
dans leur volume 6c leurs ufages particuliers. La
difpofitfon 6c le volume relatif des différens vifce-
res, leurs ufages dans l’économie animale & le dégré
d’importance de leurs fondions, font des notions plus
effemielles encore; elles fe lient à des notions d’un
ordre différent, qui fe tire de la phyfiologie ; & cet
ufage raifonné des différens organes, qui conftitue
ce qu’on appelle la phyfiologie ou la phyfique des
corps animés, doit être déduit des faits pofitifs ou
des analogies les plus féveres.
Il faut donc qu’un expert fe garantiffe de l’efprit
de fyftême dans le choix de fes opinions ; il ne doit
être dans fon rapport que le partifan de la vérité ;
& li l’on ne peut fans injuftice exiger d’un homme
qu’il étende fes vues au-delà du cercle de fes con-
noiffances , du moins féra-t-il coupable d’avoir
donné pour certain ce qu’une entière perfuafion,
fondée fur des connoiffances vraies , ne lui aura
pas démontré. « La connoiffance des maladies chi-
» rurgicales, dit M. Devaux, lui eft abfolument né-
» ceffaire pour en expliquer dans fes rapports l’ef-
» fence, les lignes, les accidens & le prognoftic ;
» 6c la pratique fur tout cela lui eft néceffaire en-
» cote plus que la théorie ». On peut en dire autant
des maladies en général tant internes qu’externes
: il en eft peu , même des plus fimples , qui
ne fe compliquent avec des accidens qui dépendent
de la léfion ou de la correfpondance des
organes principaux ; l’habitude de les reconnoître,
de les juger 6c de les traiter, eft un préliminaire
effentiel pour en dreffer le rapport. C’eft encore
par cette habitude qu’il fe met en état de déterminer
l’ordre 6c le tems de leur guérifon pour juger
ft les fecours précédemment employés, ont été admi-
niftrés méthodiquement.
On s’apperçoit d’avance de l’impoffibilité de bien
connoître la ftruélure 6c l’ufage des parties des corps
animés dans l’état fain & dans l’état malade, fi l’on
n’eft d’ailleurs fuffifamment pourvu des connoiffances
phyfiques qui peuvent îervir de guide. Qu’on
jette un coup d’oeil fur l’hygiene 6c fes différentes
branches , qu’on parcourre les divers points de phyfiologie
les plus reçus ou le plus communément
avoués , & l’on verra que la bonne 6c faine phyfique
eft un flambeau dont la lumière s’applique à
tout entre les mains du fage obfervateur. Je n’ai
garde de donner à cette application de la phyfique
eh médecine, l’extenfion outrée que tant d’auteurs
lui ont donnée ; je fais qu’il eft dangereux de vouloir
tout foumettre au calcul ou aux loix connues
du mouvement, 6c les égaremens de ces auteurs juf-
tifient fans doute la réferve des autres ; mais je ne
m’élève que contre l’ignorance abfolue des faits
phyfiques, dont la connoiffance eft un élément néceffaire
pour traiter les malades ou pour conferver
la fanté des fains. Il ne me feroit pas difficile d’en
citer des exemples, & la | fuite de cet article mettra
cette vérité dans fon évidence.
L’étude particulière de la matiere-médicale ou
de l’hiftoire 6c des vertus des médicamens fimples,
eft une partie de la pharmacologie dont un expert
doit s’être long-tems occupé. Outre le traitement
des malades que le juge confie fouvent à fes foins,
il eft quelquefois appellé pour dire fon avis fur les
vertus de certains remedes,fur leur emploi, leurs
dofes, le moment de leur exhibition, fur leurs effets
fur le corps,félon les différentes circonftances, fur
leurs indications & contre-indications. La nature
des médicamens compofés , leur préparation, leur
choix, leur confervation qui font du reffort de la
pharmacie, font encore des objets fur lefquels les
experts ont à prononcer. On ne peut fe flatter de
bien évaluer l’effet de tous ces fecours fur ce corps
humain, fi l’on n’a pénétré dans ces différens détaîls
: & quoique le plus fouvent on affocie aux médecins,
félon les cas , les artiftes prépofés pour la
préparation de ces remedes, ils font toujours cen-
ies réfumer avec connoiffance de caufe , les différens
points fur lefquels ces articles ont décidé.
Une connoiffance fuffifante des premiers élémens
de chymie eft encore plus importante, fi j’ofe le
dire, 6c l’on ne peut qu’attendre plus de fecours
de l’expert-juré qui feroit chymifte. Nous avons
appris dans ces derniers tems, que la bonne chymie
purgée du fatras inintelligible des premiers fondateurs
de cet art, eft l’un des moyens les plus propres
à éclaircir la phyfique qu’on appelle corpufcu-
laire. L’exa&e connoiffance 6c la bonne préparation
des médicamens eft due à la chymie, & c’eft par
l’analyfe qu’on lui doit, qu’il nous eft quelquefois
pofîible de découvrir la nature des corps que nous
cherchons à connoître. Les fubftances venimeufes
tirées du régné minéral, les mauvaifes qualités des
alimens folides 6c liquides, ne peuvent être bien
connues que par fon lecours ; & l’expert-juré que
le magiftrat autorife à cette recherche, trouve, s’il
eft chymifte, mille expédiens pour découvrir, lorf-
que fctout autre feroit dans l’inaftion & préfume-,
roit la chofe impoflible.
Je ne dirai pas qu’il faut que le médecin expert foit
philofophe, parce que cette expreflion, dont le fens
eft indéfini à beaucoup d’égards, pourroit être mal
interprétée , 6c fembleroit peut-être trop exiger j
mais s’il eft démontré que le dégagement des préjugés
abfurdes qui ont cours parmi le peuple, eft une
circonftance requilé pour bien raifonner , il me
paroît que nul expert ne pourra mériter ce titre, s’il
ne porte dans fa profeflion cet efprit de doute qui
bannit l’enthoufiafme , 6c qui ne donne accès qu’à
la lumière des faits. Ce feroit un grand fervice à rendre
à l’humanité, que d’éclairer la Médecine d’un
rayon de la vraie philofophie, qui a tant fait de progrès
dans le dernier fiecle 6c dans le nôtre, 6c à laquelle
toutes les fciences ont de fi grandes obligations £
II ne feroit pas inutile que l’expert juré connût
les articles des ordonnances qui le concernent, 6c
h forme judiciaire qui a rapport à fon miniftere ,
pour ne pas tomber dans des erreurs ou des incon-
féquences dangereufes. On peut auflï pécher par
omiflion en médecine légale, & ces omifiions peuvent
être de la derniere importance.
Le défaut de toutes ces connoiffances a fouvent
produit ou occafionné des meurtres juridiques, dont
les exemples font fans nombre. C’eft l’ignorance qui
fait chérir le merveilleux, & qui fait trouver des miracles
par-tout. Sans recourir aux tems qui nous ont
précédés, & dont la barbarie eft un monument d’humiliation
pour l’humanité, nous voyons encore de
nos jours l’abfurde crédulité trouver'place dans les
hommes les plus faits pour être inftruits : il n’y a pas
long-tems qu’une femme fit croire à un médecin de
réputation que fa foeur a voit accouché d’un poiffon.'
(Roëderer, dijjert. couronnée à Petersbourg). On
croit encore aux forciers dans plufieurs lieux de ce*
royaume, & les têtes les mieux organifées d’ailleurs,'
ont peine à fe garantir de la contagion de l’exemple.
Un chirurgien n’a pas rougi en dernier lieu, dé certifier
qu’une femme enforcelée avoit accouché de
plufieurs grenouilles. Ces exemples, qui ne font
que ridicules , euffent offert des fcenes fanglantes
dans des tems où les cours fou veraines étoient moins
éclairées ; mais les tribunaux fubalternes 6c les premiers
juges dans les petits lieux, font fouvent peu
avancés en fait de raifon ; un mauvais'rapport, un
rapport inconféquent les détermine , ils peuvent
vexer l’innocence , ou laiffer le coupable impuni.
C ’eft la demi-fcience toujours préfomptueufe, qui
donpe au faux ou à l’incertain l’apparence du vrai
ou
ou de l’évident. Zacchias rapporte que deux barbiers
nommés pour examiner un cadavre qu’on avoit-
trouvé dans là terre de Monticelli, dans l’ancien
pays des Sabins, conclurent que cet homme avoit
été étranglé de force avec les mains , ou avec une
cordç Ou toute autre chofe femblable. Comme à
cette dépofition fe joignoient encore des indices
d’inimitié entre cette perfonne 6c quelques autres
hommes , le juge prétendoit que c’étôit à ces hommes,
qu’il falloit attribuer le meurtre de celui dont
on avoit trouvé le cadavre ; fon accufation étoit
principalement fondé.e fur le rapport des deux barbiers.
Zacchias, confulté en fécond lieu , prouva
que parmi les lignes rapportés par ces deux igno-
rans il n’y en avoit aucun qui annonçât violence
extérieure , 6c qu’ils pouvoient tous être l’effet
d’une fuffocation par caufe interne. A ces raifons fe
joignoit une nouvelle confideration bien importante
dans ces circonftances : il régnoit alors dans ce pays
une efpece d’épidémie qui tuoit très-promptement,
6c les impreflîôns que cette maladie laiffoit fur les
cadavres de ceux qui en mouroient," étoient parfaitement
femblajfles à celles que les deux barbiers
avoient alléguées dans leur rapport, & qu’ils avoient
cru défigner une violence extérieure. Mais pourquoi
remonter fi haut pour citer des exemples des^funeftes
effets qu’a pu produire l’ignorance } Notre fiecle
nous en préfente d’affez mémo^bles. On retire d’un
puits , aux environs de Maramet cadavre d’une
fille, quion reconnoît pour ElifabetnSirven, abfente
depuis quelques jours de la mailon de fon pere. Le
juge fait dreffer le rapport de ce cadavre par un médecin
6i un chirurgien, & l’on affure qu’il trouva
cette relation fi confufe , qu’il fut dans la néceflité
d’en faire dreffer une fécondé pour être remife au
greffe. Dans celle-ci ils déclaroient avoir trouvé une
écorchure à la main, la tête ébranlée, avec un peu
de fang caillé vers le col 6c point d’eau dans l’efto-
mac ; d’où ils cbncluoient qu’on avoit tordu le col
à cette fille , & qu’elle n’avoit été précipitée <jans le
puits qu’après avoir été mife à mort par la torfion.
J’ai prouvé ailleurs combien ce rapport étoit abfurde
6c dans I’expofé des faits 6c dans les conféquences
qu’on en a déduites. Je ne le préfente ici que comme
un des monumens les plus triftes que l’ignorance
ait jamais produit en faveur de la prévention.
C ’eft enfin l’ignorance qui fait commettre aux médecins
experts des erreurs meurtrières dans leur
pratique, lorfqu’ils font prépofés par les juges pour
traiter des bleffés ou pour décider du traitement fait
par d’autres.
( Z?« qualités nécejfiaires dans les experts. Ces qualités
font des vertus morales, 6c tiennent au cara&ere
6c aux moeurs ou font des diftin&ions acquifes par
des grades 6c des titres. Les premières font importantes
6c conviennent à tous les hommes, mais plus
effentiellement à ceux qui difpofent quelquefois de
la fortune ou de la vie de leurs pareils. La plus exafte
probité , l’impartialité , la défiance de foi-même &
de fes lumières , l’application la plus opiniâtre, 6c
l ’attention la plus réfléchie font des vertus que le
médecin expert doit pofléder. Il doit obferver la plus
grande circonfpeftion dans fes prognoftics 6c dans
Cefs jugemens , 6c cette même prudence lui devient
péceffaire dans toutes fes. opérations ; ce fut fans
doute la malheureufe prévention qui aveugla l’expert
nommé pour le rapport du cadavre d’Elifabeth
Sirven ; on a écrit que ce médecin croyoit fermement
que les fynodes des proteftans enfeignoient
la doCtrine du parricide : il faut tout craindre
de ceux qui fe laiffent faifir par l’efprit'-de vertige
qui entraîne le peuple ou qui font acceflibles au fa-
natifme.
LaMeçonde efpece de qualités concerne l’état ou
Tome IIJ.
la profeflion de l’expert 6c le grade ou les titres dont
il doit être revêtu.
Lesi trois claffes d’artiftes qui fe partaient
l’exercice de la médecine ont un diftriû affez bien,
féparé, pour qu’il-foit poflible d’être expert dans
une partie , 6c parfaitement ignorant fur ies deux
autres : il n’y a que le feul médecin dont la profeflion
fuppofe la connoiffance des deux autres
branches de fon a r t, 6c qui raffembie tout ce qui
concerne l’art de guérir pour le diriger vers un
même but. Qu’on fe rappelle les connoiffances re-
quifes dans l?expert-juré aux rapports , & l’on verra
que le médecin eft par état celui des artiftes qui
les réunit le plus fouvent. Mais comme le chirurgien
6c 1 apothicaire font plus particuliérement dévoués,
l’un aux opérations 6c aux connoiffances de la pharmacie
, l’autre aux'panfemens, incifions, opérations
. 6c accouchemens , il s’enfuit que leur témoignage
eft néceffaire par-tout où la queftion à éclaircir eft
relative à ces objets ; la pratique qui leur eft familière
, les rend propres à bien obferver & à bien
décrire , & le médecin qui réfume ce qu’ils ont vu
6c ce qu’il a vujui-même, en déduit légitimement
les conféquences. C’eft pour cela, dit M. Santeuil,
« que l’ufage dans l’es cas chirurgicaux a toujours
» été de ne nommer, pour faire un rapport, qu’un
» médecin avec deux chirurgiens. Ces derniers font
» comme les témoins de l’état du malade, & le mé-
» decin comme juge par fa décifion, fixe*principa-
»^ lement le jugement du magiftrat. C’eft un ufage ,
»* dit M. Verdier , qui a été fuivi dans toutes les
» jurifdiftions bien réglées, en conféquence des dif-
» pofitions des ordonnances & arrêts , rappellées
» dans l’article fufdit de l’ordonnance de 1670, 6c
» conformément à cet ufage la jurifprudence fran-
» çoife ne regarde en matière criminelle les rap-
» ports qui ne font fait£ que par des chirurgiens que
» comme dénonciatifs, c’eft-à-dire comme des avet*
» tiffemens dont les juges tirent eux-mêmes les cori-
» féquences , faute de pouvoir recourir à des mé-
» decins ».
Cette difpofition confirmée pat l’ufage 6c autori^
fée par les ordonnances, eft propre à prévenir les
abus qui arrivent fouvent dans les petits, lieux, où
des chirurgiens inexperts, en qui la préfomption
tient lieu defcience ,'s’immifcentàfaire des rapports
fur mille objets qu’ils ignorent. Car, dans les*grandes
villes , il eft affez ordinaire d’en trouver en qui la
variété 6c l’étendue des connoiffances ne laiffe rien
à defirer, & qui font fouvent propres à redreffer des
médecins peu expérimentés 6c trop confians. On
trouve aufli dans’ ces mêmes villes des apothicaires
qui s’élançant au-delà du cercle de leur pratique
pharmaceutique, dirigentleur attention & leurs travaux
fur des objets de chymie tranfeendante qui les
élevent bien au-deffus du commun des médecins; Ces
artiftes font des maîtres dont l’avis eft refpeftable 6c
doit entraîne/ les fuffrages, mais cette reffource n’eft
pas commune, & la loi doit étendre fon influence
fur tous les lieux habités.
En fuivant ces principes, on voit l’inconvénient
qu’il y auroit d’admettre indiftin&ement pour la
confection des rapports, tout homme exerçant l’une
des parties de la médecine. On diftingue en effet les
médecins , chirurgiens 6c apothicaires gradués ou
avoués par des corps, 6c reçus par chef-d’oeuvre, de
ceux qui n’ont d’autre titre que l’opinion ou l’habitude
djexercer. Tout artifte reçu 6c adopté par un
corps eft cenfé avoir donné des preuves fuffifantes de
capacité, & cette-préfomption ne peut convenir à
celui qui eft fans aveu.. On voit même dans les corps
différentes claffes d’artiftes dont la capacité n’eft pas
la même. Les chirurgiens diftinguent des maîtres
reçus par chef-d’oeuvre ou par des examens réitérés,
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