
pour lui que le tems où la chaleur l’empêche de pâturer
, ou que la laffitude l’empêche de fe tenir debout
pour brouter : d’ailleurs, les*pâturages publics
ne font pas toujours également bons ; ils font,
ou marécageux , ou arides : dans les marécageux
il ne croît que dé très-mauvaifes plantes ; l’eau y
croupit, 6c ce font-là les retraites de différens in-
feôes , même des araignées dans les tems de féche-
reffe ; dans les pâturages arides il ne croît prefque
point d’herbes ; l’animal eft fouvent obligé de ne fe
nourrir que de racines : un autre abus, c’eft de donner
aux-animaux du foin nouvellement récolté ; ce
foin les échauffe 6c leur procure des chaleurs d’entrailles
; les gelées blanches du printems 6c celles
d’automne, leur font auffi très-nuifibles, lorfqu’on
les laifl'e pâturer pendant la nuit dans ces deux fâi-
fons, comme il eft d’ufage : le bétail ne fouffre pas
moins pendant l’é té , lorfqu’on le laiffe expofé dans
les prairies aux ardeurs du foleil ; il s’y trouve expofé
aux affauts continuels des infe&es.
Une quatrième caufe du Louvet , c’eft la trop
grande fatigue qu’on fait effuy er aux chevaux 6c aux
boeufs de la part des payfans : on n’attend pas fou-
vent que ces animaux foient entièrement formés
pour les faire travailler ; ce qui leur eft encore très-
nuifible.
La cinquième provient des écuries, qui ne font
pas affez airées, qui font trop baffes & trop enfoncées,
6c qu’en ne nettoie pas affez fouvent. La
fixieme, eft qu’on ne donne pas affez fouvent aux
beftiaux des rafraîchiffans ; 6c par uije erreur tout-
à-fait contraire, lorfqu’ils fe trouvent malades, on
leur donne des remedes même les plus échauffans.
La feptieme & derniere eft la communication qu’on
laiffe d’un animal malade avec un autre qui eft fain.
M. Reynier entre enfuite dans la difcuflion des cas
qui ont occafionné que le Louvet a fait tant de ravages
en Suiffe en 1761. i°. La récolte en foin de 1760,
dit M. Reynier, a été fort médiocre ; le bétail a été
par confequent mal nourri pendant l’hiver fuivant;
6c plufieurs, pouffés par la faim, ont mangé jufqu’à
la litiere. z°. La récolte en vin de 1760 a été très-
abondante , 6c le tranfport qui s’en eft fait pendant
l’hiver de 1760 a 1761, très-confidérable; une pluie
continuelle a rendu les chemins impraticables ; les
chevaux 6c les boeufs ont été fort maltraités ; auffi
l’été fuivant de 176 1 , les villages où il y a un grand
nombre de charretiers ont perdu beaucoup plus de bétail
que les autres. 30. Le printems de 1761 a été fort
chaud, la terre c’eft durcie extrêmement, la dureté
du fol a rendu le labour fort pénible, le payfan n’a
pas mis à fa charrue des boeufs 6c des chevaux à proportion.
40. Les plantes ont pouffé avec beaucoup
de peine, 6c les plus tendres ont été bientôt confu-
mées par les rayons du foleil; celles qui font rafraî-
chiflantes ont prévalu en grandeur 6c en nombre fur
celles qui échauffent. 50. L’ardeur du foleil a réduit
par-tout la.terre en pouffiere; cette derniere, élevée
par les vents, a couvert les plantes; l’animal,
en broutant l’herbe ainfi affaifonnée, a humé encore
la pouffiere qui couvroit les plantes d’alentour; elle
s’eft attachée à fes nafeaux 6c à fes poumons, ce qui
n’a pas peu contribué à les deffécher 6c à leur procurer
la toux.
6°. Cette même chaleur a fait éclorre quantité
d’infeûes; elle a attiré un nombre très-confidérable
de cantharides qui ont été obfervées dans le mois de
juin 6c de juillet, jufqu’au tems des pluies qui font
tombées dans le commencement du mois d’août; ces
cantharides ont féjourné principalement dans les marais
defféchés & fort expofés au midi ; l’animal, forcé
par la faim de manger tout ce qui pouvoit fe préfen-
ter à lut, a dévoré avec avidité les petits rejettons
«l’herbe, fans faire attention à ces infe&es; .rien n’eft
cependant plus pernicieux que le fuc.de ces irife&ès •
il caufe de l’inflammation dans les inteftins, il difpofe
les fluides à la putricidité, 6c il fait fi fort enfler l’a-,
nimal qu’il en luffoque; on petit dire à-peu-près la
même chofe des autres infeûes.
7 0. Il fort continuellement des animaux des corpuscules
âcres., falés 6c putrides ; mais dans le Louvet
ces corpufcules deviennent encore plus volatiles 6c
plus putrides : l’air, qui s’en trouve chargé, les transporte
6c les dépofe çà 6c là , tantôt fur le corps d’autres
animaux, tantôt fur leur fourrage, tantôt.enfin fur
tout ce qui peut les environner ; ils paffent enfuite dans
les corps, loit par les, pores de la peau ,foit par laref-
piration, foit auffi avec les alimens, & ils mettent les
fluides dansl’état de corruption de ceux dont ils font
fortis ; rien n’eft par conféquent plus pernicieux que
de laiffer les animaux malades avec les fains, 6c de
ne pas enterrer ceux qui font morts du Louvet.
Telles font en général toutes les caufes qui peuvent
occafionner des fels alkalis, & qui par conféquent
peuvent donner lieu au Louvet; & en effet,
dit M. Reynier, ces fels alkalis entraînent les fluides
dans une diffolution putride ; ils irritent les nerfs,
ils excitent de la fievre par cette irritation, ils cor*
rompent les chairs, les rendent flafques, infenfibles,
6c ils attirent enfin la gangrené.
Les caufes 6c les fymptômes du Louvet étant con-.
nus , nous paffons actuellement aux indications à
remplir dans ces cas. Il s’en préfente deux, la première
confifte à prévenir l’inflammation 6c la putridité
dans les folides& les liquides ; à en arrêter les
progrès & les guérir, fi elles fe font déjà déclarées : la
fécondé, à empêcher la gangrené de femanifefter dans
les tumeurs qui pourroient fe former; 6c en cas qu’elle
paroiffe, d’empêcher qu’elle ne faffe des progrès. •
La première chofe à faire dans la première indication
c’eft de s’attacher à abattre la violence
de la fievre, la chaleur, l’altération, 6c les autres
fymptômes qui en font les fuites ; parmi les rème-
des fimples, l’eau pure plutôt fraîche que tiede,
le petit lait, les fucsde laitue, de bette, de petite
joubarbe, les décodions d’orge, de fon, de femences
froides, font très - recommandés par M. Reynier;
mais fi le mal eft urgent, ils ne fuffifent pas, il faut
y affocier du nitre, du falpêtre, du cryftal minéral
autrement fel de prunelle, ou du fel ammoniac.
Ces remedes, outre la propriété qu’ils ont d’être
rafraîchiffans & anti-putrides, ont encore celle de dif-
foudre les glaires 6c les engorgemens qui peuvent fe
rencontrer dans les premières voies ; fouvent la
grande chaleur qu’il y a dans l’intérieur du corps con-
lume entièrement l’humidité, les glaires s’épaiffiffent
6c obftruent les vaiffeaux ladés ; en forte que les
liquides ne peuvent pas même paffer dans le fang : il
faut donc vaincre cesobftacles , 6c ce n’eft qu’endon-
nant ces remedes rafraîchiffans fouvent & en abondance,
qu’on peut prévenir les accidens. Il faut par
conféquent humeder l’animal auffi fouvent qu’il a
foif; il faut même le forcer à boire , & en cas qu’il
refufe, fe fervir d’une corne pour lui faire avaler
ces boiffons. M. Reynier donne dans ce cas le remede
fuivant: prenez une once de falpêtre ou de cryftal
minéral, 6c un quart d’once de fel ammoniac; quand
toutes ces drogues auront été réduites en une poudre
groffiere, on mettra cette poudre dans une livre
ou deux d’eau ou de petit-lait, avec pareille quantité
de fuc des plantes indiquées ci-deffus; cette dofe
doit fe réitérer de deux heures en deux heures, fi le
mal eft fort prefl'ant, 6c feulement de trois en trois;
même de quatre en quatre, s’il l’eft moins.
Il arrive fouvent, continue M. Reynier, que les
inteftins fe trouvent fi échauffés, que les liquides que
l’animal prend,fe confument 6c s’abforbent entièrement
dans les inteftins grêles^ de forte que les gros
■
inteftins n’en pëuvent recevoir aucun foulagement ;
ils s’enflamment pour lors, & l’inflammation fufcite
une dyffenterie, même la gangrené, & l’animal en
périt le plus fouvent ; pour y obvier, M. Reynier
confeille de donner ait moins\de fix heures en fix
heures dès lavemens faits avec les breuvages indi-
aués ci-deffus, ou 'avec les décodions de bette,
feneçon, de mercuriale, de laitue, de mauve, d’al-
théa , le vinaigre 6c le nitre.
‘ Ces lavemens peuvent fe préparer de la maniéré
fuivante : vous prenez cinq ou fix poignées dé laitue,
ou de mauve, ou de mercuriale; vous les hachez,
6c les faites bouillir dans cinq ou fix livres d’eau pendant
un quart d’heure; vous paffez la décoftion à
travers un linge, & vous y ajoutez deux onces de
cryftal minéral 6c autant de vinaigre ; on met cette
décoftion dans les feringues, la dofe prefcrité eft
feulement pour une fois ; on la réitéré de quatre
heures en quatre heures, 6c plus fouvent fi l’animal
eft échauffé.
Mais comme la putridité fuit de près Pinflamma-
mation, il faut auffi la combattre, & même fans aucun
retard ; les acides conviennent pour lors, & parmi
les différens acides, M. Reynier donne la préférence
au vinaigre : fi on en veut avoir la raifon, on
la trouve dans l’ouvrage même de M. Reynier, dans
la differtation de M. de Sauvages fur la vertu des
médicamens, 6c dans le traité de chymie de Boer-
rhaave; d’ailleurs le vinaigre eft plus aifé à fe procurer
que les acides minéraux, tels que ceux de vitriol
, de foufre, de nitre 6c de fel; les citrons, les
fucs d’ofeille, de fumac, le verjus, la crème de tartre
peuvent très1 bien y fuppléer, même le tartre crud;
mais la crème de tartre eft fur-tout excellente : outre
l’effet qu’elle a de commun, avec les acides, elle a
encore celui de défobftruer les vaiffeaux du bas-
ventre, de dégorger la vëficule du fiel 6c d’entraîner
par les felles la bile 6c les glaires comme les purgatifs
; mais les acides donnés feuls pourroient irriter
les poumons, exciter la toux; 6c c’eft pour cette
raifon qu’il faut leur joindre un mucilagineux, 6c les
étendre dans les décodions ci-deffus indiquées ; on
prendra, par exemple, deux ou trois livres de petit
lait, ou la décodion de mauve, de laitue, de raves
dans de l’eau ; on y joindra quatre ou cinq onces
de vinaigre 6c deux onces de miel; on réitérera
cette dofe de deux heures eh deux heures: il faut
environ une livre d’eau pour faire là décodion d’une
poignée de plantes, 6c on doit la faire bouillir pendant
un quart d’heure la bien exprimer enfuite
pour en faire fortir l’eau.
Si pendant l’ufage des remedes il „furvient une
diarrhée , il ne faut pas l’arrêter par aucun rethedé
aftringent; ce feroit, comme on ditcommunémennt,
enfermer le loup dans la bergerie ; on fe contentera
de diminuer un peu la dofe des acides, & on donnera
de tems en tems des lavemens adouciffans ; fi
cependant la diarrhée devient trop forte, on ajoutera
àuxfùfdites décodions deux onces de quina, ou d’écorce
de frêne en poudre ; cela fera fuffifant pour la
modérer., ■
Lorfqu’après avoir employé toits ces remedes , la
putridité ne laiffe pas de gagner, il faudra pour lors
en venir néceffairement au quinquina ; cette écorce
a des propriétés fpécifiques dans cés cas ; l’écorce du.
jeune frêne peut très-bien remplacer le quinquina.
Helwig, dans fa differtation dequinaquinàEuropeorum;
Boerrhaave, dans fonhiftoire des plantes du jardin
de Leyde, article defraxino ; 6c tout récemment Ber-
gius dans les Gotting. aureg. de l’année 17 57, la recommandent
même très - fortement ; M. Reynier affure
auffi s’en être fervi avec fuccès, àuiieu de quina, dans
les fievres putrides colliquatives, rémittentes , qui
régnefent en Amérique l’an 1757; il eut encore la
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fâtisfa^Hon ^ajoute-t-il, d’avoir guéri pendant l’automne
de 1761 ,une pauvre femme qui avoit déjà
l’avant-bras entièrement noir , lorfqu’elle le con-
fulta ; il lui fit appliquer fur tout le bras des linges
trempés dans une décoélion de cette écorce, faite
avec le vinaigre blanc ; la douleur ceffa au bout de
vingt - quatre heures, 6c l’efcare commença à fe dé-
tacher ; maisc-quand on voudra faire ufage de cette
écorce, ôn o b f è r v e r a de ne choifir que celle des
arbres qui ont crû au fec, dans des endroits expofés
au midi; celle des endroits humides 6c froids eft
plus groffiere 6c n’a pas tant de vertu ; on fubftituera
encore, Jî on veut, au quinquina, l’écorce d’acacia,
d’orme & même celle du jeune chêne, mais on en
donnera le double du quina.
Les acides 6c le camphre unis au quinquina ou
autres écorces, les rendent plus efficace ; M. Reynier ,
les prefcrit fous les formules fuivantes.
Prenez de l’une des décodions ci-deffus deux
livres, ajoutez - y deux onces de vinaigre & autant
de quinquina ou d’écorce de frêne en poudre ; donnez
cette dofe tout à la fois, 6c réitérez - la de quatre
en quatre heures, ou
Prenez deux onces de quina en poudre, un demi-
gros de camphre, 6c une once de crème de tartre,
ou deux onces de tartre cru, ou bien
Prenez un quart d’once d’ipécacuana , un demi-
gros de camphre & une once de crème de tartre, ré-
duifez le tout en une poudre fine; on donne ces
poudre délayées dans unpeu d’eau avec un entonnoir.
Dans les cas de putridité on peut encore recourir au
féton ; en Angleterre 6c dans les colonies de l’Amérique
feptentrionale, on fait généralement des fêtons
fous le ventre des chevaux & des boeufs, lorfqu’ils font
malades ou lorfqu’ils ont été expofés à-de grandes fatigues;
il s’écoule fouvent par le moyen de ce féton,
dans moins de vingt-quatre heures, plufieurs livres
d’une mucofité jaunâtre 6c très-fétide; la place pour
faire le féton, eft pour l’ordinaire le poitrail ou le bas-
ventre; C’eft dans ces parties qué les tumeurs fe forment
; pour accélérer l’effet de ce féton, on frottera la
corde qui le traverfe,qui doit être de crin, avec de
l’onguent égy ptiac, ou avec un onguent compofé d’un
quart d’once de racine d’hellebore noir, d’un gros de
cantharides en poudre, & d’une once de miel ; on laifi*
fera fluer le féton jufqu’à ce que la maladie foit à fa fin,
6c même quinze jours après, fi on ne veutpasexpofer *
l’animal à?une rechûte ; fi la fuppuration eft encore
fort-abondante, après qu’il aura flué quinze jours ou
trois femaines, on peut fortir la corde, la plaie fe
confolidera d’elle-même 6c fans qu’on y applique
quoi quejce foit ; fi un féton ne fuffit pas pour procu-
terun écoulement fuffifant, il faut en faire plufieurs
dans différens endroits, jufqu’à ce qu’on foit parvenu
à'fon but.
M. Reynier ne confeille ni les fudorifîques, ni les
purgatifs, ni les diurétiques dans ces cas.
Quand la bouche 6c l’oefophage fe trouvent fort
échauffés, & lorfque la noirceur qui paroît quelquefois
dans cette partie l’indique, il faut les hume&er
fouvent, 6c ne point donner à l’animal de remedes
qu,i puiffent l’échauffer, à caufe de l’inflammation qui
pourroit y fur venir ; mais quand la maladie doit former
une crife falutaire par la falivation, rien n’eft
plus propre à la féconder que de relâcher les parois
du palais, pour que les conduits> falivaires ne forment
aucune oppofition à l’affluence des humeurs
qui s’y portent.
Lorfque les nafeaux 6c les poumons fe trouvent
defféchés , 6c que l’haleine fe trouve fort feche 6c
fort chaude, ce qui arrive le plus fouvent, on fait
humer la vapeur du vinaigre avec la décoftion de
fleurs de fureau dans du petit-lait ; on expofera pour
cet effet fous la tête de l’animal un vafe ouvert
I
„ ...SU - a .