deftinésau fentiment,& d’autres cjui amènent aux muf-
cles la caufe de leur contraaion ? On a cru cette hy-
pothefe néceffaire pour expliquer l’exiftence fimul-
tanée de deux mouvemens contraires, celui du fen-
timent qui mene au cerveau, 8c celui du mouvement
qui du cerveau mene aux mufcles. Il y a cependant
un danger inévitable dans cette hardieffe d’imaginer
des ftruélures, pour expliquer des phénomènes.
Que devient 1 c fluide nerveux ? Reflue-t-il de l’extrémité
du nerf vers le cerveau ? C ’eft la marche
qu’on peut lui fuppofer dans le fentiment. Y a-t-il
une circulation des efprits, par un mouvement alternatif
à-travers des tuyaux artériels 8c veineux ? Exhale
t-il après avoir fervi ? Il paroît du moinsfe perdre
par le trop grand ufage du mouvement des mufcles.
La laffitude eft non feulement une douleur dans les
folides pliés 8c repliés trop fréquemment; c’eft de
plus une foibleffe, un épuifement que répare la nourriture
, même fans le concours du repos.
Les cochers favent rendre de la vigueur à leurs
chevaux fatigués, quand les circonftancesne permettent
pas de leur accorder du repos: ils leur donnent
du pain , du vin, des oignons.
Le fluide nerveux s’attache-t-il peut-être aux tuyaux
nerveux ou à la fibre mufculaire ? Un grand nombre
ont cru trouver dans cefluide la véritable matière nutritive
: ils fe font appuyés de l’atrophie qui fuit la pa-
ralyfie, les bleflures, 8c les ligatures des nerfs ; 8c
de l’accroiffement de vigueur dans les mufcles dont
on fait un fréquent ufage.
Peut-être que tous ces fentimens font fondés ;
qu’une partie du fluide nerveux exhale; qu’une autre
retourne au cerveau, 8c qu’une autre encore, la plus
glutineufe apparemment, s’attache à fes tuyaux.
La maniéré dont ce fluide concourt aumouvement
mufculaire, me paroît très-fimple ; il fert de ftimulus
qui augmente la force contraôive, naturelle, celle
même qu’on appelle irritabilité.
Y a-t-il des anaftomofes entre les nerfs ? Il y a des
phénomènes qui femblent le fuppofer. On a vu , 8c
les obfervations font nombreufes, qu’un nerf retranché
avoit caufé la paralyfie d’une main, d’un doigt.
Au bout d’un certain tems affez confidérable à la vérité
, le mouvement eft revenu. Je compare ce phénomène
à celui d’une artere coupée. La chaleur 8c le
pouls difparoiffent au-deffus de la diffeêlion ou du lien;
elle revient cependant après quelque tems : le terme
eft plus long dans les nerfs, mais l’effet eft le même.
Il paroît qu’une anaftomofe entre la partie inférieure
du nerf retranché, 8c entre les nerfs du voifinage
qui n’ont pas fouffert, fe dilate peu-à-peu, 8c que
1 z fluide nerveux revient animer les branches du nerf
coupé, qui ne reçoit plus dire&ement du cerveau le
fluide néceffaire pour la produ&ion du mouvement.
( H. D . G. )
FLUTE, ( Mufiq. infl. des anc. ) Pour qu’uneflûte
produife un fon , il faut qu’elle ait une embouchure
comme nos flûtes traverfieres, un bocal comme nos
cornets, un bifeau comme nos fiâtes douces , ou
enfin un anche comme nos haut-bois. De tous ceux
qui fe font occupés des flûtes des anciens, aucun, que
je fâche, n’a recherché s’ils avoient toutes ces différentes
efpeces de flûtes, ou s’ils n’en connoiffoient
que quelques-unes, 8c lefquelles ? Il eft vrai que d’habiles
antiquaires modernes rapportent que quelques-
unes des flûtes trouvées à Herculanum , ont des anches
, 8c que les anciens érigerent une ftatue à Pronome
le Thebain , parce qu’il avoit inventé cette
partie de \a flûte , mais ils ne nous apprennent rien
de plus. Il eft vrai encore que l’anche eft mani-
fefte dans les deflins de quelques flûtes anciennes ;
mais il y en a d’autres qui fe terminent en-haut par
une efpece de bocal ; on en trouve même une à
bifeau. Enfin le P. Hardouin, dans les notes 8c les
correôions qu’il a jointes à fa belle édition de Pline ,
parle bien des anches des anciens, mais il n’explique
pas pofitivement fi les anciens avoient uniquement
des flûtes à anche , ou s’ils en avoient auffi d’autres ;
il me femble cependant que cette matière mérite
d’être éclaircie. levais tâcher de le faire , 8c je me
flatte de pouvoir montrer que les anciens n’avoient
que desflûtes à,anches, mais qu’elles étoient de deux
fortes ; l’une ayant l’anche à découvert comme nos
hautbois ; l’autre ayant l’anche cachée à-peu-près
comme font les trompettes d’enfans.
Avant d’entrer en matière , il ne fera pas hors de
propos de remarquer que, fuivant le témoignage de
tous les auteurs Grecs 8c Latins, les anciens appelaient
flûte un tuyau percé de plufieurs trous latéraux,
qu’on bouchoit avec les doigts, ou autrement f
8c qui fervoient à produire les différens tons : les
autres inftrumens à vent s'appelaient cor, trompette,
bûccine ,lituus ; je ne connois qu’une feule exception
à cette réglé , c’eft la fyringe, ou le fifflet de Pan ,
infiniment compofé de plufieurs tuyaux inégaux, &c
dont chacun donne un ton différent ; encore peut-
on dire avec raifon que les tuyaux inégaux de la fyringe
tenoient lieu des trous latéraux des autres flûtes.
La flûte traverfiere ne paroît pas avoir été connue
des anciens, au moins aucun auteur n’en parle. Ils
avoient à la vérité une flûte furnommée plagiaule ,
c ’eft-à-dire, oblique ; mais Servius, dans fes remarques
fur V irgile, dit à l’occafion de ce vers,
Aut tïbi curva choros indixit tibia bacchi.
Hanc tibiarn grceci vocane <aXetyieivhov. Les Grecs
appellent cette flûte (curva tibia} plagiaule : or les
anciens ajoutoient au bout de leurs flûtes une corne
de veau pour en augmenter le fon ; cette corne étoit
naturellement recourbée 8c rendoit par conféquent
la flûte même courbe , 8c voilà la curva-tibia de Virgile
, 8c la plagiaule des Grecs. On voit de ces flûtes
courbes fur plufieurs monumens anciens. Voye^fig.
iq. planche II. de Luth. Suppl.
La vérité m’oblige d’ajouter que j’ai trouvé des
efpeces de flûtes traverfieres , ou plutôt de vrais
fifres fur deux bas-reliefs qui fe trouvent l’une &
l’autre dans l'Antiquité expliquée de Montfaucon. Le
premier de ces bas-reliefs* repréfente , fuivant le
favant bénédiélin, l’Amour 8c Pfyché , tous deux
font portés par des centaures. L’amour tient à fa
bouche un bâton qui femble être un fifre, 8c il eft
dans l’attitude de quelqu’un qui joue de cet infiniment
: entre les deux centaures eft un cupidon ou
génie ailé debout, jouant auffi du fifre. Je foup-
çonne ce bas-relief d’être mal copié.
i °. Parce que Montfaucon dit pofitivement que le
cupidon debout entre les centaures, tient un vafe :
or l’inftrumentque tient l’amour à cheval j reffemble
exactement au premier, 8cfi l’un eft un vafe, l’autre
auffi en eft un.
2°. Parce que je n’ai vu fur aucun monument l’amour
jouant d’aucune efpece de flûte; l’on trouve
bien des génies ailés jouant de cet inftrument, mais
non l’amour. •, j
Le fécond de ces bas-reliefs que Montfaucon a
tiré de Boiffard, reffemble beaucoup au premier, 8c
je le foupconne de n’être que le premier altéré par
les deffinateurs ; au moins fi ce foupçon n’eft pas
fondé , il eft très-probable que ces centaures 8c ces
cupidons font une allégorie , 8c que l’un de ces bas-
reliefs,eft imité de l’autre.
Au refte qu’on ne foit pas étonné fi j’accufe fi
facilement ici 8c ailleurs ceux qui ont copié les bas-
reliefs antiques, de les avoir altérés : j’ai des preuves
indubitables qu’ils fe font trompés en plufieurs
occafions 8c j’en rapporterai deux des plus fortes.
L’on trouve dans le toute I de l'Antiquité, expliquez
de Montfaucon , une fyringe compofée de buît
tuyaux à bifeîju. Chaque tuyau eft percé de trous
latéraux ; les deux premiers en ont chacun quatre J
les quatre fuivans en ont chacun trois ; l ’avant-
dernier deux, 8c le dernier un. Je ne remarque»
rai point que jamais on ne trouve de fyringe dont
les tuyaux.foient à bifeau , .& percés de trous latéraux
; je demanderai feulement comment avec huit
doigts, car les pouces doivent fervir à tenir l’inftru»
ment , je demanderai, dis-je, comment avec huit
doigts on jouera d’un inftrument à vingt-trois trous?
Me répondra-t-on qu’on ne joue que d’un tuyau à la
fois, 8c qu’alors il ne faut au plus que quatre doigts.
Je demande'alors comment un muficien tranfportera
dans le mêmeinftant fon inftrument d’un côté à l’autre,
8c fes doigts d’un tuyau à l’autre fans fe tromper ?
Qu’on trouve dans le traité de tibiis yeterum de
Bartholm, planche I I , figure / , un joueur de flûte
tenant' deux flûtes , dont chacune a deux trous
latéraux , 8c à côté deux petites éminences cubiques
, ou chevilles; cette même figure fë trouve
dans Boiffard , mais 1 es flûtes n’ont ni trous latéraux,
ni chevilles; bien loin de-là, elles font entourés d’an,
neaux. Que ce foit Bartholin, Ou que ce foit Boiffard
qui ait repréfenté l’antique , l’un des deux s’eft
trompé dans cette occafion , on peut avoir de même
mal copié le bas-relief oit font les fifres., 8c je fuis
fondé à dire que les anciens n’avoient point de flûtes
traverfieres, jufqu’à ce q.uej’aie de bonnes preuves
du contraire.
Les flûtes à bocal, ou les cornets font difficiles à
emboucher, 8c il eft prefqu’impoffible de jouer de
. deux de ces fiâtes à la fois ; c’eft cependant ce que fai-
foient les anciens habituellement. D ’ailleurs une flûte
à bocal n’a rien qui reffemble à une glotte ou languette
( c’eft-à-dire à une anche comme nous le verrons
) , cependant il paroît par quantité de paffages
des auteurs anciens que la - glotte ou languette étoit
àndifpenfable à la flûte. Voici quelques-uns de ces
paffages.
Porphyre , dans fes Commentaires fur le chap 8.
du livre premier des Harmoniques de PtolOmée , édition
de Wallis , dit « Si l’on prend deux flûtes , foit
» de rofeau , foit d’airaih . . . . 8c qu’on ibuffle dans
» ces fiâtes par les languettes qui s’y trouvent ( per
» eas quet funt in illis lingulas. ) »
S. Chryfoftome d it , Homélie , « fi vous ôtez
» la languette ( Unguia) à une flû te, l ’inftrument
» devient inutile ». Il eft clair que ni Porphyre , ni
S.. Chryfoftome ne parlent d’une feule efpece de
flûte ; ils parlent des flûtes en général.
Suivant Pollux, chap. p., livre II', de fon Onomaf-
ticon, une mauvaifeflûte eft fans languette (glottà),
fans fon , enfin elle n’eft bonne à rien ( inepla. ). Le
même auteur met un peu plus haut l’anche ( glotta )
au nombre des parties de la flûte.
Au refte, tout ce que l’on vient de dire par rapport
aux flûtes à bocal ou cornets, peut auffi très-bien
s ’appliquer auTt flûtes traverfieres.
Lesflûtes k bitèau ou douces parlent aifément, &
plus elles font longues, plus il faut y fouffler doucement
; à quoi bon donc le phorbeion ou bandage
dont les anciens muficiens s’entouroient la tête pour
mieux gouverner leur haleine ? Quand on n’eft pas
obligé de fouffler avec véhémence , on en eft toujours
le maître. Si les flûtes des anciens étoient des
flûtes douces, pourquoi les ftatues qui repréfentent
des muficiens en aftion ont-elles toutes les joues
enflées ? Comment Ovide auroit-il pu faire dire à
Minerve, à qui il attribue l’invention de la flûte ,
Vidi virgineas intumuiffe gênas.
6 Fafi. lib. VI.
Je vis mes joues vierges enflées ? Comment Plutar-
Torne III. J
qttê àuroît-t-îl pli rapporter dans la vie cPAlcibiadé
que ce jeune Gréé ne voulut pas apprendre à jouet
delà flûte, alléguant entr’autres raiforts « qu’à peine
» ceux qui étoient intimément liés avec un homme,
» pouvoient le reeonnoître quand il jouoit de la
» flû t e » ?
De plus, Ariftote dans le chap. 6*. du livre V I I Ï dt
fa politique , nous apprend que « la flûte eft plus
» propre à animer les efprits, 8c à les porter à la
» colere qu’à les concilier » ; ce qui certainement
ne convient pas plus que tout ce que nous venons
de dire , ni aux flûtes douces , ni aux f i %-es traverfieres.
Puifque donc les flûtes des anciens rt*étoient point
des cornets, ni des flûtes traverfieres, ni des flûtes
douces, il faut néceffairement quelles fuffent des
hautbois, ou que leurs glottes en languettes fuffent
de véritables anches. Confirmons cette idée par
quelques paffages de plufieurs auteurs.
Hefychius dit que la glotte des flûtes n’eft autre
ehofe qu’une languette agitée par le fouffle du joueur,
ce qui convient parfaitement à l’anche d’un hautbois
: d’ailleurs le mot glotte même confirme cette
opinion, la partie du corps humain appellée glotte
ayant de l’affinité avec une anche.
Ptolomée, dans le chap. j . du livre premier des
Harmoniques, dit: « la trachée artere1 eft une flûte
» naturelle » ; mais la trachée-artere , comme l’on
fa it, fe termine par l’épiglotte, efpece de foupape
qui s’ouvre 8c fe ferme à-peu-près comme la languette
d’un chalumeau.
PolluX, dans le chapitre déjà cité de fon Onômafï
ticon , rapporte qu’on peut dire en parlant d’un
joueur de flûte « qu’il a les joues pleines, gonflées ,
» bouffies , élevées , étendues, adhérentes , pleines
» de vent, les yeux irrités. . . . fanguinolens » ; il dit
encore plus bas «les anciens difent des glottesufées
» par le chant ».
Il nous eft refté un traité prefque entier d’Ariftote
fur les objets qui font du reffort de l’ouie ( de audibï-
libus ) ; on trouve ce traité dans les Commentaires de
Porphyre, fur le chap. g . du livre premier des Harmoniques
de Ptolomée, 8c entr’autres paffages, il renferme
les trois fuivans.
« Si quelqu’un ferre les levres & comprime. la
» glotte d’une flûte, le fon devient plus dur, plus
» défagréable , 8c plus éclatant.
» Si l’on mouille le fommet de la g lotte, ou qu’on
» l’imbibe de falive , l’inftrument raifonne mieux *
» 8c au contraire , quand la glotte eft feche.
» Si l’on comprime la glotte , le fon devient plus
» aigu & plus clair ».
Tout cela convient parfaitement aux flûtes à anches,
a ufli-bien que ceque dit Apollonius de Thyane
( chap. z i. liv. V. de fa vie,par Philoftrate ) , « qu’une
» des qualités néceffaires à un muficien eft celle de
» bien embraffer la glotte de fa flûte avec les levres
» fans cependant y employer affez de force pour en
» devenir rouge ».
Pline , dans le chap. j J du livre X V I de fort
Hifioire Naturelle , rapporte « qu’avant le muficien
» Antigénide , on coupoit dans le mois de fep-
» tembre les rofeaux -dont on vouloir faire des
» flûtes , & qu’on ne commençoit à s’en fevir qu’a-
» près quelques années : qu’alors même le muficien
» étoit obligé de dompter pour ainfi dire fon inftru-
» ment, & d’apprendre à fa flûte même à chanter
» les languettes étant trop peu ouvertes ; » c’eft-à-
dire , je crois que, comme on avoit cueilli le
rofeau quand il etoit déjà très-mur, les languettes
étoient dures , fe comprimoient réciproquement
car il dit comprimentibus fe lingulis, & ne fe laiffoient
pas gouverner à la volonté du joueur. «Mais après
» continue Pline 9 on les coupa avant ce folftice
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