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fi défaftreufe ? L’Allemagne ravagée tour-à-tour
par les Suédois, les François, par elle-même, livrée
à la famine 6c plongée dans la barbarie, n’an-
nonçoit pas un empereur né pour lui rendre fa première
fplendeur, 6c faire renaître les beaux jours
de réglife.
FERDINAND III , ( Hifloire d'Allemagne , de. Hongrie
6* de Bohême. ) fils du précédent & de l’impératrice
Marie-Anne , X X X V e empereur d’Allemagne
depuis Conrad l , XXIXe roi d’Hongrie, XXXIXe
roi de Bohême, né en 1608 , mort en 1657.
Ce prince , avant de parvenir au trône dé l’empire
, s’en étoit montré digne. Il avoit rempli avec
gloire celui d’Hongrie qu’il occupoit depuis douze
ans. Il falloir que fon pere lui connût de grands talent,
puifqu’il lui donna le commandement général
des armées'après la mort tragique du grand Valf-
tein. Ferdinand I I I juftifîa le choix de fon pere , en
Forçant les Suédois de fortir de la Bavière. La bataille
de Nordlingue gagnée par fes foins , ouvrit
au parti catholique les villes de Suabe &c de Fran-
conie. Ces grands avantages remportés fur des généraux
de la première réputation, rendirent fon nom
cher à l’Allemagne. Le calme eut fuccédé dès-lors
aux violens orages; mais la France fe crut intéreflee
à en exciter de nouveaux. On avoit indiqué un
congrès à Cologne 6c à Hambourg. Les peuples
épuifés fe flattoient d’une pacification prochaine ;
leurs efpérances s’évanouirent ; bientôt les germes
de difcorde femés par le cardinal de Richelieu ,
entretinrent le cours de cette funefte guerre , dont
le feu fe communiqua aux états vôifins. Bannier
dévafta la Haute-Saxe ; le duc Bernard ruina les
bords du Rhin. Le vicomté deTurenne, qui porta
fi haut la gloire de fon nom , déployoit déjà fes
talens contre le cardinal Infant. Les ligues catholiques
6c proteftantes , la caufe de l’éleâeur Palatin
avoient excité la guerre : mais alors il s’agifîoit de
la fupériorité entre le« malfons de France 6c d’Autriche.
Legrand objet des Suédois étoit de conferver
une partie de leurs conquêtes en Allemagne. Tant
que vécut Guftave, Richelieu demeura étroitement
uni avec ce héros. Il renouvella fon alliance avec
la fameûfe Chriftine fa fille , 6c féconda les vi&oi-
res de cette reine , dont.il lui"déroba' tout.le fruit,
en affurant à Louis XIII la poffeflion de l’Alface. La
France, c^ii d’abord avoit été la partie fecrete de
cette guerre , montre ouvertement fes deffeins.
Jamais fa puifl'ance ne parut avec plus d’éclat. Six
armées levées dans fon fein , ou foudoyées , fe
répandent à la fois fur les frontières. Veimar eft
envoyé fur lé Rhin, Crequi en Italie,la Valette
en Piémont, Rohan dans la Valteline , 6c Gaflion
en Rouflillon, oîi il fomente les troubles de la Catalogne.
Des fuccès remportés fur les François donnent
quelqu’efpoir à Ferdinand, qili effuie bientôt les
plus cruels revers. Veimar , imitateur du grand
Guftave, le fiirpaffe en bonheur. Ce d u t, par un.
coup de fortune inoui, prend dans un jour quatre
énéraux ennemis , parmi lefquels eft le Fameux
ean de Vert qui avoit répandu la'terreur jiifques
dans Paris. La Savoie qui tombe fous la régence de
la foeur de Louis X I I I , femme de Viftçr Amédée ,
fe dévoue à la France. Les armes impériales n’é-
toient pas plus heureufes contre les Suédois.
Banier enlevoit la Poméranie, la Thuringe 6c la
Saxe. Ce général , ayant invité le duc de Longueville
&c le maréchal de Giiebriant à le venir joindre,
fit des lévées dans les pays de Heffè 6c de
Lunebourg , 6c prît la route de Vienne , réfolu
d’attaquer Ferdinand dans fon palais^ L’archiduc
Léopold & Picolomini , par leurs manoeuvres
favantes , firent échouer çétte grande entrépfife.
Banier s’avança cependant jufq'u’à Ratisbonne, oit
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l’empereur qui y tenoit une diete , manqua d’être
pris. Sans un dégel qui fit fondre les glaces du
Danube , Ferdinand étoit réfervé à ce malheur. Sa
maifon venoit de perdre deux grandes provinces.
La Catalogne fe donna à la France , 6c le Portugal
uni à la couronne d’Efpagne depuis Philippe II ,
venoit de s’en détacher. Tant de revers augmen-
toient fes defirs poür la paix qui devenoit de plus en
plus nécefiaire. La mort de Veimar & de Banier,
tous deux , comme Guftave,' moiffonnés au milieu
de leur carrière , fembla en lever les obftacles. Son
rétabliffement dépendoit de Richelieu qui, pourfe
rendre nécefiaire avant 6c après la mort de Louis
X I I I , auquel il croyoit furvivre , renouvella le
traité d’alliance avec la reine Chriftine, 6c donnai
la Suede les mêmes-fubfides qu’il payoit à Guftave ,
6c dont on avoit retranché deux cens mille livres.
Le général Torftanfon, inftruit à l’école de Guftave,
fuccëdoit à Bannier dans le commandement des
armées Suédoifes. Aidé du maréchal deGuebriant,
il bâties Impériaux à Volfembutel. Sans entrer dans
le détail de tous les combats qu’il feroit même trop
long d’analyfer, il fufiit de remarquer que Ferdinand.
eut aflez de malheur pour efiuyer plus de vingt
défaites confidérables , 6c aflez de fermeté pour
les fupporter. Aucun fiecle ne produifit tant d’habiles
généraux. La mort de Richelieu & de Louis XIII,
arrivée prefqu’en même tems, lui permit de travailler
à là pacification de l’Europe. 11 ne fit cependant
pas éclater le delir qu’il avoit de finir ce grand
ouvrage , de peur que fes ennemis ne s’en prévaluf*
fent : mais il étoit bien difficile que fes vues écha-
pafîent à la pénétration de Mazarin qui avoit fuccédé
à Richelieu. Ce miniftre failant caufe commune
avec Oxenftiern, lui fufeita un nouvel ennèmi. Ils
encouragèrent Ragotski, fouverain de Tranfilva-
nie, à entrer dans la confédération. Ce prince ,
comme le remarque un moderne , ne manquoit ni
de prétextes , ni de raifons. Les proteftans Hongrois
perfécutés , les privilèges des peuples/foulés aux
pieds , quelques infra&ions aux derniers traités,
formèrent/le manifefte de Ragotski qui , avec de
l’argent de la France , mit une armee en campagne.
Dans le même tems le Danemarck s’unit à la
Suede, 6c le roi s’engagea par le traité à ne prêter
aucun fecours aux ennemis de la France. Ferdinand
n’a plus de digues à oppofer aux torrens qui inondent
fes états de toutes parts. Condé bat les Impériaux
6c ieurs alliés à Rocroi , à Fribourg 6c à
Nordlingue. Torftanfon 6c Konigsmar chaffent devant
eufc le général Galias, entrent victorieux dans
la Bohême , en banniflent Léopold 6c Ferdinand ,
qu’ils pourfuivent jufqu’à Briun , malgré les efforts
de Goeutz 6c de.Vert. Vienne , qui voit battre en
breche les murs de Briun , tremble pour les fiens.
Ferdinand, pour conjurer l’orage , fait des démarches
ouvertes pour la paix. Il rend la liberté à l’électeur
de Treves , dont la captivité avoit férvi de
prétexte, aux .hoftilités des François ; il fatisfait
Ragotski qui fe fortifioit des fecours de .la Porte,
6c le reconnoît fouverain de la Tranfilvanie, 6c
prince de l’Empire ; il lui rend toutes les terres 6c
tous les privilèges dont avoit joui Bethleun Gabor.
Tels furent de fon côté les préliminaires de la paix
de Veftphalie ; mais il n’en fut pas de même du
côté de la France 6c de la Suede, qui preffoient
Vienne pour en obtenir de plus grands avantages
par le traité. Tu renne , par une marche favante ÔC
hardie ^s’avance jufqù.’a Munick, taille en pièces les
Autrichiens, près de Summerhaufen & de Laven-
gen, dans le voifinage du. Danube , & fe.rend maître
de la Bavière , d’où il chaffe l’éleâeur, tandis que
Konigsmark furprend Pragiie, 6c que Varengél, fuc-
ceffeur de Torftanfon, s’empare d’Egra, Telsfurçnt
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les derniers feux d’une guerre de trente-trois ans.
Tout confpiroit à rétablir le calme. L’Allemagne
épuifée d’hommes & d’argent , déchirée par les
étrangers 6c par les fiens, defiroit le terme de fes
longs malheurs. La Suede étoit affoiblie par fes propres
victoires. La reine Chriftine faifoit des voeux
pour le retour de la paix dont elle vouloit confàcrer
•les douceurs aux fciences qui faifoient fes délices.
La reine , régente de France , à qui la minorité de
fon fils préfageoit des troubles, fe prêtoit avec joie
à un accommodement qui lui permettroit d’oppofer
toutes les forces du royaume à-ceux qui s’apprê-
toient à y femer la difcorde. Ainfi toutes les puif-
fances qui défoloient l’empire, formèrent le même
voeu. Rome 6c Venifo furent choifies pour médiatrices.
Oxenftiern 6c Davaux , regardés comme
les plus fages plénipotentiaires , s’aflemblerent à
Munfter 6c Ofnabruk , 6c y lignèrent ce traité fi
fameux, fous le nom de traité de Weftphalie. Ils
fixèrent d’abord les droits de l’Empire, 6c afligne-
rent des limites fûres au pouvoir de fon chef. Il fut
défendu à l’empereur de changer les anciennes loix,
& d’en porter de nouvelles. Ce droit fut réfervé aux
affemblées générales qui en avoient toujours joui *
même fous le gouvernement des Carlpvingiens , où
les privilèges du trône furent le plus étendus. Cés
affemblées feules purent déclarer une guerre d’Em-
pire , régler les impôts , mettre au ban, ou prof-
crire un prince rebelle : on paffa en fécond lieu au
pouvoir des eo-états. On accorda à chaque ville
lib re, à chaque prince , le pouvoir de faire à fon
gré des alliances , la paix ou la guerre : mais dans
ces a&es de fouveraineté , il falloir toujours donner
des témoignages de fon refpeft pour les loix de
i’affociation générale. On permit le libre exercice
des religions catholique, luthérienne 6c calvinifte :
& chaque état put choifir à fon gré celle qu’il pré-
féroit. L’empereur 6c les éle&eurs eccléfiaftiques
furent cependant affervis au culte romain. Les princes
qui avoient été dépouillés par Ferdinand II ,
furent rétablis, 6c le fils de Frédéric V obtint fon
éle&orat ; 6c pour dédommager Maximilien , on
en créa un huitième en fa faveur. Les biens dés"
églifesTervirent à contenter les autres princes. Plusieurs
évêchés furent fécularifés malgré la réclamation
du pape , & furent donnés aux Proteftans. La
France conferva la plus grande partie de l’Alfaeé
avec les trois évêchés , 6c la Suede la Poméranie
conquife par fes armes avec le duchés de Breme 6c
de Ferden. Les rois de Suede prirent le titre de
prince de l’Empire, par rapport à ces provinces.
Tels font les principaux articles de ce fameux traité
qui fert de- bafe à la conftitution germanique , 6>C
que l’on regarde comme lé fondement dit droit
public d’une partie de l’Europe. Il fut reçu comme
une loi fondamentale 6c perpétuelle. L’Allemagne
ne le reTpefte pas moins que la bulle d’o r , 6c il eft
bien fupérieur à cette bulle par la diverfifé 6c l’importance
des objets qu’il embraffe. On remarque que •
les rois de France 6c de Suede y forent traités de
majefté par le chancelier de l’Empire , & ce fut
pour la première fois. Ce traité fut l’ouvrage de fix
ans. Le pape fâché d’en avoir été moins le médiateur
que le témoin , lorfqu’il vouloit en être l’arbitre
, & le roi d’Efpagne qui étoit en guerre avec la
France , firent d’inutiles efforts pour le rompre.
Innocent X publia même une bulle quitendoit à le
cafler ; mais le célébré Goringius fut chargé de lui
répondre, & s’en acquitta avec un fuccès qui déconcerta
lé S. Pere. L’empereur employa conftamment
tous fes foins à fermer toutes les plaies que cette
longue guerre avoit ouvertes ,6 c y réuflît. II fo trou-
voit paifibîe poffeffeur de la Bohême, devenue fon
patrimoine , de la Hongrie qu’il regardoit aufli
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comme fon héritage, mais qui prétendoit encore au
privilège de fe choifir des maîtres, ainfi que de toutes
fes provinces, jufqu’à l ’extrémité du Tirol. Il
mourut l’an 1657 , laiffant un nom cher à fes peuples
dont ifn’avoitpu faire le bonheur. FerdinandIII
eut trois femmes, Marie-Anne d’Autriche , fille de
Philippe III , roi d’Efpagne; Marie Léôpoldine,
fille de Léopold. V , archiduc d’Autriche ; & Eléonore
, fille de Charles II, duc de Mantoue. Les en-
fans qui lui forvéeurent', forent Marie-Anne , reine
d’Efpagne ; Léopold qui fut empereur ; Charles-
Jofeph , évêque de Paffau, 6c grand-maître de l’ordre
Teutonique ; Eléortore-Marie qui fut focceflive-
ment femme de Michel, roi de Pologne , 6c de
Léopold , duc de Lorraine ; 6c Marie, femme de
Jean- Guillaume de Neubourg , élefteur Palatin.
Parmi fes enfans , dont la mort précéda la Tienne ,
on diftingue Ferdinand IV qui fut couronné roi
d’Hongrie , de Bohême & des Romains. (Af— r )
m Ferdinand I , roi de Caftille & de Léon ,
( Hijî. d’Efpagne. ) troifieme fils de don Sanche ,
roi de Navarre, monta fur le trône de Caftille , en
vertu du teftament de fon pere, en 10J 5. On crut au
commencement de fon régné, que ce prince vivroit
fans gloire , 6c n’auroit ni le courage , ni la mâle
fermeté de don Sanche. Le roi de Léon, fon beau-
frere, qui en avoit cette idée peu âvantageufe y
entra en Caftille à la tête d’une armée formidable.
Ferdinand , quoiqu’aVec des forces inférieures à
celles de fon ennemi, montra qu’il favoit non-feulement
défendre fes états, mais encore conquérir
ceux d’un prince ambitieux. Leroi de Léon fut tué
dans un combat, 6c p’ërdantla' viéfoire avec la v ie ,
fon royaume Vdevint une province de Caftille eu
1038. Ferdinand toitrna enfuite fes armes contre leâ
Maures qu’il vouloit chaffér de toute l’Efpagne. Il
leur enleva beaucoup de villes, 6c pouffa fés conquêtes
jufqu’au milieu du Portugal. Il lés auroit
pouffées plus loin, fi la méfintelligencè que mirent
entre lui & don Gareië, roi de Navaffè, dés cour-
tifans perfides , vils & lâchés adulateurs , nés pOiir
le malheur des rois & des peuples, n’éût porté ces
deux frères à tourner contre eux-mêmes des armes
qu’ils âvôierit rendues fi redoutables aux infidèles.
Ferdinand eut tout l’avantagé de eéffe guerre , 6c
Gâreie y perdit la vie. Sur la fin de fon régné, il
fut contraint de reprendre lès armes contre les Mau-
fes qui faifoient des incurfions dans fes états. Mais
fes finances étoient épuiféès par les guerres précédentes,
6c il ne vouloit pas charger fes fujets de
nouveaux impôts. Il engagea la reine à facrifier fes
pierreries & les biens qu’elle poffédoit en propre ,
au falutde la patrie. Avéc ces fecoürs le roi leva une
armée, tailla les Maures en pièces dans plufieurs
rencontres , & revint chargé de gloire & de riches
dépouilles , arrive à Léon la veille de N oël, 6c
meurt trois jours après en 1065. ®i avoit régrié
trente ans for la Caftille. L’année qui précéda celle
de fa mort, il avoit fait un teftament par lequel ,
contre l’avis de fon confeil, il partageoit fes états
entre trois fils & deux filles qu’il âVoit. II donna la
Caftille à Sanche fon aîné ; lé royaume de Léon &>
des Afturies à Alphonfe ; la Galice & le Portugal à
Garcie ; il affura à Urraque -, l’ainée de fes filles ,
Zamora avec fes dépendances ; & à Elvire fa cadette
, Toro & le territoire qui en dépendoit.
Ferdinand I I , fils puîné d’Alphonfe V I I I , eut
dans le partage que le to i fon pere fit de fes états
entré fès ehfàns, en 1 145 , le royaume de Léon &
la Galice ; piàis il ne quitta la cour de Caftille poiir
aller s’àffeoir fur le trône de Léon * qu’à la mort
d’Alphonfe, arriv é e en 1 15 7 . Né avec un carad e re
bienfaifànt,- généreux & ami de là juftiee ; il eût été
un bon ro i , 4’il n*eût pa^ eu la foibleffe .de fe laiffer