Lr U a
pardonna à (es ennemis, & fit le bonheur de fes fu-
jets après les avoir vaincus.
G u s t a v e A d o l p h e , furnommé le Grand , roi
de Suede. Les hautes qualités de ce prince ne furent
point les fruits tardifs de l’éducation 6c de l’expérience.
La nature avoit tout fait pour lui. Au milieu
des malheurs dont la Suede fut accablée pendant
les dernieres années du régné de Charles IX ,
fon pere, tandis que fon efprit égaré fuccomboit
fous le fardeau du gouvernement, Gujîave , âgé de
feize ans , paroiffoit dans les confeils, &c à la te te
des armées, obéifloit en foldat, négocioit en minil-
tre , & commandoit en roi. Sa modeftie prêtoit un
nouveau charme à fes talens. 11 fe défioit de fes
forcés. Un jour fes.courtifans le virent plongé dans
une profonde rêverie , les yeux mouillés de larmes,
ils le queftionnerent fur le fujet de fa douleur.
« Hélas, difoit-il, mon pere eft prêt à defeendre
» dans le tombeau, 6c moi à monter fur le trône :
» quelle reffourçe pour la patrie , qu’un prince
» jeune, imprudent 6c novice dans l’art de régner !
w comment pourrai-je la défendre contre tant de
v puiffanees armées contre elle ! Ah ! fi du moins le
» facrifice de ma vie pouvoit fàuver l’état ». Sigif-
ui.ond, roi de Pologne, chaffé par les Suédois, avoit
affocjé la Ruflie 6c le Danemarck à fa vengeance.
Les Suédois efïuyerent d’abord quelques échecs ;
mais dès que le jeune Gufiave fe mit à leur tête ,.ils
triomphèrent. Charles étant mo;rt le 30 o&obré
161 r , Gufiave fut proclamé avec enthoufiafme par
toute la nation. Il avoit tous les talens néceffaires
pour gouverner, mais il n’a voit point l’âge fixe par
les loix du royaume. Le roi Charles avoit nommé
un confeil .de, régence , compofé de fenateurs : la
reine Chriftine 6c le duc Jean y préfidoient. Mais on
fentit bientôt que GuJlave étoit au-deffus d’une loi
faite pour les princes vulgaires ; on remit les rênes
du gouvernement entre fes mains ; dans l’etat deplo-r.
rable oit fe trou voit la Suede, prête à être envahie
par trois puiflanees rivales, un roi guerrier étoit
un fléau néceffaire. Gufiave part, porte le ravage
dans la Scanie , entre dans la Gothie occidentale ,
force les Danois àrla retraite, taille en pièces un
parti près d’Ynnewaldbroo , en écrafe un autre près
d’Eckefio, délivre Joënekoping afliégé.par le roi de
Danemarck. Chriftiernqui avoit méprifé la jeuneffe
de Gufiave, ne voulut pas lui demander honteufe-
ment la paix ; mais il fe fit offrir la médiation de la
cour d’Angleterre , 6c s’engagea à reftituer, moyennant
un million d’écus, Calmar, l’ifle d’Oëland, le
fort Risby 6c Elfsbourg. Ainfila guerre fut terminée
au mois de janvier de l’année 1613. Les Mofcovites:
voyant que les Danois n’agiffoient plus de concert
avec eux , expofés feuls à la vengeance de GuJlave ,
prirent un parti qui étonna toute l’Europe. Le czar
étoit mort. Ils élurent pour fon fucceffeur le prince
Charles-Philippe , frere de Gufiave. Cette éleâion
étoit l’ouvrage de Jacques de laGardie. GuJlave fut
piqué de ce qu’on ne l’avoit pas proclamé lui-même ;
il dévora cet affront,, confentit en apparence au départ
de fon frere : mais il y mit tant d’obftacles, que
les Mofcovites prirent ces délais pour un refus. Ils
élurent Michel Féodorovitz ; Gufiave voulut alors
ou parut vouloir placer le prince Charles Philippe
fur ce trône; il n’étoit plus tems :1e roi ne parut pas
fort chagrin du peu de fuccès de cette démarche. Il
donna fa foeur Catherine en mariage au comte Palatin
prince de deux Ponts. C’étoitau premier fruit de cette
union que GuJlave deftinoit fa couronne, s’il mou-
roit fans ehfans. La cérémonie du couronnement de
Gufiave ne fe fit qu’en 1617 ; trois ans après il
époufa Marie • Eléonore , fille de Jean-Sigifmond,
éleûeur de Brandebourg, 6c s’arracha auffi-tôt des
bras de la reine pour voler aux combats ; Riga fut.
emporté , Mittaw fe fournit ; une treve de deitx ans
avec la Pologne, fut la fuite de fes conquêtes. A
peine cette fufpenfion d’armes étoit-elle expirée ,
que GuJlave entra en Livonie, pénétra dans la Lithuanie
, epurut de.conquêtes'en conquêtes, 6c offrit
en vain la paix à Sigifmond , qui favoit bien que le
premier de tous les articles leroit de fa part une
renonciation formelle au trône de Suede qu’il re-
grettoit.
Ce prince fe ligua avec l’empereur, dont l’ambition
efpéroit compter un vaffal de plus dans Sigifmond
, s’il pouvoit le replacer fur le trôné de Suede.
Mais GuJlave qui étoit rentré en Pologne par la
Pruffe , l’an 1 6 2 6 , avant qu’on fût informé de fa
defeente, avoit déjà conquis F r a w e n b e r g , Brawns-
berg , Elbing , Marienbourg , Mewe , Dirschaw ,
Stum , Chriltbourg , Werden; fon armée triomphante
échoua devant Dantzick : dans tous ces combats
, GuJlave , placé aux premiers rangs , commandoit
, combattoit, échauffoit la mêlée ,’ dirigeoit les
grands mouvemens , 6c confervoit toujours cette
préfence d’efprit qui décidé du gain des batailles..
Dansdeuxde ces rencontres il fut bleffé ;,le foldat
Suédois <en voyant couler le fang de fon roi , n’en
devint que plus furieux. Le célébré "W r a n g e l remporta
en 1629 une viûoire fur les Polonois, près
de Gorzno ; Gufiave , jaloux de la gloire de ce général
, livra bataille aux ennemis, près de Stum. La
viôoire fut complette, quoique les Suédois fuffent
inférieurs en nombre ; Sigifmond défèfpéra enfin de
remonter fur le trône de Suede. Il accepta une treve
de fix ans. On devoir profiter de ce calme pour travailler
à une paix folide ; cependant Gufiave con-
ferva fes conquêtes en Livonie, 6c quelques autres
places.
Gufiave n’avoit point oublié qu,e l’empereur avoit
donné de puiffans lecours à Sigifmond ; il avoit faifi
la politique de cette cour ambitieufe qui vouloitran-
ger tout le Nord fous fes loix : il preffentoit le but
des démarches qu’elle ne ceffoit de faire pour brouiller
le Danemarck avec la Suede, 6c fubjuguerces
deux royaumes à la faveur des divifions qu’elle fai-
foit naître ; il cherchoit l’ôccafion de rompre de
nouveau avec èlle ; un affront fait à fes ambaffa-
deurs par les impériaux , la lui offrit, 6c la guerre
fuf déclarée. Gufiave , fortifié 4 e l’alliance du roi de
France, du duc de Poméranie, de l ’archevêque de
Brême , 6c du landgrave de Hefle-Caffel, s’avança
contre les Impériaux , remporta deux victoires près
de Greifïenhagen 6c de Gartz, chaffa les ennemis de la
baffe Poméranie & du Neumarck, parut vainqueur
fur les bords de l’Oder, 6c compta, peu s’en faut ,
fes jours parles conquêtes; après diverfes opérations
militaires, Gufiave fe montra fur les bords de l’Elbe,
s’empara près de "Werben d’un pofte avantageux, 6c
de-là obferva les mouvemens.du comte de Tilly.
Cet illuftre Bavarois commandoit les Impériaux ;
tous deux s’eftimoient , s’épioient, fe devinoient
l’un l’autre; on fe fépara fans combattre , maison
fe rejoignit près de Leipfick. La bataille s’engagea ,
dès le premier choc les Impériaux crièrent victoire ;
le comte de Tilly fit partir des couriers pour l’annon->
cer à la cour impériale ; l’éleûeur de Saxe abandonna
Gufiave , 6c s’enfuit ; le roi de Suede rétablit
le combat, culbuta la cavalerie impériale , diflipa
l’infanterie-, & eut feul avec fes foldats. toute la,
gloire de cette journée. Les fuites de cette victoire
furent plus importantes que cette vi&oire même ;
une partie de la Franconie fe fournit à l’armée victo-
rieufe. Ceux des princes proteftans que la crainte
avoit jufqu’alors retenus dans le parti de l’empereur,
fe déclarèrent pour la Suede ; enfin la terreur étoit
fi générale , qu’on ne laiffoit plus à Gufiave le plai-
fir de former des fieges , 6c de livrer des affauts.
G U Y
Si-tôt qu’il fie montrait, Jés villes les mieux fortifiées
oovroient leurs portes ; tandis- que Gufiave fè
rendoit.maître de toutes, les côtes de la mer Baltir
- que, les Saxons penétroient dans la Bohême , 6c le
nom du héro§ qu’on, ç.royoit.vpir à ..leur tête, fou-
meuoit une. partie 4 e ce royaume. Au milieu des
rigueurs (h? l’hiver, Gufijùve couroit de conquêtes
en conquêtes ; fon armée ne campoi.t plus , elle
étoit logée da.ns les viiles;.la mort du brave 6c malheureux
T illy, acheva la déroute des Impériaux ; leur
armée fe difpeffa 6c çaufa plus de ravages dans fon
retour , que les Suédois., âuflî difeiplinés qu’intrépides
, n’en a voient fait dans tout le cours de la
guerre.
Vallenftein raffemhla ces débris , >y, ajouta de
nouvelles forces recueillies dans les c e r c l e s fidele-s
à l’empereur, marcha contre Gufiave, 6c crut réparer
tous les malheurs du comté de Tilly. Enfin ,
après d i v e r f e s expéditions que les bornes de ce
Dictionnaire ne nous permettent pas de rappeller,
les deux armées fe trouvèrent, en préfence près de
Lutzen,le 16novembre 1632, la bataillé fédonna,
les Suédois montrèrent une ardeur nouvelle ; l’infanterie
impériale fut taillée en pièces, le, canon fut
enlevé.; G'ftflà've, impatient d’achever la défaite d e s
ennemis , fe précipita au milieu d’un régiment de
cuiraffiers qui tenoit tête aux Suédois* il y ,périt ; les
cirçonftançes'de fa mort paroiflent incertaines, fa
morf n’émpêclià pàs là viCt'ôiré de fon armée. '
C’étoit un. prince aufli accompli qu’un homme
peut l’être. Il avoit peu.de défauts , &'n’avqit point
de vices. Il fût contraint à' faire la guerre , & ce n’çft
pas à nous à examiner fi dans un teins dè paix , il
auroit cherché, l’occafion de la faire. On frit que, la
lefture du traité de la guerre 6c de la paix dé Grotius;
lui -„étoit. familière. Il n’avoit pas moins de talens
pour le gouvernement que pour la guerre.
Rien dé ce qui peut contribuer au bonheur ou à la
gloire d\in empiré, ne-fûï. étoit étranger. DiCtér des
loix, donner des batailles, préfider aux travaux du
laboureur , comme à ceux du foldat , defeendre
dans tous, les détails politiques 6c militaifes , fe
montrer équitable fur un tribunal , grand fur un
champ de bataille, il favoit tout, excepté retenir
fon courage dans la mêlée. Un excès de bravoure lui
coûta la vie. ( M. d e .Sa c y . ')
§ GUYANE ou GUI ANE ( la }jGéogr. Cette
valle contrée de l’Amérique méridionale qu’on décora
long tems du magnifique nom de France équinoxiale
, n’appartenoit pas toute à cette puiflance.
Les Hollan^ois en s’établiflant au nord , 6c les Portugais
au midi, l’avoient refferrée entre la riviere de
Marony & celle de Vincent Pinçon. Elle eft éloignée
de la Cayenne de cent lieues de côtes; la navigation
y eft fort difficile à caufe de la rapidité des
courans , continuellement embarrafle^; par des
âflots, par des bancs de fable 6c de vafé 4 iir.çié, par '
des mangliers forts & ferrés.qui avaient “deux'qu'^
trois lieues dans la mer. Lés grandes & nqjBbreufes
rivières qui arrofent ce continent, i?e fo.qt. pas plus -
praticables. Leur lit eft barré dediftadee; çn diftançe
par des rochers énormes qui ne permettentHgôint de
le remonter. La côte , baffe prefque paf-tout', éft ^
inondée en grande partie dans les hautes marées.
Dans l’intérieur du pays:j; la plupart des plaines 6c
d^vallées deviennent aufli des marais dans la faifon
o^pluiëSè
Cependant ces déluges d’eau qui fufpendent tous
les travaux, toutes leS cultures, rendent les chaleurs
affez fupportables, fans donner au climat une influence
aufli maligne qu’on pourroit le préfumer.
L’Efpagnol Alphonfe Ojeda y aborda le premier
en 1499 » avec Améric Vefpuce, 6c Jean de la Cofa.
Ce voyage ne donna que des connoiffances fuper-
Tome I II.
GUY 283
ficîelles d’un fi Vafte pays. Valter Raleig , Anglois ,
fe détermina en 1395.au voyagé de I,a Guyane ; mais
il la quitta fans avoir trouvé l’or qu’il y cherchoit.
les, François .fe- fixèrent dans l’ifl.e de Cayenne en
*6? 5' Quelques.négocians.de Rouen réfolyrent d’y
former un établiffement en 1(343 , fous lé féroce
Ponçetde Bretigny , qui fut maffaçré par les colôns
auxquels il avoir déclaré la guerre., ainfi qu’aux faui
vages.. Ç>n vit fe fermer à Paris,, en 1651 , une nouvelle
compagnie, qui échoua prefque par la mort
du vertueux abbé de Marivaïuc, l’ame de cetteien-
treprife qui fe noya en entrant dans fon bateâù...Ejî
1(363 , une autre compagnie , feus Ja direâion de la
-Barre, maître des. requêtes , aidée du miniftere ,
.te.nta la même fortune , &:n.e réuflit pas mieux.
Enfin un an après, Cayenne 6c Guyane; rentrèrent
dans les mains du gouvernement , à l’époque heu-
reufe qui rendit la liberté à toute.s les colonies. Celle-
ci fut prife par les Anglois en 166746c par les HoJlan-
dois en 1674; mais, depuis elle n'a pas même été attaquée..
Cet établiffement tant de fois bouleverfé ref-
piroit à peine, lorfque des flibuftiers qui re’yenoient
chargés des dépouilles .de la mer du fud ■ s’y fixèrent.
Ils paroifloient pouffer avec vigueur la culture des
terres, lorfque Ducaffe qui,, avec!'dés vaiffeaux.,
avoit la réputation d’un hahilémarfe > leur propofa
en 1688 le pillage de Surinam. Leur goût naturel fe
réveille : fes. nouveaux colons deviennent copfaires^
6c leur exemple entraîne presque tous les habhans.
L’expédition fuit malheurejufe , une parue des
combattans périt dans l’attaque, & les autres,,faits
prifonniers , furent envoyés aux Antilfes ,!;ôicrils
s’établirent. La cofenie ne s’èft jamais relevée .d,e
cert;e pertes biep loin de pouvoir s’étendre dans la
Guyane ,• elle n’a fait qu,e languir, à la Cay enne.
... La Guyane parut en 1.76_3'inné- reffource-très pré-
cieufe au miniftere de France , réduit à réparer de
grandes pertes + en y établiffant une population na-
-tionale 6c libre , capable de réfifter par elle-même
aux attaques étrangères, & propre<à voler avec le
tems au fecours. dès autres colonies , ' lorfque les
circônftânces: pour'roient; l’exiger,. Mais le génie ne
préyoit pas :to.ut; on s?égara, parce qu’on crut que
des- Européens fontiendroient fous la zone torride
les fatigues qu’exigent le défrichement des.terres’.;
rque des-hommes qui ne s’expatrioient que dans l’ef-
.péfance d’un meilleur fort, s’accoutumeroient à la
fubfiftance précaire d’une vie fauvage, dans un climat
moins fain? que. celui .qu’ils quittoient ; enfin
qu’on pourroit établir dés liaifons faciles 6c importantes
entre la Guyane 6c les îles françoifes.
Ce faux fyftême où le miniftere fe laiffa entraîner*
par des hommes qui neconnoiffoient fans doute ni le
pays qu’il s’agiffoit de peupler, ni la maniéré d’y
, fonder des colonies, fut aufli malheureufement
pxécutë que légèrement conçu. On diflribua les
moi.wéàüx colons en deuxelaffes, l’une de proprie-
tàîfes,, l’autrç. (Je mercenaires , au lieu de donner
une portion 4 e terrein à défricher à tous ceux qu’on
portoit dans^ette.terre nue & déferte.
Douze nplê hommes furent débarqués après une
-longue navigation fur des plages défertes 6c impraticables
^ dans la faifon des pliiies qui dure fix mois,
fur une langue dé terre ; parmi des îlots mal-fains,
fous un mauvais angar. C’efl-là que , livrés à l’inaction
, à l’ennui , à tous les défordres que produit
l’oifiveté dans une populace d’hommes tranfportés
de loin fous un nouveau ciel, aux nnferes & aux
maladies contâgieufes qui naiffent d’une femblable
fituation , ils virent finir leur trifte deftinée dans, les
horreurs du défefpoir. Leurs cendres crieront à jamais
vengeance contre les impofteurs qui ont abufé
de la confiance du gouvernement, pour confommer
à de fi grands frais tant de malheureux à la fois^