  de  ce vol  leur  fait quelquefois  
 tourner  la tê te ,  6c  alors  ils  donnent  aifément  dans  
 l’Cine ou l ’autre de ces deux chimères; c’eft de croire  
 leur  fcience  unique  ou  de  la  croire  univerfelle,.  Ils  
 croient leur fcience unique , lorfque toutes les autres  
 s’appetiflènt 6c  s’anéantiffent  prefque  à  leurs  yeux.  
 A quoi bon les fpéculations du métàphyficie.n, dit le  
 geometre ?  A quoi bon le’s calculs du géomètre ,  dit  
 le métaphyficien ?  8c ainfi des autres. Ilsicroient leur  
 fcience univerfelle,  lorfqu’en  admettant  la  réalité, 
 1 utïlite des autresdciences,  ils veulent les fubordon-  
 ner à celle qu’ils profeffent, dont les principes font,  
 ,leur  avis, primitifs  6c  inréfolubles.  iCependant  il  
 n y  a qu une fcience première,   c’eft l’Ontologie :  6c  
 Tome  J, 
 A  C  A  97 
 quiconque  méconnoît  fes  droits,  eut-il  réfolii  les  
 plus  importans  problèmes  des plus hautes fciences,  
 n’eft qu’un demi-favant; il n’eft fur-tout qü’un demi-  
 philofophe,  ou pour mieux dire il n’eft point philo-  
 fophe,  puifqu’on  ne  l’eft  pas,  en  tant  qu’on  s’eft  
 approprié les connoiffançes  qui font du rëffort de  là  
 Philofophie,  mais en tant qu’on a  cet efprit philo fo-  
 phique,  qui eft pour  le  vrai favant ce qu’eft l’art dé  
 la Taétiqiie pour un grand général. Cependant il n’eft  
 point  dii  tout  furprenant  qu’un  homme  qui  s’eft  
 dévoué  à  une fcience,  qui  en  a  fait  fon  feul  objet  
 pendant  toute  fa v ie ,  en ait  la  plus  haute  id ée.  là  
 regarde  comme  unique ,  ou  comme  univerfelle :  
 c’ eft là une des foibleffes les plus naturelles à l’hommei  
 On  a  bien vu à Paris un maître  à  danfer,  le  fameux  
 Marcel qui parloit de fon art comme  s’il  donnoit  lé  
 branle-à la fociété,  à  l’état ;  8c pour peu qu’on l’eût  
 fâché ,  il  auroit  peut-être  ajouté  aux  planètes ,  à  
 toutes les fphères. 
 Les nuances précédentes ne font que partiales ;  en  
 voici une générale, dominante, qui donne à ce fiecle  
 le ton de couleur auquel il  eft  reconnoiffabie,  6c  le  
 demeurera  probablement  aux  yeux  des  fiecles  à  
 venir. On  aime  à  l’appeÜer  le fiecle  de  la  philofo-  
 phie;  fans  nier  entièrement  l’affertion,  je  l’appelle-*  
 rois  volontiers  le fiecle  du  demi-favoir.  Il  s’agit  de  
 juftifier ce  que  j’ofe avancer,  6c c’eft à  quoi je  vais  
 travailler. 
 La  première  révolution  opérée  dans  l ’efpriC  
 humain,  on  l’a  v u ,  a  été  de  lui  faire  fedouer  lé  
 joug du faux favoir : Defcartes-, Newton,  Leibnitz ,   
 les académies;   voilà les inftrümens  de  cette  révolution. 
  Et je ne puis m’empêcher de remarquer qu’aucun  
 ouvrage  n’a  peut-être  été plus  efficace  à  cet  égard,  
 que  cette  partie  des  Mémoires  de  Vaçàdémie  des  
 Sciences de Paris , qui porte le nom d'Èifioire, 6c que  
 M.  de Fontenelle a faite pendant un demi-fiecle d’une  
 maniéré  qui  doit  lui  mériter  une  reconnoiffançe  
 immortelle de la part de nos derniers neveux. C’étoit  
 là la bonne  route ;  il faifoit y   refter  on  auroit  été  
 bien  loin. Mais elle  étoit trop fimple 6ç trop férieufe  
 pour fixer tous ceux  qu’on  invitoit à  y  marcher,  6c  
 fur-tout la nation volage aux yeux de laquelle  on la  
 traçoit. 
 Deux  fecours  prétendus  par lefquels  on vouloit  
 étendre  6c  faciliter les  études,   vinrent  plutôt  en  
 détourner,  6c  égarèrent  les  hommes  dans  toutes  
 fortes  de  fentiers,  dont les  uns  ne mènent  au  but  
 que  par  de  longs  circuits ,  6c  les autres  y   font entièrement  
 tourner  le  dos.  Je  parle  des  journaux  
 6c des dictionnaires.  J.ç-n’en  ferai  pas  l’hiftoire  qui  
 rempliroit  des  volumes.  Je n’en  contefterai  pas les  
 avantages,  à  les  prendre  dans la  fimplicité de leur  
 origine 6c dans les limites de  leur deftination. Mais ,   
 bon  Dieu  !  à  quoi  ces  premiers  commencemens  
 n’ont-ils  pas  conduit ? Une  comparaifon  exprimera  
 ce  que  je  penfe.  Quelqu’un  fouhaite  de  la  pluie  
 pour  arrofer fon champ ;  un nuage fe  forme,  grof-  
 fit,  6c  en  crevant  au - deffus  ,  le  fubmerge.  Voilà  
 préçifément  l’effet  du  déluge  des  deux  for tes  de  
 productions  que  nous  venons  de nommer.  Cependant  
 ,  6c  c’eft  ce  qui  les  a  tant  multipliées,  rien  
 n’égale  l’avidité  avec  laquelle  elles  ont été  reçues ;  
 6c quoiqu’elles  fouffrent  actuellement  quelque  dif-  
 çrédit,  il  fe  paffe  peu d’années  où  l’on  n’en  voie  
 éclorre  de nouvelles.  D ’où vient cette vogue  ?  D e   
 l’efpérance  qu’on  a  conçue  de  devenir  favans  par  
 ces  leâures,  fans  effuyer  la  longueur  6c la  féche-  
 reffe  des  études  proprement  dites.  Au.ffi  le favoir  
 a-t-il  germé  6c  pullulé  de  toutes  parts.  Mais  quel  
 favoir ! Liiez  les écrits  qui ont paru depuis  le commencement  
 de  ce  fiecle.,  ou pour  né pas  vous demander  
 l’impoffible,  lifez-en  feulement, les titres.  ;  
 ôc  vous  verrez  qu’au  lieu  d’un  petit  nombre  de  
 N