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prévenir trOplégérement par les impreffions que kii
donnoient les courtifans qui l’entouroient. La modération
dont il ufa envers le roi de Portugal , fon
beau-pere , devenu fon prifonnier, mérite de fer-
vir d’exemple à tous les princes qui le trouvent dans
les mêmes circonftances. Le roi de Portugal etoit
l’aggreffeur ï fans avoir reçu aucun 'fujet de mécontentement
de fon gendre-, il fit un incurfion dans
la Galice , oit il s’empara de plufieurs places. Ferdinand
vola au fecours de fes provinces, affiégea fon
beâu-pere dans Badajoz. Celui-ci fut bleffé 8c fait
prifonnier dans une Ionie . Ferdinand le traita avec
les égards les plus diftingués, lui offrit la paix, 8c
ne demanda pouf condition que la reftitution des
places envahies. Il mourut en 1 188. ;
Ferdinand III, fils d’Alphonfe IX', & de Beren-
gere , infante de Caftille , 8c foeur du roi Henu I ,
monta fur le trône de Caftille par l’abdication
volontaire de fa mere en 12.17 > ^c fur ce*u*
Léon par la mort de fon pere en 1230. Coufin germain
de faint Louis, roi de France , fon zele p^our
la religion, 8c fes autres vertus chrétiennes, l’ont
fait mettre , comme lu i , au rang des faints, quoique
le bref de Clément X qui le canonifa , ne permette
qu’aux fujets de l’Efpagne d’en faire la tète.
Les fages loix qu’il fit, le code dans lequel il raflem-
bla celles de fes prédéceffeurs, la fermeté avec laquelle
il réprima la tyrannie des grands qui oppri-
moient les petits, fon amour pour la juftice , 1 éta-
bliffement du confeil fouverain de Caftille, fes états
purgés des brigands 8c des voleurs qui y cominet-
toient toutes fortes da crimes , l’Efpagne entière
prenant une nouvelle face par fes foins bienfaifans ,
luiaffurent une place parmi les bons rois. Ses états
accrus de près de deux tiers, annoncent encore un
héros. Mais le titre de conquérant n’ajoute point à
la gloire d’un roi chrétien 8c bienfaifant. Ferdinand
111 mourut en 1 1 5 1 , lorfqu’il fe difpofoit à conquérir
le royaume de Maroc. ;
Ferdinand IV , furnommé \Ajourné 9. n’avoit
que dix ans , lorfque le, roi Sanche, furnommé le
Brave, fon pere , mourut, 8c lui tranfmit la couronne
en 1195 , fous la .tutelle 8c la régence de la
reine doua Marie de Molina. Il fe ligua avec le roi
d’Aragon , pour s’emparer du royaume de Grenade
à la faveur des troubles qui l’agitoient. Lorfqu’il prit
Gibraltar aux Maures, un vieux officier Sarrafin lui
dit : « Ferdinand , votre glorieux bifaïeul me chaffa
» autrefois de Séville ; Alphonfe, votre aïeul ,de
» Xérès ; Sanche, votre pere, de Tariffe : vous me
» chaffez de Gibraltar. Je m’en vais chercher en
» A frique, dans ma vieilleffe, un repos que per-
» fonne ne troublera ». Paroles pleines de fens qui
font voir que, les rois deftinés à faire le bonheur
du monde, en troublent fouvent la tranquillité par
leur folle ambition. Ferdinand IV 'è toit un prince
violent, emporté , defpotique. Alphonfe de Bena-
vidès avoit été tué à Palence , prefqu’à.la porte du
palais du r o i, d’oii il fortoit. Deux freres, nommés
don Pedre, 8c don Juan de Carvajal, furent foup-
çonnés de ce meurtre, & arrêtés à Martos par ordre
du roi.'qui avant que de s’affurer de; la vérité'de
/ce crime, les condamna à être précipités du haut
d’un rocher efearpé. Ils eurent beau prqtefter de
leur, innocence, fe jefter aux pieds 4^Ferdinand y&C
lui demander qu’il leur permît de fe juftifier; le roi
refufant de les entendre, ordonna que la fentence
fût exécutée fur le champ. Alors les deux freres fe'
relevant avec cette fierté allurée que donne l’innocence
, citèrent ce prince implacable à comparoître
dans trente jours au tribunal du fouverain juge des
rois , pour y répondre de là, mort injufte à laquelle
il les condamnoit. Ce fiecle étoit celui desajourne-
jjjgns, ëc le .peuple y c(j ou toit foi. Le pape Clement
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V , & le roi Philippe-Ie-Bel avoient été aihfiajournés
par le grand-maître des templiers. Quoi qu’il en
fo i t , le trentième jour après la citation des deux
freres Carvajal, Ferdinand s’étant endormi après fon
dîner , fut trouvé mort lorfqu’on voulut l’éveiller,
foit que fa mort fût naturelle , foit que dans une
cour remplie de faétieux, de mécontens 8c de conspirateurs,
quelqu’un ofât profiter d’une erreur populaire
pour fe défaire du roi par le poifon. Cette
mort fubite arriva le 17 de feptembre de l’année
1312. Ce prince avoit vingt-fept ans.
. Ferdinand V , dit le Catholique, fils de Jean II
roi d’Aragon , époula, en 1469 , Ifabelle de Caftille
, foeur. de Henri IV , dit Ylmpuijfant. Par ce
mariage il réunit la couronne de Caftille , dont Ifa*-
belle étoit héritière, au trône d’Aragon, fur lequel il
monta à la mort de fon pere ; la réunion de ces deux
états forma une puiffance telle que l’Efpagne n’en
avoit point encore vue, 8c cependant trop foible pour
fatisfaire les vaftes defirs de Ferdinand , dont l’ambition
s’accrut toujours avec les conquêtes. Alphonfe,
roi de Portugal , prétendoit difputer la Caftille à
Ferdinand , ou plutôt à Ifabelle. La guerre décida
cette querelle. Le roi de Portugal battu àT o ro , en
1476 , fut obligé d’accéder aux conditions d’un
traité avantageux à fon rival. Huit ans de guerre
mirent Ferdinand en poffeiïion du royaume de Grenade.
Cette conquête fut fuivie de celle d’une partie
du royaume de Naples 8c de la Navarre entiereJ
Mais ces ufurpations terniffent la gloire de fon régné
aux yeux de l’équitable poftérité. Ferdinand, ajoutant
à tant d’états les côtes d’Afrique , 8c un nouveau
monde découvert fous fes,aulpices, par Chrif-
tophe Colomb , eft moins grand à nos yeux que
lorfqu’il rend la force aux loix, punit les magiftrats
prévaricateurs , diminue les impôts , réprime l’orgueil
infolent des grands, réforme le clergé , & corrige
par de fages ordonnances les abus qui s’étoient
glifles dans plufieurs parties de l’adminiftration. II
chaflàjes Juifs d’Efpagne, en quoi fon zele trompa
fa politique ; ce banniffement eut des fuites funèftes.
Ferdinand, appellé le Sage 8c le Prudent en Efpagne ,
le Pieux ëc le Catholique à Rome , n’eut que le titre
d’ambitieux 8c de perfide en France 8c en Angleterre ;
& un prince italien, fon contemporain , difoitde
ce monarque : « Avant que de compter fur fes pro-
» méfiés, je voudrois qu’il jurât par un dieu , en qui
» il crût ». On ne peut nier que fes bonnes 8c fes
mauvaifes qualités n’aient donné lieu à ces jugemens
différens. Il mourut en 1516.,
Ferdinand V I ,. furnommé le Sage, fils de Philip
pe V , & de la princelfe Marie-Louife-Gabrielle
de Savoie , foeur du roi de Sardaigne : il monta fur
le trône après la m.Prt du roi Philippe, au mois de
Juillet 1 7 4 6 , quelques années après-avoir époufé
Marie-:Magdeleine , infante de Portugal. L’Europe
prefqu’entiere, étoit alors embrâfée des feux de la
gu e r re , 8c tous les defirs du nouveau fouverain ne
tendoient qu’à rétablir la paix. Ses voeux furent remplis
: ëc par fes foins & l’habileté de fes négociations,
on fait que les puiffances belligérantes conclurent le
célébré traité d’Aix-la-Chapelle. Ferdinand V I ?après
avo ir enfuite formé une alliance défenfive av e c les
rois de France 8c de Sardaigne, dans laquelle il eut
foin de veiller aux intérêts des ducs de Parme 8c de
Mo.déne , du roi des deux Sic iles , 8c de la république
de Gênes , il fe confacra tout entier aux foins
du gou v ernement, & par la fageffe des réglemens
qu’il fit, par l’utilité des moyens qu’il employa »rendit
la monarchie efpagnole tout auffi .florifl'ante
qu’elle pouvoit l’être. La bienfaifançe de Philippe V ,
pouffée quelquefois jufqu’à la prodigalité , la mau-
vaife adminiftration de Charles II , 8ç celle fur-tout
encore plus vicieufe de la reine M ariç-Anne, régente
pendant
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pendant laminorité de Charles, avoient multiplie les
penfions & les récompenfes, au point que les revenus
delà couronneétoient prefqu’abforbés. Ferdinand V I
fupprima les penfions inutiles, & les fonds qu’il en
retira fervirent à acquitter les dettes de l’état* Ses
forces de terre & de mer entretenues fur le pied le
plus refpe&able, il encouragea le éommerce par
l ’attrait des récompenfes, des honneurs , des diftinc-
îions, & fur-tout par la haute proteftion qu’il lui
donnoit. Les anciennes manufactures étoient négligées
, il leur donna une nouvelle aétivité par les
encouragemens utiles & flatteurs qu’il Offrit aux
artiftes, Enfin, pour que rien ne gênât le commerce
maritime & la navigation, il engagea M< Keend,
réfident d’Angleterre à Madrid, Si M. Carvajal,
miniftre d’Efpagne, à conférer & à accommoder,
au gré des deux nations, quelques anciens différens
fur lefquels il n’avoit été rien ftatué dans le traité
d’Aix-la-Chapelle. Afin qu’il ne reftat aucune difficulté
fur ces points, comme fur beaucoup d’autres
qui n’avoient pas encore été prévus , Ferdinand,
malgré les intrigues & les tracafferies de la reine-
mere, conclut avec l’Angleterre un traité, par lequel
il promettoit de payer, dans trois m ois, à la compagnie
du Sud, cent mille livres fterlings, moyennant
laquelle fomme cette compagnie ne pourroit plus
former aucune forte de demande en vertu du contrat
d’Affiento, Il fut encore réglé que les Anglois ne
payeroient d’autres droits que ceux qu’ils avoient
payés du tems de Charles II , roi d’Efpagne ; enfin,
qu’ils pourroient aller librement prendre du fel dans
ï ’île des Tortues. Comme c’étoit au général W a ll,
ambaffadeur d’Efpagne à Londres, qu Q Ferdinand
étoit redevable non-feulement de ce traité , mais
encore de l’exatte connoiffance qu’il avoit des véritables
intérêts de l’Efpagne , il le nomma fon premier
miniftre , & aigrit le carattere jaloux & turbulent
de la reine-mere, qui, fécondée par quelques fei-
gneurs de la cour, & liguée avec le marquis d’Enfe-
nada, fit tous fes efforts pour s’oppofer à l’élévation
de M. Wall, & pour le perdre lorfqu’il fut élevé :
mais fes cabales, fes intrigues ne nuifirent qu’à elle-
fnême, & beaucoup plus au marquis d’Enfenada qui
fut difgracié, arrêté & mis enprifon. Quelque tems
après il s’éleva des nuages entre la France & l’Angleterre
, au fujet de quelques vaiffeaux françois pris
& détruits par l’amiral Bofcawen. Ferdinand V I fut
vivement follicité de prendre parti dans cette querelle;
mais quelque preflantes que fuflent les inftan-
ces qu’on lui fît, il déclara que fon intention immuable
etoit de ne prendre d’autre part dans les contefta-
tions qu’il y avoit entre les couronnes Françoife&
Britannique , qu’autant qu’il pourroit fe rendre médiateur
entr’elles, & que du refte il étoit fermement
décidé à garder la plus exafteneutralité.Il perfifta dans
ce fyftême, & il n,e paroît pas que les circonftances
poftérieuresl’euffent fait changer, car il vit les com-
mencemens de cette guerre fans s’écarter en aucune
maniéré du plan qu’il s’étoit fait, & ne cefla dans
ces commencemens d’offrir fa médiation. L’amiral
Osborne croifoit en 1758 avec une efeadre entre le
cap de Gâte & Carthagene ; il y rencontra l’efca-
dre françoife commandée par M. du'Quefne , &
envoyée au fecours de M. IaClue , que M. Osborne
tenoit bloqué dans le port de Carthagene. L’efcadre
françoife ne fut point heureufe ; le Foudroyant, vaif-
feau de quatre-vingts canons , &: de huit cens hommes
, commandé par M. du Quefne , foutint pendant
long-tems l’honneur du pavillon frartçois ; mais
après un combat opiniâtre, il fut obligé de fe rendre :
l’Oriflamme alla fe faire échouer fous le château d’Ai-
glos , 8c l’Orphée fut pris. Quelques mois après ce
combat naval, 8c dans la même année, Ferdinand V I
jpffuya le coup le plus funefte que fon ame fenfible
Tome I I I ,
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pût éprouver , 8c il y fuccomba. Il àirïloit éperdument
la reine fon époufe ; elle faifoit le bonheur
8c les délices de fa vie ; la mort rompit les noeuds
de leur douce union , 8c à la fuite d’une affez courte
maladie, cette reine expira en 1758. Ferdinand, qui
par cara&ere étoit mélancolique 9 fe livra fans ré1-
ferve à l’amertume de fa trifteffe } 8c puifqu’il faut
toiit dire * fon chagrin dégénéra , finon en démence
eomplette 9 du moins en accès momentanés d’extravagance*
Il ne s’occupa plus ni d’affaires d’état, ni
d’affaires particulières ; il ne fongea qu’à la perte
accablante 8c irréparable qu’il avoit faite ; 8c refufant
toute compagnie * toute fociété , il s’enferma
dans une chambre à Villaviciofa, d’oii il ne voulut
plus fortir. Agité , pénétré de fes idées lugubres 8c
funèbres, il rejetta tous les alimens qu’on lui pré'-
fentoit ; 8c cette crife de démence s’étant prolongée
pendant trois ou quatre jours, il s’épuifa fi for t,
qu’une légère maladie qui le furprit dans cet état ',
fut prefqu’auffi-tôt déclarée mortelle. Mais quelque
preffant que fût le danger, il ne voulut ni remedes *
ni confolation d’aucune forte, 8c répétant fans ceffe
le nom de fon époufe -, il refufa de fe vêtir , comme
il avoit refufé de fe nourrir ; tout ce qu’à force de
prières on put obtenir de lui, fut de diâer au comte
de Valparaito , en préfence du duc de Bejar , fon
teftamenr, par lequel il nomma fon frere don Carlos
, fon fuccefleur à la couronne d’Efpagne , 8c
la reine douairière régente , jufqu’à l’arrivée de
don Carlos. Quelques momens après avoir difté ces
dernieres difpolitions, Ferdinand ^/ mourut le 10
août 1779, aPrès un régné de 13 ans 8c quelques
jours. ( Z. C. )
Ferdinand , furnommé le Ju(lé, roi d’Aragon,
fils de Jean I , roi de Caftille, 8c d’Eléonore d’Aragon*
Après la mort d’Henri III, roi de Caftille , fon
frere prit, pour le bonheur de l’état j la régence de
ce royaume pendant la minorité de fon neveu le roi
don Jean. Pendant qu’il acquéroit parles fuccès8c
la fageffe de fa régence , la plus grande célébrité ,
lui-même heureux au fein de la famille, vivoit dans la
plus douce concorde avec Eléonore d’Albuquerquè ,
ion époufe , 8c fes deux fils Alphonfe V , qui, dans la
fuite, fut roi de Naples, 8c Jean II qui lui fuccéda
au trône d’Aragon. Jean 8c Martin, fes deux beaux-
freres , rois d’Aragon , étant morts fans poftérité ÿ
Ferdinand j fondé fur l’évidence de fes droirs , pour-1
fuivit fes prétentions à cette couronne qui lui étoit
due du chef d’Eléonore fa mere : mais les troubles
qui alors agitoient l’Aragon , 8c les divers préten-
dans au feeptre Aragonois, ne promettant point à
l’infant de Caftille un avènement paifible au trône,
il fe difpofoit à foutenir par les armes la force de
fes droits, lorfque du consentement de tous les con-
currens , 8c de l’infant de Caftille lui-même, la décision
de cette importante caufe fut remife au jugement
de neuf perfonnes choifies par les états d’Aragon.
Ces neuf juges s’affemblerent, 8c après une
longue 8c mûre délibération, ils prononcèrent unanimement
en faveur de l ’infant don Ferdinand, qui
s’étant tout de fuite rendu à Sarragoffe, y fut proclamé
8c couronné en 1412. Cependant, quoique
tous les prétendans euffent promis de s’en rapporter
à la décifion des neuf juges , le comte d’Urgel le
plus puiffant, le plus accrédité de ces concurrens,
& celui qui avoit en Aragon le parti le plus confidé-
rable , louleva fes adhérens , prit les armes , 8c
alluma le feu de la guerre civile. Outre les places
que le comte d’Urgel tenoit, 8c la moitié de l’Aragon
qui foutenoit fa caufe, il avoit auffi pour allié
Thomas , duc de Clarence , fils de Henri IV , roi
d’Angleterre, 8c il étoit à craindre qu’à la fin fon
parti ne devînt le plus fort. Ferdinand, pour balancer
la puiffance 8c les fprees de fon r ival, implora