» (au mois de-juin ) & on s’en fervit.au bout de.trois
» ans, les languettes étant plus ouvertes pour fléchir
» les fons»; c’eft-à-dire, qu’on coupoit les rofeaux
■ ayant leur pleine maturité > qu’ai© rsils étoient plus
Toupies, queleslanguètïes riefe. cQm,primoient plus
îïfort réciproquement, & que par conféquenç les
/bns étoient plus faciles àvariçr, ,
On trouve dans les notes d’Haràouiri, fur les endroits
de Pline que ntms venons de citer, un partage
de îhéophrafte, où il eft dit que « les anciens .
» faifoiént d’abord leursfiâtes toutes de rofeaux, 8c,
j» qu’ils croÿoiént que les anches ( glottes ) dévoient
•»être prifes entre deux des noeuds de la même
j>» plante dontonavoit fait la flûte y parce que fans
>> cela l’inft.rument ne.rélonnoit pas bien ». Ce paf-
jfage feul prouve que les flûtes des anciens étoient
âanche ; encore aujourd’hui on préféré celles de
ïofeau à toutes les autres.
Je crois avoir fuffifamment prouvé que les anciens
n’avoient que des fiâtes à anches. De ces jlutes, les
Unes avoient l’anche à découvert comme nos hautbois
; les-rrois paffages d’Ariftote cités'ci-deffus , le
prouvent (ans répliqué. Voyei auffi fig. 8 & ig. planche
II. 2e %uth. Suppl. Les autres avoient l’anche
-cachée comme les trompettes d’enfant. Voici ce qui
roe femble l’indiquer.
D ’abord on voit fur, des bas-reliefs des fiâtes fans
ï ’apparence de. bifeau ni d’anche ; ces fiâtes font
Ordinairement terminées en-hautpar un bocal, donc
leur anche eft cachée dans le corps de l’inftrument ;
car nous avons déjà vu que l’anche eft indifpenfable
aux fificts .des ançiens. Voyez fig. 5 , G , y , /o ,
11 & 12, planche I I de Luth. Suppl,
Les fiâtes terminées par un bocal en-haut font
Ordinairement les plus grandes, 8c quelques joueurs
àe fiâte qui tiennent des inftrttmens de cette efpece
ft’ orit point de phorbéion, ou de bandage , Veyeç
Pho rbeiON , ( Mufiq infir. dés anc. ) Suppl, parce
qu’on ne pouvoit palier qu’un petit corps mince, tel
qu’une anche au travers de la fente du phorbéion,
parce qù’enco-re le phorbéion étoit très-utile au
rnuficien ; un des plus grands défauts qu’ont même
aujourd’hui nos joueurs d’ïhftrumens à anches , c’eft
Üe laifler échapper le vent, ce qui provient de la
tenfion continuelle des joues , & caufe un fifflement
trés-défagréable ; an lieu que celui qui fouffle dans
un bocal ne peut guere laiffer échapper le vent.
Enfin Pollitx , dans le chap. () du livre IV de fon
Onomafiicon, dit, que la fiâte appellée bombyx a deux
parties outre la glottet 8c les trous latéranx , l’une
appellée c^y.oç{ olmos') ; l ’autre vçoXpiov ( euphol-
hùon ) ; l’olraos peut , je crois , très - bien indiquer
ici un pavillon fetnblable à celui des cors-
ae-èhaffe & des trompettes , 8c eupholmion une
embouchure faite comme un bocal ; 8c à quoi bon
Cette eïpcce d’embouchure, fi la fiâte avoit une anche
placée comme celle de nos hautbois ? Ariftote ,
dans fon traité de audibilibus que nous avons déjà
Cité, dit « qu’il eft difficile de jouer de la fiâte appellée
»J?ombyx, -d caiife de fa longueur, ce qui jointàce
» que nous venons de dire , femble prouver effeéti-
» vementque les fiâtes les plus grandes des anciens
» avoient un bocal, une anche renfermée dans le
» corps, de l’inftrument , 8c qu’on' en jouoit fans
'» phorbéion ; » cette derniere chofe eft confirmée
par un partage de Sophocle qu’il explique en
même-tems, le v o ic i. « Il ne fouffle plus dans de
» petites fiâtes , mais dans des foufilets épouvanta-
. » blés & fans bandage ». ( phorbéion. )
Enfin , je rapporterai encore ce que dit Feftus ,
en donnant l’étymologie du mot Unguia ( languette )
Unguia per diminutionem lingual dicla , alias à fimilitu-
dîne linguce exertee ut in calccis inferue , id efi infra
défîtes coercita, ut in tibiis, « Languette diminutif de
» langue, tantôt à caufe de fa reflemblance avec une
» langue expofée {ou tirée) comme dans les chauf-
» fures, tantôt à Caufe de fa reflemblance avec une
» langue cachée , ou retenue deflous les dents » :
ce qui ne femble convenir qu'à une anche cachée
dans i’inftrument.
Comme je n’ai nulle envie d’imiter les gens à
fyftêmes, qui écartent de la meilleure foi du monde
tout ce qui peut endommager leurs édifices , je vais
rapporter ce que je crois qu’on peut m’oppofer rai-
fônnablement ; au moins je rapporterai ce que j’ai
trouvé de fufpeft dans le cours de mofc travail.
Bartholin , dans le chap. 5 du liv. I. de fon traité
de tib. veter. raconte comme un miracle , d’après
le feholiafte de Pindare, que les languettes, glottes
ou anches étant tombées dans un combat, ou con-:
cours de mufique , le joueur de fiâte continua fil
piece avec les rofeaux feuls. _
Cette hiftoire peut fournir trois objeftions.
i° . Si la fiâte n’a voit d’autre principe de fon que
l’anche , comment le mùficien a-t-il pu continuer
à jouer après que celle-ci étoit tombée? Il eft pro-,
bable que fa fiâte étoit en même-tems à bifeau 8c à
anche, c’eft-à-dirë , que c’étoit une fiâte douce &
laquelle on avoit adapté une anche.
z°. Eft-il probable que l’anche d’un hautbois puifle
tomber fans la volonté de celui qui tient l’inftru-
ment ? 8c n’eft-il pas plus naturel de fuppofer que
c’étoit une charlatannerie du rnuficien, qui, s’étant
apperçu qu’on pouvoit joiier de fa fiâte fans anche *
vouloit s’en faire honneur ?
30. Enfin , quoiqu’il en foit, puifqne lemtifleiert
a pu jouer une fois lans anche , ne peut-il pas l’avoir
fait plufieurs fois, 8c même s’en être fait une coutume
8c l’avoir enfeigné à d’autres ?
Quant à la première obje&ion , je réponds que fi
la fiâte avoit un autre principe de fon que l’anche ,
le feholiafte de Pindare n’auroit pas rapporté ce fait
comme un prodige ; de plus, eft-il vraifemblable
que lés anciens aient combiné enfémble le bifeau
8c l’anche , 8c qu’aucun de leurs auteurs ne parle
du bifeau, tandis que tous parlent de l’anche d’une
façon non équivoque ?
Quant à la fécondé objeélion, je réponds qu’elle
ne prouve rien d’autre , finon que la fiâte en question
étoit à bocal, &c avoit fon anche cachée ; alors
celle-ci pouvoit très-bien tomber par accident, Ô£
le rnuficien pouvoit continuer fa piece, en bouchant
fa fiâte comme un cornet.
La troifieme objeélion eft certainement la plus
forte, & je n’y peux répondre autre chofe , finon
qu’il me femble très-peu probable que fi cet aventure
avoit donné lieu d’inventer une nouvelle forte
de fiâte , le feholiafte de Pindare , ni aucun autre
auteur n’en eût dit mot ; ma réponfe deviendra plus
forte , fi l’on fait attention que l’aventure étoit
réellement finguliere , & devoit naturellement inté-
refler tous les fpeélateurs. J’ajouterai de plus que
Pollux diftingue fort bien la fiâte de la fyringe , dont
le fon a un principe différent, & qu’ainfi il auroit
bien parlé d’une autre forte de fiâte fi elle avoit
exifté. Voyez Poil. O nom. lib, I. chap. c).
Ordinairement l’on dérive le nom latin de la
fiâte ( tibia ) de tibia, l’ps de la jambe , parce que,
dit-on, les premières fiâtes étoient faites cl’os, matière
peu propre à faire des anches, d’où l’on conclut
qu’elles n’en avoient point. A cela je réponds :
i ° . Qu’on peut très-bien faire un anche d’os en le
choififlant & PaminciÇant convenablement ; Pollux^
parlant de la trompette, dit qu’on la faifoit d’airain
ou de fer , & fon anche ( glotta) d’o s , chap. 2.
liv. IV. Onomàfiicon.
2°. Bartholin , chap. 2. liv. I. de tib. veter. allure
qu’un auteur , nommé Coldingus , donne d’après
d’anciens glofiaires une autre étymologie âu mot
tibia, 8c le fait venir de tybin, c’eft-à-dire , jonc qw
rofeau, matière dont on a fait les premières fiâtes ,
fùivant la plus grande partie des auteurs, enforte
que peut-être, loin que tibia ( fiâte ) vienne de tibia
( os de la jambe ) c’eft ce dernier qui vient de l’autre
à caufe de la reflemblance.
Remarquons encore qu’aucune des fiâtes qui fe
trouvent dans les antiquités romaines de Boiflard ,
&C dans les deffins des peintures antiques d'Hercula-
num, n’ont de bifeau. Dans le Dicl. raif. des Sciences
, 8cc. on donne à la vérité un bifeau à la fiâte
des facrifices des anciens ; Voyel les planches de
luth. infi.. anciens , fig. i ; mais comme on trouve
dans Boiflard un facrifice à Priape , où il y a
linefiâtte double , mais fans bifeau, je crois qu’on -
peut regarder la fiâte du Dictionnaire raif. des Sciences
, &c. comme nulle. On voit auffi dans le Mufæurn
romanum de la Chauffe, tome //, une fiâte faite d’os ,
à ce que ptétend l’auteur, & comme elle le paroît
effectivement ; cette fiâte qui eft auffi dans le liv.
V I I I , du tome I I I du Suppl, à C antiquité expliquée
de Montfaucon, a le bifeau bien marqué. Voye{ cette
fiâte j fig. /(f, planche I I de Luth. Suppl. Ce dernier
auteur dit qu’elle a été copiée d’un bas-relief qui eft
à Naples dans le palais du prince Diomede Caraffa.
C e bas-relief, s’il exifte tel qu’on le rapporte, femble
renverfer de fond en comble mon édifice , mais
je demande à tout leéteur impartial fi un feule figure
peut détruire le témoignage unanime de tant d’écrivains
, fur-tout lorfqu’on n’indique pas de quelle
antiquité eft le bas-relief dont on l’a tiré , 8c lorfqu’on
a des preuves convaincantes que fouvent les
deflinateurs copient malles antiquités. Ne fe peut-
il pas même qu’un auteur voyant un infiniment peu
différent des nôtres , mais manquant d’une partie
effentielle , à fon avis, y ait ajouté cette partie de
fon chef? Cette çonje&ure paroîtra plus que probable
à ceux qui connoiffant la faélure des inftru-
mens de mufique , auront lu quelque traité des
modernes à ce fujet, ils y auront fans doute trouvé
comme moi une quantité de bévues , provenant
iiniquement dit;;peu de connoiffance pratique de
la mufique.
Je terminëràFcette article en tâchant d’éclaircir
quelques difficultés qui regardent les fiâtes des
anciens.
On voit fur la plus grande partie de ces inftrtt-
mens de petites éminences! folides , les unes de
figure cubique, les autres de figure cylindrique ,
& même terminées par un bouton. Voye%_ les fig. 5 ,
io , j 1 , & ig , planche II de luth. Suppl. Bartholin,
( chap. 5. livre I. de tib. veter. ) rapporte que , fui-
vant l ’avis de plufieurs auteurs, ces efpeces de chevilles
tiennent lieu de clef, & fervent à fermer les
trous latéraux. Je crois la même chofe; j’ajouterai
feulement que comme les airs ou homes de fiâte
étoient réglés , on bouchoit avec ces chevilles les
trous latéraux qui n’entroient pour rien dans le
nome qu’on alloit exécuter, parce qu’il auroit été
fort incommode de tenir un ou deux trous bouchés
pendant tout un air ; cette idée fe fonde :
i°. Sur ce que les anciens avoient d’abord une
fiâte particulière pour chaque nome , & que Pronome
le Thébain fut le premier à faire des fiâtes,
fur lefquelles on pouvoit exécuter plufieurs nomes,
comme le rapporte Paufanias au livre IX de fa Défi--
cription de la Grece.
i°. Sur ce que les fiâtes qui ont plufieurs de ces
chevilles en ont ordinairement deux ou trois peti-
tes , & trois ou quatre plus- grandes , différence
qui me paroît faite exprès pour que le rnuficien
ne fe trompât pas, & débouchât feulement les
|rous qui appartenoient au même nome ; trous
f qui (ont indiques par les chevilles de même figuré*
Un tableau qtii fe trouve dans lé tome I I l des peintures
antiques d'Herculanutn , pag. 101, femble nous
indiquer en riiême-tems, 8t que les chevilles fer-
Voient effeéliveihentà boucher les trous latéraux,&
que les àncienS comniençoierit par enfeigner à leurs
eleves à donner d’abord le ton fur une fiâte, tous les
trous étant bouchés ; puis fur deux , puis enfin à
pofer les doigts fur les trôuS après avoir enlevé les
chevilles. Ce même tableau femble encore confirmer
que lesfiâtes étoient â anches ; car oh n’a guere plus
de peine à faire raifonner deux fiâtes douces qu’une ,
mais il en eft tout aujremèntde deux hautbois. Le
tableau , dont je parle, repréfente Marfyas donnant
leçon à Olympe encore enfant. Le difciple tient deux
fiâtes qui paroiflent égales ; celle de la main gauche,
il la porte à la bouche, 8c Marfyas l’aide en lui
tenant le bras ; quant à la fiâte de la main droite ^
l’enfant paroît vouloir la porter auffi k la bouche ,
mais fon maître l’en empêche. Ces deux fiâtes ont chacune
deux chevilles, & point d’autres trous latéraux.
On trouve encore des fiâtes entourées d’anneaux
fur les anciens monùmens , Voye{ fig.'c> planche I I
de Luth.SuppL.8c alors on n’y apperçoit point de trous
latéraux : comme ces fiutes font toutes coniques, il
m’étoit venu dans l’efprit que ces anneaux côuvroient
chacun fon trou, & tenoient par conféquent lieu des
chevilles , la figure de l’inftrument les obligeant à fe
pofer toujours au même endroit ; mais en comparant
la diftance des anneaux à la longueur de la fiâte t
8c celle-ci à la hauteur du rnuficien , il m’a paru que
ces anneaux étoient trop écartés les uns des autres ,
pour que les doigts d’un homme puflent couvrir les
trous que je fuppofois deflous, enforte que mon idée
ne me paroît vraifemblable qu’en fuppofant qu’on
ait mal obfervé les proportions en copiant les fiâtes.
Dans le Mufautn romanum de la Chauffe , on rapporte
qu’on déterra il y a plufieurs années à Rome ,
des morceaux de fiâte-d’ivoire , revêtus d’une plaque
d’argent ; cela explique clairement ce paflage
de l’art poétique d’Horace , que les commentateurs
ont tant tourné 8c retourné.
Tibia non ut nunc orichalco vihcla tubeeque
Æmula , &C.
Car effeélivement un hautbois qu’on garniroit dé
cuivre approcheroit beaucoup du fon de la trompette
: il en approcheroit davantage encore fl on lé
doubloit de ce métal.
On eft aufli très-embarraffé du grand nombre de
fiâtes des anciens. Je crois que cela vient uniquement
de ce qu’on a pris pour des noms, ce qui n’etoit que
des épithetes données par les auteurs : ainfi , par
exemple , on parle d’une fiâte appellée plagiaule 9
d’une fécondé nommée photinge, 8c d’une troifieme
défignée par le motlotine; toutes trois ne font qu’une
feule 8c même fiâte, appellée photinge ^ furnommée
plagiaule ( oblique ) , parce qu’elle fe terminoit par
une corne de veau recourbée , comme nous l’avons
déjà d it , 8c lotine , parce que on la faifoit de bois
de lotos, de même encore l’on a fait de l’éléphantine
une fiâte particulière , & ce n’eft probablement
qu’une épithete donnée aux fiâtes d’ivoire. Enfin l’on
regarde la monaule comme une forte de fiâte, 8c
c’eft le nom général desfiâtes fimples, ou d’une feule
tige , comme diaule eft celui des fiâtes doubles.
Au refte , je ne crois pas impoflïble qu’un bon
littérateur verfé dans la faélure des inftrumens à
vent,, ne pût trouver entièrement les fiâtes des
anciens , en,comparant continuellement les différens
auteurs èntr’eux , avec les monumens & avec la
nature des inftrumens à vent. Mais vu le peu dé
fond qu’on peut faire fur les copies, il faudroit qu’il
pût lui-même examiner les antiquités.