les vraies racines, d’autres confeillent de mettre les
plants plus ferrés, & de ne poiftt faire de cou-
chis.
Dans l’une ou l’autre pratique, on a foin de farder
les planches, & donner de tems à autre de petits
labours aux plates-bandes pour y entretenir la terre
meuble..
Au mois de mars ', avant que la gârance forte de
terre, il faut couvrir les planches avec de la terre
meuble, l’épaiffeur d’un pouce, ce qui donne beaucoup
de vigueur aux plantes.
En feptembre, ou même dès le mois d’août de la
fécondé année , l’on fauche & fane l’herbe de la garance,
qui fait un excellent fourrage pour les vaches,
au moyen duquel elles donnent beaucoup de lait,
à la vérité un peii rouge, mais dont le beurre eft
jaune & de bon goût.
Après ces petites récoltes, il eft à propo's de donner
un léger labour aux plates-bandes, principalement
dans la vue de les tenir en bonne façon;
Car c?eft à cet endroit que doivent être les planches
l’année fuivante.
Enfin on arrache les racines foit en automne foit au
printems. G’eft la partie vraiment utile de la garance.
Elles doivent dédommager le propriétaire de toutes
fes avances. La meilleure méthode pour faire cesarra-
chis eft de fe fervir de la houe pour renverfer la terre
des planches dans les plates-bandes. S’il fe rencontre
des mottes, l’ouvrier les cafte avec fa houe, & tire
les racines, qu’il jette fur le terrein oii des femmes
les ramaffent dans des paniers ou dans îeurs tabliers.
Quand la terre fe trouve feche dans le tems de
cette opération, les racines viennent affez nettes de
terre. Mais fi la terre eft humide, il faut la retirer avec
les mains : l’étuve & le fléau achèveront de nettoyer
fuffifamment les racines. On doit bien fe garder de
les laver ; cette opération, pénible en elle-même ,
les altéré beaucoup quand elles font récentes; le fuc
colorant fe diffoutaifément dans l’eau , & la rougit ;
ce qui annonce un confidérable déchet de la partie
utile. Ainfi il vaudroit peut - être mieux ne les arracher
qu’au printems, oû la terre moins boueufe,
s’attacheroit peu aux racines; & tout le plant qu’on
mettroit à part pourroit être replanté auffi-fôt. II eft
feulement à craindre que l’on manque d’ouvriers dans
cette fâifort.
Comme on ne peut pas bien tirer par ces moyens
les racines pivotantes, qui fouvent font les meilleures,
& qui d’ailleurs font en aflez grande quantité dans
lès terres qui ont beaucoup de fond, ce.peut être
une raifon pour préférer les provins au plant
de femence, parce qu’ils pivotent bien moins.
A mefure que les racines font arrachées, des femmes
les étendent fur un pré, pour commencer à les
deflecher par le vent & le foleil, avant de les tranfir
porter. Afiq de ne rien perdre dans ce tranfport, on
met les racines dans une charrette à ridelles garnie de
toile. On les étend dans des greniers ou fous des
hangardsou halles , aufli-tôt qu’elles arrivent, & on
ne tarde pas à les mettre dans une étuve, qui achevé
de les deflecher aflez pour qu’elles ne rifquent point
de fermenter & fe gâter.
Pour épargner une partie des frais de l’étuve, on
feroit bien de les laifler quelques jours étendues à
une petite épaifleur, telle que de fix pouces, expofées
au foleil & au vent, dans des greniers, ou fur une pe-
loufeunie, couverte d’utyhangard où on les retour-
neroit fouvent à la fourèhe. Des tablettes comme
celles des amidonniers y conviendraient bien aufli,
avec des clayons. Afin d’éviter l’embarras, on arracherait
les racines par parties, à mefure que les préparés
feraient fanéesôc étuyées. Ménageant ainfi les
Circonftahces des faifons ; on potirroit faire chiref
la récolte depuis feptembre jufqu’en avril.
Ce prolongement n’eft pas aflez confidérable pour
altérer les racines, & faire qu’elles rendent moins dé
teintures, comme il arrive à celles qui relient en
terre au-delà du tems convenable.
L’étuve dont on fe fert pour (écherla garance, doit
être aflez échauffée pour qu’un thermomètre de M.
de Reaumur, placé au centre, marque de quarante
à cinquante degrésau-deflùs du terme delà glace;
la garance y perd les | de fon poids : une réduélion
moindre eft prefque toujours infuffifante pour que
la garance puiffe fe conferver jufqu’au moment de la
vente. La racine dans cet état, fe pile fouvent maL
fe pelote fous les couteaux des pilons au lieu de fe
pulvérifer ; l’humidité qui y relie la fait fermenter ,
& les teinturiers n’en veulent pas, attendu que la
partie colorante court rifque d’être bientôt altérée.
Quoique dix-huit heures pùiffent fufHre, il eft
mieux de laifler plus long-tems la garance dans l’étu-
Ve, que de précipiter le defféchement par une chaleur
trop vive. Cette racine feroit de meilleure q u a lité
, fi on pouvoit la fécher entièrement au foleil ou
même à l’ombre, parla feule aétion du vent, ainfi que
les Levantins le pratiquent. Ce feroit peut-être un
avantage de l’arrâchis q u ’ o n feroit au printemsv fai-
fon de haie ; tandis qu’en France l’air n’eft pas communément
aflez fecdans le relie de l’année, pour bien
deflecher la garance. Le principal eft de faire fécher
lentement le parenchyme de la racine, en prenant
des précautions pour l’empêcher de moifir avant
qu’il foit parfaitement fec.
Selon M. Miller, la garance dè Sçhowen, en Zélande,
demeure vingt, ou vingt-une heures dans une
touraille ; puis on la change de place, pour qu’elle
fubiffe un moindre dégré de chaleur, ce que l’on fait
fuceeflivement pendant quatre ou cinq jours ; après
lefquels, quand elle eft aflez feche , on la bat fur
une aire, pour ôter toute la poudre & la terre, &
on l’étend fur une toile de cnn, où elle refte environ,
vingt heures expofée à la chaleur de l’étuve , qu’on
proportionne à la groffeur des racines & au froid
qu’il fait dehors.
Le bon dégré d’exficcation eft, lorfque la garanca
fe rompt net après avoir un peu plié. Mais il eft à
propos de l’étendre encore à une petite épaifleur dans
un grenier fec, au fortir de l’étuve ; l’humidité achevé
de s’y difliper d’elle-même en vapeurs.
Quand les racines font prefque refroidies, on les
pofe fur des claies fort ferrées, & on les bat à petits
coups avec un fléau léger. On les vanne enfuite, pour
enlever aux groffes racines le chevelu, une partie de
l’épiderme , & une terré fine que l’aâion de l’étuve
rendaifée à détacher.Toutes ces matières, qui alté-
reroient la qualité des bonnes racines , en rendant
les teintures moins brillantes, relient fous les claies
ou au fond du van. Les petites racines, nettoyées de
la terre & d’une partie de l’épiderme, fe nomment le
billon, qui peut être rejetté comme inutile, quoiqu’on
l’emploie en Hollande à des teintures communes.
En Zélande, les étuves font fi échauffées, que les
ouvriers font obligés d’être prefque nuds. Quand les
racines font bien feches, on les moud & on les tami-
fe pour en féparer la pellicule grife; & le plus pur eft
entaffé dans des doubles facs, ou dans des futailles,
pour être vendu fous, le nom. garance grappe.
Si les récoltes font petites, on peut fe fervir d’un
four, dont la chaleur ne foit qilie de trente - trois
ou trente-cinq dégrés du thermomètre de M. dé
Reaumur : mais cette opération eft fort longue.
Lorfque la garance eft fuffifamment defféchée &
mondée de fon billon , elle peut être vendue en cet
état aux teinturiers. Le moulin n’eft néceffaire que
quand on veut la réduire en poudre, ou, comme di-
fent les teinturiers, la grapper.
Malgré tous les foins que l’on peut prendre pour
bien fécher la garance, fi le brouillard pénétre dans
le moulin ou autre lieu où elle eft à découvert, on
s’apperçoit qu’elle commence à devenir humide.
Il faut alors l’enfermer promptement, & la garder
dans un lieu fec. Si même le moulin ne communique
pas avec l’étuve, enforte qu’il en reçoive de la chaleur,
lagarance reprend aifément de l’humidité , &
s’empâte fous les couteaux icequilui fait beaucoup
de tort. Comme ces travaux fefontprefquetoujours
en hiver, on ne fauroit trop fie précautionner contre
les brouillards de cette faifon.
En employant la garance avant qu’elle foit feche ,
on économife au moins cinq huitièmes.
Un arpent bien cultivé, fuivant la nouvelle méthode,
peut produire en dix-huit mois , pour le moins
deux mille cinq cens livres de racines fraîches, qui
rendront environ trois cens livres de garance feche.
Ce feroit même une mauvaife récolte pour un médiocre
terrein, dont le produit, année-commune,
doit être fûrement évalue à quatre ou cinq cens livres
de garance feche. Cette récolte doit beaucoup
varier, fuivant la nature des terres & lacirconftance
des faifons.
Dans la culture que nous avons ci-devant décrite,
comme celle que l’expérience a fait voir être
plus avantageufe, lorfque les planches d’une récolte
l'ont entièrement vuides , on laboure tout le terrein
pour y remettre de la garance, obfervant de placer
les planches au milieu de l’efpace où étoientles plates
bandes. Du refte on fe conforme à la pratique ci-
deflùs. Dix-huit mois après, quand cette fécondé garance
eft récoltée, on difpofe la terre à porter du grain,
& on peut être aflùré d’abondantes récoltes, vu que
la garance n’épuife pas le terrein , & que les labours
répétés qu’il a reçus le difpofent merveilleufementà
toutes fortes de productions.
On pourroit néanmoins continuer à y remettre de
la garance, après l’avoir bien fumé.
Selon M. Miller,un fable léger ne peut fournir une
fécondé récolte de garance qu’au bout de huit ou dix
ans.
La culture de la garance, aux environs de Lille,
différé peu de la méthode que nous venons de détailler.
Après avoir fumé la terre au mois de novembre,
on la laiffe repofer jufqu’au mois de mars de l’année
fuivante, que l’on donne un labour avec les charrues
du pays; & quand 'le guéret eft un peu halé,
on le herfe pour briferles mottes. En mai,on donne
un fécond labour très-profond ; l’on herfe», puis on
plante. Ayant arraché le plant dans un champ
de veillq garance, voifin de celui qu’on plante, on
l’enterre! dans celui-ci avec une pioche ou efpece de
beche, obfervant que les tiges qui ont ordinairement
un pied de long, foient inclinées à l’horizon
fous un angle d’environ quarante-cinq dégrés, & qu’il
ne paroiffe dehors que le premier noeud ou l’extrémité
delà plante. Les filions de garance font à quinze
pouces les uns des autres, & il y a trois pouces de
diftance entre chaque tige. On laiffe, de dix en dix
pieds, douze à quinze pouces vuides de garance. Les
plantes s’alongent beaucoup jufqu’au mois de juillet,
que 1 on donne un léger labour à toute la garanciere
avec un infiniment fort étroit, ayant foin de coucher
les nouvelles pouffes, & de les couvrir d’un peu
de terre.
M. Miller dit qu’à Schowen, en feptembre ou octobre
de la premier« année, on étend avec foin la
fane fur les planches, fans rien couper, & qu’en novembre
on jette trois ou quatre pouces de terre par
deffus ; ce qu’on exécute à la charrue ou à la
beche.
Au mois de mars de la fécondé année, les cultivateurs
de Lille fouillent à un pied &c demi ou deux
pieds de profondeur, les efpaces vuides dont la terre
lert à couvrir les nouveaux jetsjufqu’auprès de leur
extrémité. On arrache, au mois de mai fuivant, le
plant dont on a befoin pour former de nouvelles ga-
rancieres. Les jets qu’on n’arrache pas, fe fortifient
jufqu’au mois d’août. On en fauche l’herbe alors ,
& en oftobre on en arrache les racines.
En Hollande & en Zélande, les planches n’ont
que deux pieds de large & contiennent quatre où cinq
rangées. On a foin d’arracher fouvent les mauvaifes
herbes. La garance refte en terre communément
deux années , quelquefois trois ou quatre. On a foin
au commencement de chaque hiver, de répandre do
la terre fur les plantes, enforte qu’elles en foient bien
couvertes. .
MM. de Corbeil , qui ont apporté beaucoup d’attention
& d’intelligence à la culture de cette plante ,
près de Montargis, ont trouvé une épargne confidérable,
en donnant une partie des labours avec la charrue
aune roue, qui n’a pas l’inconvénient d’endommager
la garance par le trépignement des chevaux,
& par les rouelles, comme les charrues ordinaires.
Suivant cette pratique, le champ étant bien labouré
& herfé, il fautie divifer par planches de deux pieds
de large. Une de ces planches fervira alternativement
aux plantes, & l’autre aux plates-bandes. On forme
avec la petite charrue, au milieu des planches , un
fillon unique, large de quatre pouces ; & , fi on
laboure avec des boeufs, le joug doit avoir aflez de
longueur pour que les boeufs, éloignés l’un de l’autre
de deux pied & demi, ne marchent point fur les
planches. On couche le plant dans ces filions, ne mettant
que deux pouces de diftance d’un plant à l’autre,
&les pofant alternativement, l’un fur la droite,
l’autre fur la gauche du fillon : puis on les couvre de
terre avec la houe , ne biffant paroître que deux ou
trois doigts de l’extrémité de chaque provin. Au bout
de quinze jours ou trois femaines, quand il y a des
pouffes haut es d’un pied, onpaffe un trait de charrue
de chaque côté du plant, pour mettre la terre en façon,
& on couché à la main.les tiges de droite & de
gauche pour garnir la largeur delà planche, ayant foin
que l’extrémité foit hors de terre. On pourroit, dans
une année feche , labourer les plates-bandes à la charrue,
renverfer la terre du côté des planches,& enfuite
en jetter fur ces mêmes planches avec une houe ; ou
même, en faifantpaffer fur le tout une herfe dont les
dents fuffent aflez courtes pour ne pas tirer de terre
les brins couchés, on porteroit fur les plantes une
partie de la terre remuée : au refte il n’y a point de
rifque à endommager médiocrement la fane de la
garance. Quand l’année eft humide, on ne peutfe dif-
penfer de jetter avec la houe une partie de la terre
des plates-bandes fur les branches : & fi l’on a fait à
bras deux fois cette opération, on peut labourer le
deffus des planches avec une charrue où un cultivateur,
qu’il faut conduire de maniéré que le foc n’attrape
pas les brins couchés.
Ilne faut pas oublier que les couchis ne fourniffent
jamais autant de teinture que les traçantes ou pivotantes
, comme nous l’avons obfervé ci-devant.
Ufages. La racine de garance eft d’un ufage fort
étendu dans l’art de la teinture des laines & des lai—
neries : elle leur donne un rouge peu brillant, mais
qui eft inaltérable foit à l’air ou au foleil, foit parles
ingrédiens qu’on emploie pour procurer la ténacité
de cette couleur. Elle fert aufli à rendre plus foliées
d’autres couleurs compofées.
Cette couleur prend bien fur le coton , & y devient
plus ou moins belle & folide , fuivant la qualité
de la racine.