694 L A B & dans le fécond cas le labour par la féchereffe ne
ferviroit qu’à occafionner une plus prompte évaporation
des principes végétaux, perte irréparable
parce que la terre dans cette faifon , n’auroit plus à
efpérer le fecours des neiges & des brouillards pour
s’engraiffer avant les femailles : dans l’un & l ’autre
cas, ce feroit une récolte manquée.
Le troifieme labour que nous appelions rebiner &
que les latins nommoient tertiäre, ne peut être donné
àtems lorfquéle premier labour n’a pas été fait
avant, pendant ou immédiatement après l’hiver ; &
c ’elt aloré qu’on fent tout le rifque d’avoir manqué
l’ordre des travaux, parce qu’en faifant ce troifieme
labour trop tard, il recule le temps des femailles, &
l’on eft fouvent furpris par la faifon des pluies avant
de pouvoir les faire, comme cela eft malheureufe-
ment arrivé cette année par toute la Bourgogne. On
peut voir dans ma Differtation latine fur les principes
de la végétation, les inconvéniens des femailles
tardives & les avantages des hâtives dont
ne jouiffent jamais ceux qui ne donnent pas P entre-
hiver à leurs terres ; ce troifieme labour ou rebinage
eft d’autant plus elfentiel que fans lui la terre ne feroit
pas retournée. En effet le fécond labour ne fait
que ramener au-deffus de la fuperficie ce que le premier
avoit mis deffous ; ce n’eft donc qu’au troifieme
labour que l’on peut dire que la terre eft véritablement
retournée. Il y a enfin un quatrième labour
que l’on nomme le labour à demeure , lorfque-le ter-
rein eft difpofé à recevoir les femences ; il n’y a que
ceux qui ont donné leur premier labour avant l’hiver
qui puiffent faire profiter leurs terres de ce quatrième
coup, & des autres qu’ils jugeroient à propos
de leur donner, foit encroifant les labours précé-
dens, foit dans le même fens ; car le croifement qui
fe donneroit avant le quatrième labour feroit plus
nuifible que profitable, puifque ce n’eft qu’au troifieme
labour, que la terre eft cenfée retournée.
Quant au nombre déterminé des labours, plus l’on
en pourra donner fi la terre eft forte & compare &
plus les bleds feront beaux ; c’eft une avance que
l’on fait dont on eft amplement dédommagé par la
fuite ; le proverbe dit, qu'on ne perd jamais un coup
de charrue.
Quant à la préparation des terres pour les carê-
mages ou grains de mars, on voit par tout ce qui a
précédé, que le labour avant l’hiver eft également
indifpenfable, afin de difpofer la terre à recevoir les
femences en février ou en mars ; car un laboureur
intelligent ne peut pas donner moins de deux coups
à fa terre ; il feroit encore mieux s’il pouvoit en donner
trois, fur-tout fi la terre eft forte. Alors on feroit
bien de la mettre en motte après l’automne. De
cette maniéré la terre fe trouve plus meuble, plus
légère que quand elle eft Amplement labourée ; les
neiges & les pluies dont ces mottes feront pénétrées
pendant l’hiver, & les gelées ordinaires de cette faifon
, anéantiffent, fi l’on peut dire, cette terre, comme
elles feroient une pierre de chaux, & l’ameublifl'ent
de façon qu’au mois de février il ne s’agit plus que
de la mettre à l’uni par un labour prompt & facile :
toutes fes parties & fes plus tendres molécules, fe
trouvent alors extrêmement divifées, légères & vivifiantes.
Les chaumes retournés avant l’hiver laiffent
leloifir d’avancer les femailles de mars, ce qui eft un
grand avantage ; & plutôt on aura femé les orges
& avoines, & plus la récolte fera abondante. Il n’eft
point en effet de femence trimeftre de fa nature, car
il ne faut pas fe figurer que les carêmages que nous
appelions trémas ou bled de trois mois, ne puiffent
refter que trois mois en terre, puifque les mêmes
grains étant femés avant l’hiver, réuffiroient encore
bien mieux, fur-tout fi cette faifon étoit douce, d’autant
que les carêmages font plus fenfibles au froid
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que les bleds d’hiver. Il faut cependant en avancer
les femailles le plus que l’on peut, fuivant le proverbe
vulgaire , les avoines de février remplirent le
grenier, il y a même , comme tout le monde le fait,
des orges d’hiver, & dans le Maine on feme en automne
des avoines qui fe récoltent avant les feigles.
Mais revenons à la préparation des terres auxquelles
on deftine les bleds d’hiver.
Les guérets qu’on fe difpofe à emblaver doivent
donc être retournés & labourés dans toutes les fai-
fons ; car rien ne contribue davantage à la fertilité
de la terre que de lui faire éprouver les vicifïïtüdes
du froid & du chaud, de la féchereffe & de l’humidité
: ces changemens fucceflifs refferrent & dilatent
tour-à-tour fes molécules, les divifent & les atténuent
par ces deux mouvemens oppofés; ce qui les
ouvre & les rend pénétrables au fluide de l’air & à
fes influences, aux pluies, aux brouillards, aux ro-
fées, aux vapeurs qui s’élèvent de la terre & qui retombent
fur fa furface pour y dépofer les fucs & les
principes végétatifs, fans lefquels il n’y auroit aucune
production. Enfin dans toutes les méthodes, les /<z-
bours frèquens & fur-tout très-profonds , font de première
néceflité afin que les eaux de l ’athmofphere
& la graiffe du ciel puiffent pénétrer la terre ; car l’objet
eflentiel des labours eft de conferver au terrein
l’humidité qui eft le principe fondamental de toute
végétation : ce n’eft que par fon intermede que les
fels & les fucs de la terre peuvent agir & s’introduire
dans les racines des plantes qui ne font que
languir lorfqu’elles manquent d’humidité. Il ne faut
cependant pas que cette humidité foit furabondante,
parce qu’alors elle feroit pourrir les plantes. Or de
tous les moyens connus pour conferver au terrein , l'eau
dans une jujle proportion , il n'en ejlpoint de plus efficace
que les labours profonds , par le moyen delquels
chaque molécule de terre s’imbibe également, foit
de l’eau de pluie, foit des vapeurs qui s’élèvent de
fon fein ou que l’air qui les pénétré y introduit.
On ne fauroit trop répéter ces vérités : c’eft de
l’influence des parties qui nagent dans le magafin général
de l’atmofphere qu’il faut attendre ce qui enrichit
notre terre. La rofée du ciel & la graiffe de
la terre font inféparables. La terre eft la matrice, &
l’atténuation la rend capable de recevoir & de retenir
ces douces influences qui compofent la nourriture
végétale. Il faut donc faire de fréquens labours
, leur donner le plus de profondeur poffible,
eu égard néanmoins à la qualité du terrein, afin de
ne pas mélanger le tuf ou la mauvaife terre glai-
feule du fond qui n’eft pas mûre, avec celle de la
fuperficie. Maislorfqu’on a un bon fonds, on ne doit
pas donner moins d’un pied de profondeur ; car l’expérience
prouve que dans les terres fortes profondément
labourées, les bleds s’enracinent mieux, ver-
fent moins, font plus vigoureux, donnent une paille
plus haute & des épis mieux fournis. Il fautauffi qué
les labours foient donnés dans tous les fens, de maniéré
que l’on ne puiffe reconnoître les traces de la
charrue ou que ce qui étoit raie dans les premiers
labours , devienne fillon dans ceux qui lès fui-
vent, &c.
Tel étoit le maléfice qu’employoit (au rapport de
Columelle ) Furius Crérinus pour avoir des récoltes
doubles & triples de celle de fes voifins : ceux-ci jaloux
de fa profpérité & fuperftitieux, comme tous
les ignorans, l’accuferent de fortilège devant le
peuple affemblé. Il préfenta pour fa défenfe,une
fille robufte & endurcie comme lui aux travaux du
labourage; des boeufs fort gras & bien nourris , une
charrue plus grande que les charrues ordinaires , un
foc plus gros & du double plus pefant que les autres,
un attelage en bon état : Romains9 dit-il, voilà les
fortileges auxquels je dois la fertilité de mes terres; il en
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eß encore d'autres que je ne puis vous montrer, tels que
mes veilles, mes fueurs, mes travaux : le peuple confits
le renvoya àbfous. Tel eft le fe'cret pour s’enrichir
dans l’agriculture, i f n’en eft point d’autre.
( M Be g v il l e t . )
LAC SALÉ..( Hiß. nat.) Les lacs falés font communs
en Ruifie, fur-tout dans les gouvememens
d’Orembourg, le pays des Bàskircs, &c. Parmi ceux
de Rigi, il y en a un très-curieux, dont les eaux font
falé es d’un côté & douces de l’autre. La furface du
lac d’inderieft couverte d’une glace de fel affez forte
pour qu’on puiffe traverfer le lac fans le moindre
danger ; & cettë denrée y eft affez abondante pour
fournir à la confommation de la Ruffie,fi des communications
en facilitoient le tranfport dans les autres
provinces. ( C. )
LÂCHETÉ, POLTRONNERIE, f. f. ( Gram. )
La lâcheté fait qu’on n’ofe s’expofer au danger;
la poltronnerie fait qu’on ri’ofe avancer. Le Tâché
ne fe défend pas ; le poltron n’attaque point. Les
hommes Tâches ne fauroient réfifter à un parti;
les poltrons ne fauroient donner aucun fecours,
cèux-ci craignent le danger & different des premiers
en cè qu’ils s’expofent au danger, malgré la crainte ;
au lieu que les lâches n’ont pas même le courage de
voir le danger. La lâcheté eft un vice la poltronnerie
n’eft qu’une foibleffe caufée par la furprife du
danger, & par l’amour que tout individu a pour fa
confervation. ( + )
LACHRYMAL, adj. ( Anat.^ie dit de tout ce
qui a rapport aux larmes.
La glandé lachrymale eft conglomérée , affez fem-
blable à celle qui fait l’effentiel de la mamelle, mais
plus dure, éparpillée comme elle, & féparée par
des pelottons de graiffe en plufieurs lobes. Elle eft
placée dans l’orbite ; fa partie la plus épaiffe en oc*
cupe la partie extérieure, elle y eft logée dans une
impréflion du plat-fond de l’orbite.
Les quadrupèdes , du moins les animaux qui ruminent
, ont une glande analogue à celle de l’homme,
dont lés conduits excrétoires découverts par le fils
de Stenon ont été long-tems ignorés dans l’homme.
C ’eft M. Monro le fils, qui les a décrits après quelques
indices donnés par Santorini & Winslow. M.
Hunter les avoit vus depuis 1747, & démontré dans
fes cours.
Ils font affez femblables à ceux des animaux. Il y
en a fix ou fept placés à la face de la glande qui regarde
la paupière, & defeendant par la furface interne
de la conjonctive palpébrale. Ils s’ouvrent par
des orifices féparés à quelques lignes plus haut que le
tarfe.
Cette glande ne fournit qu’une partie de l’humeur
lachrymale : une grande partie exhale naturellement
de toute la furface de la conjonctive oculaire, & de
la corijonCtive palpébrale. L’eau injeCtée dans la carotide
imite aiîèment cette • exhalation. On a cru
voir dans la conjonctive de petites glandes vifibles
au microfcope, qui pourroient contribuer à fournir
les larmes ; je croiroisque la liqueur exhalante fuffit.
Les larmes font delà claffe des humeurs aqueufes ,
qui s’évaporent fans réfidu à la chaleur. Fine qu’elle
eft, l’humeur lachrymale a de la difpofition à former
des petites pierres.
Son ufage ordinaire eft fans doute de défendre la
conjonctive Oculaire de l’air & du defféchement,
& d’empêcher la réunion vicieufe de la conjonCtive
palpébrale avec l’oculaire.
Elle eft naturellement repompée dans la même proportion
qu’elle eft fournie ,- mais la fumée des vapeurs
âcres, une irritation méchanique, quelques
grains de fable arrêtés entre les paupières & l’oeil, &
fur-tout des pallions de l’ame en accélèrent la fecré-
tion, & la rendent fupérieure à la réforption ; elles
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s’a maffent alors en gouttes, & tombent le long des
joues; Pour augmenter la feqrétion des larmes, il fuffit
que l’ame foit émue profondément, foit que ce
foit la joie, ou la compaffion , ou la douleur qui ait
produit cette émotion. Il n’eft pas aifé de donner une
raifon méchanique de cette augmentation des larmes.
On a cru la trouver dans une obftruCtion du poumon,
par laquelle, le fang fe dérerminerbit avec plus d’abondance
vers la tête. Mais on ne pleure point dans
les obftruchom les plus grandes du poumon, comme
dans la péripneumonie.
La réforption dés larmes fe fait fuivant toutes les
apparences en partie par de,s veines fines, qui ouvertes
fur la furface des deux conjonctives repom-
pent l’humidité. Le bon effet des' vapeurs aqueufes '
dans les maladies inflammatoires des y eu x, paroît
appuyer cette réforption , qui d’ailleurs a pour elle
l’analogie de toutes les parties du corps humain.
Avant de parler des routes plus connues, qui re-
poinpénr les larmes, & les mènent au nez, il eft
dans l’ordre de parler de la caroncule lachrymale, que
les anciens paroiffent avoir affez généralement regardée
comme une fécondé glande lachrymale. Elle eft
cependant d’une nature très-différente.
C’eft un paquet oblong, terminé par une queue
conique du côté de -l’oeil, placé dans un recoin des
paupières à l’angle interne, formé par la membrane
conjonCtive, qui enveloppe avec beaucoup de çellu-.
lofité plufieurs glandes fébacées , dont il fort des
poils fort courts. Ces glandes préparent fans doute
une efpece de pommade fort apparente dans les quadrupèdes.
La caroncule placée entre les deux conduits lachry-
maux les tient écartés tient ouvert le cul de fac
des paupières,qui arrête les larmes, Si. lesramaffe
précifément à la place où les points lachrymaux peuvent
les repomper.
Ces points connus de tout tems, & mieux développés
par les modernes , font les orifices de deux petits
canaux membraneux, plus étroits de beaucoup
que ces canaux, environnés d’une cellulofité calleufe ;
qui les raffermit, & les tient toujours ouverts. Ils
font placés au commencement du cul de fac des paupières,
lur.une éminence de la paupière, plus intérieurement
que le tarie. Les deux points fe touchent
dans l’oeil fermé.
M. Jeannin a vu la membrane intérieure du conduit
fortir du point lachrymal 9 comme une efpece
de mamelon , quand la paupière fe rapprochoit, ÔC
repomper les larmes.
Les deux conduits lachrymaux font des canaux-
membraneux très-délicats , renfermés entre les deux
furfaces de chaque paupière, & de leur partie qui
renferme le cul de fac.
Il eft formé par l’épiderme & par la peau réduite'
à une grande fineffe, & continuée avec la membrane?
pituitaire du nez.
Plus larges de beaucoup que les points lachrymaux 9
ils en partent en ligne droite, l’un en haut & l’autre-
en bas. Mais bientôt ils changent de direction. Quand
les paupières font fermées, ces conduits font horizontaux;
quand elles font ouvertes, le fupérieur eft.
incliné , & l’inférieur horizontal. Le fupérietir eft
plus long & plus étroit.
Il eft affez difficile de dire', s’ils fe rejoignent avant
que de s’ouvrir dans le fac lachrymal, ou fi leurs orifices
font féparés. Il eft fort difficile de les détacher
l’un de l’autre à caufe de la callofité de la cellulaire
qui les réunir.
Le fac lachrymal eft un réfervoir membraneux
beaucoup plus ample que les conduits , placé dans
une excavation pratiquée dans l’os unguis,& dans
l’apophyfe nafale de l’os maxillaire. Il eft prefque