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 racine mâchées, ont une faveur  amere.d’abord,  qui  
 enfuite  tourne en  douceur,  &  approche un  peu de  
 celle  de  la  reglifle. 
 Vfages.  Ses  feuilles  patient  pour être  lé spécifique  
 des maux de  gorge accompagnés  foit  d’enrouement  
 ,  foit  d’inflammation  ;  pour  cet  effet,  on  en  
 boit  l ’in fu f io n , faite en verfant  defltis  de l’eau  bouillante  
 à  la  manière  du  thé  ;  mais  fa douceur donne  
 des  naiifées,  des  envies  de  vomir  ;  &   iori  ufage  
 continué pendant plufieurs jours,  laifle fur la langue  
 une  fenfatiôn  d’amertume femblable  à  pelle qui annonce  
 q u e   l’eftomac  efl furchargé  de bile.  On  s’en  
 gargarife auffi  la bouche pour  guérir  les aphtes. En 
 Chine on l’applique  pilée  avec  dufel & d u   vinaigre  
 fur  lés  parotides,  lorfqu’elles  font  enflées. Profper  
 Alpin ,  au chapitre  21  de fon Hijloire  des  Plantes  de  
 P Egypte,  avance que  lès  Egyptiens  font  cuire  fes  
 graines  ,  &   les  mangent  comme  nous  mangeons  
 les  lentilles ;  mais cette  affertion  eft  d’autant  plus  
 douteufe,  qu’au  Sénégal,  où  cette  plante  eft  des  
 plus communes, &   oîi  il arrive fouvent  des famines  
 ou  des  difettes  de  grains farineux,  les  Negres  en  
 méprifent  l’ufage, ainfi qu’ en Amérique &  aux ifles  
 Amboines  où  elle  a  été  trarifportée  depuis  un  ou  
 deux  fiecles,  parce  qu’elle  paffe  pour  une  nourriture  
 trop  venteùfe &  même  perniçieufe. 
 Au  refte,  ces  graines  font  d’un  grand  ufage  en  
 Afrique  &   en  Afie  chez  les  Orfèvres.  Ils  les  font  
 macérer &  renfler dans  l’eau ,  puis  ils  lés  broyent  
 en les humedant, jufqu’à ce qu’elles foient réduites en  
 une  pâte  vifqueufe qui renfle confidérablement,  &   
 qu’ils  mêlent  avec le   borax,  pour  en  cémenter les  
 ouvrages  d’or  auxquels  ils  veulent  procurer  une  
 plus  grande  folidité.  Au défaut des  graines  du vrai  
 condori,  qui font fort rares  ,. &  qui fervent  de  poids  
 dans  les  Indes ,  on  fe fert de  celles  de  V abrus,  au  
 rapport de Rumphe :  félon  cet  auteur,  dix  condori  
 pefent  un  gros ou un écu  d’or  d’Hollande,  appellé  
 ducat, dont  il  faut dix pourpefer un  taël ;  &  il faut  
 depuis  vingt-un  jufqu’à  vingt-quatre  grains  de %aga  
 ou abrus,  pour balancer le poids d’un gros  ou de dix  
 condori :  de  forte  qu’un  condori  pefe  un  peu  plus  
 du  double  d’un  zaga. 
 Le dernier ufage que  l’on fait des graines deVabrus  
 à  caufe  dé  leur  beauté,  eft  de  les  employer  dans  
 les  parures.  Les  Negres  du  Sénégal  les  percent  &   
 les enfilent pour les porter en colliers, en bracelets,  
 en brodequins,  en tour de ceinture ;  ou bien  ils  les  
 enchâffent  en partie  dans de la cire noircie, dont ils  
 bouchent des  cornets  ou  cornes de gazelles où  font  
 enfermés des gris-gris, &  femblables amulettes qu’ils  
 portent  pendus  au  cou ,  aux  coudes,  ou  à  leurs  
 côtés.  Cet ufage  eft  plus  ordinaire  aux  Marabous  
 ou  docteurs  de  la  lo i,  qui  en  font  prefque  couverts  
 &   appefantis,  fur-tout lorfqu’ils partent pour  
 la  guerre  ou  pour  quelque  expédition  où  leur  vie  
 eft  en  danger.  Ces  grains  ainfi  enchâffés  à  demi,  
 &   rangés par compartimens, montrant,  tantôt  leur  
 tache  noire qui repréfente  un oeil de ferpent, tantôt  
 leur côté  rouge,  forment un  très-joli  effet. 
 Culture.  Au  Sénégal,  où  cette  plante  eft  extrêmement  
 commune dans  les brouffailles, &   fur-tout  
 dans les  fables  au milieu  des  gommiers,  on  ne  la  
 cultive  point ;   elle  y   fleurit  en Novembre  &   Décembre  
 ,  &   mûrit  en  Février :  mais  on  là  cultive  
 dans  nombre  de  pays pour en faire des  t o n n e lle s  ou  
 des  berceaux,  à caufe  de  la  beauté  de fa  verdure,  
 & 'd e  la  couleur  frappante de  fes  graines qui reftent  
 long-temps après  l’ouverture de  leurs légumes  ,  §c  
 qui  imitent l’éclat du  feu ou de l’écarlate. C’eft ainfi  
 que  Honorius Bellus nous  apprend  qu’On  Ta  tranf-  
 portée  de  l’Afrique  dans l’ ifle   de  Candie.  Rumphe  
 dit  qu’on l’a apportée  de Guinée aux ifles Amboines  
 &C  au  Bréfil  où  elle  eft  aujourd’hui  comme  natu- 
 A B  R 
 ralifée  dans  les  campagnes  fur  la  côté  maritime?-  
 Lorfqn’on cueille les  graines de Vabrùs  avant leur  
 maturité  ,  au  lieu  de  prendre  .une  belle  couleur  
 écarlate', elles deviennent noires comme quand  elles  
 fpnt  moifies : cette  remarque  fournit  un  moyen de'  
 s’affüfèr de  celles  qui font bonnes  à' femer,  ou que  
 l’on peiit  efpérer  qui  germeront.  Elles  font  extrêmement  
 lentes  à  le v e r ,  &   reftent  quelquefois jufqu’à  
 trois ans  fans  fe  corrompre d'ans les  terres qut  
 lechent promptement &  qui ne  retiennent pas l’eau,  
 au  lieu  que  dans  les  fables  humides ,  &   dans  les  
 terres  fortes &  argilleufes,  elles lèvent  au bout de  
 quelques  mois. 
 Seconde  efpece. KONNI..  . 
 Tous  les  botaniftes qui  n’ont pas voyagé  dans la  
 zone  torride où croît Vabrus , ont révoqué  en doute  
 l’exaftitude  des obfervations de  ceux  qui ont décrit  
 Vàbrus de  l’Afrique comme une efpece  différente de  
 celui  des  Indes ;  c’ eft  ainfi que  M.  Linné a cru pouvoir  
 confondre  ces  deux  è fp e c e s  : m a is   on va  voir  
 que  le  jugement  de  ce'  célébré  botâniftè  eft  auffi  
 fautif en  cette  occafion,  qu’il  l’eft  toutes  lies  fois  
 qu’il veut clafler  où  diftinguer les  genres  &   les  ef-  
 peces  des  plantes  étrangères. 
 .  La  fécondé  efpece  dont  il  eft  queftion  ic i ,  n’a  
 encore  été  obfervée ,  que je  fâché, que  fur la côté  
 du  Malabar où elle  porte  le  nom  de honni, fous lequel  
 elle  a  été  figurée paffablement  &  fans  détails  
 à  la  planche  39  du  huitième  volume  dé  VHortus  
 Malabaricus  ,  page  j j .   Les  Brames  l’appellent  ra-  
 tena-gundi ; les  Portugais, fruit a contsji ;  les Hollan-  
 dois  ronde-weèg-bonen.  C ’eft  le phüfeolus  alatus  volubilis  
 &  major  Indice  orientalis , fruclü coccineo kilo  
 nigro  nôtato'' à&  Plukenet, Almagejl, pag.  2 9 4   ,  qui  
 en  a  donné  une  figuré  incomplettê  &   fort  petite  
 dans  la planche  214 de  fà  Photographie ail n°.  5. M.  
 Linné  l'appelle,  daùs  fon Catalogue  intitulé  Species  
 plantarum , glycine ,  abrus, foliis pinhatis cohjugàtis ,  1  
 pinnis  ovatis ,   obLongis  ,  pbtufis,  page'2^3  ;   &  dans  
 faderniere  édition  d’un autre  Catalogue  qui a pouf  
 titre Syjlemanatura, il le défigne fous le nom d’abrus  
 precatorius ;   glycine  foliis  abrupto  pinnatis :  pinnis  
 numéro f s  obtujis, page  472. 
 Le  konni  croît autour  de Cochiri,  &   fur toute  là  
 côte  du Malabar où il fleurit en Août.  Il différé principalement  
 de  la  première  efpece  en  ce  qu’il  eft  
 prefqu’line  fois  plus  grand.  Ses  feuilles  né portent  
 pas  plus  de  dix  à  douze  paires  de  folioles  qui ont  
 communément  huit à  dix lignes  dé  longueur.  L’épi  
 des  fleurs  n’a  guere  plus  d e   vingt f l e u r s ,  &  il  eft  
 une  fois  plus  court  que  le péduncule  qui le porte ;  
 ces  fleurs  font  d’un  roüge  violet  ou  purpurin ;  les  
 gouffes  ont  un  pouce  &   demi  à   d e u x   pouces  de  
 longueur fur  cinq  à  fix lignes dans leur plus  grande  
 largeur : de  forte qu’elles  paroiffent proportionèlle-  
 ment plus  étroites  que celles de la première  efpece.  
 Elles rendent une petite  o d e u r  agréable, &  font  partagées  
 en huit à onze  cellules qui contiennent autant  
 de  graines  fphériques écarlates  , dont la tache noire  
 eft  plus  petite  &  formée  en  demi-lime. 
 Si  ces  fept  c a r a f te r e s   de  différences  ne  fuffifent  
 pas  pour  diftinguer  cette  efpece de  la  précédente , 
 I  il  faudra dorénavant fuir  la  voie  de  comparaifon  ,   
 confondre les efpeces avec  les genres,  ceux-ci avec  
 les  claflés, &  bouleverfer l’ordre naturel  des chofes  
 lès  plus  connues &   leurs noms ,  comme  fait  tous  
 les  jours  M.  Linné,  plus  fenfiblement  encore  dans  
 \  lés  plantes  étrangères  que  dans  les  plantes  de  
 l’Europe. 
 Ufages.  Les feuilles du konni féchées  au .  foleil St  
 pulvérifées, fe prennent intérieurement aveclefucre  
 pour  adoucir &   calmer les  toux  opiniâtres. L’infu-;  
 fion de  fa  racine  à froid dans  l’eau  avec le  cumin,  
 fe boit  comme  incifif  pour atténuer &   corriger les 
 ABS 
 humeurs  épàifles qui obftruent  les  inteftins. On  applique  
 en  topique  fes  feuilles  pilées  avec  l’acore,  
 acorus,  cuites danS  l’huile  ou  réduites  en pâte avec  
 de l’eau,  pour appaifer les douleurs lancinantes cau-  
 fëes  par des  humeurs  âcres  &   falines.  Ses  graines  
 pilées  avec  fa racine  ,  &   réduites  en  pâte  avec  le  
 lait de  co c o , s’appliquent avec fuccès fur les hémorroïdes. 
  Le  fuc exprimé  de fes f e u i l le s  r é d u i t   en con-  
 fiftance  dé liniment j avec le poivre long,  le  gingembre  
 , le lait de  vache &  l’huile de  féfarne  , d ilf ip e   les  
 douleurs  caufées par le  froid  &   l’épaifliffement  des  
 humeurs,  comme  dans  les rhumatifmes. 
 Troißeme  efpece.  A n a c o c k .  . 
 Les  voyageurs  nous  ont donné  fort  peu  de  con-  
 noiflances fur cette  efpece qui croît particuliérement  
 à Surinam  où  elle  porte  le  nom  d’anacock.  Elle  a  
 reçu divers  autres noms  à  Gayenne , tels que aoua-  
 rou,  boço y porècoutai, petit panacoco. Nous fçavons  
 feulemènt  que  c’eft  une  liane  ,  c’eft-à-dire,  une  
 plante grimpante,  plus grande que  les précédentes,  
 à  fleurs  jaunes,  &  qui  éft  d’un  ufage  familier dans  
 l'a  plupart  dès  ptifanes.  (M.  A d  a n  s o n .  ). 
 §   ABRUZE ,  (  Géogr. ) province  du royaume de  
 Naples. : Elle  a  pour  bornes  lé golphe  de  Venife  à  
 l’orient, la  marche  d’Ancone,  l’Ombrie  &   la Campagne  
 de Rome  au nord &   au couchant, &  la terre  
 de  Labour avec  Molife  au midi.  L’empereur  Frédéric  
 IL voulant enfaire au xm . fiecle un état féparé,  
 lui donna pour  capitale Sulmona. Mais Sulmona n’eft  
 maintenant  la  capitale que  de  VAbrufe  citérieure,  
 Aquila l’eft de l’ultérieure.Les autres villes principales  
 dé VAbrufe ultérieure  font Atri,  Campli, Civitêlla  ,  
 Celano ,  Civita-Sant-Angelo,  patrie  de  Ganganelli,  
 dernier Pape ; Pifcina où eft né  le cardinal Mazarin ;  
 au  fud-eft  le  lac  Celano ,  autrefois, Fucin,  autour  
 duquel  habitoient  les  Marfes.  Cette  province  eft  
 froide  &  montagneufe ,  étant  traverfée par  l’Apennin. 
   L’air  y   eft tain  :  on  y   recueille.du  bled,  des  
 fruits  &  du  fafran.. 
 Abrufe  citérieure  a  pour  principales  villes  ,  
 outre  Sulmona,  fa  capitale  &   la  patrie  du  poëte,  
 Ovide , Chieti ou Théate  qui a  donné  fon nom  à la  
 congrégation  des  Théatins  fondée  en  1524  par  
 Gaëtan.  Jean  Caraffe, depuis Pape  fous le  nom  de  
 Paul I V ,  en  a  été  général  ;  Lancigano,  Ortona ,  
 port &   évêché,  Pefcara ,  place  forte &  marquifat.  
 Le mont Majelle , qui eft  dans  cette  province,  eft  
 toujours  couvert de neige qui enveloppe les paflans,  
 &   les  éto.uffe  dans la plaine qui  eft  de  cinq  milles,  
 s’ils  ont  le  malheur  de  s’y   rencontrer  durant  le  
 combat dés  vents. 
 On  donne  à ¥  Abrufe  30  lieues  de  longueur,  &   
 ao  de  largeur.  Long,  de  30 ,4 0 .  à  3 2 ,4 5 .  lat.  de  
 4 1 ,4 5 .   à  4 2 1  J2.  ( D. G.  ) (< ? . ) 
 ABSALOM,,  (  Hiß.  Sainte.  )  troifieme  fils  de  
 D a v id , naquit  à Hébron, de Maacha ,  fille  de Thol-  
 maï,  roi  de  Gefliir.  C ’étoit  le  plus  bel  homme de  
 tout Ifraël.  L’Ecriture célébré  beaucoup  fa  chevelure  
 ,   qu’il  faifoit  couper  une  fois  tous  les  ans,  
 parce  que  fon  poids de  deux  cens  ficles  l ’incom-  
 modoit beaucoup.  Informé de  l’outrage  qu’Amnon  
 fon  frere  avoit  fait  à  leur  foeur  Thamar ( Foye^  
 Amnon dans ce  Supplément ) ,  il en  conçut un violent  
 defir de le laver dans le fang du  coupable :  deux  
 ans  après  il  l’invita à  un  feftin,  au temps des  tori-  
 dailles  , &  l’y  fit maffacrer  fous fes yeux. David en  
 fut  ir r ité ,'&  ne  lui pardonna  ce fratricide  que plus  
 de  cinq ans  après. De retoùr  à la cour de  fon p e re ,  
 fl profita de  fes bontés pour  faire foulever le  peuple  
 contre  lu i,  &   le  chaflèr de Jérufalem. Joignant l’in-  
 cèfte à la rébellion, il  jouit publiquement  de toutes  
 les  femmes  de  David,  dans une  tente  dreffée  fur  
 la  terrafle  du  palais du roi.  David leva une armée, 
 A B S   6r 
 &   envoya  Joab  pour  réprimer  les  emportement  
 forcénés  dé ce  jeune  ambitieux.  Abfalom  fut  défait  
 dans  la . forêt  d’Ephraïm ;  &   comme  ilfu y o it ,  fes  
 cheveux  s’étant  embarraftes  dans  les branches  d’uni  
 arbre ,  fon  cheval  fe  déroba fous lu i,  &   le  prince  
 tefta fnfpendu.  Joab lé voyant en cet é tat,  ordonna  
 à  un  foldat  de  le  tuer ,  &  fur  le  refus  du  foldat  ,  
 Joab  le  perça  lui-même  de  trois  dards ,  quoique  
 David , ‘par un excès de fe'ndreffe,  eût expreffément  
 ordonne  à  tout  le monde  d’épargner  la  vie  de  cet  
 enfant  rébelle  &  dénaturé.  Ainfi périt, vers l’an  dit  
 mondé  2.980 , un prince  dont les  graees de  la figure  
 férvoient de  mafque  trompeur à  une  ame cruelle ,  
 ambitieufe  ,  &   tenfuelle  jufqu’à  l’emportement.  
 David  eut  la  foiblefle  de  le  regretter.  : 
 ABSALON  ,  (   FUJI,  de  Danemarck.  )  miniftre  
 général  &  prélat,  defcendoit d’une des plus illuftres  
 maifons  du,Danemarck.  Il  avoit  été élevé à la cour  
 du  jeune  Valdemar,  qui  depuis  parvint  au trône,  
 &  fut  contraint de difpùter à Suénon III. &   à Canut  
 V .  l’héritage de  fes  pérès. Il fut l’ami de fon maître  ,  
 partagea  fa bonne  &   fa mauvaife fortune, l’aida de  
 feS  conféils,  de  fes biens ,  dé fon  fang, adminiftra  
 fes  finances,  commanda fes  armées, dirigea fes  démarchés  
 politiques.  Il  étoit  préfent  en  1157  à  la  
 fête  exécrable où  le perfide Suenon  fit affaffiner fes  
 deux  rivaux.  Dans l’horreur des ténèbres,  Abfalon ■  
 chercha  Valdemar  pour  fe  jetter  au  devant  des  
 coups dont il étoit menacé.  Il  reçut dans fes bras la  
 viftime des  fureurs de Suénon, l’emporta  toute fan-  
 glante ;  &   lorfque la  lumière  lui  permit de  voir  le  
 fardeau dont il  s’étoit chargé , il reconnut Canut,  le  
 rival  de  Valdemar.  Alors,  dit  Pontanus,  une  joie  
 fecrette fe  mêla  à  fa  douleur;  il alla rejoindre Valdemar  
 q u i,  après s’être  long-temps défendu  contre  
 les affamns, s’étoit fait jour l’épée à la main, &  avoit  
 trouvé  chez  quelques  Danois  fideles  un afile  inac-  
 ceflible S la haine du tyran. Là il raflembla quelques  
 amis: cette  troupe devint bientôt un parti ;  ce  parti  
 fe  groflit, .&• forma  en  peu  de  temps  une  armée.  
 Abfalon la commanda fous Valdemar ; elle courut de  
 victoires  en  viüo ires,  &   Suénon  périt  comme  il  
 l’avoit mérité. 
 Valdemar reconnu  fans obftacles,  fe livra  au penchant  
 de  fon  amitié ; il  ht Abfalon  évêque de  Rof-  
 child,  puis  archevêque  de Lunden. Le  prélat ne fuf-  
 pendit  ni  fes  fondions  pacifiques,  ni  fes  travaux  
 militaires.  On fait  que dans  ces temps barbares,  les  
 miniftres d’un  Dieu de paix marchoient à la tête des  
 armées, échauffoient le carnage, &  trempoient dans  
 le fang des hommes, des mains qu’ils levoient enfuite  
 vers le ciel, pour lui rendre grâce du fuccès de leurs  
 fureurs. Dans un fiecle plus éclairé, &  moins éloigné  
 du  nôtre,  nous avons vu  encore  des  cardinaux pa-  
 roître dans lés fieges &   dans les combats. 
 Valdemar  fit partir  Abfalon avec  Magnus  contre  
 les Slaves qui commettoient d’horribles brigandages.  
 Après avoir fait un défert de  leur contrée , les  Danois  
 fongérent  à  rentrer dans leur patrie.  Abfalon ,  
 toujours le premier quand on alloit à l’ennemi,  étoit  
 toujours  le dernier dans  la retraite.  L’armée venoit  
 de pafferune riviere, mais le prélat étoit encore fur  
 l’autre  bord  av ec l’arriere-garde. On  appérçoit  un  
 parti  de Slaves; il étoit  aifé  au  général de mettre la  
 riviere entre  les ennemis  &   lui ;  mais  il  étoit  trop  
 jaloux  de  la  réputation  des  armes  Danoifes,  pour  
 difparoître fans  coup  férir.  Suivi de quarante cavaliers  
 d’élite, il  court fus aux  Slaves, les met en déroute  
 ,  &   revient  tranquillement  joindre  l’armée. 
 Auffi  profond  dans  l’art  des  négociations,  que  
 dans  celui  de la guerre , il  ne  prit jamais les  armes ,  
 fans avoir tenté les voies politiques. Les  pirates qui  
 infeftoient les  mers, furent le& feuls avec qui il n’ufa  
 point  de cette modération :  elle eût été dangereufe,