
les modifications que leur donnent les préjugés de
Féducation.
Dans tous les cas d’infanticide on a pour.l’ordinaire
plufieurs objets à difcuter à-la-fois : i° . fi l’enfant
étoit capable de v ie après la naiffance ; z°. s’il
«toit mort ou vivant avant l’accouchement ; 30. s’il
eft né mort ou v iv a n t , 8c s’il a vécu après l’accouchement
; 40. quelles font les caufes de la mort avant
ou après l’accouchement ; 50. depuis quel tems il eft
né ; 8c 6°. fi là mere qu’on accule a réellement accouché
dans-le tems fuppofé.
J’ai déjà parlé au mot Av o r t em e n t des fignes
qui peuvent faire diftinguer les avortons des foetus
viables ; le développement des parties d’un enfant,
fa parfaite organifation s’annoncent fuffifamment par
le premier coup d’oeil. T ou t enfant qui parvient à
terme fans accident durant la g eftation, fans dépravation
dans les organes effentiels, 8c qui étoit vivant
dans le fein de fa mere à cette époque doit être cenfé
viable.
Les fignes du foetus mort avant l’accouchement
fo n t , félon Alb erti, la foupleffe 6c la flexibilité de
fon cad av re, la rugofité ou la molleffe de fa peau,
fa couleur jaune ou même livide , l’affaiflement du
bas-ventre, le changement dans l’enfemble de toutes
les parties qui reffemblent plus à un adulte qu’à un
enfant , les commencemens de putréfaction , les
taches livides ou de différentes couleurs répandues
fur la peau , les crevaffes ou les gerçures , la fanie
putride qui s ’en écoule ou qui fort par les autres
ouvertures , la putréfaction manifefte vers le nombril
principalement, le cordon ombilical flafque ,
jaunâtre, rac co rn i, livide 8c comme diffous, la fontanelle
affaiffée , l’anus b é an t, l’afpeét cacheftique
ou oedémateux de tout le corps du foetus.
L’état du cordon ombilical, dont Alberti fe fert
pour prouver la mort du foetus dans le fein de fa
m e r e , peut encore induire quelquefois en erreur.
L a feule aâ io n de l’air fur le cordon le deffeche , le
ra c co rn it, le rend jaunâtre ou livide ÔC facile à
déchirer.
Il eft toujours utile de joindre l’ examen du placenta
8c du cordon à celui de l’enfant, ils ajoutent
à la certitude des fignes dont je viens de parler ; &
de l’enfemble de ces fignes recueillis fur un enfant
récemment fo r t i, on peut conclure qu’il étoit mort
avant la naiffance. On n’eft pourtant pas en droit de
décider par la raifon des contraires qu’un foetus qui
ne préfente point les fignes énoncés eft né vivant.
Prefque tous ces fignes font l’effet de la putréfaction
; or il eft pofîible qu’un foetus foit mort dans
l ’utérus peu de tems avant l ’accouchement, indépendamment
de toute caufe violente 8c extérieure,
8c d’ailleurs on a une infinité d’exemples de foetus
qui ont été confervés morts pendant long-tems dans
la ma trice , 8c q u i, après leur fo r tie , n’ont offert
aucun ligne évident de putréfaâion (H e ifte r , Mori-
ceau , A lb e r ti, Hebenftreit ). C es foetus nageant
dans la liqueur de l’amnios, 8c enveloppés par leurs
membranes , font à l’abri de l’air e xté rieur, 8c doiv
en t être dans ce cas confidérés comme des corps
étrangers qui , par leur pofition, éludent l’aftion
de l’une des principales caufes putréfadives. On voit
pourtant dans ces foetus que les enveloppes 8c le
placenta ont une molleffe qui n’eft pas ordinaire ,
on trouve du fang grumelé dans la veine ombilicale,
& tout le corps de ces foetus eft fec ou raccorni.
Il eft encore effentiel d’établir le tems depuis
lequel l’enfant eft né ; car fi l’examen qu’on en fait
eft de long-tems poftérieur à l’accouchement, & que
le c lima t, la fa ifon, le lieu oit on l’a trouvé , indiquent
une chaleur confidérable , alors cette putréfaction
oii les fignes qui l ’annoncent pourront être
Vjn accident étranger à la mort dans l ’utérus | 8c
feront aufli juftement imputés à ces caufes exté*?
rieures. L’enfant peut dans ce cas être né v iv a n t ,
8c préfeqter tous les fignes d’un enfant mort avant
la naiilànce.
Les épanchemens de fang qu’on trouve dans quelques
enfans ne font pas toujours une preuve qu’ils
font nés v iv an s , on fait que la putréfà&ion dénature
peu-à-peu les pa rties, elle opéré fur-tout fur les
vaiffeaux veineux qui contiennent le fang après la
mort ; ces vaiffeaux font affez fouvent rompus par
l ’air qu’elle dég ag e , le liquide contenu s’épanche
par ces ouvertures , 8c l’on voit quelquefois le fang
des parties, les plus éloignées fe porter infenfible-
ment vers l ’iffue qui lui eft offerte , & rendre l’ex-
travafation très - confidérable ; il n’eft pas rare de
v oir dans des cadavres des hémorrhagies confidé-
rables fe faire par le nez , la bouché & les autres
orifices. De-là réfultoit jadis, l’opinion abfurde de
l ’hémorrhagie comme indice contre un àccufé.
Dans cette incertitude que les circonftances rendent
fouvent inévitable, on examine fi l’enfant préfente
des fignes d’après lefquels on puiffe, conclure
qu’il a vécu. L o r s , par exemple , qu?pn trouve des
marques de v iolence e x té rieu re, comme c o u p s ,
bleflures, contufions, l’examen attentif de cesléfions
peut les faire diftinguer des différens accidens qui
peuvent dénaturer un cadayre. Le fang s’écoule par
une plaie faite fur un corps v iv an t, les contufions ,
les coups procurent des equimofes plus ou moins
étendues , & fi ces léfions font récentes, l’état des
chairs annonce facilement qu’elles ont été faites fur
un enfant qui v ivoit. Il eft encore clair que l’enfant
a vécu après la naiffance fi l’on trouve des preuves
qu’il a r e fp iré , mais l’abfence de ces preuves ne
prouve pas toujours qu’il eft né m o rt, comme je
le dirai ci-après. Le défaut d’hémorrhagie par les
arteres ombilicales, lorfqu’elles ne font point liées ,
eft l’une des preuves les plus pofitives de la mort
du foetus ayant l’accouchement.
On peut joindre à ces confidérations prifes de
l’état de l’enfant le détail des accidens éprouvés par
la mere durant la groffeffe ; les chu te s, les c ou p s,
les efforts confidéràbles , les fituatiorts extraordinaires
8c forcées ;. les terreurs fubites 8c plufieurs
caufes de c.e genre qui agiffent fur la mere durant fa
groffeffe peuvent attaquer la vie du foetus , quoique
enfermé dans fon fein. Le foetus même avancé peut
expirer fubitement par Faftion de ces cau fe s , ou
bien il peut en contraâer des maladies qui deviennent
mortelles quelque tems après. Les recueils des con-
fultations des facultés de L e ip fick, de Wirtemberg ,
d’Helmftad 8c autres, préfentent une foule de cas fem-
blables. (Voyefôohn.de infanticidio >Mich. Bernard.
Valentini pandecla & novcLlæ med. le g. Hebenftreit,
antropol.forenf. A\htrù ,fy jl.ju r ifpr. med.')
Quoique l’enfant ne préfente aucune preuve qu’il
ait refpiré , il ne s’enfuit pas toujours de-là qu’il
étoit mort avant l’accouchement. Cette opinion
s’étoit répandue parmi tous les anciens , 8c l’on re-
gardoit la refpiration même dans les nouveaux-nés
comme inféparable de la v ie ( Gai. de loc. affecl.
cap. J . ) , une légère attention fuffit néanmoins pour
indiquer que le foetus v it dans fes membranes fans
refpiration ; qu’il ne peut refpirer que lorfqu’elles
font rompues & qu ’il eft forti de l’utérus ; qu’il eft
encore une foule de caufes qu i, apres fa fo rtie , peuvent
s’oppofer à fa refpiration fans le faire ceffer de
v iv re . On voit naître des enfans fi fo ib les, qu’après
leur fortie ils font fans mouvement, fans fentiment,
fans refpiration même durant plufieurs heures ; les
fomentations, les lotions avec des fpiritueux raniment
chez eux le principe v ital, ils donnent des fignes
de v i e , 8c jouiffent enfuite d’une affez bonne fante.
Les enfans les plus vigoureux en apparence ne font
pas à l’abri a e cet inconvénient, qui ne dépend paâ
toujours de la foibleffe de leur o rganifation. Le placen
ta détaché trop-tôt de l’utérus , la rupture du
cordon ombilical donnent lieu à des hémorrhagies
qui les affoiblifl'ent ; la preflion qu’ils endurent au
paffage , agit fur leurs membres délicats , principalement
fur leur t ê t e , leur poitrine , y caufe des
contufions , intercepte l’a â io n des nerfs 8c les fait
tomber en fyncope ou dans l’affoupiffement. T o u t
enfant qui vient de naître par l’accouchement le plus
fimple 8c le plus n a tu re l, pleure ou c r ie , c e n’eft
pas fe méprendre que d’attribuer ces plaintes à la
fenfation incommode qu’il a foufferte en paffant par
les voies étroites de l’accouchement. Combien d’ac-
cidens encore plus graves font la fuite de cette com-
preffîon! Z e lle r , Bohn, Alberti, 8c plufieurs facultés
conviennent de la poflibilité de ce que j ’avance. Bohn
ajoute encore le témoignage de l’expérience à ce que
l’obfervation indique : des petits chiens nouvellement
mis bas & faifis au paffage v iv ent encore long-
tems , quoique é tranglés, fans cependant jouir d’aucun
mouvement de refpiration. La circulation du
foetus eft différente de celle de l’adulte, 8c ces différences
ne difparoiffent que par fucceffion de tems
après la dilatation des poumons par l’abord de l’air.
L e fang q u i , dans le foe tu s , paffoit librement par le
trou o v a le , 8c le canal a r té r ie l, avant cette dilatation
, y pâffe encore après la naiffance tant que les
poumon s, par leur expanfion, ne dérangent point
cet appareil 8c n’interceptent point ce paffage. La
circulation perfifte donc dans c e c a s , 8c la v ie , qui
lui eft effentiellement l ié e , fe continue.
La continuation du battement du coeur 8c de la
circulation du fang en général eft un indice bien plus
fur de la v ie de l’enfant après la naiffance. Cette
fon&ion eft de toutes- celles qui tombent fous les
fens la plus importante pour l’économie animale.
On peut foupçonner fa continuation après la fortie
de l’enfant, f i , à la fuite de quelque léfion faite extérieurement
S-c directement fur fon co rp s , on apper-
çoit quelque équimofe. On fait que le fangvs’extra-
vafe pendant la v ie dans les intervalles des fibres du
corps à la fuite de différens coups : ces extravafa-
tions fuppofent le mouvement du fang vers les parties
, 8c conféquemment la v ie . ( Bohn, Heifter, Hebenftreit).
Je crois pourtant qu’elles ne font pas toutes
indiftinâement des preuves pofitives de la circulation
, il fe forme aufli des équimofes fur les cadavres
: j’indiquerai ailleurs les fignes qui peuvent les
différencier.
Quelques auteurs du nombre de ceux qui prétendent
que l ’enfant ne peut v iv re fans r e fp ire r , allèguent
, en faveur de leur opinion, les cas où l ’on
voit des foetus morts par le feul entortillement du
cordon autour du c o l , affurant que la preflion de ce
cordon fur la trachée-artere les fiiffoque en interceptant
la refpiration. C e tte explication triviale
fuppofe ce qui eft en queftion. Je demande f i , lorf-
que le cordon s’entortille autour des bras , du corps
o u des jambe s , il s’enfuit le même inconvénient pour
la refpiration ? N o n , fans doute : cependant le foetus
n’en meurt pas moins quelquefois (comme le favent
les fages-femmes), s’il refte dans cette fituation durant
quelque tems, 8c fur-tout fi le cordon eft tendu.
Il faut donc recourir à quelqu’autre caufe. On la
trouv e danS la feule preflion du cordon ombilical
par laquelle les vaiffeaux de ce cordon étant oblitérés
, la circulation de la mere au foetus fe trouve
interrompue ( le cordon ombilical peut encore dans
quelques cas rares être noué dans fon trajet, comme
Mauriceau l’a v u plufieurs fois ) , ou même les vaiffeaux
du c o l , lorfqu’il eft entouré par le co rd o n ,
tranfmettent le fang moins librement vers les parties
inférieures, ce fang s’accumule dans la tê te , 8c peut
Tome IIU
ÿ procurer les différens effets qui réfultent des en*
gorgemens dans le cerveau. Il paroît d ’ailleurs que
la circulation de la mere au foetus ne peut être interrompue
fans la mort de celui-ci 9 qu’après qu’il a refpiré
& que le fang a pris d’autres routes.
. Il fuit de tout ce que je viens de d ire , qu’ude mere
mal intentionnée peut avbir attenté à la vie de fon
enfant lorfqu’il étoit encore dans fon fe in , qu ’il étoit
fur le point d’en fo r tir , ou même après fa naiffance,
fans qu’il ait refpiré.
Le principal figne par lequel On découvre fl Fen-
fant a refpiré avant fa m o r t , eft fondé fur une expé*
rience comme admife par la plupart des médecins *
& connue de tous ceux qui prennent quelque intérêt
au x queftions médico-légales. On jette dans l’eau
une partie du poumon de l’enfant qu’on examine ; fi
elle fe pré cipite , on conclut que l’enfant n’a point
refpire j li elle fumage , on juge le contraire.
Les poumons dans les foetus font denfes. colorés;
ils occupent un très-petit efpace de la poitrine , 88
font appliqués vers la partie poftérieure & un peu
fupérieure , de façon que le coeur 8c fon péricarde
fe trouvent à découvert. Leur tiffu, quoique fpon-
g ie u x , n’eft pas développé , 8c leur gravité fpécifî-
que eft plus grande dans cet état que celle de l’eau.*
Lorfque l’air les a pénétrés, leurs cellules font oU4
v e r te s , diftendues , leur volume augmente 8c leur,
légéreté eft relativement plus grande. Cette expérience
eft déc ifiv e, mais ôte-t-elle tout lieu de doute,'
& n’y a-t-il point d’accidens qui puiffent la rendre
fufpe&e ?
On a multiplié les objeélions côntre là cfertîtude
de cette e xpérience, Zeller (d e pulmonüm iti aquis
fubjidentià) Hippocrate , G a llien, V an denrie l,Nym-
manii, Camerarius, B o y le , Needham, Lanzoni fou-
tiennent cette opinion ) prétend que le foetus peut
refpirer dans la liqueur de l ’amnios, parce qu’ on y
trouve de l’a i r , il cite l’exemple des enfans qui ont
crié ou parlé dans le fein de leur m e r e , Bohn lu i-
même en rapporte comme témoin , il s’àppuie de
l’autorité de B o y le , de Sennert ; mais toutes les autorités
poflibles -luffifent-elles pour garantir un fait
aufli extraordinaire ? Peu d’auteurs d ifen t, comme
B oh n, qu’ils ont entendu par eux-mêmes ; les trois
quarts citent des oui-dire, & nomment des témoins.
L ’amour du merveilleux groflït fouvent les fa its , il
en c r é e , & trouve toujours des approbateurs & des
profély tes. Un lavant homme, un phyficien n’eft pas
à i’abri de la furprife, & s’il n’ eft pas en lui de prendre
toutes les précautions poflibles pour l ’é v ite r , du
moins eft-il inexcufable d’ajouter foi fur de fimples
témoignages aux chofes qui ne peuvent exifter fans
miracle. G n p eu t, fur le rapport d’un fait attefté par
de graves perfonnages, fufpendre fa décifion tant
qu’il n’a rien de contradictoire ; mais la con v iû ion eft
un dégré d’affentiment bien é loigné, 8c qui requiert
d’autres preuves. Bohn peut avo ir été trompé par la
femme de fon miniftre, il peut avoir entendu quelque
gargouillement, 8c le befoin ou le defir qu’il
avo it de recueillir des faits en p reu ve , peut l’av o ir
fiéduit. On parvient par cette maniéré de raifonner
8c d’apprécier les fa its , à croire fermement que l’en-
fan t, dont parle T ite -L iv e , cria dans le ventre de
fa mere io trumphe. On a pouffé le ridicule jufqu’à
écrire , que des enfans avoient ri 8c pleuré dans le
fein de leur mere.
M. Heifter prétend que cette expérience eft fu A
peCte , parce qu’il a vu les poumons fquirrheux d’un
phthifique fe précipiter au rond de l’eau , 8c qu’il eft
poflîble qu’un enfant ait les poumons également
viciés. Je conviens qu ’un fquirrhe ou un tubercule
pris dans la fubftance des poumons fe précipiteront
dans le a u ; maistouslespoumonsfont-ilsfquirrheuxè