fait de puiffans ennemis, 6c ils le deffervirent tant,
que le pape ref.ifa de lui accorder les honneurs de
la pourpre. Jean fe fentit très-offenfé; 6c fifon ref-
fe miment n’éclata point alors, il n’en eut pas dans
la fuite des effets moins fâcheux : mais lorfque Clément
XI rejettoit cette demande, le roi de Portugal
avoir dans fa famille des fujets de chagrin qui l’oc-
cupoient tout entier ; foit par des vues de politique,
foit par des raifons d’économie, il preffoit vivement
fon frere donEmmanuelde prendre les ordres facrés:
cet état ne convenoit point du tout à don Emmanuel,
qui après s’être long tems refufé aux follicitations de
fon frere , fatigué enfin d’une importunité qui ne fi-
niffoit pas, quitta fecrétement la cour, s’embarqua
pour la Hollande, échappa au vaiffeau que le roi
avoit envoyé à fa pourfuite , & entra au fervice de
l ’empereur contre les; Turcs : la fuite précipitée dè
don Emmanuel n’étoit pas la feule affaire qui occupât
Jean y. Il venoit d’établir à Lisbonne des académies
d’arts, de fciences, de belles-lettres; l’inqui-
fition n’avoit vu qu’avec des yeux jaloux ces éta-
bliffemens fi funeftes à l’empire de la fuperftition.
L’inquifiteur s’étoit plaint amèrement ; 6c fes plaintes
n’ayant fait aucune fenfation , il s’étoit formellement
& très-audacieufement oppofé à l’érettion
de ces académies : le roi Jean V traita avec mépris
cette oppofition, menaça l’inquifiteur de le punir de
fon infolence, & protégea les nouvelles académies,
qui n’ont pu cependant encore prévaloir en Portugal
contre l’inquifition. Toutefois, ces tracafferies
n’empêcherent pas le roi de donner la plus grande 6c
la plus vigilante attention à tout ce qu’il croyoit
pouvoir contribuer au progrès du commerce national;
il fit à ce fujet d’excellens régleme'ns, des loix
fages , 6c les inftitutions les plus utiles; 6c ce fut au
milieu de ces occupations importantes , qu’il maria
don Jofeph, prince du Bréfil, avec dona Marie-
Anne-Viôoire , l’aînée des infantes d'Efpagne, 6c
dona Marie infante de Portugal, avec don Ferdinand
, prince des Afturies. Jean V n’avoit point oublié
le refus de Clément X I , & il le follicita de nouveau
en faveur de l’abbé Bichî ; mais il efluya encore
un refus plus marqué que celui qu’il avoit reçu
précédemment. Ce procédé ulcéra profondément
Jean V , qui défendit tout de fuite à les fujets d’avoir
déformais aucune communication avec le faint
liege ; aux eccléfiaftiques de s’adreffer au pape pour
en obtenir des bulles, donnant au patriarche de Lisbonne
le droit d’accorder des difpenfes, de juger les
affaires eccléliaftiques en dernier refl’ort , enfin ,
d’exercer à-peu-près toutes les fon&ions de la papauté.
Jean ne pouffa plus fon reffentiment aulîi
loin qu’on croyoit qu’il le porteroit. Benoît XIII,
qui avoit fuccédé à Clément, mourut ; le roi de
Portugal fe réconcilia avec le fucceffeur de ce
pape, & parut defirer li fort ce raccommodement
, qu’il ne fongea pas même à infifter fur
l ’élévation de Bichi au cardinalat. Le relie du régné
de Jean fut très-pacifique, à quelques démêlés près,
foit au fujet du cérémonial dont il étoit fort rigide
obfervateur, foit au fujet des prérogatives de fon
rang, dont il fe montra toujours extrêmement jaloux.
Il s’étoit propofé de ne' jamais entrer dans les
différends qui pourroient furvenir entre les puiffances
Européennes , & il ne s’écarta point de l’on plan ;
enforte que depuis l’époque du traité de paix qui
avoit mis fin à la guerre qui s’étoit élevée au fujet
de la fucceflion d’Efpagne , le Portugal jouit du
calme le plus paifible pendant toute la durée du régné
de ce fouverain, qui, épuifé par le travail alfidu
auquel il s’étoit livré pour le bien de fes fujets » mourut
le 31 juillet 1750, âgé de 60 ans , après avoir
tenu lefceptre pendant 43 années. Il avoit pour maxime
de ne jamais embraffer un parti qu’après avoir
mûrement réfléchi fur fes avantages & fes inconvé-
niens ; mais il fut dans le confiant ufage de ne jamais
abandonner le parti qu’il avoit pris, 6c il étoit à cet
égard de la plus inébranlable opiniâtreté. Du refte,
./eflflfutminutieufement dévot, il n’eut tenu qu’à lui
d’anéantir le tribunal de l’inquifition ; mais il ne l’ofa
point, 6c en cela, ce prince fut d’une malheureufe
pufillanimité. ( L. C. )
Jean , ( Hifl. du Nord. ) roi de Danemarck , de
Suede 6c de Norwege. Il étoit fils aîné de Chriftiern I.
Après la mort de ce prince, arrivée l’an 1481 , Jean
réclama la promeffe que les états de Suede , de Danemarck
& de Norwege avoient folemnellement
jurée, de placer les trois couronnes fur fa tête, 6c
de rétablir la célébré union de Calmar. Il convoqua
à Helmftadt une aflemblée des députés des trois
royaumes ; ceux de Danemarck 6c de Norvège le
proclamèrent ; mais ceux de Suede manquèrent au
rendez-vous. L’adminiftrateur Steenfture leur avoit
ordonné de s’y trouver ; mais fes ordres ne furent
point exécutés , ou plutôt cette défobéiffance étoit
combinée avec lui, parce qu’il craignoit que l’éleétion
de Jean ne lui enlevât l’autorité dont il jouiffoit en
Suede. Malgré lès efforts de Steenfture, Jean fut
proclamé à Calmar. Il ne reftoit à l’adminiftrateur
d autre reflource que d’impofer au nouveau roi des
conditions difficiles à remplir, dont Pinfradion dégageait
les Suédois du ferment de fidélité. Ce moyen
lui réuffit. Après bien des débats, Steenfture voyant
le roi Jean déjà maître du Gothland , céda à la fortune
6c rendit hommage au nouveau roi, l’an 1487*
A peine fut-il retourné en Danemarck, que l’adminifc
trateur reprit le cours de fes complots, & foule va la
Suede. Jean étoit un de ces efprits flegmatiques qui ne
s’échauffent que lentement 6c par dégrés, mais dont la
colere ne peut plus s’éteindre, lorfqu’elle a une fois
éclaté. Avant de prendre les armes, il voulut tenter la
voie de la négociation : elle ne lui réuffit pas ; 6c les
délais de Steenfture rendirent inutile une aflemblée:
indiquée à Calmar. Cependant Jean avoit engagé les
Rufles à porter le fer 6c le feu au fein de la Finlande
; la difgrace de Steenfture, en 1497 > ranima
fes efpérances. II parut, fit des conquêtes, gagna
Une bataille , fut une fécondé fois reconnu par.l’ad-
miniftrateur,& reçut la couronne des mains de l’archevêque
d’Upfal. L’année fuivante, 1498, le jeune
Chriftiern, fon fils, fut proclamé l’héritier du trône*
L’autorité du roi s’affermiffoit de plus en plus , lorf-
qu’une démarche ambitieufe lui fit perdre le fruit de
tant d’efforts ; il voulut àffervir les Dythmarfes, fut
vaincu, s’enfuit dans le Holftein avec les débris de
fon armée, 6c fut contraint de demander la paix.
Steenfture faifit des circonftances fi favorables à fes
deffeins. Les Suédois révoltés le mirent à leur tête ;
une partie des Norvégiens fe joignirent à eux ; le
château de Stockholm fut emporté., 6c la reine, que
Jean, fort époux, y avoit imprudemment laiffée, fut
faite prifonniere. Au milieu de ces troubles, l’un des
chefs des rébelles fut aflaffiné en Norvège, 6c Paul
Laxmann, maréchal de la cour, eut le même fort.
Ce dernier attentat s’étoit commis à Copenhague ,
6c le roi renvoya les affaffins devant le tribunal des
élefteurs de l’empire ; ce qui fit foupçonner qu’il
n’étoit pas intéreffé au châtiment de tous les coupables.
Cette conduite étoit d’autant plus dangereufe,
que le roi fembloit par-là rendre une efpece d’hommage
aux empereurs, qui avoient fou vent prétendu
compter les rois de Danemarck au nombre dé leurs
vaffaux. La fortune parut changer ; Chriftiern , fils
de Jean , tailla en pièces les rébelles de Norvège ,
l’an 1503 : il fit même quelques conquêtes en Suede j
mais Steenfture eut bientôt réparé ces pertes. Jean ,
en
en armant le duc de Mecklenbourg contre la république
de Lubeck , la força à fe détacher de l’alliance
de la Suede. Il lança en même tems un arrêt
par lequel il condamnoit les rébelles , c’eft-à-dire ,
tous les Suédois, à perdre leurs biens, &c.. . . L’empereur
Maximilien ratifia, cet arrêt, comme fi la Suede
eut été une de fes provinces. La guerre étoit à chaque
inftant fufpendue par les délais de Steenfture ,
qui propofoit toujours d’entrer en négociation , 6c
qui n’y entroit jamais. Malgré fa longue expérience,
Jean fut toujours la dupe de ces rufes politiques. Ce
fut alors que ce prince pouffé à bout vengea d’une
maniéré affreufe tous les outrages qu’il avoit reçus.
Il ravagea 1^ Scanie , & fit un défert de cette province
fur laquelle il vouloit régner. Steenfture n’étoit
plus. Les Suédois, las de défendre leur liberté expirante,
s’engagèrent à payer une fomme de treize mille
marcs d’argent, jufqu’à ce que le roi ou fon fils
Chriftiern fut reconnu d’un concert unanime par la
nation. Jean mourut l’an 1513. On lui pardonnera
peut-être le ravage de la Scanie , lorfqu’on fongera
combien de fois il avoit pardonné aux rébelles ,
combien de négociations il avoit entamées pour les
faire rentrer dans le devoir. Il étoit d’un caraélere
doux, fon jugement étoit fain, fes intentions droites,
fa générofité dirigée par un goût épuré. C’étoit parmi
les membres de l’académie de Copenhague qu’il
choififfoit fes ambafladeurs. Il fit de grandes fautes en
politique ; il efluya de grands échecs dans la guerre ;
6c parmi fes malheurs, on peut compter celui d’avoir
été pere de Chriftiern II. (Af. d e Sacy. )
J e a n , ( HiJl. de Suede.') roi de Suede, étoit fils de
Guftave Vafa 6c frere d’Eric X IV. A peine Ericétoit-
il monté fur le trône, l’an 1560, qu’il traita fes freres
en fujets, 6c peu s’en faut en efclaves ; il leur refufa
une partie de leur apanage, 6c ne leur céda quelques
principautés , qu’en les condamnant à les perdre, fi
jamais ils ofoient lui défobéir. Leurs vaffaux dévoient
relever immédiatement de la couronne. C ’eft ainfi
qu’Eric vouloit fubftituer le defpotifme au gouvernement
féodal. Le prince Jean étoit fur-tout indigné
d’une fervitude qui bleffoif la fierté de fon caraélere.
Mais comme il ne trouva pas dans fes freres le même
courage dont il fe fentoit animé , il époufa Catherine
, princeffe de Pologne, 6c fe fortifia de l ’alliance
de cette république. Ce mariage, célébré l’an 1562
malgré le roi Eric, lui donna de juftes allarmes fur
la fidélité de fon frere. Il le fit aflïéger dans le château
d’Aboo , l’an 15(53. Jean fe défendit avec intrépidité
; mais la place fut emportée par ftratagême.
Le duc fut fait prifonnier avec fa famille : il fut condamné
à perdre la tête comme rébelle. Quelque rigoureux
que fût cet arrêt, Jean auroit dûfe fouvenir
dans la fuite , lorfque fon frere tomba entre fes
mains, que celui-ci lui avoit fait grâce de la vie 6c
avoit changé la peine de mort en une prifon perpétuelle.
On prétend qu’Eric, partagé entre le remords
6c la haine, âlloit quelquefois au château de Gripf-
holm où languiffoit fon frere ; qu’il y entroit, réfolu
de l’affaffiner ; que fa colere expiroit, dès qu’il voyoit
ce malheureux prince , 6c qu’il fortoit toujours le
coeur ferré & les yeux mouillés de larmes. Enfin l’an
15 6 7 , il rendit la libèrté au duc qui jura d’être à
l ’avenir le plus fidele 6c le plus fournis de fes fujets.
Il renonça pour jamais à la couronne , 6c s’impofa
d’autres conditions di&ées par la néceffité 6c bientôt
violées par l’ambition. Eric avoit accumulé crime
fur crime ; le peuple l’avoit en horreur : la révolte
n’attendoit qu’un chef pour éclater. Les freres du
roi fe liguèrent, levèrent des troupes, appelèrent
l’etranger à leur fecours, affiégerent Eric dans Stockholm
, fe faifiretït de fa perfonne 6c le jetterent dans
une étroite prifon. Il y fouffrit des maux qu’il n’avoit
pas fait effuyer au duc Jean, lorfqu’il l’avoit tenu
Jçme l l l %
dans fes fers. Celui-ci fe faifoit un jeu d’infulter
aux malheurs de fon frere, 6c de redoubler fes tour-
mens. Ce fut au milieu de ces foins cruels, 6c plus
dignes d’un bourreau que d’un prince , que Jean fut
proclamé, l’an 1568. U commença par écarter du
gouvernement Charles, fon frere, avec qui il avoit
promis de le partager ; fit fa paix avëc le czar, 6c
défavoua la conduite de fes ambafladeurs qui avoient
conclu avec le Danemarck un traité ignominieux*
En donnant à fon frere quelques provinces qu’il ne
pouvoir lui refiifer , il força les habitans de ces contrées
à promettre de ne jamais placer fur le trône
d’autre prince que fes defeendans. La guerre fe ralluma
bientôt avec la Mofcovie ; la Livonie étoit le
tifonde difeorde entre les deux puiffances. Jean, attaqué
à la fois par les Danois & les Mofcovites,
acheta la paix avec le Danemarck aux conditions
qu on voulut lui impofer. Il renonça à toutes fes prétentions
fur la Norvège , fur les provinces de Hal-
land 6c de Bleckingie , fur Jemptland 6c Hermdaln ;
enfin il paya les frais d’une guerre que fon frere
avoit fait naître, 6c dont la Suede avoit effuyé tous
les échecs. Quelques tentatives pour rétablir en
Suede la religion catholique ; quelques démarches
infru&ueufes pour obtenir la couronne de
Pologne apres la mort de Sigifmond ; le procès de
Charles Mornay qui eut la tête tranchée, pour avoir
plaint le fort du malheureux Eric; une vi&oire pref-
qu’incroyable , remportée fur les Mofcovites avec
des forces inférieures ; un formulaire dreffé fous
le titre de liturgie de Pèglife fuédoife conforme à
Peglife catholique & orthodoxe ; quelques brouille-
nes à ce fujet avec la cour de Rome ; la perfécu-
tion élevée pour le formulaire ; enfin l’empoifonne-
ment d’Eric ordonné par le roi,approuvé par les principaux
fénateurs , 6c le cadavre de ce prince donné en
fpeftacle au peuple, tels font les événemens qui remplirent
le régné de Jean depuis 1571 jufqu’en 1579.
Après la mort de l’archevêque d’Upfal, le roi
voulut lui donner un fucceffeur ennemi de l’héré-
fie 6c partifan de l’églife romaine. Il envoya Laurent
Magnus en Italie pour y prendre le goût du catho-
licifme , 6c concerter avec la cour de Rome fur les
moyens de le rétablir dans le Nord. Le clergé ne fe
feroit peut-être pas apperçu de ces menées, fi le duc
Charles , intéreffé à détruire fon frere dans l’efprit
du peuple , n’eût ouvert fur fa conduite les yeux de
tous les ordres du royaume. On fit des remontrances
au roi; il fut inflexible. Ce ne fut qu’en 1582 qu’il
parvint à faire approuver par le clergé le changement
qu’il vouloit établir. Cette révolution lui avoit coûté
bien des peines , 6c il étoit occupé à convaincre des
do&eurs , tandis que fes généraux luttoient loin de
lui contre toutes les forces de la Mofcovie. Cette
guerre ne paroiffoit point intéreffér le roi Jean ; tout
entier à la religion, la gloire n’étoit plus rien pour
lui, 6c celle dont les foldats fuédois fe couvrirent
dans cette guerre, n’appartenoit qu’à eux. Une treve
de deux ans conclue en 1583, fufpenditles hoftilités.
Cependant le duc Charles négocioit avec la plupart
des princes proteftans , 6c lés engageoit à défendre
leur religion. Ce n’étoit pas qu?il fut plus attaché à
l ’une qu’à l’autre ; mais il efpéroit rendre, fon frere
odieux au peuple , s’approcher du trône par dégrés,
6c y monter peut-être à la faveur des troubles qui
étoient prêts à naître de ces débats théologiques. Le
roi preffentit le deffein de l’ambitieux Charles ; 6c
pour appaifer les nombreux partifans de la confeflion
d’Ausbourg, il défendit aux catholiques de tenir des
affemblées. Mais ce qui acheva de renverfer tous les
projets du duc, ce fut l’éleâion de Sigifmond, fils de
Jean,au trône de Pologne. On impofa à ce prince de$
conditions qui tendoient à maintenir la religion pro-
teftante en Suede 8c à la fomenter en Pologne, Jean,