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le nom d'économique. On tire une plus grande
quantité de farine oit cette moufure n’eft pas en
ufage. Un meunier faxon fait tellement tirer parti
du froment , que fur 246 livres il n’y a que 20
livres de fon. Et par la mouture économique, on
n’a fu tirer de 249 livres, de bled que 187 livres
& demie de farine, fur quoi il y eut 53 livres de
fon., Il feroit donc■inutile d’entrer dans quelque
détail fur cette mouture, puifqu’elle ne différé
gue.re de celle de Sase, qu’en ce que celle-ci eft
portée à un plus ; haut degré de perfection. Mais
avant que de paffer à ce » fujet, il faut encore
expliquer ce , que l’on entend par la mouture méridionale.
,. Suivant la mouture méridionale, on moud le
bled premièrement, & on le blute enfuite à part.
Cette mouture eft pratiquée dans quelques pays
méridionaux, où l’art de la meunerie s’eft plutôt
perfectionné par la façon de bluter que par celle
de moudre. Après que le grain eft moulu, on laiffe
paffer quelque tems avant- que de procéder au
Blutage ; de cette façon , ori retire de la rame
( c’eft le nom que l’on donne à la farine fk au fon
qui ne font point féparés ) plus de farine &c de
meilleure qualité. Au fortir du moulin la rame eft
chaude , c’eft pourquoi on la laiffe refroidir ; mais
elle commence bientôt à fermenter d’elle-même,
&,ppur que la.chaleur ne foit pas plus forte au
milieu du tas qu’au dehors, on a-foin de remuer
la rame dé tems en tems. Quand cette fermentation
a ceffé , & que -la rame n’eft plus chaude , on
examine fi elle eft en état d’être blutée ; pour cet
effet oq en met une poignée fur une palette, &
on la fait fauter en l’air : fi la farine retombe la
première fur la palette, & que le fon paroiffe être
fans farine, on peut alors la bluter.
Pour tirer les farines de la rame, on la fait
paffer par un bluteau qui eft de trois groffeurs différ
rentes qui fe fuivent: la farine qui tombe la première
pjir la partie la plus fine du bluteau, eft la farine
du minot, qu’on envoie en Amérique. Celle qui
paffe par la partie du blutoir , qui eft moins fine
que la première, fe nomme farine jimple : c’eft pour
le bourgeois ou pour le boulanger. Enfin la troifieme
farine, qui eft la plus groffe, eft celle que l’on
nomme le grrjillon, dont le pauvre fait fon pain,
le ion fort par le bput du,bluteau, & il eft encore
mêlé avec une groffe farine que l’on nomme repaffe,
parce que l’on repaffe cette farine par un blutoir
qui la fépare du fon.
De la mouture faxonne pour , le froment. La
maniéré de moudre le froment pour les boulangers
eft çèlle-ci. Avant que de le conduire au moulin,
on. le. nettoie, c’eft-à-dire, on le vanne , afin qu’il
n ’y refte aucune femence étrangère, après quoi on
le. l a v e : f i le grain eft plus fec qu’humide, on n’en
huméCle que la moitié. Voici comment ori procédé
à cefté dernière opération. LJn boiffeau de Drefde
eft partagé en deux portions égales. On en met la
rnçutié dans un tonneau, & on verfe deffus de l’eau
bien pure, que l’on agite fortement avec une pelle
ou avec les mains, pour détacher toute la pouiiiere
qui pourroit être adhérente en grain, enforte que
fè froment refte entièrement net. On laiffe écouler
l ’ e a u , & l’on jette fur le grain mouillé , l’autre
moitié du,boiffeau, qui a été vannée encore une
fois. On mêle.Bien ces . deux parties l’une avec
l’autre , afin que «celle qui eft mouillée, humeéle
Taittre. On couvre le froment avec des facs, &
on le laiffe repofer’ ainfi pendant vingt-quatre
heures.
Si le grain eft plus fec.qu’humide, on en lave
lès trois quarts , & on y mêle l’autre quart encore
fe c , après l’avoir nettoyé avec le plus grand foin.
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Que fi le grain étoit exceflivèment fec, ori lavéroit
le boiffeau tout entier, & on le laiflèroit couvert
pendant un jour entier.
Quand le froment eft trop fec , lorfqu’on le met
fur le moulin, non-feulement la farine s’en va en
pouffer e , mais elle eft moins blanche & l’écorce
ne fe fépare pas fi bien. Pour favoir fi le mélange
de froment eft afl'ezhumedé, les boulangers plongent
la main dans le fac; il s’y attache beaucoup de
grain, lorfqu’il eft affez humide ; s’il ne s’en attaché
que peu ou point, c’eft une marque que le grain
eft encore trop fec : dans ce cas, on y remet dé
i’eau, on agite de nouveau le grain , après quoi
on laiffe écouler l’eau. Afin que cet écoulement
puifl'e fe faire plus exaÛement, les boulangers ont
une caiffe faite exprès, que l’on nomme à Leipfick,
la feience , diekunjl, &dans d’autres lieux deSaxé.
l’humeûoir, wajferfeige. Cette machine porte un
fond de fil-de-fer , & fur les côtés on y adapte
deux perches, pour le tranfporter commodément
d’un lieu à un autre. Elle eft affez grande pour
contenir à l’aife un boiffeau de Drefde. Lorfqu’on
a fait écouler l’eau du tonneau dans lequel on lave
le grain, on pofe la caiffe ou l’hume&oir près dit
tonneau, on jette.le grain; & quand il eft bien
égoutté, ori y mêle la portion qu’on a réfèrvée
feche.
Après avoir laifférepofer le grain affez long-tems
pour que l’humidité fe répande également par-tout,
on le met fur le moulin. On ne prend pas pour
cela uri feul boiffeau à la fois, on engrene dans les
grarids moulins jufqu’à fix, ou même fépt boiffeaux.
Communément on en livre vingt-huit boiffeaux pour
quatre moutures. Cette méthode eft devenue né-
ceffaire à caufe de la grande confommation qu’en
font les boulangers, car la farine dé ce grain humefté
ne fe conferve pas long-tèms ; il faut l ’émployer
immédiatement après. D ’ailleurs , les boulangers
font bien-aifes que l’on repique les mëiiles, avant
que d’engrener pour eux. Lorfque les méules font
émouffées, elles écrafent le graih plutôt que der
le caffer, enforte qu’il ' n’eft point moulu comme
il faut.
Après que , les meules ont été repiquées \ on
engrene du fon, pour ènlever les petites particules
dé pierre qui fe ’ détachent aux premiers tours,
après le r’habillemenr. On continue à remoudre
du fon, jufqu’à ce qu’on le refforte aufii net qu’oq
l’a mis fur le moulin. Alors on jette fur le moulin
les fept boiffeaux deftihés pour le premier tour.
Si le froment a quelque défaut, fur-tout s’il eft
attaqué de la nielle, on met,un bliiteau exprès,
fait de fil-dé-fer, ou dé quelque étoffe grofferè.
Ceux de fil-de-fer font les irieilleurs, ils élevent
tellement la meule, que le grain paffe le plus fouvent
tout entier. Le frottement fait tomber la pointe
des grains , & les faletés qui font absolument
noires, lorfque le grain eft fort attaqué de cette
maladie , tombent dans la huche au travers le;
bluteau, tandis que le froment fort par l’ouverture
du blutoir. On appelle le grain âi'riû préparé,
gespit^ter w e itç en , du 'froment époipté.., Lorfqu’il
eft tout paffé, on le raffemblè , ori ôté le bluteau
de fer,.blanc , on enlève èxaftemënt' foutes les
faletés & l’on met fur le moulin un bluteau plus
clair.
Si le froment eft bien pur & fansaucun défaut, l’opét
ration quel’on vient de décrire d e v i e n t in u t i le * Après
cette préparation, on remet f u r le m o u l in 'l e - f r o m e n t
épointé , & on le fait égruger. On le paffe epfuite
dans un crible exprès fait d e fil-de^fer. ou ,de l a i t o n ,
que l’on n o m m e d a n s le pays grieffieb, crible à gruaif.f
Le fon qui refte dans le crible eft mis de côté; oi>
l’appelfe
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l’appelle fckrotkleyen» fon égrugé; ce qui paffe ait
travers du crible, eft le gruau, gries.
Après que tout le froment a été égrugé, on met
pour la première fois le gruau fur le moulin, & on
remoud. On tire de là huche la farine qui porte le
nom de farine égrugèç ^fchro'tmchl; quant au gruau
qui tombe par l’extrémité du blutoir, on le fait paffer
par un tamis plus fin que le précédent. Le gruau
qui refte-dans le tamis s’appelle du fon épointé ,
fpitfkleyen ; on le met de côté, comme on a fait
pour le fon égrugé. Toutes ces opérations fe nomment
la première paffée, des erjle gang.
On remet après cela pour la fécondé fois le gruau,
qui a paffé au moulin , pour en tirer la farine ; c’eft
la meilleure efpece, à qui on donne le nom de première
farine de gruau, das erfle griefmehl.
Quand le gruau a paffé pour la fécondé fois au
moulin, c’eft' ce qu’on appelle la fécondé paffée ,
derrweite gang, on tire de nouveau la farine de la
huche , & on remet le gruau pour la troifieme fois.
Si la farine qui en fort eft encore fine, on la mêle
avec la blanche, & cette paffée fe nomme la troifieme
paffée pour la fine farine, der dritte gang %u
feineni mhle. Cela ne peut avoir lieu que quand le
bled eft bon & farineux ; s’il a beaucoup d’écorce ,
la farine qui fort à cette troifieme paffée n’eft pas
affez blanche pour être mêlée avec la fine farine.
On mêle enfemble toutes ces différentes fortes de
farine, & c’eft avec elles qu’on fait les femmeln de
Leipfic. On comprend fans peine que cette efpece
de pain eft des plus fines, lorfqu’on emploie pour
le faire les farines dé la première oit des deux premières
paffées. On a vu dans une ville d’Allemagne
la maîtrife des boulangers vouloir infliger une peine
à l’un de leurs membres, parce qu’il faifoit des femmeln
trop fines.
On reprend alors les gruaux épointés dont nous
avons parlé plus haut, que l’on mêle avec le gruau
qui a paffé pour la troifieme fois fur le moulin ; on
fait paffer ce mélange encore deux ou trois fois, &
l ’on en tire de trois fortes de farines, qui font une
féconde farine de gruau. Le gruau qui refte après
toutes ces opérations fe nomme fon de gruau, gries-
kleyen.-
Après avoir tiré du gruau tout ce qu’il eft poffible,
on fait paffer deux ou même trois fois le fon égrugé
; on prend enfemble le produit de ces deux ou
trois paffées, on les moud, & on en retire une
bonne farine moyenne, que l’on mêle avec la fécond
e farine de gruau, dont nous venons de parler
.O
n peut encore faire paffer le fon deux & trois
fois, ou même davantage, pour en tirer de la bi-
faille, qui eft une farine noire.
Suivant cette méthode, on retire d’un boiffeau de
froment 12 mefures de farine blanche, trois ou même
quatre melures de farine moyenne , une ou deux
mefures de bifaille. Chaque mefure de farine blanche
pefe jufqu’à 7 f liv. la bifaille, un peu moins,
& le fon, 4, jufqu’à cinq livres, fuivant qu’on
la repaffe avec plus ou moins d’exaftitude & de
foin.
Du feigle. On commence par le. nettoyer foi-
gnçufement, enfuite on l’humette avec de l’eau au
point qu’il s’attache aux doigts lorfqu’on y met la
main. On le laiffe dans les facs vingt-quatre heures
& plus après cette préparation; au bout de ce tems
il* eft prêt à être moulu.
Si l’on en veut faire un pain blanc de la première
qualité, dreyer brodt, on commence par l’épointer,
comme on a pu le voir ci-deffus, où nous avons
rapporté la maniéré de moudre le froment. Lorfque
l ’on a pris toutes ces précautions, on égrugé grof-
fiérement le feigle, on tire la farine de la huche, on
Tome III.
M t U
met au moulin un bluteau très-fin, après quoi on
jette dans la trémie, la farine égrugée,& onia moud
régulièrement. Lorfqu’elle a paffé pour la fécondé
fois par le moulin, on emporte la farine blanche qui
eft deftinée à faire le pain le plus blanc. On ôte
alors le bluteau fin, & on en fubftitue un ordinaire,
qui n’eft pas de la même fineffe. On remet la farine
quatre, cinq fois ou même davantage, fuivant l’u-
fage qu’on en veut faire , & on la fait paffer.
La farine qu’on tire de ces quatre paffées eft mêlée
enfemble pour en faire du pain de ménage ou
de gros pains que l’on porte au marché. La farine
qu’on a tirée de la fécondé paffée donne un pain
plus blanc, mais qui n’eft pas fi bon que lorfqu’on
moud toute la provision à la fois, & qu’on mêle
toutes les paffées.
De cette maniéré on tire toute la farine d’un boif„
feau de feigle ; il ne refte que neuf ou dix livres de
fon, fouvent même il n’y en a que fix ou fept livres.
Le déchet fur chaque boiffeau , à caufe de la
farine qui s’en va en poufliere, eft d’environ cinq
livres.
Quant au droit du meunier, il y a une différence
qu’il faut remarquer. Si des particuliers qui ne font
pas boulangers de profeffion, font moudre du grain,
on en retient la feizieme partie pour le falaire du
meunier. Pour les autres droits du moulin, le boulanger
donne, fur vingt-huit boiffeaux de froment j
lin tonneau de fon qui contient à-peu-près deux boiffeaux
de Drefde ; il en délivre tout autant pour le
feigle. Ce fon donné en paiement au meunier, s'appelle
en allemand fiiUkleyen.
Le premier garçon du moulin retire de chaque
boiffeau de grain qui vient au moulin, un grofehé,
d’étrennes. Et fi le propriétaire du grain ne moud
pas lui-même, on donne encore une grofehe par
■ boiffeau pour le travail de toutes les opérations
que nous venons de décrire.
Maniéré de moudre à Wittemberg. La table fuivante
montre exa&emerit les divers procédés établis dans
cette v ille, lorfqu’on veut moudre du froment. II
fera facile de,les comprendre, après la defeription
détaillée que nous avons donnée ci-deflùs, de la maniéré
de moudre à Leipfic & en d’autres lieux de la
Saxe.
Paffées. On engrene : Il pàffe dans
le bluteau.
Il fort par Fex-
I. Fro.me.nt.
Farine
Bled épointé,
que l’on paffe au
tamis, & il relie
dans le crible,
du fon épointé,
ou l'écorce du
grain.
II. Froiftent
épointé.
Farine
égrugée.
Bled égrugé.
On le tamife,
le fon de gruau
demeure dans
le tamis, & le
gruau en fort.
I Ï I , G ru„.
Farine de
gruau.
La |>lus fine
; .Grnaù, :
IV . , Gruau.
Farine blanche
ordi- Son de gruau.
V.
Son de gruau,
ajoute le fon
de gruau du
Fafine
moyenne. ; ' F k ,5 “ - '
■ YI. ■ K s f ç . ;
Farine noire.
Farine groffaille.
Gros fon.
m
BÊtÊÊÊÊÊÊÊÊtÊUÊÊÊtHiÊÊÊÊlÊÊÊi