faveur des calviniftes ; François indiqua une affem-
blée des états à Orléans : Condé s’y rendit ; mais en
entrant dans la ville, il fut arrêté & condamné à
mourir de la main d’un bourreau; il mourut depuis
de celle d’un affaflin. L’arrêt alloit être exécuté, lorf-
que la mort du roi changea pour quelques momens
la face des affaires ; ce prince mourut à Orléans le 5
décembre 1560. Cet événement rendit la liberté au
prince de Condé : e’étoit un homme fi altier 8c fi
ferme, que lorfque dans fa prifon on lui parla de
traiter avec les Guifes, il répondit : Je traiterai avec
eux la lance à la main : ce font-là les traités #un homme
tel que moi. (M . PE SACY.)
François , grand-duc de Tofcane, fuccefl'eur de
Charles V I I , XLive empereur depuis Conrad I ;
Marie-Thérese d’Aütriche , reine d’Hongrie 8c
de Bohême, ( Hijloire d'Allemagne, d'Hongrie & de Bohême.
) Immédiatement après la mort de Charles VI,
fon pere, Marie-Thérefe, âgée de 2.3 ans, fe mit en
poffeffion des états de la maifon d’Autriche, dont
elle étoit l’unique rejetton en ligne dirette. Le premier
ufage qu’elle fit de fa puiffance, fut d’affocier
le grand-duc fon époux au gouvernement, l’afte en
fut infcrit de la maniéré la plus folemnelle dans tous
les tribunaux; mais le grand - duc promit authentiquement
qu’il ne s’en prévaudroit jamais pour exiger
la préféance fur fon époufe. Les états d’Allemagne
8c d’Italie témoignèrent leur allégreffe à l’avéne-
ment de leur fouveraine ; les Hongrois n’y mêlèrent
point leurs cris de joie : ce peuple amoureux de la
liberté réclamoit fes anciens privilèges dont les derniers
empereurs l’avoient dépouillé. Les échafauds
que Léopold avoit fait dreffer dans la place d’Eperies
étoient encore préfens à leurs yeux, 8c nourriffoient
au fond des coeurs un v if reffentiment. La reine, à qui
rien ne manquoit pour être aimée, 8c qui fentoit le
befoin de l’ê tre, raffura leurs députés par la réponfe
la plus confolante qu’ils puffent defirer. «Si moi ou
» quelqu’un de mes fucceffeurs , dit-elle , en quel-
» que tems que ce foit,veut attenter à vos privilèges,
» qu’il vous foit pérmis à vous 8c à vos enfans de
» vous défendre,fans pouvoir être traités de rébelles».
Ce langage d’une princeffe qui vouloit fonder fon trône
fur la juftice & la modération, éteignit le dernier
flambeau de la guerre civile, à laquelle la Hongrie,
dans tous les tems, avoit été en proie. Marie-Thérefe,
pour fe concilier déplus en plus l’efpritdes grandsde
ce royaume , mit en liberté plufieurs feigneurs dont
la fidelité avoit paru fufpeôe, & dont on avoit cru devoir
s’affurer fous le dernier régné. Ce que la clémence
infpiroit à Marie-Thérefe, la politique l’eût
rendu néceffaire.La plupart des princes de l’Europe,
anciens ennemis de fa maifon, prenoient des me-
fures pour lui ravir le fceptre; le duc Albert de Bavière,
qui depuis fut empereur, fous le nom de
Charles V i l , fe déclara le premier. Ce prince réclamoit
les royaumes de Bohême 8c d’Hongrie comme
des biens dont fes ancêtres avoient été dépouillés ;
le roi de Pologne parut enfuite, & allégua à-peu-
près les mêmes titres que i’éleûeur de Bavière ; Philippe
V , de fon côté, prétendoit repréfettter, comme
roi d’Efpagne , la branche aînée d’Autriche ; il
s’oppofoit à tous les aâes contraires aux droits qui
lui étoient dévolus à l’extinûion de la branche cadette
, 8c fur-tout de la grande maîtrife de la Toifon-
d’or, appartenante aux rois d’Efpagne, comme fondateurs
: il déclaroit même qu’il ne reconnoîtroit aucuns
chevaliers que ceux qu’il auroit décorés lui-
même de cet ordre. Le manifefle de Marie-Thérefe
ne tarda point à paroître ; 8c fi ces princes n’avoient
été guidés que par l’équité, ils auroient renoncé à
leurs prétentions. La reine avoitun ennemi plus dangereux
qui ne fe montroit point encore : c’étoit Frédéric
de Brandebourg. Ce prince qui réunit toutes
les qualités dès plus grands héros, étoit d'autant plus
à craindre, qu’il couvroit fes deffeins d’un voile impénétrable.
Dans le tems même qu’il affuroit Marie-
Thérefe qu’il feroit fon allié le plus dévoué, il pré-
paroit contre elle un armement formidable. Sans déclaration
de guerre, fans faire publier demanifefte,
on le vit fondre fur la Siléfie; il réclamoit cette province,
& accufoit les princes d’Autriche de l’avoir
enlevée à fes ancêtres. «Je demande, difoit il, par la
» la force 8c les armes à la main, ce que la force 8>C
» la fupériorité des armes m’ont ravi 8c me retien-
» nent». La France, l’Efpagne, la Bavière 8c la
Saxe fe préparoient à commencer leurs hoflilités ,
8c tout préfageoit la ruine de Marie-Thérefe qui ,
dans l’impoflibilité de réfifter à tant d’ennemis, mit
tout en ufage pour engager la France à garder la neutralité.
Le cardinal de Fleury reçut les lettres les
plus preffantes 8c les plus affedhreufes de la part de
cette princeffe, qui le conjuroit de garder.cet efprit
de juftice & de modération que les cours admiroient
en lui: c’étoit bien l’intention dé ce miniftre, aufli
fage qu’économe ; il eût bien déliré de détourner une
guerre qui devoit coûter beaucoup de fang à la France
, 8c épuifer fes finances. Si fon plan eût été fuivi,
Louis X V fe feroit contenté de difpofer du fceptre
impérial, 8c de l’affurer dans la maifon du duc de Bavière
: l’attachement de ce duc aux intérêts de la
France eût été fuffifamment récompenfé; mais le
comte 8c le chevalier-de Belle-Ifie dominoientdansle
confeil. Ces deux freres, peut-être aufli touchés de
leur gloire perfonnelle que des Vrais intérêts de leur
maître, traitèrent de pulillanimité les fages frayeurs
du miniftre, 8c leur avis prévalut. DeuxarmééSpuif-
fantes partirent aufli-tôt pour l’Allemagne ; l’une,
compoiée de 4<d;ooo hommes, prit la route de la Bavière
, fous la conduite du maréchal de Belle-Me ;
l’autre, fous le commandement du maréchal de Mail-
lebois, prefque aufli forte, s’approcha de i’éle&orat
. d’Hanovre, pour obliger George II, roi d’A ngleterre,
à abandonner le projet qu’il avoit formé d’embraffer
le- parti de la reine. Ce plan réuflit ; George craignant
pour fon éle&orat, retira 30,000 hommes Ha-
novriens, Hefîois 8c Danois qu’il deftinoit à fecourir
Marie-Thérefe. Cette princeflë, au milieu de tant
d’ennemis, ne voyoit plus que fon royaume d’Hongrie
8c les états du grand-duc fon époux qui puffent
lui offrir une retraite ; elle fetrouva, pour ainfi dire,
captive dans Vienne. Les ennemis alloient mettre le
fiege devant cette v ille, lorfqu’elle en fortit. « J’i-
» gnore, écrivoit-elle à la ducheffe de Lorraine, fa
» belle-mere, s’il me reftera une ville oît je puiffe
» faire mes couches». Réduite à cette extrémité,
elle ne fit rien qui démentît fon rang 8c fon illuftre
origine ; elle ne s’abaiffa point à demander fervile-
ment la paix : l’acharnement de fes ennemis accroif-
foit fa confiance. N ’étant plus en fûreté en Autriche,
•elle fe retira dans fes états d’Hongrie. Ses difcours 8c
fa fermeté héroïque remplirent tous les coeurs de
zele & d’amour pour fa perfonne. « Mes amis, dit-
» elle aux Hongrois affemblès, m’ont abandonnée,
» mes ennemis ont conjuré ma perte, mes parens
» même me trahiffent, il ne me refte que votre fidé-
♦> lité, votre courage 8c ma confiance. Voilà mes
» enfans, ajouta-t-elle en leur, montrant l’archiduc
» fon fils qu’elle tenoit dans fes bras, 8c l’archidu-
» cheffe fa fille, qui étoient encore dans la plus ten-
» dre enfance; vous défendrez le fang de vos rois 9
» c’eft de vous que j’attends leur falut ». Pour comble
de difgrace, elle vit l’éle&eur de Bavière, principal
moteur de la guerre, s’affeoir fur un trône
qu’une fi longue fuite de fes aïeux avoit occupé, 8C
qu’elle defiroit avec tant d’ardeur pour le grand-duc
fon époux (janvier 1742). Les Hongrois n’avoient
point été infenfibles au difcours touchant de leur
fouveraine : des larmes non fufpe&es avoient coulé
de leurs yeux ; on ne peut exprimer le tranfport dont
ils furent foudainement faifis ; les hommes de toute
condition 8c de tout âge, jurèrent de mourir pour
Marie-Thérefe, que la fortune dès-lors ne perfécuta
plus avec tant d’opiniâtreté. Les pandoures 8c les
ialpaches, bande Hongroife dont l’air affreux femoit
l ’épouvante, défoloient les Bavarois 8c les François
qui avoient envahi la Bohême. La reine employoit
la négociation au milieu de là guerre : fon principal
objet étoit de détacher de la ligue le roi de Pruffe, le
plus redoutable de tous fes ennemis; il s’obflinoit à demander
la Siléfie, fur la plus grande partie de laquelle
ilaveit des droits incontefiables ; mais Marie-
Thérefe ne pouvoir fe réfoudre au démembrement
des états de fon pere : il fallut cependant y confentir;
la bataille de Molvitz & celle de Czaflau lui don-
noient tout à craindre pour l’avenir. La paix fut donc
conclue entre les cours de Vienne 8c de Berlin (juin
11742 ). Le roi d’Angleterre fe rendit garant du traité
qui donnoit au roi de Pruffe la Haute 8c la Baffe-Si-
léfie, avec le comté de Glatz; mais on en détacha
la principauté de Tefchen 8c le duché de Troppau.
Frédéric s’obligeoit à acquitter les capitaux 8c les
intérêts des fommes que le roi d’Angleterre avoit
prêtées à l’empereur défunt fur les revenus des fermes
de cette province; il devoit obferver une exadle
neutralité, 8c retirer toutes fes troupes dans la quinzaine
de la fignature du traité. La retraite du roi de
Pruffe fut un coup de foudre pour les alliés ; les François,
conquérans de la Bohême, en furent prefque
aufli-tôt chaffés; le maréchal de Belle-Me, principal
moteur de cette guerre funefte, fut affez heureux de
conferver fon honneur en évacuant Prague, où il
avoit laiffé garnifon. Ce général s’étoit flatté de fe
couvrir de gloire ; on s’apperçut trop tard que le
plan du cardinal de Fleuri étoit bien préférable au
ïien; fa retraite forcée dévouoit au mépris & à l’in-
digenee un empereur que Louis X V eùtfoutenu fur
3etrône avec honneur, s’il eût réfifté aux confeils
éblouiffans du maréchal de Belle - Me, intéreffé à
montrer les objets fous un autre point de vue qu’un
miniftre vertueux, qui toujours oublioit fes intérêts
lorfqu’il s’agiffoit de ceux de la France. Le cardinal
préféroit le folide bonheur de la paix à l’éclat ftérile
des vidloires. Les Autrichiens,après avoir reconquis
la Bohême, pénétrèrent dans la Bavière, 8c l’orage
qui s’étoit formé dans le Nord menaça nos frontières.
Le duc de Savoie, gagné par une partie du Vige-
vanafque aveclePlaifantin, le Pavefan 8c les droits
fur le marquifat de Final que lui céda la reine, abandonna
la ligue. Ce prince qui tient les portes de l’Italie
étoit un allié important pour les états du grand-
duc fon mari, 8c pour ceux qu’elle-même poffédoit au-
delà des Alpes. Les armes des Autrichiens en Italie
prirent dès-lors la fupériorité fur celles des Efpagnols :
qui perdirent le Modénois 8c la Mirandole. La reine
eut en Allemagne des fuccès plus heureux encore ; le
prince Charles fit prifonniers fix mille hommes de
troupes de l’empereur, commandés par le marquis
de Minuzzi qui fut pris lui même ; Bruneaif 8c Landau
tombèrent au pouvoir du vainqueur; Charles
VII fut forcé d’abandonner Munich, fa capitale , 8c
de fe retirer vers Francfort, d’où il put voir la bataille
d’Ettingen, fi fatale à la France, par la valeur trop
aêlive du duc de Grammont qui dérangea le plan du
maréchal de Noailles, dont dépendoit la vidloire.
Marie-Thérefe, à qui on avoit refufé la paix, la re-
fufa à fon tour. L’empereur la demandoit en fup-
pliant: il^en dreffa les préliminaires qu’il ne croyoit
pas devoir être rejettés ; il fe trompoit. Le prince
Charles, qui , l’année précédente étoit borné à dé-
fendre la Bohême , fe préparoit à porter la guerre
en Allace. & en Lorraine. La rein,e, après avoir re-
J omc III,
Couvre Egra, la feule ville de Bohême que fes enne“
mis occupoient, fe fit prêter ferment de fidélité par
les états de Bavière, dont elle avoit dépoftedé l’électeur.
Cependant Louis X V avoit appuyé les propo-
fitions de paix , 8c fut très-fenfible au refus qu’en
avoit fait la reine. Il prit la réfolution de commander
lui-meme fes armées : il n’avoit fait la guerre que
comme allié du duc éle&eur de Bavière : il la fit comme
ennemi direâ de Marie-Thérefe & du roi d’Angleterre
, allié de cette reine. Après l’avoir déclarée
dans les formes les plus folemnelles, fes premiers
coups tombèrent fur Menin,Ypres , Fumes 8c Kno-
cjue, qui cédèrent à la force de fes armes. Les fuccès
étoient variés en Italie entre les Efpagnols & le roi de
Sardaigne. Charles de Lorraine ne perdoit point de
vue le projet de pénétrer en Alface, où il rendit fon
nom redoutable. Louis X V , inftruit des ravages
qu’il exerçoit, chargea le célébré maréchal de Saxe
du foin de conferver fes conquêtes en Flandre , 8c
prit la route de l’Alface pour aller combattre le prince
Charles. Le duc d’Harcourt le précédoit, 8c le
maréchal de Noailles l’accompagnoit dans fa marche.
Une maladie mortelle qui le retint à Metz, ne lui
permit pas d’achever fa courfe. La gloire de chaffer
les Autrichiens de l’Alface étoit réfervée aux maréchaux
de Noailles 8c de Coigny. Le roi de Pruffe
étonné du progrès des armes dç Marie-Thérefe,
craignit que cette reine, à qui des revers multipliés
avoient fait figner le traité touchant la Siléfie , ne le
rompît dans un tems où elle fembloit maîtrifer la victoire.
Il crut devoir la prévenir, & profiter du moment
où le reffentiment de Louis X V tomboit fur fa
rivale. Ce prince habile trouva fans peine un prétexte
à fes hoftilités. La reine refufoit de reconnoître
Charles VII pour empereur, quoique fon éleéHon
fut régulière. Le roi de Pruffe , comme éle&eur, feignit
de fe croire obligé de défendre le chef de l’Empire
: il fond tout-à-coup avec vingt mille hommes
fur la Moravie, 8c en envoie quarante mille devant
Prague, où il fe rend bientôt lui-même. La ville fut
prife d’affaut ; & la garnifon qui montoit à feize mille
hommes, fut faite prifonniere. Frédéric, dans l’im-
puiffancë de conferver fa conquête , démantela la
place , pour aller couvrir des magafins confidérables
à Konigs-Gratz, que le prince Charles menaçoit.
On s’apperçut bientôt que les intérêts de Charles VII
n’étoient qu’un voile dont le roi de Prufié couvroit
fes deffeins: en effet, la mort de cet empereur
n’arrêta point fes hoftilités: fon plan, conforme à
celui du roi de France, étoit d’empêcher l’agrandif-
fement de la maifon de Lorraine, qui, entée fur celle
d’Autriche, devoit donner des inquiétudes à l ’Europe.
Le feu de la guerre en devint plus violent. Le
roi de France, dont la fanté étoit rétablie, fe rendit
au mois de mai en Flandre, 8c remporta à Fontenov
une vi&oire à jamais mémorable , qui mit bientôt
fous fon obéiffance , Tournai, Gand, Oudenarde,
Bruge > Dendremonde, Oftende & Nieuport. Cette
v iâ o ire , 8c la bataille de Fridberg, gagnée par
les Prufliens, n’empêcherent point que le grand duc
ne parvînt au trône de l’empire. Au milieu de ces
affreux orages , Marie-Thérefe avoit confervé' tout
le calme de fon efprit, qui eut tant d’afeendant fur
celui des prineçs de l’Empire, que le fceptre qu’a-
voient porté fes aïeux, paffa dans la maifon qu’elle
avoit adoptée, Le grand duc fut couronné roi des
Romains, & proclamé empereur fous le nom de
François I ( 13—23 feptembre 1745). Le roi de
Pruffe & î’éle&eur Palatin furent lesfeuls du college
Eleâoral qui lui refuferent leur fuffrage. Le couronnement
de François I fe fit fous de malheureux auf-
pices : il fut marqué par la bataille de Landnitz, que
le roi de Pruffe gagna fur les Autrichiens, pour lef-
quels çlle fut très -meurtrière. Ils perdirent neuf
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