de la paix, fauteur des rébelles 6c coupable du parricide
de Henri III ; pour mieux le punir il fut détendu
de porterni or ni argent à Rome : le clergé afi'emblé
à Mantes déclara que les bulles étoient milles &
fuggérées par les ennemis de la patrie. Renauld de
Beaume, primat d’Aquitaine, fut d’avis de créer un
patriarche; d’autres propoferent de convoquer un
concile national pour limiter la puiffance papale. On
peut juger par-là combien la raifon avoit fait de
progrès. Le jeune duc de Guife, fils du balafré, fe
fauva de fa prifon de Tours ; le roi s’en confola par
l’efpoir qu’étant ambitieux il prétendroit à la couronne
, 6c que par - là il mettroit la divifion parmi les
ligueurs. Le roi croyoit n’avoir rien fait tant qu’il
ne feroit pas maître de fa capitale 6c de la Normandie :
il affiégea Rouen ; il éprouva par la réfiftance des
habitans, que fi les Pariiiens favoient mieux jeûner
que combattre, les Normands craignoient moins les
périls de la guerre que les horreurs de la famine. La
ville bien fortifiée ÔC hien approvifionnée fit une
vigoureufe réfiftance : le roi fut obligé de lever le
fiege pour aller au devant du duc de Parme qui mar-
choit à lui; ce duc qui ne vouloit que délivrer Rouen
comme il avoit délivré Paris, s’en retourna en Flandre
fans combattre, après avoir jetté quinze cens
hommes dans Paris. Le roi acheta, avec de l’or,
Rouen qu’il n’avoit pu lubjuguer par fes armes.
Le duc de Mayenne fatigué d’une viciliitude de
profpérités &de revers, prit le parti de convoquer
les états en 1593 ; c’eft ce qui prépara la ruine de
fon parti. Les Eipagnols eurent l’audace de propofer
l ’abolition de la loi falique, & de ne point recon-
noître pour légitime louverain HenriIV, quand bien
même il fe feroit catholique, 6c de déclarer l’infante
d’Efpagne reine de France. Le Maître , premier
préfident de la portion du parlement réfidente à
Paris, parla avec une fermeté héroïque pour faire
connoître l’indécence de cette propofition ; le parlement
rendit un arrêt qui ordonnoit de maintenir les
anciennes loix, qui déclaroit nuis 6c illicites tous
traités qui appelloient un étranger à la couronne 6c
qui dérogeoient à la loi falique. Le roi, enfin, fe
détermina à faire fon abjuration dans l’églile defaint
Denis, le 15 juillet 1593: il en fit part à tous les
parlemens; l'allégrefTe publique fe manifefta par des
danfes & des feftins; les Pariiiens qui lui donnoient le
nom de Béarn, s’accoutumèrent à l’appeller leur roi ;
il y eut une tre ve. de trois mois qu’on employa à traiter
avec le pape ; dès qu’elle eut été publiée, beaucoup
d’évêques & demagiftrats firentalfurer le roi de leur
obéiffance. Ce fut dans cet intervalle que Barrière fut
condamné à être tenaillé 6c rompu vif pour avoir
formé le deffein d’attenter fur la perfonne du roi : fa
vie fut fouvent expofée à de pareils dangers par les
infinuation des moines 6c de quelques prêtres fanatiques:
c’eft ce qui le difpofoit à faire des propolb-
tions de paix à Mayenne qui, prétextant l’intérêt de
la religion, ne vouloit rien conclure fans l’aveu du
pape. La ligue fut fur fon déclin, tous les chefs fe
firent acheter 6c ce fut Vitri qui donna l’exemple
de cette vénalité : Dalincourt remit Pontoilè ; la
Châtre, Orléans 6c Bourges ; Ornano, la ville de
Lyon: la préfence du duc de Mayenne retenoit Paris
dont il fut obligé de s’éloigner avec fa femme 6c fes en-
fans; il s’y voyoit entouré de fanatiques dont il ne
pouvoit tempérer les faillies, ou d’ambitieux prêts
à tout facrifier à la fortune. Briffac à qui il en avoit
confié le gouvernement, négocioit fecrétement avec
le roi; mais il avoit de dangereux furveillans dans
les feize 6c dans la garnifon Efpagnole fécondée par
quatre mille hommes de la lie du peuple que l’am-
baffadeur d’Efpagne foudoyoit : cette milice de brigands
à qui il étoit devenu fufpeft, réfolut de l’affaf-
£ner 6c d’envelopper dans fa ruine le préfident le
Maître ; Luillier, prévôt des marchands ; du Vair,
confeiller au parlement, & Langlois, échevim Ce furent
en effet ces généreux citoyens qui ouvrirent les
portes de Paris au meilleur des rois ; Briffac qui lui en
remit les clefs, reçut le bâton de maréchal de France.
Toutes les villes rentrèrent fùcceflivement dans
l’obéiffance en 1594. Le retour,du calme fut troublé
par l’attentat de Jean Chatel fur la perfonne du roi,
qui ne fut bleffé qu’à la levre ; ce jeune homme
qu’un faux zele avoit féduit, fut condamné à la mort ;
les jéfuites furent bannis de France 6c enveloppés
dans fa condamnation. Tandis que Biron diffipoit les
débris de la ligue, le roi qui venoit de déclarer la
guerre à l’Efpagne, engagea une a&ion extrêmement
vive à Fontaine-Françoife ; fa témérité fut juftifiée
par le fuccès ; quoiqufil n’eût avec lui qu’un petit
corps de cavalerie, il mit en déroute dix-huit mille
hommes ,■ commandés par le duc de Mayenne 6c
don Velafco. Cette victoire 6c l’abfolution du pape
determinerent Mayenne à le reconnoître : quoique
ce duc eût toutes les qualités qui forment les grands
hommes, on a dit qu’il ne fut faire ni la guerre ni la
paix, parce qu’il ne faifit point le moment ou il pouvoit
obtenir des conditions avantageufes.
Le roi attentif à réparer les pertes de la guerre ,
convoqua l’affemblée des notables à Rouen ; il s’y
rendit, & y parla moins en roi qu’en pere & en
citoyen: je ne vous ai point appelles, leur dit-il, pour
vous affujettir aveuglément à mes volontés, mais
pour recevoir vos confeils, mais pour les croire 6c
les fuivre ; enfin pour me mettre fous votre tutelle.
On fit de fages réglemens ejui refterenffans exécution.
Le roi fe délaffoit de fes fatigues de la guerre dans
les bras de l’amour , lorfqu’il apprit que la ville
d’Amiens avoit été furprife par les Efpagnols. Partons,
s’écria-t-il, c’eft affez faire le roi de France,
il eft tems de faire le roi de Navarre. 11 partit en
effet, 6c la ville fut reprife. La paix fut conclue par la
médiation du pape.Les Huguenots l’avoient trop bien
fervipour les abandonner. Il accorda en leur faveur
l’édit de Nantes, contenant 91 articles, qui n?étoient
que le renouvellement des édits précédens : il y eut
56 autres articles fecret-S , dont le principal leur
accordoit plufieurs nouvelles places de füreté. Le
premier fruit de la paix fut la réforme de plufieurs
abus. La difcipline eecléfiaftique étoit tombée dans
le relâchement, il permit au clergé de s’affembler
pour la remettre en vigueur. Il dit aux députés ,
Meilleurs, vous vous plaignez juftement de plufieurs
abus ; je n’en fuis point l’auteur y je les ai trouvés établis,
je vous féconderai dans la réforme. Jufqu’ici
l’on vous a donné de belles paroles , pour moi je
réaliferai mes promeffes ; vous éprouverez qu’avec
ma' cafaque grife 6c poudreufe, je fuis tout d’or au-
.dedans. -
Silleri fut chargé de pourfuivre à Rome la diffo-
lution -de fon mariage avec Marguerite de Valois ;
la négociation eût été facile, fi la reine n’eût refufé
d’y confentir par le dépit d’être remplacée par la
du ch elle de Beaufort fa rivale. Cet obftacle fut levé
par la mort inopinée de la ducheffe. Dès que la reine
fut informée de cette mort, elle concourut avec le
roi à la diffolution de fon mariage. Alors le monarque
libre dans fon choix, époulà à Lyon Marie de
Médicis. La découverte d’une confpiration tramée
par les ducs de Biron, de Bouillon 6c lè comte d’Auvergne
lui caufa de nouveaux chagrins. Le maréchal
eut la tête tranchée, le comte d’AuVergne, fils naturel
de Charles IX, obtint là grâce, ainfi que le duc
de Bouillon qui fortit du royaume. La paie du foldat
avoit épuifé le tréfor public, ce fut pour le remplir
qu’on licencia les troupes. Cette réforme ocçafionna
de grands défordres fur les routes , mais ils furent
bientôt reprimés par la vigilance du gouvernement.
L’économie de Sulli répara les profufions ruineufes
du régné précédent,& à un fiecle de calamités, fuc-
céda un fiecle d’abondance. Le roi qui s’étoit fou-
vent attendri fur la mifere de fes fujets, difoit qu’avant
de mourir, il vouloit.que tous les payfansfuf-
fent affez ailes pour mettre une poule à leur pot.
Expreffion bourgeoife qui exprime la bonté compa-
tiffante de. fon ame : quoique roi, fon coeur fut capable
d’amitié : Sulli en fut un glorieux témoignage ;
il le combla de biens & en reçut de plus grands fer-
vices. Quand cet intégré miniftre fut nommé fur-
in t e n d a n t des finances, l’état étoit chargé de trois
cens trente millions de dettes, fomme immenfe dans
un tems oit les mines du Mexique 6c du Pérou à
peine connues, n’avoient pas encore fait circuler l’or
en Europe. Une fage économie, une-jufte répartition
des impôts, firent renaître l’abondance & réprimèrent
la cupidité des exa&eurs. Dés manufaûures
de foie, de faiance, de verre,-furent établies 6c
perfectionnées. L’étranger vint acheter en France
ce qu'il avoit accoutumé de lui vendre. De nouveaux
édifices furent conftruits , le pont-neuf fut
achevé ; les maifons royales furent embellies de
jardins délicieux. Et après toutes ces dépenfes , ne
devant rien, il avoit encore foixante millions gardés
dans la Baftille. La charge de grand-maître de l’artillerie
fut donnée à Sulli, qui la remplit avec autant
d’intégrité que d’intelligence : elle étoit alors peu
importante , parce que fes fondions étoient partagées.
L’extindion de plufieurs charges & fur-tout de
celle de grand-maître des arbalétriers lui furent réunies
6c la.rendirent confidérable, elle devint même
une charge de là couronne.
Une ordonnance de police rendue en 1609 fur la
police des fpedacles prouve combien nos moeurs
ont éprouvé de révolutions. Il fut ordonné que depuis
la S. Martin jufqu’au quinze ,de février les comédiens.
ouvriroient leur porte à une heure après
midi, 6c donneroient leurs repréfentations à deux
heures précifes, afin que le fpedacle finît avant la
nuit. Ce réglement, qui paroîtroit aujourd’hui fort
incommode, étoit fort fage dans un tems où Paris
n’étoit point éclairé, oit il n’y avoit point de guet
pour veiller à la fûreté publique ; les rues fales &
remplies de boue, rendoient la marche lente & pénible.
C’étoit autant de cavernes de voleurs, qui atten-
îoient-à la vie 6c la bourfe du citoyen qui avoit encore
à effuyer les outrages de l’ivreffe infolente &
brutale.
' Quoique le roi fut réconcilié avec le chef de
l ’églife , des théologiens turbulens continuèrent à
•enfeigner des maximes contraires à fon indépendance.
Ce fut pour réfuter leurs paradoxes audacieux
que le favant Pithou publia fon ouvrage fur
les libertés de l’églife Gallicane. Ses affertions, fans
avoir force de loi, font d’une grande autorité dans les
matières contentieufes. L’indifcrétion de quelques jéfuites
fut la caufe de bien des troubles; Leurs démêlés
avec l’univerfité & les curés de Paris, partagèrent
tous les efprits. Après avoir été chaffés de France
en 1594, ils y furent rétablis en 1603 , on leur im-
pofa la condition de tenir deux jéfuites à la cour pour
être les garans de la modération qu’on exigeoit d’eux*
Cette condition humiliante dans fon principe devint
le fondement de leur crédit : ils eurent la politique
de ne donner pour otages que des hommes d’une
dextérité éprouvée dans les affaires & d’une grande
foupleffe dans le caraâere.
Les privilèges de la nobleffe trop multipliés en
rendirent la réforme néceffaire. Henri I V , en donnant
un édit fur les tailles , déclara que laprofelfion
des armes n’annobliroit plus tous ceux qui l’exer-
çoient. Dans ces tems de troubles, tous les citoyens
ctoient foldats, 6c à la faveur des anciens ufages
Tome I I I .
tous fe paroient du titre de nobles. Les hommes
d’armes avoient été réputés gentilshommes ; 6c quiconque
endoffoit la cuiraffe , étoit homme d’armes.
Cet abus s’etendoit encore plus loin : celui qui étoit
nfdans la plus vile roture , prenoit le titre de gentilhomme
, dès qu’il étoit affez riche pour acheter un
fief qui l’obligeoit de fuivre fon feigneur à la guerre.
Henri III fut le premier qui entreprit de reftreindre
cet abus. Il déclara que la nobleffe n’étoit point attachée
à la poffeffion d’un fief. Henri IV étendit plus loin
cette réforme, en fupprimant la nobleffe qu’on s’attri-
buoit en fuivant laprofelfion des armes, on n’eut plus
la faculté de s’annoblir foi-même. Depuis ce tems, le
titre de gentilhomme n’eft que l’attribut d’un citoyen
îflu de race noble ou de celui qui a reçu du prince
des ^lettres d’annobliffement, ou enfin de celui qui eft
revetu d’une dignité à laquelle la nobleffe eft attachée.
S il corrigea cet abus , il en introduifit un autre
qui donna un faux éclat à bien des familles puiffantes
par leurs richeffes. Ce prince environné d’ennemis
etrangers 6c de fujets rébelles trouva le fecret de
careflèr la vanité des riches pour les attirer fous fes
f-c • ^jCS : M ^eur des lettres, où il les quàlmoit
de comte ou de baron ou de marquis, 6c comme
tous ces titres ne lui coûtoient rien, il en fut
extrêmement prodigue. Les defcendans de cçs hommes
nouveaux ont fait de ces lettres des monumens
de leur nobleffe.
Depuis 1 introdu&ion de la vénalité des charges ,
le poffeffeur pouvoir les réfigner, mais il falloir qu’il
vécut quarante jours après fa démiffion, pour que
la refignation fût légale, de forte que des charges
achetées bien cher retournoient au roi, qui étoit
oblige de les accorder gratuitement à l’importunité
des courtifans. Il parut plus jufte 6c plus a vantais^*
de les affurer aux héritiers des poffeffeurs décides,,
moyennant qu’ils payafferit tous les ans le
loixantieme denier de la finance à laquelle ces offices
avoient été taxés. On nomma ce droit annuel
la. paulete, du nom d’un Certain Paulet, qui en avoit
aonne l’idée 6c qui en fut le fermier. Cet établiffe-
ment qui avoit fes avantages & fes abus,. trouva des
cenfeurs & des panégyriftes. Le roi avoit érigé une
chambre royale en 1601, pour faire r e g o r g e r les
financiers. Ce tribunal jetta plus de troubles dans
les familles, qu’il ne verfa d’argent dans le tréfor
public : trois ans après on renouveUa cette recherche,
qui fut auffi infruétueufe ; enfin en 1606, la nobleffe
indignée d’être obfcurcie par le luxe infultantde ces
hommes nouveaux, rétablit une chambre de juftice
pour faire le procès aux exa&eurs. Cette chambre,
pour lemer la terreur, remplit les places publiques
de potences 6c de carcans. Cet appareil de fuppli-
ces détermina les coupables à s’expatrier avec leurs
richelîes ; 6c du lieu de leur retraite, ils facrifierent
une portion .de leur fortune pour acheter des protecteurs
à la cour ; de forte que de tant de millions
envahis, il ne rentra que deux cens mille écus dans
les coffres du roi. L’expérience dépofe que ces fortes
de recherches ont toujours aggravé les maux
qu’on fe propofoit de guérir. L’édit lancé contre
les banqueroutiers parut plus néceffaire, les troubles
de l’état les avoit fort multipliés, en les laif-
fant impunis. On décerna peine de mort contrieux,
comme voleurs publics. Tout tranfport , vente
ceflion faite par eux furent annullés, 6c il fut défendu
à leurs créanciers de leur faire aucune remife 6c de
leur, accorder aucun délai. Cette févérité ne pro-
duifit pas le bien qu’on s’en étoit promis. Les banqueroutiers
, avant de déclarer leur faillite, fe
réfugièrent chez l’étranger avec leurs richeffes où
ils jouiffoient impunément de leurs larcins.
La fureur des duels privoit la France de fes plus
braves défenfeurs, On lança un édit févere contre
Y v ij