privilégiés d’ entreprendre d’en reculer les bornes.
Ce peu de reffources qu’ont les médecins pour
atteindre à la certitude qui donne la pleine conviction
, ne leur permet que rarement d’affirmer fur
des objets qui ne tombent pais fous les fens ; ce n eft
auffi que dans la plus petite claffe d’objets que leur
miniftere devient véritablement utile au légiflateur.
Il fuffit de fe rappeller les différentes efpeces de
rapports dont j’ai parlé , pour en conclure qu’il eft
une foule de cas auxquels ils font applicables. Mais
on voit du premier abord l’impoffibilité de faire un
traité dogmatique qui embraffe tout , en affignant
à chaque objet le dégré d’importance qui lui convient.
C’eft par des cas particuliers qu’on peut faire
l’application des principes dont l’expofe feroit obf-
cur ou inintelligible fans ce fecours : d’ailleurs, dans
la plupart des circonftances , une décifion une fois
^adoptée , n’a pas force de loi pour l’avenir , parce
que les circonftances & les raifons d’intérêt ne font
pas toujours les mêmes.
Parmi les queftions de médecine relatives à la
jurifprudence, il en eft, comme on l’a vu ci-deffus,
qui donnent lieu à des rapports judiciaires , & d’autres
à des rapports politiques ou économiques.
Dans la claffe des premières font l’examen
Des foetus parfaits ou imparfaits, les monftres,
les avortons, leur baptême. Voye^ Av o r t e m e n t ,
M o n s t r e s , B a p t ê m e , ( Médecine levait. ) dans ce
Suppl.
L’avortement & fes caufes. Voy. Av o r t e m e n t ,
( Médecine Légale.') dans ce Suppl.
L’opération céfarienne. Voye[ O p é r a t io n c é s
a r ie n n e , (Médecine légale.) dans ce Suppl.
Les naiffances tardives & hâtives.
Les caufes du droit d’aîneffe dans les jumeaux.
L’infanticide. Voye^ In f a n t ic id e , ( Médecine
légale.) dans ce Suppl.
Les lignes de groffeffè. Voy. G r o s s e s s e , ( Médecine
légale. ) dans ce Suppl.
L’impuiffance, la ftérilité & autres caufes de divorce
ou de féparation de corps. Voye{ Im p u i s s
a n c e , ( Médecine légale.) dans ce Suppl.
Le v io l, la virginité Ôc fes lignes.
Les âges de la vie. Voyt%_ A g e s ( Médec. légale.)
dans ce Suppl. 4
Les maladies'générales, particulières ou organiques
, vraies ou limulées.
Les plaies , difformités, mutilations, les poifons.
Voyt^ Pl a ie s , Po i so n s , ( Médecine legale. ) dans
ce Suppl.
La mort, fes caufes, fes fignes. Voyei M o r t ,
( Médecine légale.) dans ce Suppl.
Les effets de la torture. Voye%_ T o r t u r e , ( Médecine
légale. ) dans ce Suppl.
Les miracles, les jeunes, difpenfes , &c.
Les maladies & guérifons furnaturelles , l’exta-
f e , &c.
L’incorruptibilité des cadavres, fes caufes.
Les fautes dans le traitement des maladies, ou
dans l’exercice de l’une des parties de la médecine.
Dans la claffe des queftions politiques ou relations
à l’ordre civil, font les confidérations générales
fur l’éducation phyfique des enfans, fur-tout
dans les maifons publiques , comme hôpitaux des
enfans-trouvés, &c.
L’examen des nourrices, l’inoculation. Voy. In o c
u l a t io n , ( Médecine Ltgale.) dans ce Suppl.
Les effets de l’air vicié fur le corps.
L’influence des états ou des profeffions fur la
fanté.
Les alimens, leur nature, leur choix ; l’examen
des farines, grains & plantes ufuelles ; l’examen des
eaux, des vins faliiflés ou gâtés , des viandes fraîches
, falées, &c.
La confidération des vêtemens , leur forme, leurs
inconvéniens, &c.
Les habitations , leur expofition, &c. prifonsï
cafernes , hôpitaux , camps , &c. les effets de la
proximité des étangs , des marais , du fumier, des
boucheries , des tombeaux ou cimetières, des manufactures
d’amidon , des tanneries, de quelques
autres arts , &c.
L’exploitation des mines , les eaux minérales.
Les grandes opérations dans les cas qu’on croit
défefpérés , les remedes nouveaux où douteux, les
effais en médecine.
Si l’on fe rappelle les différentes connoiffances
qui conviennent au médecin expert, & les précautions
qu’il doit obferver dans fes rapports, on verra
quelle eft l’étendue de fon miniftere , & quelles font
les lumières que le juge eft en droit d’en attendre.
Dans les rapports judiciaires, on ne demande que
des éclairciffemens fondés pour établir des faits,
ou des raifons conféquentes pour détruire les foup-
çons. Le témoignage des fens mérite ici la première
place : le médecin, accoutumé à l’obfervation
de la nature , voit mieux que le vulgaire , lorfqu’il
s’agit des corps animés. Mais eft-ce au feul témoignage
des fens qu’il faut borner les moyens dont il
difpofe ? Non fans doute ; l’efprit d’obfervation &
de réflexion , appliqué aux faits de la nature par
plufieurs médecins illuftres ; les découvertes utiles
dont ils nous ont enrichis par ce feul moyen, dé-
pofent bien clairement que leur miniftere s’étend au-
delà. Si le juge a le droit, en exécutant la lo i, d ’en
rechercher l’efprit ; s’il pénétré quelquefois dans
Pâme de l’accufé pour en découvrir l’intention &
les détours, il eft fans doute permis à l’expert, qui
ne quitte point fon ob jet, de réfumer les chofes
qu’il obferve , & d’en déduire les conféquences naturelles.
Qu’il parle des faits & des principes connus
; qu’il s’éclaire par d’autres faits à mefure qu’il
abandonne la route commune ; en un mot, qu’il
foit conféquent & qu’il fâche douter, il fera toujours
à fa place. L’expert ne peut être confondu avec
le témoin, que lorfqu’il dépofe ce qu’il a vu ; mais ,
lorfqu’en ulant de fes lumières, il apprécie des
fignes & remonte à la connoiffance des caufes, il
devient juge lui-même. {V. S u i c i d é , Suppl.) Je conviens
que l’impéritie de la plupart des experts a mis
des bornes étroites au dégré de-erédibilité qu’on leur
accorde ; le juge doit fouvent fe garantir de l’incon-
féqùence qu’on trouve fi communément dans les
rapports ; mais les^ fautes de l’artifte laiffent encore
à l’art toute fon énergie. En s’appliquant à choifir
parmi les hommes , & fur-tout dans les grandes
villes, on finira par trouver la reffource dont on
manquoit, & les bons efprits dirigés vers un objet
utile & grand , étendront nos vues & nos moyens.
Plan (£un traité de Médecine légale. Un traité de
médecine légale qui contient avec détail tous les cas
pit l’avis des médecins devient utile ou paroît Pêtre,
eft fans doute un ouvrage eftimable : nous en avons
plufieurs de cette èfpece dont le mérite eft reconnu,
& qu’on confulte dans l ’occafion ; mais fi l’on trouve
avec plaifir dans ces ouvrages l’efprit de recherche
qui éclaire ,p n les voit auffi défigurés par cette mal-
heureufe crédulité que l’ignorance & la fuperftition
produifirent dans les fiecles précédens. L’habitude
de dogmatifer , de définir, d’expliquer, étoit con-
tagieufe ; on n’en vouloit qu’aux mots, & l’expérience
négligée paroiffoit acceffoire à l’art de conf-
truire des théories. On eût rougi d’avouer l’impof-
fibilité de connoître la maniéré dont la nature enchaîne
fes opérations, de ne pas voir clairement la
liaifon des effeft & des caufes. Jamais l’efprit humain
ne parut fi avancé ; rien n’arrêtoit, & l’imagination
tenpit lieu de logique. Quelques connoiffiances
de plus nous ont appris à douter; on eft moins
confiant, & cette révolution utile a produit des notions
pofitives qu’on ignoroit, & en a diffipé de factices
que le tems avoit confacrées.
Nous n’avons point de traités châtiés, ils font
tous incomplets; quoique des médecins aient publié
de nos jours des ouvrages particuliers, marqués
au coin de cette philofophie, qui n’admet que de
bonnes preuves ou le plus févere analogifme, ils
n’ont pas tout dit, & l’on confulte trop fouvent,
par dilette, ceux qui n’ont pas eu lé tems ou le talent
de fi bien voir.
Il eft encore un obftacle d’un autre genre : on fe
repofe fur les anciens du pénible foin de difeuter
les faits & les probabilités; on refpeôe jufqu’à
lqurs erreurs, qu’une phyfique plirè faine & moins
vague, démontre être multipliées; il ne s’agit que
de favoir compiler, & le feul poids des autorités
balance laraifo.n, & prévaut quelquefois fur Eévi-
dence. Des experts éclairés, dont les connoiffances
n’étoient point fowmife™ ce jou g, ont ofé quelquefois
dans des mémoires particuliers, s’élevèr contre
cet abus; ils ont été combattus par d’autres médecins
moins philofophes ; on leur a fait un crime
de penfer par eux-mêmes, comme s’il n’étoit pas
permis à tous les hommes de confulter la nature, &
d’en arracher quelquefois des vérités utiles. L’incertitude
des juges s’eft accrue par celle des opinions ;
il falloit être médecin pour décider entre les deux
partis, & l’on abandonnoit au hafard une décifion
qui intéreffoit la fortune ou la vie des citoyens.
Tant d’inconvéniens & quelques événemens fusettes,
annoncent l’extrême utilité d’un travail fur
la médecine légale, qui en embraffant tous les objets
fur lefquels les médecins font des rapports en juf-
tice, n’établiffe d’autres principes que ceux qui font
avoués par la bonne obfervation ou par l’expérience;
qui apprécie févérementnos connoiffances pofitives,
& les diftingue des conjecturales ; qui préfente en
un mot le tableau des faits & celui des opinions:
mais ce travail eft l’ouvrage du tems, & fur-tout
celui de l’expérience confidérée fans • prévention.
Affez de fiecles ne fefonfpas écoulés, & trop peu
d’hommes fe font dfccupés de cet objet, pour qu’il
foit poffible de fubliituer un édifice également fou-
tenu dans toutes fes parties, à ceux dont j’ai prouvé
le peu de folîdité. Je fens que je n’ai pas beaucoup
à dire, & que je mets le plus fouvent le doute rai-
fionné la place du dogme : mais on n’approche de
la vérité que par des pas fucceiîifs.
Il me paroît utile dans un traité de médecine légale,
de confidérer l’homme dans fes rapports ?*i°.
avec les loix naturelles, i ° . avec les loix civiles
3®. avec les loix religieufes. S’il fe trouve entre ces
divers rapports, ou entre les loix qui les font naître,
des contradictions frappantes, ce n’eftpasau médecin
à les concilier, mais il lui convient de les mettre
en évidence.
i°. L’objet effentiel du médecin, c’eft de guérir
ou de conferver; mais l’imper fedion defon art l e ’
met fouvent dans le cas d’ufer de moyens violens
qui femblent attenter aux loix de la nature. De-là j
naiffent les queftions fuivantes :
Eft-il permis d’effayer un remede nouveau ou inconnu
? Dans quel cas ? Sur quels fujets ? . •
Peut-on pratiquer certaines opérations de chirurgie
, telles que les amputations, & c . dans des cas. oh
elles ne font pas abfolument qéceffaires ? La volonté
ou malade fuffit-elle p%ur excuier le chirurgien? La
feule répugnance du malade doit-elle empêcher de
Li pratiquer, lorfqu’elle feroit évidemment utile ?
L opération cefarienne. eft - elle conforme, aux loix I
de la nature. La pratique de l’inoculation eît-elle
auffi avantageufe à l ’homme Amplement fournis aux
loix naturelles, qu’elle l’eft àfcun état dans lequel les
loix civiles favorifent la population?
Peut-il être permis d’ufèr des remedes abortifs
dans le cas oit une femme enceinte mal conformée
eft dans un danger de mort évidente ? Peut-on dans
ces circonftances tuer un foetus dans le fein de fa
mer pour l’extraire enfuite par pièces?
La crainte de la contagion autorife - 1 - elle à
tuer le malheureux qui pourroit la communiquer
?
Le médecin peut-il être forcé à courir les rifques
d’une épidémie mortelle, dans la vue de fecourir,
fes femblables ?
Peut-on raifonnablement enjoindre à un médecin
ou à un chirurgien de traiter tous les malades
d’une même maladie , félon une méthode déterminée
, pour fi bonne & fi falutaire que cette méthode
paroiffe ?
Y auroit-il moins d’inconvénient à laiffer le traitement
à l’arbitrage du médecin ?
Un médecin e f t- il coupable pour avoir refté
dans l’inaCtion durant une maladie mortelle , fous
prétexte qu’il attendoit l’effort de la nature ? &c.
20. Le miniftere du médecin a des relations encore
plus étroites avec l’ordre civil. J’ai traité ci-
deffus les principaux objets relatifs aux loix criminelles
& aux loix politiques-: il importe peu d’ailleurs
qu’en traitant ces queftions, on les foumette
à la marche compaffée qu’ont introduite les fcholaf-
tiques. La clarté dans l’expofition fait ici le premier
mérite ; & comme on a toujours en vue la vie, la
fanté , les fondions des organes & la mort, ces
différentes queftions s’éclairent & s’expliquent les
unes par les autres. L’objet du médecin dans les
caufes criminelles, eft d’établir i° . le corps de délit
par les fignes évidens que fa profeffion le met en
état de difeerner; î t d’en rechercher la caufe, &
•déterminer-par la forme & les circonftances des lé-
fions, leur fiege & leurs rapports, fi elles ont été
faites naturellement, par hafard, ou à déffein. 30.
Si parmi dîfférens fignes qui établiffent le corps de
délit, il en eft qui foient indépendans les ims des
autres, & qu’on ne puiffe pas rapporter aux mêmes
caufes. Ainfi- un homme déjà maltraité par des
coups, peut être faifi d’une apoplexie mortelle. Une
femme qui vient d’avorter peut n’avoir été qu’émue,
&c. La bile répandué dans un violent accès
de colere, peut produire fur les inteftins tous les
fignes de poifon. 40. Si le corps de délit n’eft caufé
que par la fimple omiffion des précautions qui au-
roierit pu le prévenir. 50. S’il y a eu impoffibilité
d’obferver ces précautions. Voyeç Infanticide,
Avortement , Suppl.
Dans les caufes civiles, comme impuiffance, ftérilité,
groffefl'e, part légitime, &c. le rapport du
médecin eft fondé fur l’examen des fujets ou fur
les dogmes appuyé.s par des obfervations de tous le s
fiecles. C’eft fur-tout dans ces queftions que le médecin
eftjuge ; mais c’eft auffi dans ces mêmes quef-
tions qu’il doit le défier de fes lumières.
La fociété pu l’ordre public interroge auffi le mé-'
decin fur des objets économiques ,. & ce ri’eft que
l ’expérience dans fa profeffion ou les connoiffances
variées donfril eft muni, qui le mettent en état de
remplir fes vues. Voye^ ci-deffus.
Ces dîfférens objets me paroiffent préfenter une
divifion naturelle eh trois claffes ; la première contient
les queftions de droit criminel ; la fécondé ,
celles cfe aroit civil ; & la troifieme * celles de droit
politique pu économique. *
30. Les canons ou les loix religieufes* impofentà
l’homme des devoirs d’un autre genre ; la juftice civile
en garantit l’obfervation , & les tribunaux ec-
cléfiaftiques jugent conjointement avec les tribunaux