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gouverner fous les yeux de G eorge, èi de Pierre Vi- 1
chy. La reine partit, comblée d’honneurs & dépouillée
de fes biens ; grande dans l’adverfité , fans fafte
comme fans foibleffe, n’affeftant ni l’orgueil ni l’abattement
ordinaire aux infortunés. George gagna
les efprits & s’empara des finances.Ifabelle fe plaignit
à Soliman , de ce qu’en lui donnant un coadjuteur
, il lui avoit donné un maîtrè , & que le rang
qu’il lui laiffoit n’étoit qu’une fervitude deguifëe
fous un beau nom. L’empereur fit quelques reproches
, le moine s’aigrit, traita fecretement avec
Ferdinand , réfolu de fe rendre également redoutable
au fultan & à l’archiduc, paffant toùr-à-tour
d’un parti à l’autre feul roi dans ce flux Sc reflux
de cabales & de révolutions, préparant chaquë
jour à la reine de nouvelles difgraces, il efpéroit
la forcer enfin à fuivre fon goût pour la retraite ,
& régner feul fous le nom de fon pupille. Nouvelles
plaintes de la reine ; nouvelles menaces de Soliman.
Vichy marche contre George ; la bataille fe donne ,
& Vichy eft vaincu. Nicolas Serpiette , l’un de fes
généraux , échappé de la mêlée , va chercher un
afyle dans fon château. « Lâche , lui dit fon époufe,
»je te revois & tu es vaincu. Si l’on t’eût apporté
» devant moi mort & percé de coups honorables ,
» je t’aürois bientôt rejoint dans la nuit du tombeau.
» J’aurois recueilli ton fang; j’aurais' bu celui de nos
» ennemis , & je. ferois morte de joie en baifant
»tes bleffures. Tu pleures , malheureux, ah! ce
» n’étoient pas des larmes , c’étoit ton fang qu’il
» falloir répandre. Va , fuis loin de moi, & fur-tout
» garde-toi de dire que tu es mon époux ».
Par cette femme on peut juger quels hommes
George avoit à combattre , mais fon génie applanit
tous les obftacles. Toute cette guerre ne parut être
qu’un jeu politique , dont Ifabelle fut la viétime.
Soliman qui l’avoit fecouru fe ligua avec George,
dans le temps où ce même George s’unifloit avec
Ferdinand. Seule , & de tant de biens ne confervant
que fa vertu, fa gloire & fon fils, Ifabelle convoque
une diete à Egnet : un refte de compaflion pour
elle y conduit la nobleffe. Les conférences commencent,
Ifabelle parle avec force; on la plaint, on
va la fecourir ; George paroît, & l’aflemblée fe dif-
fipe. Dans une fécondé diete à Colofward, la reine
vaincue par l’amour de la paix, plus que par fa maû-
vaife fortune , ôte la couronne à fon fils; le moine
eut l’audace de la lui demander. « La couronne de
» Hongrie à t o i , miférable , s’écria la reine ; je l’ô-
» terois à mon fils, pour la remettre fur la tête d’un
» moine ! Je la rends à Ferdinand, à qui mon époux
» l’a cédée ». Puis , s’adreffant à fon fils, qui étendoit
fes bras pour retenir cette couronne : <« Penfes-tu ,
» lui dit-elle , que ta mere voulût t’arracher un bien
» qu’elle auroit pu te conferver par des moyens légi-
» times & glorieux. Délaiffés par nos amis, trahis
»par nos fujets, défarmés au milieu d’un peuple
» rébelle, errants d’afyle en afyle, trompés par So1
» liman , & pour comble d’ignominie , infultés par
» un moine ; l’appui, peut-être dangereux de Fer-
» dinand , eft le feul qui nous refte. Il nous le vend
» bien cher : il te prend un royaume , mon fils, &
» ne te donne qu’une principauté. L’échange n’eft
» pas égal, il eft vrai; mais la vertu ne manque ja-
» mais de couronnes, & , qui fait faire des heureux,
» trouve toujours affez de fujets ». Ferdinand pof-
feffeur d’une couronne fi long-temps difputée, ne
refpecfa plus la princeffe ; il la laiffa partir prefque
fans fuite, dans un appareil conforme à fon malheur.
Elle s’acheminoit vers Cafiovie, toujours prête à
tomber entre les mains des Turcs, expofée aux injures
de l’air, graviffant le long des rochers, elle
parvint à travers mille périls à la montagne qui fé-
pare la Hongrie de la Tranfilvanie. Là, épuifée de
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fatigue ÿ elle s’aflit au pied d’un arbre & grava ces
mots fur fon écorce :
Sic fata volunt . . . Ifabella résina.
Soliman qui vit que fa proie lui étoit échappée,'
ne tarda pas à rallumer la guerre. Les Hongrois coin
rurent aux armes; & dans la Tranfilvanie , fuivant
un ufage antique , un officier dans chaque'ville, parcourut
toutes les rues à cheval, tenant une lance &
une épée enfanglantée, & criant à haute voix :
Peuple, Cennemi communvient contre nous, apprête^ par
chaque maifon un homme pour le falut général, & envoyer
le où le roi vous Ü ordonne. La guerre fe fit avec
différens fuccès. Vainqueurs dans une province, vaincus
dans l’autre,prenant tour-à-tour & perdant des villes,
les Autrichiens & les Turcs fe maffacrerent long-
tems fans fruit. On flottoit dans ces alternatives de
triomphes & de défaites, lorfque George le moine
fut aflafliné par Caftalde, général des troupes de
Ferdinand. Tel fut le fort de ce tyran inconcevable ,
pour fon fiecle > qui fut fafciner les yeux du peuple,
jufqu’à.paroître citoyen en fubjuguant fa patrie, &
bon fujet en dépouillant fes maîtres. Sa mort rendit
à Ifabelle une partie des tréfors de fon époux, que
cet avare prélat avoit engloutis. Ferdinand affembla
une diete à Torde, pour y délibérer fur les moyens
de repouffer les Turcs. Mais Soliman n’étoit pas le
feul ennemi dont ce prince fût menacé. Le roi de
Pologne , pere d’Ifabelle, s’apprêtoit à la rétablir
dans les états , fi l’archiduc différoit à remplir les
engagemens qu’il avoit contra&és avec elle. Il l^r
éludoit avec beaucoup d’art. La reine laffe enfin de
fes refus , prétendit être rentrée , par ces refus
même, dans tous les droits de fon fils, & que le
traité qui les avoit annullés, devenoit nul à Ton
tour, puifque Ferdinand avoit violé celui qu’il avoit
conclu avec elle. Elle implora le fecours de Soliman.
Il l’avoit perfécutée par politique : il la fecourut
dans les mêmes vues. Les Tranfilvaniens touchés des
malheurs d'Ifabelle, &C fur-tout de fon courage,
prirent les armes en fa .faveur. Mais les habitans
de la hante Hongrie parurent conftans dans leur
foumiffion à l’archiduc. Ce fut alors qu’Ifabelle fit
éclater tous les talens qu’elle avoit reçus de la
nature. Elle négocia avec fageffe ; parut à la tête
des armées pour intimider fes fujets & non pour
les détruire, ne livra que des combats néceffaires ,
& pardonna toujours aux vaincuis. Ferdinand par la
dureté du -joug fous lequel il faifoit gémir ces peuples,
lervoit encore mieux fon ennemie. C’eft fou-
vent l’effet de la tyrannie, de rendre à une nation
la liberté qu’elle n’eût point regrettée fous un
defpotifme modéré. La révolte devint générale. Un
cri unanime rappelloit Ifabelle dans toutes les parties
de fes états. Elle courut de conquêtes en conquêtes,
de victoires en vi&oires , chaffa les Autrichiens,
humilia Ferdinand, combla de bienfaits ceux qui
l’avoient fecourue, les verfa même fur fes perfé-
cuteurs, inftruifit fon fils dans l’art de la guerre ,
lui apprit à faire des heureux, à l’être lui-même, à
compter peu fur les faveurs de la fortune, & moins
encore fur l’amitié des hommes. ( M. d e S a c y .')
IS ALGUE, f. f. ( terme de Blafon.} fleur en forme
de cinq trefles, à queues alongées, dont les bouts
traversent une portion de cercle , qui imite un croif-
fant renverfé.
Ifalguier de Mouffens , à Touloufe ; de gueules, à
i ’ la fleur ifalgue d!argent. ( G. D . L. T. ),
ISBOSETH, homme de confujion, ( Hijl.facr. ) fils
de Saül, régna pendant deux ans affez paifiblement
fur les dix tribus d’ifraël, lorfque David régnoit à
Hébron fur celle de Juda. Il devoit la couronne à
Abner qui » après la mort de Saül l’avoit fait reeon-
noître pour fouyerain, régnant lui-même fous fon
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nom. Ill’avoit maintenu contre les forces de David;
mais Abner, piqué contre Isbofeth, paffa du côté de
David , & réunit à fon obéiffanee les dix tribus. Ce
malheureux prince, abandonné par fes fujets, fut
aflafliné dans fon lit par deux fcélérats , Bahana 6c
Réchab, qui allèrent porter fa tête à David, qui,
déteftant leur parricide, fit tuer ces deux meurtriers,
6c fit faire de magnifiques funérailles à Isbofeth, an du
inonde 2956. (+)
ISERNORE en Bugey, ( Géogr. ) Ce lieu qui
n’eft plus qu’un village du Bugey, à 6- lieues de
Moirans, diocefe de Lyon, eft fort ancien : il eft
connu fous le nom d'Ifarnodorum. C ’eft la patrie des
trois premiers abbés de la célébré abbaye de Condat,
depuis, de Saint-Oyan, 6c aujourd’hui de Saint-
Claude, établie dans le mont Jura, au Ve fiecle, par
SS. Romain & Lupicin ,qui étoientd'Ifernore. Cet endroit
avait un temple dédié à Mercure, dont il refte
unefiife& trois colonnes avec des figures, que M.
Dunod a fait graver dans fon premier volume, page
de l'Hifloire des Sequanois. Les premiers rois Bourguignons
y ont fait frapper des monnoies, fur lefquelles
on lit Ifarno ou Ifarnoden 61 Ifarnobero. Voyc^ Bou-
teroiie, Mon. de Fr. pag. 2(3 8 , 26V) ; le Blanc les
cite auflipag. 68; le P, Lempereur a fait une differ-
tation fur cet endroit, pag. 4. L’auteur de la vie
de Saint-Oyan dit que» Ifarnodorum fignifie en langue
Celtique porte de fer. On appelle encore Porte de fe r ,
la gorge fort étroite par où l’on paffe pour aller à
Montréal & à Nantua. Toute la plaine eft remplie
de pièces de briques de différente épaiffeur 6c la
plupart ouvragées. On ne peut labourer un champ
fans y trouver des médailles. Dans la cour de la
maifon curiale , eft une pierre haute de trois pieds ,
large d’un pied 6c demi, fur laquelle eft gravée une
infcription en beau cara&ere romain, tirée du temple
de Mercure; dans le cimetiere eft une colonne avec
fa bafe qui fert à porter une croix placée en 1607.
La Martiniere, ni même Adrien de Valois, ne
difent rien de ce lieu, ce qui nous a déterminé à en
dire un mot. On peut confulter les auteurs cités ci-
deffus. (C)
ISIS, {AJlronomie.} c’étoit chez les Egyptiens la
conftellation ou le ligne de la viergè. {M. d e l a
L a n d e .}
ISLAMISME, f. m. ( Hifl.turq. ) ijlam ou ifla-
mifme, eft la même choie que le muuilmanifme ou
le mahométifme ; car moflemin veut dire les muful-
mans ; c’eft M. d’Herbelot qui a introduit ces mots
dans notre langue , & ils meritoient d’être adoptés.
Ijlam vient du verbe falama , fe réfigner à la volonté
de Dieu, & à ce que Mahomet a révélé de fa part,
dont le contenu fe trouve dans le livre nommé çoran,
c’eft-à-dire , le livre par excellence. Ce livre qui
fourmille de contradictions, d’abfurdités & d’ana-
chronifmes, renferme prefque tous Les préceptes de
Viflamifme , ou de la religion mufulmane. Nous l’apr
pelions alcoran. (-f-)
ISLE-BOUCHARD ( l ’ ) , Géogr. en baffe-Touraine
, au fud-oueft de Chinon, fur la Vienne, ainfi nommée
à caufe de fa fituation dans une ijle, & de fon château
bâti au X e fiecle par Bouchard, feigneur du lieu.
Elle a été unie au duché de Richelieu par lettres^-
patentes de Louis XIII. en 1631. On y tient quatre
foires, dont une auprès de la chapelle de S. Nicaife,
dite communément de S. Lazare.
Il s’y fait un débit confidérable de fruits fecs, fur-
tout de prunes, dont on fait des envois jufqu’à
Paris.
Commanderie de Malte de la langue de France
& du grand prieuré d’Aquitaine ; il y a aufli trois
prieurés, dont le troiûeme eft uni à la paroiffe de
Saint-Gilles.
C’eft la patrie du favant André Duchêne, à qui
Tome II I .
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notre hi(L o i r e a tant d’obligation, mort en 1640, à
56 ans. (C.)
| Is l e DE Fr a n c e , {Géogr.} L'article fuivant efl tiré
d une lettre écrite fur les lieux en i j $5 , a M. Dodart, intendant
de Bourges, par M. G A U D I N , qui va parler ic\
Cette ifle , autrement dite Yijle de Mafcarenkas,
eft fituée fur la cote d’Afrique , à trois cens lieues
environ de Madagafcar , & à quarante de l’ifle de
Bourbon, par les zod 9' 42" de latitude méridionale
, & les! 5 5d 24' de longitude à l’égard du méridien
de Paris : fon plus grand diamètre eft de 3 1891
toifes, & fa plus grande largeur de 22824 toifes ,
de forte qu’elle peut avoir quarante-cinq lieues de
circuit, conformément au calcul que j’en ai fait. Elle
eft ornée de deux beaux ports , dont l’un , qui eft
celui où le gouverneur fait fa réfidence, eft fuué
dans le nord-oueft ; & l’autre, qui eft le plus grand
& le moins pratiqué à caufe de la difficulté qu’il y a
pour en fortir, dans le fud-eft. Les Portugais ont été
les premiers qui aient découvert cette ifle , & nous
n’avons aucune preuve certaine qu’ils aient eu def-
fein d’y former un établiffement. Les Hollandois,
depuis cette découverte, l’ont habitée , à n’en pouvoir
douter, pendant plufieurs années ; on en juge
par des édifices & des infcriptions en leur langue ,
que l’on voit encore aujourd’hui ; on y a même trouvé
des habitations formées, fur une defquelles vivoit
un feul Hollandois avec quelques efclaves qui apparemment
avoient été oubliés lorfque les Hollandois
abandonnèrent ce pays.
Lorfque les François prirent poffeflion de cette
ifle , elle ne compofoit qu’une forêt immenfe, dans
laquelle font diftribuées plufieurs chaînes de montagnes
, aufli efcarpées qu’éminentes ; la plus élevée
de toutes a , fuivant mes opérations , 2544 pieds de
hauteur, & la plus baffe n’en a pas moins de 658 ,
le tout pris à l’horizon de la mer. Ces montagnes
prqduifent dans leurs collines des rivières, qui arro-
fent paflàblement bien le pays , & vont fe dépofer
de toutes parts dans la mer. Le terrein dé cette ifle
n’eft point un terrein ordinaire, finueux, très-inégal,
& prefqu’entiérement recouvert d’une efpece de
pierres qui reffemblent affez au grès gris de France,
elles font cependant un peu plus poreufes & moins
dures. On y trouve aufli beaucoup de mines de fer,
dont laréclufe excede de deux tiers celle d’Europe,
& a donné lieu à un établiffement de forges dans ce
pays qui promet un grand fuccès ; l’air qu’on refpire
fous ce climat, quoique très-chaud , eft fort fain.
Les jours d’été y font courts par rapport à la proximité
de l’équateur, pluvieux, orageux & très-chauds ;
mais en récompenfe les neuf autres mois de l’année
font très-beaux. Les vents dépendent ici prefque toujours
de la même partie ; c’eft le vent de fud-eft qui y
régné le plus , & quelquefois le venrd’oueft; mais
il ne tient pas loog-tems , Sc ce n’eft que dans la
faifon des pluies.
Quand on voulut établir cette ifle, on donna indi-
ftin&ement, à chacun de ceux qui voulurent s’établir
, un efpace de terrein proportionné à leur
état & condition, pour le défricher & le mettre en
valeur ; ce font ces défrichés-là, qu’on appelle habitations.
On ne les cultive pas de la même maniéré
que les terres d’Europe , c’eft-à-dire que la grande
quantité de pierres qui regnént fur la fuperficie, ne
permet pas qu’on y mene la charrue ; mais chaque
habitant acheté, fuivant fes facultés , un nombre de
noirs efclaves, il les occupe à piocher fon terrein ;
& quand il eft en état, il fait fes femences, qui confident
en bled de froment, en r iz , en bled de tur-
quie, & en différentes efpeces de légumes. Il n’y a
prefque point de tems limité pour faire les récoltes.
Dans certains quartiers, on ramaffe le froment, tandis
que dans un autre on en eft éloigné de plus d’un