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remonter jufqu’à l’oeuf. Les plantes en fourniffent encore
des exemples, & c'eft ici. que l’analogie en faveur
du fyftême des accidens eft portée par M. Le-
inery au plus haut degré de vraifemblance dont elle
étoit fufceptible.
Laiffons les favans fe combattre fur les explications
des phénomènes naturels ; 6c en attendant que
du choc des opinions il réfulte, s’il fe peut, quelque
lueur qui nous éclaire, bornons-nous à l’examen
des conféquences qui découlent de l’obfervation, 6c
qui ont quelque rapport à la jurifprudence.
Prefque tous les auteurs de jurifprudence médicinale
qui ont parlé des montres, n’accordent l’humanité
qu’à ceux qui ont une tête qui préfente une forme
humaine; la mutilation des autres parties, leur
nombre ou leur conformation extraordinaire, ne.
fuffifent pas, félon eux, pour les déclarer indignes
de la qualité d’animaux raifonnables, pourvu néanmoins
qu’on apperçoive une reffemblance frappante
quant à la tête. Il en eft encore dans ce nombre qui
n’étendent pas cette grâce fi loin , car ils refufènt
d’affocierà l’efpecehumaineles individus monftrueux
qui n’ayant d’humain que la tête ou le vifage, fe rapprochent
par la conformation de quelques autres
parties de différentes efpeces d’animaux. La grande
raifon des premiers, c’eft que le fiege de l’ame étant
dans la tête, il eft clair que ceux qui font fans tête
ne jouiffent point de la prérogative accordée à l’homme,
& que d’ailleurs fi l’on fuppofe qu’ils ont une
tête, & qu’elle ne reffemble en rien à celle de l’homme
, il n’eft pas probable qu’une ame raifonnable 6c
penfante foit dégradée au point d’être unie à un individu
fi différent de nous. La divine providence
fem.ble, félon les derniers, fe refufer à cette affo-
ciaiion; 6c paf une pétition de principe bien commune
, ils concluent qu’il ne feroit pas digne de fa
fageffe d’unir une ame faite à fon image avec un
corps fi difforme, 6c conféquemment que de pareils
monflres ne font point hommes.
Il eft aifé de lentir le vide 6c Pinconféquence de
ces raifonnemens. Perfonne ne contefte que l’ame
immatérielle dont l’exiftence eft prouvée par la raifon
6c fur-tout par la révélation, ne foit le moyen
de diftinélion entre l’homme & les bêtes. Mais a-t-
on dit ce qu’étoit l’ame ? Peut-on en donner des idées
claires au point de ne pouvoir fe méprendre ? Si
nous admettons que les opérations auxquelles elle
préfide fuffifent pour l’annoncer, ne fera-t-on pas
forcé de convenir que dans un homme qui vient de
naître, ces opérations font encore trop obfcures, 6c
qu’il n’a rien dans ce moment qui le diftingue des
autres animaux? Suppofons même que ces raifons
ne fuffifent pas pour détruire un des principaux ar-
gumens, quel eft le fiege de cette ame ? Eft-on bien
d’accord fur le lieu ou la partie du corps qu’elle habite?
Les uns là font réfiderdans le corps calleux;
d’autres dans la glande pinéale ; plufieurs la mettent
dans le coeur, 6c la font circuler avec le fang ; d’autres
, peut-être plus raifonnables ou mieux fondés,
la placent dans le centre épigaftrique ou vers le diaphragme
; enfin l’eftomac &Tes organes des fens ont
été fucceffivement regardés comme le point de réunion
vers lequel toutes les fenfations alloient aboutir.
Les uns & les autres s’appuient fur des raifons
plaufibles, fur l’obfervation, fur l’expérience. Eft-
on en droit dans cette incertitude d’affirmer dogmatiquement
que l’ame doit être dans la tête, & qu’elle
manque dans un individu fans tête? N’eft-ilpas vrai-
femblable (puifqu’elle eftindivifible, qu’elle s’étend
toute entière par-tout) de croire qu’ elle ne manque
qu’avec la v ie , 6c que tant que cet individu eft v ivant,
il a , comme nous, une ame immatérielle,
puifqu’il la tire d’une même fource ? Qu’importe la
forme extérieure dans cette queftion? Trouve-t-on
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deux individus qui fe reffemblent parfaitement en
tout ? On ne s’eft: pas encore avifé de nier que les
géans, les nains, que les triorchides, monorchides,
anorchides, que ceux qui ont deux corps, deux tê*
tes ou plufieurs membres , que ceux qui naif-
fent fans pieds, fans mains, &c. fuffent privés d’une
ame, parce qu’ils ne nous reffemblent pas parfaitement.
Quelle prodigieufe diftanée de l'Européen à
l’Africain, de celui-ci au Lapon ou aux Efquimaux!
Nous ignorons jufqu’oii peuvent fe porter les variétés
de la nature; fa fécondité eft inépuifable à cet
égard, & des millions de eirconftances ignorées peuvent
rendre les individus d’un même genre entièrement
méconnoiffables. Nous n’avons que l’obferva-
tion 6c l’expérience pour dévoiler ces obfcurités >
tout autre guide eft infidèle, 6c notre imagination
qui s’impatiente de la lenteur de nos progrès, eft le
plus grand ennemi que lès fciences aient à combattre.
Homo natura mimjhr & initfprcs tantum facie
6* intelligit quantum de ordine naturel opéré vel mente,
obfervaverit nec amplius foit a/it potefl. Bacon.
N’eft-il pas téméraire d’intéreffer la fageffe de
Dieu dans des chofes de controverfe ? Peut-on fe
flatter de pénétrer dans fes vues ? & peut-oh demander
une preuve plus pofitive de fa volonté que
l’origine humaine de ces êtres fi diffemblables de
l’homme en apparence ? RefpeÔons les décrets de
la providence ; & en humiliant nôtre foible raifon
qui ne peut les concevoir, imitons la retenue de
l’églife, qui accorde à ces êtres le privilège du baptême
donné fous condition.
Un enfant monftrueux qui a vie peut donc, d’après
ces confidérations, jouir des privilèges que la
loi accorde à tout citoyen; il a droit de réclamer
en fa faveur laproteélion qu’elle accorde à l’homme
foible. Il peut donc hériter & faire caffer toutes les
difpofitions teftamentaires qui s’oppoferoient à cè
droit. Sa vie eft un dépôt contre lequel on ne peut
attenter fans crime; & s’il parvient à l’âge oii les
loix conviennent qu’il peut prêter ferment ou expliquer
fes volontés, je ne vois pas ce qui pourroit
s’oppofer à ce qu’elles fuffent exécutées. Il fuit encore
que la mere de cet enfant doit jouir des privilèges
attachés à l’enfantement; ce droit eft plus
clair ( s ’il eft polfible ) que celui de fa progéniture.
L’organifation difforme d’un enfant monftrueux
le rend cependant moins propre à remplir certains
devoirs de la fociété que le commun des hommes ;
auffi les loix qui l ’écartent des emplois publics ÔC
quelquefois du mariage , n’ont rien d’injufte, puifi
qu’elles n’ont pu prévenir la caufede fon inaptitude,
6c que le bien général de la fociété eft leur premier
objet. ( Article de M. LA F o s s e , Docteur en médecine
, de La faculté de Montpellier.')
§ MONSTRUEUX, éüse, adj. {terme de BU-
fon. ) fe dit d’un lion ou d’un autre animal quadrupède
, même des volatils qui ont quelques parties de
leur corps qui ne font point de leur nature. Voye\ '
P1- 243 di Blafon, D i et. raif des Sciences, &c.
Des Reaux de Coclois en Champagne ; (Cor au
lion de fa b le à tête humaine de carnation , tournée de
front. { G. D. L. T. )
MONTAGNES. La plus haute montagne que l’on
ait mefurée eft celle de Chimboraço au Pérou,
dont le fommet a 3117 toifes au-deffus ’du niveau
de la mer. V. H a u t e u r des montagnes dans ce SuppL
( M. d e l a L a n d e .')
§ MONTARGIS, ( Géogr.) ville du Gâtinois-Or-
léanois , fur ie Loing, au 20 d 24/ 18" de longitude
& 47d 59' 58" de latitude, à 25 lieues de Paris,
17 d’Orléans, 7 de Nemours, & zo de Nevers,.
Les eaux du Loing entretiennent le canal de ce
nom, qui fait à Montargis la continuation de celui
de Briare, joignant la Loire à la Seine. Ce fameux
M O N
Ouvrage commencé en 1604 parles foins du duc de
Sully, interrompu 6c continué fous les régnés fui-
vans, a été enfin achevé en 1720.
Montargis fit partie du domaine de la maifon de
Courtenay. Pierre de Courtenay, qui bâtit le château
j donna des privilèges à cette ville en 1 170 ; il
céda cette terre en 1188 au roi Philippe-Augufte,
6c fut couronné empereur de Conftantinople h Rome,
par Honoré III, en 1217. Charles V augmenta le
château de Montargis, & y fit fondre, en 1380, le
timbre de l’horloge, femé de fleurs de lys, 6c gravé
de fon nom.
Charles VI érigea la juftice royale en bailliage en
1391. Les Anglois ayant alfiégé cette ville en 1427,
furent battus 6c obliges d’en lever le fiege, après
une réfiftance opiniâtre de trois mois de la part des
généreux habitans. L’étendard du comte de Warwick
pris en cette occafion, eft encore gardé dans letré-
for de la ville, 6c tous les ans il fe célébré une fête
en l’honneur de cette vi&oire, le 5. feptembre.
La levee du fiege de Montargis, où commandoit
le brave Villars, fut le premier fuccès de la France
défolée par les Anglois 6c les Bourguignons/
Charles VII accorda à cette ville l’exemption de
tous droits d’aides, tailles, fubfides, par lettres-patentes
de 1430, & lui permit de s’intituler Montargis
le franc. II accorda auffi quatre foires franches, &
permit l’ufage du bois en la forêt voifine pour le
chauffage 6c les bâtimens. Ces privilèges ont été confirmés
par les rois fuivans.
En 1459» Charles VII affembla fon parlement à
Montargis pour y faire le procès à Jean duc d’Alençon
, acculé du crime de leze-majefté ; & condamné
à perdre la tête. Charles VIII y tint auffi fa cour, &
embellit le château ; Rénée de France, fille de
Louis X II, y fit faréfidence, procura l’agrandiffe-
ment de la ville qu’elle aimoit, & la fit paver ; elle
fit beaucoup de bien aux habitans 6c aux religionnai-
res qu’elle affeâionnoit.
En 1585, le peuple aima mieux fe retirer à Fer-
rierë que d’obéir au duc de Bourbon, qui avoit fur-
pris le château contre le fervice du roi. Henri IV demeura
trois femaines au château en 1607.
On ne compte plus à Montargis que 7 à 8000
âmes ; le nombre des habitans montoit autrefois au
double.
Le P. Morin, dans fon Hiftoire du Gâtinois, fait
une mention honorable de trois gouverneurs de
Montargis; Villars, qui fit lever, le fiege aux Anglois;
Bourquinen, tué au fiege de Honfleur en 1449, dont
il prétend que Charles V il porta le deuil pendant
plufieurs jours; 6c Antoine Deshayes, qui fe fignala
fous Henri IV & Louis XIII.
Antoine l’Hote, qui a vécu fous les mêmes rois,
commentateur de la coutume de Montargis, étoit
lieutenant-général au bailliage.
Jean Fronteau, chanoine régulier de fainte Geneviève,
chancelier de l’univerfité de Paris , favant
dans les langues , & qui a dreffé la belle, bibliothèque
de fainte Genevieve, eft mort prieur-curé de
Montargis en 1662.
La fievre miliaire, ainfi appellée des véficules ou
pufhiles à-peu-près femblables à des grains de millet
qui s’élèvent fur les parties fupérieures du corps, a
été favamment traitée avec fes remedes par M. Gaf-
telier, médecin à Montargis, en un volume in - iz ,
1773. Les habitans de cette ville y font fort fujets;
par la fituation du lieu. Des obfervations très-importantes
fur cefléauépidémiqueterminentcet Effai,
qui fait honneur aux lumières 6c au zele patriotique
de l’auteur., ( C. )
§ MONTBARD, Mons Barrus, Mons Bardorum,
( Géogr.) petite & ancienne ville de Bourgogne, fur
la Braine, à 3 lieues de Semur, 3 d’Alife, 14 de
M O N 957
I Dijon , non 10 comme le marque Expillî : on pré*
| tend qu elle tire fon nom des Bardes philofophes 6c
poètes des Gaulois.
Cette ville fe glorifie d’avôir en 1707 donné naif-
fance à George-Louis le Clerc,comte de Buffon, l’un
des hommes par qui nous reconnoiffons que le régné
de Louis X V peut balancer la gloire de l’autre
fieclet (C.)
MQNT-FERRAT, {Géogr.) province d’Italie,
avec titre de duché * dont Cafal eft la capitale. Elle
eft bornée à l’orient par le duché de Milan & une
partie de l’état de Gênes ; au nord par le Veirceil-
lois & le Canavez ; à l’occiderit par le Piémont proprement
dit; & au midi par l’Appenin.
Cette province qui appartient au roi de Sardaigne,
eft très-fertile & bien cultivée : elle eft entrecoupée
de plufieurs collines qui produifent du
bled & du vin en abondance.
MONTFORT, {Géogr.) grande baronnie des Pays-
Bas Hollandois , dans les états de la généralité , &
dans la haute Gueldres : elle renferme un, bourg de
fon nom, avec les petites villes d’Echt 6c de Nieu-
ftad , & plufieurs villages & feigneuries : elle n’eft
peuplée que de catholiques romains ; & dès la mort
dii, roi d’Angleterre Guillaume III, elle a été com-
prife dans la portion de l’héritage de ce prince, parvenue
à la maifon de Pruffe. {D . G.)
MontEort , {Géogr.). comté d’Allemagne réuni
a celui de Feldkirch , 6c appartenant à l’Autriche ,
dès l’an^ 13,6.5. Son nom, malgré cette aliénation &
cette reunion, fe porte encore par des comtes
d’Empire , membres du cercle de Souabe , & fei-
gneurs de Rregentz, de Tettnang & d’Argen , ief-
quels font taxés à 68 florins pour les mois romains,
& à 61 rixdallers 28 7 creutzers.pour la chambre
impériale. {D. G.)
MONT-CASS1N , {Géogr. eccléf.) L’abbaye du
Mont-caffin, fi célébré dans l’hiftoire. eceléfiaftique ,
commença en 524, à l’arrivée de faint-Benpît. Il.y
acquit ;en peu de tems une fi grande réputation, que
Totila, roi. des Goths, alla le vifiterl’an 543 , dans
le tems qu’il entroit dans le royaume de Naples.
Ce couvent fut pillé & brûlé par les Lombards,
en 589 : les Sarrafins le ravagèrent encore en 884.
Mais les donations des ducs de Benevent 6c de. pltn
fieurs autres: princes, réparèrent abondamment toutes
fes pertes: cette abbaye fut comblée des plus
grands 6c de$ plus beaux privilèges: elle fut fouvent
un féminaire des papes, 6c une retraite des rois: en-
finelle devint un des endroits les plus fameux d’Italiei
L’abbaye du Mont-Ca(Jin s’eft diftinguée non-feulement
dans la religion, mais, encore dans les lettres.:
ce fut à elle que l’on dut la confervation des études
dans le royaume de Naples & le goût même de la
phyfique : ces peres furent les. premiers auteurs de
l’école de Salerne, vers 1060.
Dans le cloître fupérieur, qui, conduit à l’églife ,
appelle paradifo, l’on voit feize ftatues de marbre ,
dont une repréfentant le pape .S. Grégoire eft de
notre fameux le Gros.
La première vue de cette églife eft frappante,
pour la richeffe, la dorure, les peintures & la multitude
d’ornemens. M. Grofley a raifon de dire que
ce brillant édifice a moins l’air d’un temple, que
d’une décoration théâtrale. Les archivoltes des arcs
doubleaux, font loutenues par de belles colonnes
doriques de granit oriental, de 11 pieds de hauteur :
l’abbé Didier les avoit fait venir du Levant, & elles
furent retrouvées fous les ruines, apr,ès le tremble*
ment de terre de 1349. Cet abbé Didier fut élu
pape, malgré fes réfiftances, fous le nom de Victor
I I I en 1086.
Sous le grand autel eft le tombeau de S. Benoît
6c Sainte Scholaftique, autour duquel brûlent fans
fil
Kl