
II appaife tdfoif des filions dé Italie ;
E t ce fiiUvtlaJJe, par cinq bouches enfin1
D'u golph'e Adriatique efifié le vafie fitiri.
Attentif autrefois à [‘éloquente audace
De la lyre docile aux doigts fàvâns eCHorace. ,
Captifde fis accords , il fiifpïndoît f in cours ,
Soit que Flaécus perdit dans f \b tendres amours ,
Célébrât fa Lydie & fin hiirneUr badine,
Ou bien de fa C/iloé la pudeur enfantine }
Soit qu d(fis à C écart fous des arbres touffus,
Du fameux Mecénâs il chantât les vertus,
E t que re'côfinôïffaht des dons de Melp'drricne ,
Aux rïclièjfes d' Attdle il préférât fa veine.
Et toi, 'Bu dieit des vers le plus cher favori ,
Tu fréquentas foUvent ce rivage fleuri',
Virgile , & Cair pompeux de tel chants héroïques ,
Frappoient déiondenient fis hyfnphïs aquatiques :
Le fleuve intetdifoii le murmure à ftS flàts ,
Quand dé I lion en feu tu fàuvois totï héros,
'Et le minois vainqueur a là riche Aufonie,
Deflinépar le fort au lit de Lavidie , 6cc.
Ce fleuve & tous les autres qui fe diftinguent dans
les différentes parties de l’univers , fe mettent à
table, & Thétis , par ordre de Neptune, y place le
dieu del’Y , au-cleffus de tous les autres. Plufieurs
divinités s’en forrnalifent-, mais fur-tôutle dieu pré-
fompiueux de la Seine , qui après avoir caché fon
indignation pendant quelques momens , échauffé
davantage pa rle vin, éclate contre l’Y en paroles
injurieùfes ; il lui reproche la petite étendue de fon
cours , le mépris où il étoit quelques fiecles auparavant,
6c fur-tout la baïleffe de fa naiflance. Il éleve
au contraire le vafte cours de fes propres ondes,
6c la nobieffe de fon origine , & même il égale fes
flottes à celle de l’Y , qui, félon lui peuvent feules
fer vif de prétexte à l’orgueil d’un fi vil marais. Il
s’attache même à turlupiner le nom de fon ennemi,
& à trouver dans là feule lettre qui compofe ce
nom , un rapport exaft avec la bafleffe du dieu qui
le porte.
Dès que la Seiné a éyapôré fa bile, l’Y fe leve'&
lui répond avec autant d’éloquence que de modeftie
& de flegme. Il prend la Seine elle-même'.à témoin
de fa puiffance , auffi-bien que les autres fleuves de
l’univers, avec lefquels il lie une amitié étroite, par
les vaiffeaux qu’il leur envoie. Pour ce qui regarde
la nobieffe , il dit que le jotïg des Romains avoit
commencé e donner de la réputation à. la Seine ,
dans leterris que P Y avoit toujours'maintenu fa liberté
contre l’ambition des maîtres du monde, que les
dieux des eaux les plus puirtans ne dédaignoient pas
fon alliance ; & quant-à la petiteffe qu’on lui obje&e,
qu’on fait bien que les corps les plus pefansnefont
pas toujours les <plus fofts , 6c que les empires trop
étendus font forivent accablés par leur propre
grandeur. A l’égard de fon nom,, il fou tient qu’il
ne doit pas fembler fi méprifable, puifque Pytha-
gore avoit trouvé dans la lettre Y un emblème de
la deftinée des hommes. Ce difeours ne fait qu’enflammer
davantage la çolere du dieu.de la Seine; il
s’adreffe àTËbre, & le traite de lâché, pùifqu’il étoit
infenfible à la fiétté dit fujét rebelle, qui feroit bientôt
remis fous lè j'ôug de fon ïftàître, fi c’étÔit contre
lui qu’il élit éu l’audace de fe ‘révolter. L’Ebre
répliqué d’ün to’ri graVe, que‘la haine qui l’àVoit
animeautrefidis cbntrè l’Y , àYoit été purifiée par le
feû de la guèvfVe,!& qu’il l’avoit recoYinu poür libre,
fans garder contré'lui lè moindre réffentimeht ; que
la lâcheté qu’on lui reproche 'ëtbit affez réfutée par
fes vi&oires cofitréTes "Sarrafirts. Enfin, il prie la
Seine de fe refToùveriir combien ‘de tems fes eaux
a voient été éfclaves delà Ta mi fe. La querellé s’échauffe
, cependant la Seine faifitTEbre, 6c c’étoit
fait de lui, fi la mer Baltique, la Tamife & l’Y , ligués
enfemble, ne l’avoient arraché des mains de fon
ennemi , qui déjà avoit déchiré un pan de fon
manteau. Neptune enfin appaife le tumulte, 6c maintient
l’Y dans fon rang, comme fon plus digne favori.
On voit affez que cette fiétion eft une allégorie de
l’invafiôn de la France dans lés Pays-Bas Efpagnols
6c de la triple alliance.
Après avoir décrit l’origine dé l’Y , l’auteur s’attache
à dépeindre l’autre bord de cette riviere, embelli
par quelques villes de la Nort-Hollande. Elles
fourniroient une matière affez feche à un poème
héroïque, fi l’imagination fertile de M. Antonides
ne (avoit fuppléer à ce défaut, 6c fi des moindres
fujets, il ne favoit tirer de quoi orner 6c enrichir
fon ouvrage. En parlant d’Edam autrefois appellé
Ydamy c’eft-à-dire , digne de l 'Y 9 il rappelle l’ancienne
fable d’une firene prife auprès de cette ville
par des pêcheurs : il en fait une efpece de fiby lie, en
lui prêtant une longue & magnifique prédiftion de
toutes les cataftrophes que les Bataves dévoient fur-
monter, avant que de parvenir à cette puiffance dont
l’auteur a donné de fi grandes idées. Cette prophétie
eft un abrégé de tonte Fhiftoire de Hollande ; & ce
n’eft pas l’endroit de l’ouvrage fur lequel les fleurs
de la poëfié font répandues avec le moins de pro-
fufion.
La firene finit par tracer un affreux tableau de ces
batailles navales qui fe doivent donner un jour fur
les côtes de Hollande, entre cette république 6c l’An-
gletérre. Voici comme l’on a traduit, ou plutôt
imité cet endroit.
Vous verre^, vous verrez, fiers voifins de ces eaux
Rome & Carthage encor fe heurter fur les flots.
C'en eft fa u , armer-vous, alle^, peuple^yosflottesÿ
D ija rAngîois altier vient foudroyer vos cotes.
L'intrépide Frifqn , le vaillant Zèlandois,
Pleins d'une noble ardeilr vont foutenirvos droits.
Qu entens-je, jufles dieux, quels éclats de tonnerre
Font bouillonner la, mer, &• trejfiillir la terre?
'Neptune efl éperdu quand lé cruel métal
Vomit par-tout la mort de fon ventre infernal,
L'Océan efi en feu , de carènes brifées
Je vois flotter par-tout les côtes fraceiffées t
Le rivage fe fend, crains , Pluton, que les mers ,
Par leur fond déchiré n'inondent les enfers.
De Cépaijj'e fumée un horrible nuage
'Du foléil qui recule obfcurci't le vif âge,
Les inflrumens guerriers par leurs accords bruyans
Accofnpagnent les cris des héros expirans.
Quelle nouvelle horreur? Une mine flottante ..
Porte au ciel de guerriers une troupe mourante ,
Qui y brûlés dans les airs, par un étrange fort
Rencontrent dans la mer une fécondé mort.
Tout l’ouvrage finit par un difeours aux magistrats
d’Amfterdam, à la fageffe defquels l’auteur rapporte
, avec raifon, la richeffe de cette puiffante
ville qui, fans contredit, eft une des mieux policées
de tout l’univers.
Si ce poemè ne mérite pas le nom d'épique y que
nous lu i avons donné , parce q u ’à l’égard de fon fu-
jet & de fon ordonnance j il différé beaucoup dff
Y Iliade & de l’Enéide, il nous paroît pourtant qu’il
n’eft pas indigne de ce titre , par l’heureufe fiûion
qui y regrie , par la nobieffe des penfées, & par la
grandeur de l’expreflion. Hoogftraten préféré ce
chef-d’oeuvre d’Antonides à tout ce que Vondel a fait
de plus beau; nous n’oferions adopter ce jugement.
Mais ce qu’Antonides a de commun avec Vondçl,
c’eft de mêler quelquefois des termes bas auxexpref-
fions les plus fublimes, c’eft d’avoir des phrafes entortillées
, dont la conftru&ion eft difficile à trouver,
c’eft de racheter ces petits defauts par le feu du gén
i e ^ par la richeffe inépuilable de fon imagination;'
c’eft de forger louvent des termes heureufement
combinés , qui donnent beaucoup de force à la langue
hollandoife.
Luc Rotgans fuccéda aux deux poètes précédons
& peut-être il les furpâffa, fi l’on compare ouvrage
à ouvrage, ôc non génie à génie. ^
IsTé d’une famille diftinguée & alliée à tout ce qu’il
y a de plus illuftres magiftrats à Amfterdam, Rotgans's’appliqua
d’abord aux etudes, & fit beaucoup
de progrès dans les humanités; mais dans les triftes
conjonctures de l’annee 1672, pouffe d un noble
defir de contribuer à la confèrvation dé fa patrie ,
il prit le parti des armés ; après être parvenu à la
qualité, d’enfeigne, il fe dégoûta de ce métier, & fe
retira à une maifon de campagne, fituée fur le Vegt,
petite riviere entre Amfterdam & Utrecht : les rivages
en font un jardin perpétuel, & l’on y voit avec
admiration un nombre infini de maifons de plaisance
extrêmement embellies. C ’eft dans ce féjour
fi délicieux que Rotgans goûta les agrémens de la
retraite. La paix étant enfuite conclue entre la Hollande
& la France, il trouva bon d’aller voir cette
redoutable monarchie, d’o ùs’étoitlevé le nuage qui
avoit crevé avec tant de fureur fur fa patrie. Après
fon retour , il le maria avec une demoilelle Salen-
g re , qu’il ne pofféda pas long-tems. Il fe confola
d’une perte fi fenfible avec les mufes , & il s’adonna
entièrement à faire un parnaffe de fon agréable maifon
de campagne. Il y compofa plufieurs pièces de
vers qui ont été raffemblées en un volume 6c magnifiquement
imprimées par Halma , ami de l’auteur
, imprimeur renommé, & poète lui - même.
Comme Halma a voulu diftinguer chacune des pièces
, & qu’il eft arrivé par là que quelques pages
font reftées à moitié vuides, il les a remplies de fes
propres vers, qui contiennent, ou quelques réflexions
fur les mêmes fujets , ou quelques éloges fur
la maniéré dont ils font traités. Mais afin qu’on ne
confondît point fes vers 'avec ceux de Rotgans, il
les fit imprimer dans un autre caraâere, 6c même il
eut foin d’y mettre fon nom. C ’eft aux connoif-
feurs en poëfie hollandoife à juger fi cette précaution
étoit néCeffaire.
La vie de Guillaume I I I , eft l’ouvrage le plus
confidéràble de ce poète Hollandois. C’eft-un poème-
épique dans les formes, & parconféquent, c’eft par-
là fur-tout qu’on peut juger du génie de l’auteur.
. Quelques critiques prétendent que les poètes
Hollandois l’emportent fur les François pour ce
qui regardent l’épifode ; une analyfe exaâe de ce
poème pourra juftifier ou détruire cette opinion.
Si nous écrivions en hollandois y nous pourrions
faire fentir la beauté de la verfification de M. Rotgans
6c la grandeur de fes penfées avec le choix 6c
la force de fes exprefiîons ; au lieu -que nous fouîmes
obligés de ne donner que le plan de cet admirable
ouvrage , qui eft divifé en huit chants.
Chant, 1. Le jeune héros fe trouve fur mer avec
fa flotte, pour aller époufer la princeffe Marie. Les
vents .6c les dieux marins favorifent fon vôyage.
Galathée fur-tout s’empreffe de féconder les voeux
de cet illuftre amant; elle s’intéreffe tendrement
au fort des amoureux , ayant été el,lè-même fenfible
autrefois pour l’aimable Acis, dont elle raconte
la malhéureufe fin aux néréides fes compagnes. Protège
de toutes ces divinités , le prince approche de
la Tamife ; la déeffe du fleuve s’orne magnifiquement
pour recevoir un héros fi digne de fon.'eftime.
En le voyant, elle fe remet dans l’efprit les avions
éclatantes qui'l’avoient rendu illuftre dans un âge
fi peu avancé, 6c les cruelles batailles de mer que
les Bataves avoient, fous fes aufpices-, livrées aux
Anglois : elles font décrites ici avec tout le fublime
requis poür des objets fi grands 6c fi terribles.
Guillaume eft reçu dans Londres avec une magnificence
royale ; il voit avec la plus tendre latisfac-
tion la charmante princeffe, dont les attraits avoient
déjà fait de profondes impreflions fur fon coeur dans
un autre voyage : il lui déclare fa paffion ; 6c cette
princeffe , dont la vertu guidoit toutes les démarches
, charmée des grands fentimens & de la réputation
du jeune héros , ne dédaigne pas un amant
fi digne de fa tendreffe. Le mariage s’accomplit avec
une pompe fupérieure à celle qui parut à l’hymenée
de Pelée 6c de Thé tis. Après que (époux a conduit
la princeffe au lit nuptial, les grands feigneurs Anglois
prient un des favoris du héros de leur donner
un détail exaÛ de fes grandes avions, dont ils avoient
déjà été inftruits par la renommée.
Chant II. L e favori fatisfait à leurs defirs : il commence
par donner une defeription pathétique des
malheurs où la Hollanfie fut plongée par les armes
de la France, lorfque Louis le Grand, avec la rapidité
de la foudre, fe rendit maître de quatre de fes
provinces.
La valeur du prince devint bientôt néceffaire à
un pays deftiné à être foutenu par la maifon de
Naflau : d’abord il s’oppofa en vain à ce torrent. La
prudence 6c la bravoure du général agiffent fans
fruit, fi elles ne font fécondées par la bonté 6c par
le nombre des troupes. Le fiege de Woerden réuffit
mal au jeune héros, par la trahifon même d’un fujet
de l’état: l’hiver cependant approche, & la gelée
rend inutile la plus forte barrière de la Hollande.
Le duc de Luxembourg fe prépare à envahir cette
province, il anime fes foldats au viol 6c au carnage,
6c à n’épargner nichofes facrées, ni chofes prophanes.
La providence diflipe fes projets. Un dégel fubit arrête
fa marche & l’empêche de pénétrer jufqu’au
coeur du pays ; les foldats furieux de voir leurs efpé-
rances trompées , 6c fe reffouvenant dès préceptes
de leur chef, lâchent la bride ‘à leur cruauté, &.ren-
chériffent fur tout ce que la rage des barbares a jamais
inventé de plus horrible.
Bientôt après le brave Rabenhaupt furprend, par
la glace, la ville de Coeverden, la clef de la Frife 6c
de la Groningue, 6c l ’agréable nouvelle de cette vie*
toire commence à relever l’efpérance des malheureux
Bataves. Le printems approché, 6c le prince
affiege Naerden, ville forte & très - importante , qu’il
prend après une vigoureufe réfiftance. Les Impériaux
6c les Efpagnols viennent enfin au fecours de leurs
alljés; le général des Hollandois les joint : il affiege
Bonn, s’en rend maître, 6c les François effrayés de
cette nouvelle viftoire, abandonnent la province
d’Utrecht, 6c une grande partie de leurs autres conquêtes.
Les peres de la patrie charmés de la conduite
6c des fuccès de leur défenfeur , l’élevent aux dignités
de fes peres, & après qu’il a paffé l’hiver à préparer
tout avec-foin pour là campagne prochaine , il
fe joint de nouveau aux alliés. Les armées ennemies
s’approchent, 6c c’eft alors que fe donne la célébré
bataille de Senef, où le prince, à peine forti de l’enfance
, partage le péril 6c la gloire avec ce que la
France & toute l’Europe a de généraux les plus intrépides
& les plus expérimentés. La defeription de
ce combat eft un chef - d’oeuvrè, aufli bien que celle
du fiege: 6c. de la prife de Grave par le même prince.
C’eft * là que finit le récit & le fécond livre. .
ÇhanèIII. Après toutes les folemnités nuptiales ,
Guillaume prend congé du roi Charles, qui l’entretient
fur lés horreurs d’une guerre où le prince avoit
déjà acquis tant de gloire, 6c s’offre pour médiateur.
Le héros s’embarque avec fon illuftre époufe ; Neptune
careffe les ondes de fon trident 6c les appàjfe •