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avec laquelle il a choifi & traité fon fujet aux yeux
des’Romains devenus efcla-ves, & dans la cour de
leur tyran.
Proxima quid foboles, aut quid meruere nepotes
ln regnurn nafci ? Pavidh num geffîmus arma ?
Teximus an.jugulos ? Aluni pcena timor is
ln nojlra -cervicefedet........................................
Ce génie audacieux avoit fenti qu’il étoit naturel
à tous les hommes d’aimer la liberté, de détefter qui
l’opprime, d’admirer qui la défend : il a écrit pour
tous les fiecles ; & , fans l’éloge de Néron dont il a
fouillé fonpoëme, oh le croiroit d’un ami de Caton.
Le but de la Henriade eft le même, en un point,
que celui de la Pharfale ; mais il embraffe de plus
•grandes vues. A l’effroi des guerres civiles, que l’un
& l’autre poëme apprennent à détefter, fe joint, dans
l’exemple de la ligue , la jufte horreur du fanatifme
& de lafuperftition , ces deux tifons de la difcorde ,
ces deux fléaux de l’humanité. Voye^ É p o p é e , Suppl.
( M . M a r m o n t e l .)
M o r a l i t é , f. f. ( tfpecc de Drame, ) On repré-
fentoit 1 ts moralités avec les farces & les fotties. Le
fujet quelquefois en étoit pris dans la nature, comme
celui de VEnfant prodigue ; mais plus fouvent la fable
en étoit allégorique , & alors les idées les plus ab-
ftraites ou les plus fantaftiques y étoient perfonni-
fiées ; c’étoient h chair, Ÿ efprit, le monde, bonne
compagnie, je bois à vous, accoutumance .paffe-tems
friandife, &c. ' ’
Dans Im moralité de l’Homme jufle & du mondain ,
un ange promenant une ame en l’autre monde lui
fait voir l’enfer, dont voici la defcription, un peu
différente de celle de l’Enéide & de la Henriade :
En cette montagne & haut roc,
Pendus au croc,
Abbé y a , & jnoine en froc ;
Empereur, rot, duc, comte & pape,
Bouteiller , avec fon broc ,
De joie a poc.
Laboureur aujji ô fon foc ;
Cardinal, évêque ô.fa chape.
Nul d\eux jamais de-là néchape ,'
Que ne les happe
Le diable , avec un ardent broc.
Mis, ils font en obfcure trape ;
Puis fort les frappe
Le diable , qui tous les attrape
Avec fa rappe,
Au feu les mettant en un bloc.
La moralité .de VEnfant ingrat de voit être un excellent
drame pour le tems. Il y a de l’intérêt, de la
conduite, & une cataftrophe qui devoit faire alors
la plus terrible impreflion. Cet enfant, pour lequel
fes pere & mere fe font dépouillés de leurs biens,
les reçoit avec durete, Jorfque réduits à l ’indigence,
ils veulent recourir à lu i, & les menace de les mé-
connoître s’ils fe préfentent de nouveau. Après les
avoir chàffés de chez lui, il fe met à table , fe fait
apporter un pâté ; & comme il eft prêt à l’ouvrir,
fon pere, une fécondé fois, vient lui demander l’aumône.
Ce fils dénaturé le méconnoît & le chaffe de
fa maifon. Le défefpoir s’empare de l’ame du pere ;
il fort, & rend compte à fa femme du traitement
qu’il a reçu. L’un 8c l’autre prononcent contre leur
fils les plus terribles malédiâions.
Le fils , après le départ du pere, veut ouvrir le
pâté , & à l’inftant il en fort un crapaud qui s’élance
furlui, 8c qui lui couvre le vifage. Comme perfonne
ne peut l’en détacher, on s’adreffe au curé , à l’évêq
u e & enfin au pape ; & comme le coupable eft
vraiment repentant, le fouverain pontife ordonne
au crapaud de fe détacher de fa face. Le crapaud
tombe, l’enfant ingrat recouvre l ’ufage de la parole;
& , accompagné de fon beau-pere, de fa femme, de
fes amis &. de les domeftiques , il va fe jetter aux
pieds de fon pere & de fa mere , & il en obtient fon
pardon. On vo it, par cet exemple, que la moralité
étoit une leçon de moeurs., comme fon nom même
l’annonce. Mais à la fin on s’apperçut du ridicule
des allégories qui étoient en ufage dans la moralité.
Dans le prologue d’Eugène, Jodelle en fait fentir l’abus:
On moralife un confeil, un écrit,
Un temps, un tout, une chair , un efprit.
Foye[ A l l é g o r i e , Suppl. (M .M a r m o n t e l . )
§ MORDANT, (Arts, Dorure.j Mordant nouveau
pour dorer & vernir. Le mordant dont on fe fert
ordinairement feche avec peine ; l’or s’y noie étant
trop appliqué ; il ne tient pas pour peu que le mordant
foit trop fec , 8ç alors il faut en remettre une
fécondé couche , 8c attendre vingt-quatre heures,
quelquefois trente-fix, félon la faifon, la température
de l’air & le lieu oit l’on travaille, pour faifir le
point jufte de ficcité dont on a befoin. Celui-ci n’eft:
point/ujet à cesinconvériiens; un quart-d’heure fuffit
pour le deffécher autant qu’il eft néceffaire. Je l’ai appris
à la Haye dans mon dernier voyage en Hollande,
chez le fieurFavin. J’y vis un homme qui redoroit le
cadre d’un portrait de M. Heinfius, grand penfion-
naire de Hollande. Il y pofoit un mordant, que du
premier coup-d’oeil je jugeai différent de tous ceux
que j’avois vus jufqu’alors, d’autant plus qu’aupara-
vant il préparoit le cadre par quelques couches de
vernis ; ce qui certainement ne fe pratique point,
ni ne peut fe pratiquer avec les autres mordans communs.
Un quart d’heure après qu’il eut mis fon mordant,
il appliqua fon o r , & je vis alors la plus belle
doriire que l’on puiffe defirer. J’en donne ici la com-
pofition telle qu’il me l’a communiquée.
Compofition du mordant nouveau. Une livre d’huile
de lin , fix onces de litharge d’argent, une once de
terebenthine, une once de terre d’ombre , une
once de poix réfine, une once de gomme fpaltome,
un oignon 8c une croûte de pain bis ; mettez le tout
dans un pot de terre verniffé, contenant environ
trois ppts de Hollande qui font fix pintes de Paris ;
faites-le bouillir pendant trois ou quatre heures, juf-
qu’à ce qu’il foit affez cuit : c’eft ce que l’on conhoît
en tirant quelques gouttes de la compofition que l’on
laiffe refroidir : lorfqu’elle file , c’eft la marque infaillible
de la bonne cuiffon. Alors vous retirez le
pot du feu ; & quand ia matière eft à moitié refroidie,
vous en tirez l’oignon 8c la croûte de pain
bis , puis y mettez aufli-tôtun quarteron d’efprit de
térébenthine. Vous pafferez enfuite le tout par un
linge, 8c le garderez dans une bouteille bien,bouchée
avec du liege couvert d’un morceau de Veflie. Ce
mordant fe confervera dix ans fans rien perdre de fa
vertu. On l’emploie,de la maniéré fuivante.
Il faut commencer par paffer fur le bois une ou
deux couches de vernis. On met enfuite un peu de
vermillon dans le mordant que l’on détrempe avec
un peu d’efprit de térébenthine pour le rendre plus
coulant ; alors on paffe une couche fur le bois. Au
bout d’un quart d’heure il eft fec : vous y appliquerez
votre or ; & avec un peu de coton vous appuyez
fur cet or, afin de l’affurer 8c le faire tenir. Notez
que lorfqu’on veut dorer le fer, il n’eft pas befoin d’y
coucher le mordant. Jour'n, Econ. mai iy5a,p\ / 07^(4-)
MORES, ( l l i f . eccléf.j Les Mores des états de
Fez 8c de Maroc font profeflïon de mahométifme ,
prient fept fois le jour, 8c ont de fréquentes ablutions
; ils ont deux ordres de prêtres, celui des cadis
qui reflèmblent affez aux rabbins des Juifs , 8c celui
des talbes : ceux-ci font pauvres comme par-tout le
bas clergé.
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La fainteté, félon eux, n’eft pas feulement I’appa-
nage de l’humanité, mais aufli de l’animalité. Parmi
leurs faints ils en ont de vivans 8c de morts; parmi
les vivans le peuple a une vénération finguliere pour
les forciers, devins 8c enchanteurs, qui font comme
par-tout des fourbes qui le trompent ; leurs maifons
font des lieux privilégiés , qui fervent d’azile aux
coupables. Parmi les morts ils honorent particuliérement
Abfalon 8c Jefus-Chrift; le premier eft le
patron des filles à marier, qui donnent l’aumône en
fon nom, pour obtenir par cette oeuvre pie un mari
beau comme le fils de David. Ils nient que Jefus-
Chrift , qu’ils nomment Sidi-Mefikha, ce qui lignifie
le Seigneur-MeJJie, ait été crucifié par les Juifs.
Ils ôbfervent un ramadan qui dure une lune entière.
Ils ont trois fêtes principales, celle de la nouvelle
lune qui revient chaque mois lunaire ; celle du mouton,
femblable à la pâque des Juifs ; 8c celle de la
naiffance de Mahomet, qui eft le jour de la circon-
cifion de leurs enfans.
Les mariages ne fe font chez eux que par procureurs
; ils époufent leurs femmes fans les voir , 8c
peuvent les répudier d’abord s’ils ne les trouvent
pas telles qu’on le leur a promis : en «e cas ils ont
droit de leur redemander tout ce qu’ils leur ont donné,
comme aufli s’ils peuvent prouver leur infidélité.
Si le mari a eu des enfans de fa femme, & qu’ il
ne la répudie que par dégoût, il eft obligé de lui
donner la moitié des meubles & de l’entretenir, juf-
qu’à ce qu’elle appartienne à un autre à titre de
femme. Mais les mariages auxquels le roi donne le
fceau de fon autorité royale, font indiffolubles. Les
femmes pleines de chair font réputées les plus belles,
de forte qu’on peut dire qu’on les" eftime au poids.
Relation des états de Feç & de Maroc, publiée en anglais
par Simon Ockley.
§ MORET , ( Géogr. Hiß, ) petite ville du Gâti-
nois, avec un ancien château en platte-forme, d’oü
l’on découvre au loin la plaine & les bois des quatre
côtés. Henri IV s’eft fouvent promené fur la terraffe
de ce donjon avec Sully, fon miniftre , à qui le château,
appartenoit. Le roi l’acheta ôc le donna à Ja-
queline de Beuil, fon amie , qui en fit un agréable
Jejour : elle le porta dans la maifon de Vardes, ayant
époufé René du Bec-Crefpin, frere de l’illuftre
maréchal de Guébrian , & du marquis de Vardes,
d’oû il a pafle en celle de Chabot-Rohan, par la
ducheffe, fille unique du dernier marquis de Vardes:
il appartient maintenant à M. de Caumartin, qui a
pris delà un beau château à Ecuelles.
On fit ce diftique fur cette comtefle de Moret,
maîtreffe de Henri IV , devenue aveugle :
Dum longas hocles ab amore Monta rogaret,
Favit amor votis, perpetuafque dédit,
» Moret de la nuit enchantée ,
» Importunait l'amour d'en augmenter le cours ;
» Sa prière fut écoutée,
» Et la nuit aujji-tôt la couvrit pour toujours.
Elle eut du roi un fils, nommé le comte de Moret 9
qui fe fit tuer à la journée de Caftelnàudari, aux
côtés du duc de Montmorenci, en 1631 : on l’a fait
revivre depuis , & on a prétendu _qu’il a été long-
tems hermite , fous le nom de Frere Jean, mort à;
qo ans dans l’hermitage de Gardelles , à deux lieues
de Saumur. Sa vie a été écrite par Jofeph Grand ,
curé de Saiate-Croix d’Angers : le pere Griffet, dans
la nouvelle édition du pere Daniel 1758, eft du fen-
timent de Grand. Jean de Lingendes , Moulinois,
couiin du pere de Lingendes, jéfuite, depuis évêque
de Mâcon, fut précepteur du comte de Mont en
16 19, il étoit parent du po.ëte Lingendes.
Tome I II.
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Moret eft ancien, puifque Wemilonjl archevêque
de Sens, y affembla au vm e fiecle, un concile où
il préfida. Louis VIII y convoqua un parlement, où
il jugea un différend, entre Eudes II, duc de Bourgogne
, & l’évêque de Langres. M. l’abbé Gouget, au
tome X V de fa Bible françoife, fait mention d’un fa-
vant avocat de Moret, nommé Denis Fer et. Le canal
de Briare finit à Moret, où le Loing déjà grofli par
cinq ou fix ruiffeaux, fe rend dans la Seine, à la
• Boffe, près faint Mamert. Il y a un bon battoir
d’écorce qui travaille fans ceffe, & qui en fait cinquante
grands facs par jour, ayant quatre gros mar-,
teaux à trois dents de fer qui pilent l’écorce. ( C .j
MORGINNUM, ( Géogr. anc. ) On trouve ce lieu
dans la Table Thèodojîenne, fur la route de Vienne à
Cularo ou Grenoble , diftance x i v , ce qui convient
à Moiran , appellé dans les titres du Dauphiné
Moirencum. M. de Valois tranfporte Morginnum à
Morges, fur le Drac, entre Grenoble & Gap, ce
qui tourbe le dos à la route de Grenoble à Vienne ,
& ce qui fourniroit le double de la diftance. D ’An-
ville, Not. Gal.p. 4 6 S. ( C . j
MORINGEN, ( Géogr. ) ville des états d’Hanno-
v r e , dans la principauté de Calenberg, au cercle de
Baffe-Saxe , en Allemagne. Elle eft de la fécondé
claffe du quartier de Gottingen ; & fans être confidé-
rable par fon enceinte, elle l’eft par fon ancienneté
& par le bailliage auquel elle préfide , & dont les
maifons de Brunfwick & de Heffe partagent la jurif-
diûion. ( D . G. )
§ MOR LAIX fen Bretagne, (Géogr.) Les habitans
incommodés de la fumée du tabac que l’on brûloit
à la manufa&ure, peu éloignée de cette ville , fe
plaignirent au parlement de Bretagne en 1762; les
magiftrats firent écrire à la faculté de médecine de
Paris fur cet objet : elle fut d’avis que l’on éloignât
des villes les fourneaux, affez loin pour que le vent
ne pût rabattre fur les maifons la vapeur âcre de ce
végétal.
On emploie à cette manufaôure huit à neuf cens
ouvriers ; il peut s’y fabriquer, année commune ,
vingt à vingt-cinq mille quintaux de tabac. ( C. )
MORS, (Géogr.j petit canton du Danemarck
dans le NordrJutland, ôc dans la préfeûure d’Al-
bourg. C’eft une île formée par le Lymfurt ; on lui
donne trois milles de longueur, fur deux de largeur ;
fon fol eft d’une extrême fertilité, & fa population
eft confidérable. L’on y compte trente-deux paroif-
fes ; & l’on y trouve la petite mais commerçante
ville de Nickioping, dont deux autres du royaume
portent le nom. ( D . G .j
MORTEMER, ( Géogr. Eccléf. Hiß. ) abbaye de
bernardins, filiation d’Orcham, fondée en 1136 par
Henri I , roi d’Angleterre : on y voit le tombeau de
Robert Poulain, archevêque de Rouen, 8c celui des
barons du Bec-Crefpin.
Cette abbaye eftfituée en Normandie, diocefe
de Rouen, dans un vallon près de Lyons, entre les
rivières d’Epte & d’Andelle , à quatre lieues d’An-
dély.
Eudes, fils du roi Henri, fut défait près de Morte-,
mer dans une fanglante bataille, par Robert, comte
d’Eu, & Roger de Mortemer, généraux du duc Guillaume
, qui étoit alors à Evreux.
Le roi de France qui étoit à Mantes s’enfuit ; &
touché du fort de fes foldats, il jura que la paix
qu’il alloit faire feroit aufli longue que fure.
Les dépens des prifonniers furent taxés à dix be-
fans par jour pour les comtes, fix pour les barons,
quatre pour les chevaliers, &c un pour l’écuyer.
PTifi. de Guillaume le conquérant, par l’abbé Prévôt,
tome I.page 1743. ( C.)
§ MORVAN, ( Géogr. Hiß. j canton en Bourgogne
8c en Nivernois, anciennement connu fous iq
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