l’efpece & la race d’animal qui lui eft propre, & la
plus relative à fes befoins. Dans un pays dont le fol
humide & marécageux ne produit que des herbages
groffiers & de mauvaife qualité * fous un ciel trifte,
Iroid 6c nébuleux, ce feroit en vain que l’on effaie-'
roit d’élever des chevaux fins, vifs 6c légers ; des
chevaux de qualité d’arabes ou barbes. Ces races,
quelque fouteniies qu’elles fuffent dégénéreroient :
je ne doute pas qu’il n’en fût de même dans les fables
brûlans de l’Arabie ou de la Barbarie, fi l’on vouloit
y introduire nos forts chevaux de coche ou de rou-
liers ; ce n’eft pas cependant que la nature elle-même
ne nous indique les moyens d’affoiblir 6c de diminuer
certains défauts , quoiqu’affeâés à certains pays ou
à tels cantons. Nous favons, par exemple, que fi
l’on donne à une jument, dont la tête eft très-groffe,
pefante & charnue, un étalon à tête fine , feche &c
légère , le poulain qui viendra de cette union, aura
cette partie moins groffe que celle de la mere , en
approchant de celle du pere ; mais fi ce défaut eft
attaché au pays, que ce foit le vice dominant de la
race, il faudra le combattre fans ceffe en fe fervant
d ’étalons étrangers qui n’en foient point affe&és;
autrement la race retombera bientôt dans fon premier
état par les influences perpétuellement agiffan-
tes du fol 6c du climat ; delà le principe fondamental
de tout haras, le croifement des races, fans lequel
on pourra bien augmenter le nombre des individus,
mais jamais les perfectionner. L’induftrie humaine
peut encore aider beaucoup la nature ; ces deux
agens les plus puiffans de l’univers, en réunifiant
leurs forces, changent prefqu’entiérement l’effence
des chofes ; par fon intelligence 6c par fon travail,
l ’homme en defféchant les marais, d’un terrein inculte
6c pernicieux forme une prairie couverte
d’herbage fain 6c de bonne qualité ; en creufant des
écoulemens, les eaux auparavant infe.Ctes 6c. crou-
piffantes, fe changent en ruiffeau clair 6c limpide;
les exhalaifons empeftées qui s’en élevoient font détruites
, l’air eft purifié ; enfin par la culture, tout
prend une forme nouvelle 6c riante ; d’ailleurs les:
divers ufages auxquels les chevaux font employés,
exigent des conformations particulières appropriées
à ces ufages ; conformations relatives aux pays auxquels
elles font propres ; 6c fi le fceau de la perfection
eft attaché à certains climats^ il ne s’enfuit pas que
dans les autres on ne puiffe par des opérations bien
combinées, parvenir à une amélioration qui approche
plus ou moins de cette perfection. Dans l’éta-
bliffement d’un haras, il eft donc effentiel de connoî-
tre parfaitement la nature du terrein & le climat du
canton où l’on forme cet établiffement ; ce n’eft que
par la combinaifon de l’un & de l’autre, que l’on
peut déterminer la race de chevaux qui doit y prof-
pérer 6c fe foutenir ; les climats chauds, les terreins
ie c s , produiront des chevaux de légère taille , qui
auront de la fineflë , du nerf & de la vivacité , des
chevaux de felle ; au contraire , des climats froids,
des prairies graffes, fraîches 6c abondantes, on ne
peut en efpérer que des chevaux de trait plus ou
moins étoffés fuivant les dégrés de température
ordinaire, & les qualités plus ou moins marquées
du fol. Lorfqu’on aura déterminé la race la plus
propre du haras , on examinera l’étendue 6c la
fertilité des prairies pour affortir le nombre de
chevaux à ce que peut fournir le terrein, l’étendue
, la nature du terrein, le climat 6c la température
: ayant déterminé le nombre 6c la qualité des
chevaux dont le haras fera compofé, on partagera
le fol en plufieurs enclos fermés de haies ou d’autres
barrières que les chevaux ne puiffent forcer ; l’un
de ces enclos fera deftiné pour les jumens qui n’ont
pas été faillies ; un autre pour celles qui font pleines;
;un autre pour celles qui allaitent; d’autres enfin poyr
les poulains févrés de différens âges 6t de différent
fexe. Il feroit avantageux qu’un ruiffeau traverfât ces
parcs , afin que les chevaux puffent s’y abreuver,
6c qu’il s’y trouvât quelques arbres qui puffent fournir
de l’ombrage. Quelques-uns, lorfque le parc eft
d’une certaine étendue ; y conftruifent des hangards
ou toits qui fervent d’abri contre les chaleurs ou
contre les grandes pluies. Il n’eft cependant pas
avantageux que les parcs foient trop vaftes ; les
chevaux fe promenant par-tout, -foulent une quantité
d’herbes qui font perdues ; le parc étant plus
refferré , on peut en ménager deux au lieu d’un; &
pendant que l’un fe mange , l’autre fe rétablit 6c fe
remet en herbe.
Cette diftribution arrangée , l’on paffe à d’autres
objets qui eonftituent plus particuliérement les
haras , 6c exigent différens foins. Ces objets font, la
monte , la geftation , la naiflànce des poulains , Jjtfr
première enfance, leur févrage 6c leur éducation.
La monte eft l’opération de l’étalon, par laquelle il
faute fur la jument & la féconde ; c’eft d’elle que
dépendent la réuflite & les progrès du haras ; mais
ce feroit en vain que l’étalon s’aequitteroit de toutes
fes fondions avec ardeur , fi la jument n’eft point
dans l’état ordonné par la nature, elle ne fera jamais
fécondée. Cet état s’annonce par la tuméfa&ion des
parties naturelles , 6c par une humeur épaiffe 6c
blanchâtre qui coule de ces mêmes parties; humeur
vulgairement appellée chaleur, & que les anciens
nommoient hyppomanes, qu’il ne faut pas confondre
avec cet autre hyppomane que l’on trouve épaiffie
encorpufcules dans l’allantoïde du poulain. La jument
entre en chaleur ordinairement au printems, depuis
le mois de mars jufqu’en juin, quelquefois plutôt.
Les chaleurs difparoiffent auffi-tôt la conception ; fi
la jument n’a pas été fécondée, elles fe paffenf, mais
elles reviennent. Ces chaleurs font tellement nécef-,
faires à l’oeuvre de la génération, que les jumens
qui en font exemptes refufent abfolument les approches
de l’étalon. On a établi deux efpeces de monte
, la monte en main, la monte en liberté; dans la
première on préfente la jument, fuppofée en chaleur,
à l’étalon, lequel eft dirigé 6c conduit par deux
palfreniers qui tiennent deux longes attachées aux
anneaux du caveçon, par le moyen defquels on le
retient, ou on le laiffe approcher, fuivant qu’il eft'
préparé ; lorfqu’il eft en état, on lui permet de fauter
fur la jument, qui doit être enchevêtrée pour l’empêcher
de ruer, 6c foutenue à la tête par celui qui la
tient. Dans la monte en liberté on abandonne l’étalon
dans le parc qui renferme les »jumens, il va de
l’une à l’autre , les flaire, les effaie, pour ainfi dire ;
enfin , faute celle qu’il lui plaît, ou qui eft la plus
difpofée à le recevoir. Il eft certain que cette dernière
méthode eft beaucoup plus sûre que la première
; aucune jument n’eft fautée que dans les circonf-
tances les plus favorables : l’étalon s’ufe beaucoup
plus par les jouiffances réitérées qui ne lui donnent
point de repos fuffifant. Quelques-uns propofenû
pour obvier à cet inconvénient d’avoir plufieurs
étalons ; aufli-tôt que le premier a fauté une jument,
on le retire du parc avec cette jument, on lui fubftitue
un étalon que l’on retire de même avec fa jument,
ainfi de fuite jufqu’à ce que tous les étalons aient
fervi, ou que toutes les jumens aient été fautées.
Par ce moyen , les étalons auront le tems «Je fe re-
pofer fans que le fervice du haras en fouffre. Pendant
la monte qui eft de deux à trois mois , les étalons
doivent être nourris abondamment. Une attention
qui n’eft point encore à négliger, eft de déferrer
les pieds de derrière des jumens ; il en eft, quoique
en pleine chaleur, qui font fi ch atou illeu fes, qu’elles
ruent ou fe défendent aux premières approches. il
eft auffi néceffaire de faire revoir toutes les jumens
à l’étalon, il s’en trouve qui ne conçoivent pas du
premier faut: il doit y avoir un gardien dans le parc
qui obferve continuellement ce qui s’y paffe 6c en
rende compte.; KL A: r ■
Les lignes par lefquels on peut reeoranoître qu’une
jument a été fécondée, font très-incertains & fort
douteux , fur-tout dans les premiers mois de là conception.
Le moins équivoque eft lorfque les chaleurs
ceffent, & que la jument refufe le cheval & s’en défend
vigmireufement, qu’elle ne fouffre pas même
fon voifinage. On compte encore parmi ces lignes ,
un embonpoint qui n’eft pas ordinaire, plus:d’appétit
le mois fuivant, plus de pefanteur après le fixieme
ou feptieme mois , les fecouffes ;du battement du
poulain que l’on éprouve en pofant.la. main fur le
côté du ventre au-bas du flanc, lorfque la jument'
vient de boire & qu’ elle mange l’avoine, ou lorf-'
qu’elle eft un peu fatiguée ; enfin la tuméfa&ion des
mamelles-qui fe manifefte 6c difparoît alternativement
deux ou trois fois pendant les deux derniers
mois de la geftation.
La durée de là geftation eft de onze mois & quelques
jours, plus ou moins ; fuivant que la mere 6c
le poulain, font forts & vigoureux ,,-le* terme eft
avancé ou retardé. Pendant tout ce tems on doit ménager
beaucoup les jumens , écarter.avec foin tout
ce qui pourroit les bleffer ou leur occafionner quelque
commotion forte, les nourrir fuffifamment 6c
les exercer par un travail uni 6c modéré ; il eft important
qu’elles ne foient. point furchargées de graif-
fe ; un embonpoint exceflif deviendroit dangereux
en rendant l’accouchement laborieux & difficile.
Lorfque le terme de la geftation eft arrivé , les
jumens après quelques efforts jettent leur poulain ;
la plupart reftent debout : j’en ai cependant vu coucher
dans-l’accouchement, le poulain en tombant
rompt le cordon ombilical, & donne peut-être une
fecouffe au placenta ou arriere-faix qui en facilite •
la féparatjon 6c la fortie. Toute cette opération ■
s’exécute fans aucune effufion de fang. Le cordon
fe deffeche 6l tombe par la fuite ; dans l’accouchement
naturelle poulain préfente la tête la première ;
s’il étoit mal tourné & qu’ il préfentât une autre
partie, on le remet en fituation avec la main.
Dans les cas preffans où la mere manqueroit de
forces, ou fi le poulain étoit mort, on le tireroit avec
des cordes, après avoir fait entrer de l’huile dans la
matrice pour- lubréfier le paffage 6c faciliter la fortie.
Auffi-.tôt qu’il eft né, la mere le leche pour le
fècher , 6c peu de tems après il effaie de fe lever 6c
de fe tenir debout ; mais fes articulations encore
molles& mal affurées ne le peuvent foutenir, il chancelle
& tombe fouvent fort lourdement. Dans un
parc ces chûtes ne. font pas dangereufes, mais dans
une écurie , il faut avoir foin de l’éloigner des murailles
: on mettra autour de lui beaucoup de paille,
afin d’amortir les heurts toujours dangereux fur un
corps aufîi tendre ; en naiffant il a douze dents molaires
,lefquelles fe trouvent un peuufées. V. D e n t s ,
au mot Hip Suppl.p ia t r iq u e , Deux jours après fa
naiffance, il s’affermit affez pour pouvoir marcher, juf-
ques-là il fera bon de le foutenir pour l’aider à tetter.
En naiffant le poulain eft couvert d’un poil doux, très-
long : j’en ai vu qui par l’épaiffeur 6c la longueur
de.ce poil reffembloient parfaitement à des ours ; à
fix mois ou un an, fuivant la vigueur de l’animal,
ou la température de la faifon, ce premier poil tombe
6c découvre celui dont la couleur fera permanente;
la robe varie prèfque toujours de la .naiffance
à un certain âge; j’ai vu des poulains en naiffant être
parfaitement noirs, devenir à la chute du poil ,
rouhans ou gris ; il eft vrai que fi l’on examine avec
attention les paupières ou les fourcils,on y apper-
cevra fouvent quelques poils blancs ; un poulain
haut ittorité,on dont les jambes font très-longues f
iera pour l’ordinaire d’une taille avantageufe.
„ -Il eft effentiel, pour le développement 6c l’ac*
croiffement du poulain, de lu i’ fournir un aliment
fain 6c abondant ; pendant que les jumens allaitent
, elles n.e peuvent être trop bien nourries ;
ni- trop ménagées. On ne doit point les faire
travailler ; le travail, quel qu’il foit, échauffe le lait
6c. diminue fa' fecrétiôn. On les laiffera tranquilles
dans le parc avec leurs poulains. Ceux-ci, en s’é- •
gàyant., en courant.& en bondiffant,fe fortifieront *
leur accroiffement en fera plus prompt 6c plus parfait
; ils s’habitueront peu-à-peu aux alimensfolides,
ils. tetteront moins fréquemment, & parviendront
infenfiblement au point d’être févrés fans inconvénient.
C ’eft à fix mois qu’on les fépare de leurs me-
res;un plus long ufage du lait, à ce que plufieurs
prétendent, lesrendroit mous & flafques. D’ailleurs
les jumens fatiguées d’avoir nourri pendant ce tems
dépériroient cônfidérablement fi les poulains eonti-
nupient à les tetter. Il eft vrai néanmoins que lesTar-
tàres, qui fe nourr-iffent du lait de leurs jumens ; les
tirent une grande partie de l’année ; mais ces jumens
fans doute n’en font pas en meilleur état, ou elles
font nourries bien plus abondamment que les nôtres,
peut-être le poulain fait-il une plus grande conforn-
mation, 6ç deffeche-t-ildavantage. Les nôtres; après
avoir allaité , ontbefoin d’être remifes pâr le repos;
c’eft une des raifons pour lefquelles on ne doit jamais
permettre qu’une jument foit fautée pendant qu’elle
nourrit. Quoiqu’elle foit en chaleur,le poulain qu’elle
porteroit, celui qui la tette, & elle-même fe ruine-
roient tous trois. On doit toujours attendre la monte
de l’année fuivante, fi l’on eft jaloux de conferver
les meres 6c d’élever des poulains bien conftitués.
On peut abfolument févrer dès trois mois, fi quelque
accident y oblige ; mais il fera toujours plus
avantageux,'lorfqu’onn’y eft pas forcé, de ne le faire
que plus tard. Les poulains en-feront plus forts, plus
en état de fupporter les rigueurs de l’hiver, 6c le
changement de nourriture du verd au fec. Dans les
premiers jours de févrage on diminuera la nourriture
de la mere, pour lui faire paffer fon lait* On
la traitera à-peu-près, quant au régime, comme fi
elle eût avorté, avec l’eau blanche, une diette plus
ou moins févere , félon la qualité du lait, en obfer-
vantde la tenir chaudement. A l’égard des poulains,
iWeroit à propos de placer dans leurs parcs des bac-
quets remplis d’eau blanchie avec la farine d’orge ;
ou de petit lait, rien ne contribuera plus à les entretenir
en bon état, à leur faire prendre du corps ;
mais il faut ayoir l’attention de changer tous les
jours cette boiffon , elle s’aigriroit 6c contra&eroic
des qualités malfaifantes. Une autre attention plus
effentielle, eft de ne toucher les poulains que le
moins qu’il eft pofîible depuis leur naiffance, jûfqu’à
! l’âge de deux ans ; leur délicateffe en fouffriroit.
Il eft bon de les apprivoifer, de les rendre familiers i
mais fans les tourmenter.
Pendant la belle faifon , depuis le mois de mai*"1
jufqu’en feptembre ou oftobre , fuivant les climats ÿ
on les abandonne dans les parcs qui leur font defti-*
nés , 6c que je fuppofe fuffifamment garnis d’herbages
pour les nourrir, Ils y reftent nuit 6c jour jufi
qu’à l’hiver qu’on les retire dans les écuries. S’il
étoit même pÔïfible de leur faire paffer cette faifon
fâcheufe en plein air, ils en feroient fans doute plus
vigoureux ; niais il y auroit peut-être trop d’incon-
véniens.
Il eft même néceffaire qu’il y ait dans leurs parcs
- des hangars ou efpeces d’écuries dans lefquels ils
puiffent fe retirer pendant la chaleur du jour, 6ç fe
mettre à couvert des orages ou des pluies froides
qui leur feroient du tort. On placera des auges fous