
ces hangars , afin de leur donner tous les jours
quelques jointées d’orge concaflée. On prétend que
ce grain eft préférable à l’avoine ; celle-ci, dit-on,
échauffe & attaque la vue ; ce dernier accident pro-
viendroit apparemment de la difficulté que les poulains.
trouveroient à broyer l’avoine , ce qui attire-
roit peut-être plus de fang dans l’oeil; alors en car-
telant l’avoine ainfi que l’orge,' cet inconvénient
feroit levé. Quoi qu’il enfoit, l’orge eft plus fubftan-
tielle, plus farineufe, &paffe pour être rafraîchif-
fante. Lorfqu’on retire les poulains dans les écuries,
ce qui arrive pour la première fois dès le moment
du févrage, dans nos climats, le^ tems du févrage
tombeau mois de feptembre ou d’oflobre, on les
nourrit avec le foin, l’orge cartelée & l’eau blanche
; on les laiffe en liberté &c fans être attachés,
ayant foin néanmoins que les forts ne gourman-
dent point les foibles, & ne les chaffènt point du
râtelier. Ce râtelier, ainfi que l’auge, doivent être
pofés à une certaine hauteur, les poulains en contrarient
l’habitude déporter la tête levée. On doitles
tenir très-proprement, le fumier leur gâte les pieds ,
& les exhalaifons qui s’en élevent font mal-faines ;
mais comme je l’ai déjà dit, il ne faut point les toucher
ni les étriller. Rienneferoit plus avantageux
que de les baigner journellement dans la faifon favorable,
& lorfque l’eau n’eft pas froide. J’ai obfervé
que les poulains élevés fur les bords des rivières,
obligés de les paffer plufieurs-fois par jour, font
plus nerveux,plus gais, viennent mieux que ceux
de pareille race qui ne jouiffent point de cet avantage.
A un an ou dix-huit mois on leur tondra la
queue, pour rendre les crins plus forts & plus touffus.
Quelques-uns blâment cette méthode, prétendant
que cette furabondance de crins fe fait aux dépens
de la crue ou de la force du fujet, & que les chevaux
qui ont la queue la plus touffue, & la crinière
la plus épaiffe, ne font pas ordinairement les chevaux
les plus vigoureux, mais bien les plus flafques
& les plus mous. Cette obfervation ne me paroît ni
jufte, ni bien fondée. Lorfqu’on rafe les cheveux des
enfans pour les épaiffir, cette opération ne me paroît
nullement influer fur leur tempérament; les
hommes qui rafent leur barbes ne font pas plus foibles
que ceux qui la portent. La plupart des laboureurs
coupent tous les ans, en certains pays, la crinière
de leurs chevaux, fans qu’il en réfulte aucun
inconvénient. Je n’approuve pas au refte cette cou- ■
tume de couper la crinière, parce que revenant plus,
épaiffe, la craffe s’amaffe dans les plis du col, en eft
enlevée plus difficilement, ce qui peut occafionner
des dartres , une gale rébelle, le rouvieux, &c.
Mais il n’en eft pas de même à la queue; on la tondra
dès les premières approches de l’hiver, afin de
lui donner le tems pendant cette faifon de croître
fuffifamment pour chaffer les mouches l’été fuivant.
A deux ans, il eft iridifpenfable de féparer les.
poulains mâles des femelles de cet âge. Ils commencent
à fentir leur fexe, lur-tout s’ils ont été bien
nourris , & qu’ils foient vigoureux, ils s’échauffe-
roient, ils s’cnerveroient & fatigueroient inutilement
les pouliches. Ceux que l’on deftine à être hongres
ne doivent fubir cette opération qu’à trente
mois & même plus tard. On choifira pour la faire ,
le printems ou l’automne, le froid & la grande chaleur
y font contraires ; c’eft alors qu’il faut commencer
à les apprivoifer entièrement & à les rendre
obéiffans. On leur lèvera les jambes , on frappera
légèrement fur la folle , on les habituera à fouffrir
un filet dans la bouche, un harnois très-leger fur le
dos; mais toutes ces tentatives doivent fe faire avec
la plus grande douceur: un moment d’impatience
eft fouvent capable de les rendre indomptables.
Lorfqu’ils fouffriront avec tranquillité & fans fe
défendre, toutes ces préparations, on commencera à
les travailler; mais très-légerement, jufqu’à ce qu’ils
aient atteint l’âge de leur parfait accroiffement. Cet
. âge eft plus ou moins tardif félon les différentes
races. Les, chevaux fins & de légère taille ne font
ordinairement formés qu’à cinq ou fix’ ans. Si on les
livroit au travail avant ces, termes, ils le .fupporte-
' roient avec peine , ils n’auroient pas le tems de fe
fortifier, ils contra&eroient des défe&uofités qu’ils
n’auroient point eues, enfin ils fe mineroient de
jour en jour.,
Les fers n’ayant été inventés que pour conferver
la corne du fabot, & cette corne ne s’éclatant ou
ne fe détériorant que par les marches, par le travail;
tant que les chevaux n’y font point fournis, il ell
■ inutile de,les ferrer. Les pieds en liberté,'s’il eft
permis de le dire , fe renforceront & prendront la
forme qui doit leur être naturelle. La plupart des
. pieds défèélueux,ne le deviennent que par les défauts
de la ferrure. Ainfi les poulains peuvent relier
: jufqu’à trois ans & plus fans être ferrés.
On voit même des chevaux employés à de certains
ouvrages, tels que le labourage de terres douces
& légères, ne l’avoir été de leur vie, fans que
le pied en ait reçu le moindre dommage. Tels font
à-peu-près les foin? qu’exige Pétabliffement d’un
haras en réglé ; j’ai fuppofé qu’il étoit fourni des
étalons & des jumens qui lui font néceffaires; nous
allons parler du choix de ces chevaux, & des qualités
particulières qu’ils doivent pofféder. L’étalon
étant le modèle de la race dont il eft le pere, doit
réunir, autant qu’il eft poffible, toutes les qualités
propre à fon efpece, & être exempt des défauts qui la
détérioréroient. Parmi ces défeéluofités, il en eft fur-
tout qui doivent le faire rejetter abfolument; celles
qui plus que les autres fe perpétuent, paffent à leur
race, & font héréditaires. Dans ce nombre , on
compte principalement & pour les plus dangereufes
en ce qu’elles fe communiquent prefque conftam-
ment, tous les défauts de conformation dans les
os , tels que les chanfrin renfoncé , groffe ganache
la côte plate, l’enfellé, la croupe avalée,le ferré des
épaules ou chevillé, le pied plat, affez fouvent les
éparvins , les furos & toujours le trop de volume
des os. En général, les défauts de conformation, la
difproportion choquante des différentes parties, tous
' les vices de méchanceté. Parmi les bonnes qualités
on exige principalement, l’âge convenable, la fanté,
la vigueur, la vivacité, portée jufqu’à l’ardeur, en
préfence des jumens, les jambes bien proportionnées
, des jarrets exeellens, du corps fans avoir le
ventre pendant, ce qui marqueroit de la molleffe
les reins doubles, les parties de la génération faines
&.le membre gros; les tefticules retrouffés: cependant
les chevaux efpagnols les ont pendans dans le
repos ; en général le cheval communique, par la
génération , prefque toutes les bonnes & fes mau-
vaifes qualités naturelles & acquifes. Un étalon
naturellement hargneux, ombrageux , rétif, &c.
produit des poulains qui ont le même naturel.
On ne demande point aux jumens la perfeélion
des étalons : il feroit cependant à fouhaiter qu’elle
fût la même. On fe contente en elles de la beauté
des parties de l’avant-main, c’eft-à-dire de la tête
de l’encolure, du poitrail, &c. On prétend que le
poulain leur reffemble par fes parties ; on exige
encore qu’elles aient du corps & du ventre , qu’el-
les foient, ce qu’on appelle bien coffrées, afin que
le poulain foit logé à fon aife & puiffe profiter
croître, & s’étoffer. Elles doivent, par conféquent *
être d’une taille avantageufe, telle que de quatre
pieds fept à huit pouces au moins. On fent bien
qu’elles doivent n’être tachées d’aucun défaut effen-
tiel, principalement de ceux dont le poulain hérite
le plus .communément ; que leur âge foit compétent,
e’éft-à-dire , au moins de trois.ans; fi elles en
avoient plus, étant mieux formées & plus vigou-
reufes ,• leurs fruits’ feroient plus parfaits y que leur
tempérament foit; fain , & qu’elles, foient afi'orties
aux- étalons..Cet affortiflement eft l’opération la plus
délicate qu’il y ait dans les haras. Il eft très-difficile
de faifir les rapports , des. étalons avec .les jumens ,
qui doivent donner les plus belles conformations.
Souvent un étalon;. &c une jument d’une grande
beauté » chacun dans leur genre , ne . donnent que
des productions défeélueufes, dégingandées, &c.
Les çfie vaux barbes., ainfi que tous ceux qui viennent
des;, pays chauds , font regardés comme les
meillèurs étalons. Cependant on prétend que depuis
qu’ils ont été introduits en Normandie & dans
le Limoiifin, ils ont entièrement ruiné \es.haras de.
ces provinces ; les poulains, fortis de ces haras ayant
les jambes très-minces., .
. En. Angleterre, dit-on -, les chevaux fortis d’étalons
barbes pechent auffi par les jambes ; & l’on s’en
eft fi bien apperçu, que l’on a donné des ordres ,
pour remédier à cet inconvénient. C’eft en effet le
défaut des fiarbes d’être de petite taille & d’avoir le
paturon trop long. Leurs jambes d’ailleurs font très^
fines , apparemment que .les' jumens normandes ,
limoufines & angloifes n’ont pas été bien afforties ,
qu’elles n’ont pas affez compenfé ces qualités : ces’
jumens épaiffes ont produit des grands chevaux
montes fur des fufeaux, & des poulains qui ne
tenoient de leur pere qu’une petite tête & des jambes
tres-minces , qui n’alloient nullement avec leur
corpulence. Il faudroit fans doute., pour réuffify
que ces jumens euffent à-peu-près la même figure
que les étalons ; ou fi l on pouvoit obtenir des barbes
court-jointés & de grande,taille, probablement
leur poftérité pécheroit moins ; mais comme ils _
font affez rares pour ne pouvoir choifir, on doit
préférer les chevaux de ces pays, oit il eft facile de
choifir les plus beaux , lorfque d’ailleurs ils poffe-
dent à-peu-près les qualités defirées. Malgré leur
petite taille , lès plus grands ne paffent pas quatre
pieds huit pouces , & ont le défaut que nous venons
d’indiquer. Les barbes ont toujours été réputés les
meilleurs pour tirer race, il eft vrai que l’on prétend
qu’ils engendrent des poulains qui font plus
grands qu’eux ; que ce font des chevaux admirables
pour la vîteffe & pour le nerf, fort légers & très-propres
à là courfe. Les chevaux arabes dont les barbes
tirent leur origine, font, dit-on, les plus beaux
& les meilleurs du monde ; mais à peine font-ils
connus en Europe ; il n’eft que des princes qui puif-
fent s en procurer. Les chevaux d’Efpagne tiennent
le fécond rang après les barbes , ils font renforcés,
agiles , finceres & nobles; ris ont de la foupleffe ,
du feu & de la fierté ; les jambes belles & fans poils,
le nerf bien détaché, la croupe ronde & large , la
côte ronde, & le poitrail large. Ce font auffi les plus
propres à la plupart des haras de chevaux defelle;
apres eux les chevaux napolitains, les normands*
les anglois, ceux du pays de Hoiftein & du Dane-
marck, pourront encore fervir pour étalons de felle*
proportion gardée de leur taille & de leur agilité.
Quant^aux étalons de caroffe on peut prendre ceux
des même pays, en choiffiffant les plus grands & les
plus renfoncés. La Frife & l’Italie en fourniffent de
plus propres encore,& dont la taille eft quelquefois
au-deffus de cinq pieds quatre pouces. Mais nous
avons obfervé que les chevaux de Frife trotoient
lourdement, que leurs croupes étoient avalées, &
que cette partie étoit toujours foible. En général,
1 étalon doit être plus haut que la jument, parce que
pour 1 ordinaire, il fait plus petit que lui; on ne eon-
noit que les barbes qui faffent plus grands qu’eux.
Cependant la difpfôpôrtion ne doit point êtte
le I,Ius qu’il fera
■ ■ I corrigeant néanmoins les dé-
teauofirés de 1 un.parles qualitéroppofées de l’au-
■ j j l ÿ ns ‘’excès contraire. Enfin, il eft
■ B B de Changer les étalons tous
les quatre ou cinq ans, pour croifet les races, St
H n B S H B I S mêmes races pour fer-
Y lr “ c ta io n s dans le m êm e v
T e l s fo n t à -p çu q jr è s le s fô ih s q u ’ e x ig e n t le s t a r a i
en r é g lé ; mais-par l’a ù t fe n a tu r e , les haras du r o y a u m
e e n ,d em an d e n t d 'u n g en re d if fé r e n t , d o n t n o u s
a llons ren d re com p te .
Ces font compofés des jumens naturelles
du pays, eparfes chez les particuliers qui en font
proprietaires. Outre les défauts communs propres
auchmat & ait foi qu’elles habitent , ces jumens ,
pour la plupart, ont des défeéhiofités particulières
occasionnées par les accidens du travail, par le man-
que de;foms,oii par les préjugés & les abus, C e ft
V 1” Bai l l i ^[elhgent à corriger ces défauts le
■ f is qu il eft poffible , les uns par le choix de l’étalon
, les aiitres par finftruêtion & par infinuation*
■ Uans un haras en réglé on affortit les jumens aux
étalons , ou les étalons aux jumens. On eft le maître
du choix des. unes & des autres ; il n’eft que le
climat qui puiffe apporter quelque gêne dans ce
choix, ou la nature du fol ; mais dans les haras du
royaume, on n’a pas feulement le climat & le fol *
les jumens font déterminées, il faut abfolument les
prendre avec leurs défauts , il n’eft pas libre de s’en
procurer de plus parfaites ; auffi n’eft-ce qu’à la
longue & par des foins continus qu’on peut elpérer
de changer une race,ou de la rendre beaucoup plus
parfaite par la voie de ces haras.
Pour y ^parvenir, un dire&eur doit commencer'
par connoitre parfaitement toutes les jumens de fon
departement; il faifira le défaut commun propre au
pays, aux cantons, au climat, au fol ; les chevaux
barbes ont prefque tous lé défaut d’avoir le paturon
trop long, les épaules ferrées ; les turcs, l’encolure
effilee, les jambes trop menués; les efpagnols, la
tête un peu groffe, fouvent trop longue ; les napolitains,
la tête groffe & l’encolure épaiffe ; les danois
, la conformation irrégulière, la croupe trop
étroite pour l’épaiffeur du devant; les allemands,
pelans & de peu d’haleine ; les flamands , la tête
groffe, les pieds plats & les jambes fujettes aux eaux j
les limoufins, la croupe de mulet & les jarets clos ;
les navarins, les hanches hautes ; ce qui les rend
connus ; la plupart des françois , de trop groffes
épaulés : enfin , chaque pays, chaque défaut qui lui
eft propre ; un dire&eur de haras doit connoître
affez parfaitement lés jumens de fon départemegt,
pour pouvoir les affortir d’étalons convenables;
autrement les défauts dominans fe perpétueront,
& peut-être augmenteront par une adminiftration
mal entendue.
Les abus qui fe gliffent dans cette adminiftration ;
contribuent fans doute au peu de fruit que l’on tire
des haras^du royaume. L’expérience nous apprend
que s ils etoient corriges, il en réfulteroit un avantage
très-apparent, & une amélioration fenfible dajis
les races ; en effet, les poulains de tous les gardes-
etalons font infiniment fupérieurs à ceux des particuliers
, & plus nombreux , quoique les jumens de
ceux-ci aient été faillies par les mêmes étalons ;
parce que ces gardes emploient pour eux toutes
les précautions, néceffaires qu’ils négligent ou ne
permettent pas pour les autres ; comme d’attendre
la pleine chaleur de leurs jumens, de ne les faire
fauter qu’après le repos néceffaire à l’étalon, &c.
Le plus dangereux de ces abus , celui qui eft le
plus oppofé au principe fondamental des harast çft