J’ai eu des raifons de fuivre exactement les changemens
de cet orifice dans des femmes qui m’étoient
•confiées, & auxquelles il importoit de favoirti elles
étoient groffes. J’ai fuiviprefque de jour en jour les
•changemens de l’orifice de. la matrice pendant trois
ou quatre mois. Voici ce que j’ai trouvé.
Dans les commencemens de la grojfejfe, l’orifice
-de la matrice defcend dans le vagin, & fe rapproche
•de l’orifice extérieur. Au bout de fix femaines, ou
de huit, cet orifice fe retire & remonte : la partie du
•col qu’on apperçoit dans le vagin , devient plus
courte, la levre antérieure s’efface, le fillon qui la
féparoit du vagin s’appianit, pendant que le fillon
«jui eft entre la levre poflérieure de l’orifice & le
“vagin, fubfifte encore.
Ce changement elt continuel en lui-même, mais
•des circonflances en dérangent la progrefliôn. Le
:matin, l’orifice eft plus éloigné de l’ouverture extérieure,
il defcend par l’exercice & par les occupations
du jour ; il s’approche le foir de cette même
'Ouverture. Les excrémens du reÇtum ont aufii de
d’influence fur la figure & fur la longueur du col de
l ’utérus. Il eft plus long, plus pouffé vers la partie
antérieure du vagin, quand ces excrémens font copieux;
il revient en arriéré, après qu?ils ont été
rendus.
Mais la différence eft confidérable le quatrième
-mois, & l’on ne peut plus fe tromper, èn joignant à
la longueur du vàgin, à la diminution du col de la
matrice, à l'effacement des filions qui l’entourent,
i ’amoliiffement' de l’orifice.
Les mêmes caufes continuent d’agir; le col s’efface
entièrement au tems de l'accouchement, il n’en refte
plus qii’une fente qui divife l’orifice, avec des levres
mal exprimées.
Le corps de la matrice s’élève avec le c o l, il remonte
fucceflivement jufques fous l’eftomac. C’eft
le fond de ce vifcere qui change le plus, parce que
c’eft-là que s’attache le placenta ; il grandit prefque
fieul, & les trompes de la femme groffe fortent de la
partie inférieure de l’utérus, parce que la partie de
ce vifcere qui eft entre les deux trompes, s’eft agrandie
& s’eft élevée.
Le col de l’utérus remonte , comme je viens de
l’expofer ; il fe dilate plus tard, fe dilate à fa partie
fupérieure & fe met au niveau du fond, & le col eft
entièrement effacé vers la fin du neuvième mois.
En fe dilatant, la matrice s’amollit, fon épaiffeur
demeure à-peu-près la même ; mais ce n’eft plus le
tiffu fpongieux de ce vifcere qui en fait l’épaiffeur,
ce font des veines extrêmement dilatées & qu’on
appelle des Jinus. On a beaucoup difputé fur une
•queftion fur laquelle il étoit facile de fe concilier.
Les incommodités de la grojfejfe avancée dépendent
de la comprefiîon des parties voifines, de l’eftomac,
des inteftins, de la veffie de l’urine, des
grandes veines, du diaphragme même. Delà des
toux, des vomiffemens, des conftipations , des rétentions
d’urines, des varices.
Il eft plus difficile d’expliquer la caufe des premiers
dérangemens qui fui vent la conception. Ce ne
peut être la fupprefîion du fang deftiné à fe vuider
périodiquement ; car les fymptômes dont je vais
parler, fuivent de trop près Pembraffement fécond.
Ce font des naufées & des vomiffemens qui, avec la
fuppreffion de leur évacuation naturelle, avertiffent
les femmes .de leur état. Ces fymptômes trop précoces
pour être attribués à une autre caufe , paroiffent
dépendre de la partie putride & volatile de la liqueur
fécondante, repompée par le velouté veineux
de l’utérus.
O n a p a r lé de fu p e r fé ta t io n d ans T article G r o s s
e s s e d u Dici. raif. des Sciences, & c . à l’o c c a f io n d e
’o r ific e d e l’ u té ru s , I l ne d o i t p as y a v o i r le m o in d r e
doute fur la poffibilité de cette fuperfétation. Je ne
m’appuierai pas des cas affez fréquens dans lefquels
un enfant naît trois femaines, un mois, fix femaines
après l’autre, pas même des cas où l’un & l’autre de
ces enfans feroient en vie : on pourroit en chercher la
caufé dans l’accroiffement inégal de ces deux enfans.
Mais il y a des exemples très-nombreux & dans les
animaux & dans la femme, dans lefquels un foetus
s’eft formé dans le fein de la mere & qui n’a pas pu en
fortir, & qui y a refté pendant plufieurs années.' Malgré
cette maflè qui occupait une grande partie de la
matrice, & dont le placenta étoit attaché à ce vifcere,
ces femmes & ces femelles d’animaux ont
conçu & ont donné le jour à d’autres enfans. Si la
conception peut fe faire, malgré la préfence d’un
foetus de neuf mois mort depuis long-tems , je ne
vois pas pourquoi elle ne.fe feroitpas, quand un
foetus beaucoup plus petit, mais vivant , occupe
dans l’utérus une place beaucoup plus petite.
\ H . D . G. )
G r o s s e s s e ( s i g n e s d e ) , MU. lèg. Il eft peu
d’occafions qui nous faffent aufli bien fentir les
bornes de nos connoiffances, que les rapports juridiques
fur la •Faut-il s’étonner que le méchanifme
de la'conception, celui delà nutrition du foetus,
& tant d’autres fondions effentielles & fi fouvent
fous nos yeux, échappent à nos recherches, lorfque
toute notre fagacité mife en oeuvre ne peut nous
fournir aucun ligne invariable qui détermine l’exi-
ftence du foetus dans la matrice ? Le vulgaire, pour
qui tout eft facile, ne s’arrête-jamais, parce qu’il
ignore l’art de douter ; rien de plus évident pour lui,
que les fignes de grojfejfe: mais pour peu qu’on confi-
dere les variétés des fondions, les rapports qu’elles
ont entr’elles, les combinaifons ou les changemens
infinis dont elles font fufceptibles, & fur-tout l’im-
menfe quantité de cas où nos lumières font déçues
& nos jugemens faux, il fera aifé de conclure que
nous ne fommes prefque jamais fondés à affirmer,
& que le doute eft de tous les partis le plus prudent.
Les fignes de la grojfejje fe tirent de l’examen dès
changemens fenfibles arrivés fur le corps de la femme
enceinte, ou du récit qu’elle fait de ce qu’elle éprouve
& de ce qu’elle a éprouvé. Les premiers indices font
du reffort des experts, les féconds ne font fondés
que fur le témoignage de la femme. Les fignes fenfibles
à l’oeil ou au tad des experts, ne paroiffant
qu’après un certain tems ou dans une grojfejfe un peu
avancée, & ces mêmes fignes pouvant encore dé»
pendre de différentes caufes étrangères à la grojfejfe 9
il s’enfuit qu’on a peu de reffources pour reconnoître
évidemment une groffejfe dans tous les cas, lorfqu’on
eft borné à leur ulage. Il eft important de joindre ,
autant qu’il eft poffible, à ces premiers fignes tout ce
qu’on peut recueillir des changemens intérieurs
éprouvés par les femmes ; mais il eft tant de raifons
d’intérêt qui les portent à diffimuler, qu’on fe trouve
dans la néceffité de négliger fouvent ce fécond genre
de preuves, quoique infiniment fupérieures en certitude
à toutes les autres dans le commencement de.
la geftation.
Le moment de la conception eft pour l’ordinaire
annoncé aux femmes par un treffaillement univerfel
& indéfiniffable qui a toujours lieu dans un coït fécond,
& qu’un peu d’habitude leur fait aifément di-
ftinguer du fentiment ordinaire que produit l’approche
du mari, lorfqu’elle n’a point fon effet. Peu
fe méprennent fur cet article, & les moins expertes
fentent bientôt qu’il s’eft paffé dans leur fein quelque
effet différent de l’effet ordinaire, par des friffons ou
des légers fpafmes involontaires, par un vif chatouillement
rapporté vers les organes de la génération,
par la durée de la fenfation de plaifir, par fon
étendue ÔC fa perfection,(utérus in feminis effufione
G R O
vtluù fugens ac femen adfe alliciens..*. mulieris loca
cxfncca vel modica humiditate refperfa, neque illicb a
coiiu , neque pojlridiè femen excidijfe animadvertùur
utérus in fe ipjürn contrahi, doLorque Levis inter umbi-
licum «• M i percipüur). Ces prem.ers fignes font
fuivis d’une efpece de langueur ou d abattement du
corps & de l’efprit qui a quelque chofe de volup-
tueux, & qui eft de tems en tems interrompu par
des tremblemens plus ou moins étendus. Les laffi-
tudes fpontanées, les émotions, ,les naufees, le vo-
miffement fuccedent peu-à-peu ; le caprice dans le
choix des alimens, la fuppreffion des réglés, les
douleurs vagues Sc-extraordinaires de la tete, des
dents de l’eftomac , de l’utérus, ajoutent aux premières
preuves, & ne laiffent prefque aucun lieu de
douter de l’imprégnation réelle. L’efpecede convie-
tion que laiffent ces fignes, n’eft que pour la femme
qui les éprouve ; fon "feul aveu peut nous la communiquer,
& dès-lors ces fignes ne font pour nous
qu’un témoignage plus 6u moins affuré, félon le
degré d’intérêt qu’elle a à céler ou à confeffer la
^Dans les cas ordinaires oli les médecins Si les accoucheurs
font confultés par des. femmes qui fe
croient enceintes , on a l’avantage de réunir aux
fignes tirés de l’infpeaion des parties , tous ceux
qu’une femme éprouve intérieurement, elles en font
librement l’aveu, Si les médecins expérimentés fe
trompent rarement fur la decifion qu ils en portent.
En médecine légale , au contraire, on ne doit jamais
s’attendre à des aveux finceres , parce que les cir-
conftances qui font recourir aux magiftrats font pour
l’ordinaire un objet de litige dans lequel l’intérêt des
femmes eft compromis. Elles feignent des‘ grojfctfes
dans le .cas oh leur mari eft mort fans difpofer de fes
biens, ou lorfque l’héritage leur eft contefté par des
collatéraux : elles les feignent encore pour éluder de
.tulles punitions qu’elles auraient méritées, ou pour
fe fouftraire à la torture ; elles peuvent enfin cacher
leur groffejfe dans le cas oh elles fe font avorter, pour
éviter la punition qui leur eft due, Ces différentes
circonflances les portent à diffimuler tout ce qui peut
■ être défavorable à leur caufe, & nous mettent quelquefois
dans la néceffité de recourir à- des voies
étrangères 5c bien moins fûtes pour découvrir fi ,
outre les fignes pofitifs que l’infpeâion des parties
fournit, il ne s’en rencontre pas d’autres qui foient
l’effet du changement intérieur; il faut pour ainfi
dire pénétrer dans leurs fondions, en faifir les chan-
•gemens, 6c les rapporter à la vraie caufe.
Il faut défefpéret de parvenir par cette voie à la
tonnoiffance des treffaillemens, des friffons vagues,
du fentiment de poids, quelquefois même des douleurs
habituelles qui attaquent certains organes. Ce
n’eft que dans le cas oh la. vivacité de la douleur
ferpit extrême qu’on pourroit la foupçonner, contre
l’intention de la femme, par le changem ent du pouls,
de la couleur, de la refpiration, par l’ÿtitude du
corps, Sc d’ailleurs on voit combien vaihe ferait la
conclufion qu’on tirerait de ces probabilités, fi elle
n’étoit appuyée de l’aveu. La fuppreffion des réglés
peut être plus aifément reconnue, fi l’on obferve de
bien près ; le vomiffement eft encore plus aife à reconnoître
, de même que le goût fingulier poiir cer-,
tains alimens ou fubftances quelconques inufitées,...
• Les fignes de groffiffe éprouvés par les femmes
font, comme je l’ai dit,fupérieursen certitude a la
plupart de ceux que fournit le fimple examen des
experts. Il eft néanmoins important d’obferyer que
dans quelques cas ces mêmes fignes peuvent dépendre
de différentes caufes , ôc en impofer à des femmes
de bonne-fpi. Une mole charnue qui croît dans
l’utérus, le diftend quelquefois exceffivement, les
réglés fe fuppriment, le ventre s’enfle fuçcçlftve-
G R O 271
ment, il furvient des mouvemens fpafmodiques partiels
qui imitent les mouvemens du foetus, & quelquefois
encore , comme le rapportent les obferva-
teurs , les mamelles fe gonflent & donnent du lait.
Le concours de ces fignes peut tromper, je l’avoue,
quelques femmes inexpertes, & l’on peut même
ajouter à leur rapport, ou, pour mieux dire, ne pas
les taxer de mauvaife foi da!ns cet aveu, quoiqu’il
foit clair que leur propre intérêt fe trouve d’accord
avec la prétendue groffejfe. Mais il ne faut pas trop
étendre cette incertitude ; il eft très-rare que ces
fignes fe combinent au point d’imiter la groj/ejfe durant
quelque tems, fans qu’il furvienne aucun indice
de maladie. Leshydatides, les moles, les véficules
&c les différentes concrétions fébacéès qui fe font
quelquefois dans la cavité de la matrice, les épa'n-
chemens d’eau ou de fang peuvent en dilater la cavité
& foulever le ventre ; mais toutes ces différentes
tumeurs de l’utérus font accompagnées pour
l’ordinaire des fymptômes de l’hydropifie, les réglés
diminuent peu-à-peu & ceffent enfin, la tumeur du
ventre eft inégalement difpofée, les mamelles font
flafques ; affamées , elles ne contiennent point de
lait ; nul mouvement ne fe fait fentir dans l’utérus ;
& fi par une fingularité qui arrive bien rarement,
on éprouve des mouvemens fpafmodiques partiels,
comme dans la mole charnue, ces mouvemens different
de ceux du foetus en ce qu’ils font fubits,
convulfifs,& n’ont point cette molleffe ou flexibilité
qu’on fent dans les mouvemens du foetus qui font
bien plus diftin&s & qu’il exécute par des membres
articulés.
Les avantagesque les loix accordestaux femmes
enceintes dans quelques circonflances, tentent quelquefois
leur cupidité & les portent àfuppofer une
grojftjfe dans la vue de fe les procurer : l’induftrieufe
fourberie de quelques-unes s’étend au point d’imiter
les fignes reconnus pour les plus pofitifs, & l’on a
lieu de s’étQnner que l’artifice ait pu les conduire fi
loin. Hebeinftreit affure qu’il en eft qui fe font venir
le lait aux mamelles par des frottemens légers &
réitérés, par des irritations ou des attouchemens
fréquens des mamelons, par la fuâïon , &c. On
connoît des obfervations bien conftatées de ces dérivations
ou de ces fecrétions extraordinaires ; des
filles , des femmes avancées en âge & qui avoient
paffé le terme des enfantemens, des femmes dans la
vigueur de l’âge qui manquoient de lait depuis Iong-
tems,.&qui n’étoient point groffes, font parvenues
par ces différens moyens à rappeller l’écoulement
du lait vers leurs mamelles long-tems après fon entière
ceffation, ou meffie à l’exciter avant que par
l’ordre naturel des fondions il s’y fût établi ( Sal-
muth, Amatus, Diemerbroeck ).
Les laps du tems démontre peu-à-peu ce qu’on
ne pouvoit même pas foupçonner par un premier
examen fait avec exa&itude : on fait qu’à mefure que
la groffejfe s’avance , les fignes en deviennent plus
fenfibles, ils- fe multiplient & parviennent au point
de ne pouvoir pas être confondus. Si ceux qui paroiffent
imiter lagroj/è^èdépendentau contraire d’uné
maladie quelconque, on voit ces fignes devenir plus
çara&érifés, ils n’ont pas les mêmes accroiffemens.
ni la même marche ; il s’en joint d’autres étrangers à
la grojfejfe, plus particuliers à l’état morbifique,
l’incertitude fait place à la convidion.
Le tems requis pour la manifeftation de ces lignes
préfente lui-même quelques difficultés ; outre les
conformations particulières à quelques femmes qui
peuvent occafiônner des variétés dans la longueur
ou la brièveté de ce tems, on a à craindre que ce
^délainefoit mis à profit pour, faire fuccéder une
grojfejfe réelle à une grojfejfe fimulée : l’exade vérité
Ôi fuy - tout i’admi.niftratjon prudente des droit?