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aux progrès de Louis XII en Italie; mais la perfidie
des princes de cette contrée le fervit mieux que n’au-
roient fait les Allemands, s’il eût pu les employer.
Cependant pour jouir en quelque iorte des victoires
de Louis qui lui demandoit l’inveftiture de Milan1,
conquis fur Louis Sforcé, fon oncle, il mit une condition
à fon agrément, favoir, que Louis confenti-
roit au mariage de Claude, fa fille , avec Charles,
fon arriéré - fils ; c’étoit s’y prendre de bonne
heure, Charles étoit à peine dans fa deuxieme année.
On prétend que le deffein de Maximilien, dans ce
projet de mariage, étoit de faire paffer un jour le
Milanois & la Bretagne à ce petit-fils, prince qui
d’ailleurs eut une deftinée fi brillante. .Cet empereur
qui travailloit avec tant d’alïiduité à élever là
maifon, n’avoit que des titres pour lui - même ; il n’a-
voit aucune autorité en Italie, & n’avoit que la pré-
féance en Allemagne. Ce n’étoit qu’à force de politique
qu’il pouvoit exécuter les moindres deffeins.
L’Allemagne étoit d’autant plus difficile à gouverner
, que les princes inftruits par. ce qui fe paffoi't en
France ,craignoient que l’on n’abolît les grands fiefs.
Les électeurs firent une ligue, & réfolurent de s’al-
fembler tous les deux ans pour le maintien de leurs
privilèges. Cette rivalité entre le chef & les membres
de l’empire flattoit fenfiblement le pape &c les
principautés d’Italie qui confervoient encore le fou-
venir de leur ancienne fervitude. Frédéric, fon pere,
avoit fait ériger l’Autriche .en archiduché, il voulut
le faire déclarer éleftorat, & il ne put réuffir. Malgré
les contradictions que Maximilien éprouvoit dans fon
pays, fa réputation s’étendoit dans le Nord ; le roi
Jean, chancelant fur le trône de Danemarck , de
Suede & de Norwege, eut recours à fon autorité :
Maximilien ne manqua pas de faire valoir les droits
que ce prince lui attribuoit: il manda aux états de'
Suede qu’ils euffent à obéir, qu’autremént ilprocéde-
roit contre eux félon les droits de l’empire : il ne pa-
roît cependant pas que jamais ils en eufl’ent été fujets ;
mais, comme le remarque M. de Voltaire, cesdéfé-
rencesdontonvoitdetemsentemsdes exemples, marquent
lerefpeâquel’on avoit toujours pour l’empire.
On s’adreffoit à luiquandon croyoit en avoir befoin,
comme on s’adreffa fou vent au faint fiege pour fortifier
des droits incertains. La minoriuLde Philippe
avoit fufcité bien des guerres à Maxiriwien; la mort
prématurée de ce prince en excita de nouvelles. Il
laiffoit un fils enfant, c’étoit Charles de Luxembourg
dont nous avons déjà parlé, & qui eft mieux connu
fous le nom de Charles-Quint. Les Pays-Bas refu-
foient de reconnoître l ’empereur pour régent; les
états alléguoient pour prétexte que Charles étoit
françois, commeétantné à Gand,capitale de la Flandre,
dont Philippe, fon pere, avoit fait hommage au
roi de France. Maximilien multiplia en vain tous fes
efforts pour engager les provinces à fe foumettre,
elles refuferent avec opiniâtreté pendant dix-huit
mois ; mais enfin elles reçurent pour gouvernante la
princeffe Marguerite, fille chérie de Maximilien:
cependant l’empereur faifoit toujours des voeux pour
reprendrè quelquteutorité en Italie, où dominoient
deux grandes puiffances, favoir, la France & Venife,
& une infinité de petites qui fe partageoient entre
l ’une & l’autre, fuivant que leurs intérêts l’exigeoiepr.
Ce fut pour fatisfaire cet ardent defir qu’il entra
dans la fameufe ligue de Cambrai formée par Jule II,
plus fameufe encore contre la république de Venife
affez fiere pour braver tous les princes de l’Europe I
qui avoient conjuré fa ruine. Louis X I I , qui devoit
la protéger, ne pur réfifler à l’envie de l’humilier,
& de fe venger de quelques fecours qu’elle avoit
fournis à fes ennemis: il entra dans la ligue , ainfi
que le roi d’Efpagne qui vouloit reprendre plufieurs
villes qu’elle lui avoit enlevées t &c auxquelles il
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avoit renonce par un traité. Il feroit trop long d'entrer
dans lerlétail de cette guerre ; il nous fuffit de
faire connoître quelle étoit' la politique qui faifoit
agir ces princes, & de montrer quelle en fut l ’iffue.
Jule qui en avoit été le premier moteur , &-qui raf-
fembloit tant d’ennemis autour de Venilè, ne vouloir
qii’abaiffer cette république, mais non pas là
détruire.Elleperditd^ns’une feule campagneles riches
provinces que lui avoient à peine acquifes deux
fieclesde la politique la plus profonde & la mieux fui-
vie. Réduite au plus déplorable état,elle s’humilia
devant le pontife qui cohfpira dès - lors avec Ferdinand
pour la relever & la délivrer des François, fes
ennemis les plus redoutables. Louis X II, généreux
& plein de valeur , ne çonnoiffoit pas cette fage défiance
fi utile à ceux qui font nés pour gouverner : il
fut fucceffivement joué par le pape & par l’empereur.
Ses états d’Italie furent frappés des mêmes
coups qu’il venoit de porter à la république. Maximilien
qui fe gouvernoit uniquement par des vues
d’intérêt, & qui cédoittoujours auxconjonftures,
fe déclara contre lui, dès qu’il cefTa de le redouter
ou d’en efpérer; & donna, à Maximilien Sforce, fils
de Louis le Maure , l’inveftiture du duché de Milan
pour lequel Louis XII lui avoit payé, trois ans auparavant
, cent foixante mille écus ; mais ce dont
Maximilien ne fe doutoit pas, c’eft que Jule II travailloit
fourdement pour le perdre lui-même. Ce prince
abufé par de feintes négociations comptoit tellement
fur l’amitié du pape, qu’il lui propofoit de bonne foi
de le prendre pour collègue au pontificat : on a fait des
railleries fur cette propofitiori; mais fi Maximilien
avoit reufîi, c’étoit Tunique moyen de relever l’empire
d’O ccident, en réunifiant les deux pouvoirs.
Devenu légat de Jule I I , comme fon collègue, il
l’eût facilement enchaîné comme empereur ; mais c’étoit
s’abufer étrangement que de s’imaginer pouvoir
tromper à ce point Jule, le plus fier & le plus délié
des pontifes après Léon X , fon fitccêffeur; d’ailleurs
les princes chrétiens étoient trop éclairés fur lèurs-
vrais intérêts, pour qu’on puiffe les foupçonner de
l’avoir fouffert, eux qui tant de fois avoient rampé
devant les papes, lors même qu’ils étoient dépourvus
de toute püiflànce temporelle. Maximilien n’efl:
donc blâmable que pour avoir propofé un projet
qui lui eût attiré fur, lés bras toute l'Europe. Malgré
le refus de Jule, il prenoit fouvent le titre de
fouverain pontife que les Céfars avoient toujours
porté avec celui d’empereur. Çes deux titres réunis
fembloient rendre éternelle la domination de
ces hommes fameux, lorfque les Barbares du nord
vinrent brifer cette puiffance formidable , qui te-
noit l’univers à la chaîne. Le faint ,fiege ayant vaque
par la mort de Jule II, Maximilien voulut y
monter, après avoir effayé de le partager. Il acheta
la voix de plufieurs cardinaux; mais le plus grand
nombre lui préféra le cardinal Julien , qui* né du
fang des Médicis, déploya fous le nom de Léon X ,
tout le génie des Côme & des Laurens qui avoient
illuftre cette maifon, à laquelle l’Europe doit fes plus
belles connoiffances. Animé du même amour de la
gloire, mais avec plus de fineffe dans les vues, &
plus d’aménité dans le caraâere que Jule dont il
avoit été le confeil, il fuivitle même plan ; & voyant
Venife prefque abattue, il fe ligua contre Louis X II,
avec Henri VIII, roi d’Angleterre, Ferdinand le;Ca-
tholique &c l’empereur dont il devoit confommer
la perte, après qu’il auroit réduit le roi de France.
Cette ligue fut conclue à Maline ( 5 avril 1513 ) , en
partie par les foins de Marguerite, gouvernante des
Pays - Bas ; cette princeffe avoit eu beaucoup de part
à celle de Cambrai. L’empereur devoit fe faifir de
la Bourgogne, le roi d’Angleterre, de la Normandie,
& le roi d’Efpagne qui avoit récemment ufurpé la
Navarre
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Navarre fur Jeand’Albret, devoit envahir la Guien-
ne : ainfi Louis, qui, peu de tems auparavant, bat-
toit les murs de Venife, & parcouroit l’Italie dans
l ’appareil d’un triomphateur, fe vit réduit à fe défendre
dans fes états contre les mêmes puiffances qui
avoient facilité fes fuccès ; fi, au lieu d’entrer dans la
ligue de Cambrai, il fe fût réuni avec les Vénitiens,
il partageoit avec eux le domaine de l’Italie, & probablement
fon augufte maifon régneroit encore au-
delà des Alpes. Cependant cette puiffante ligue fe
diffipa d’elle - même, dès qu’on eut ravi à la France,
fans crainte de retour, ce qu’elle poffédoit en Italie.
Maximilien joua dans cette guerre un rôle bien humiliant
pour le premier prince de la chrétienté ; il
fembloit moins l’allié de Henri VIII, que le fujet de
ce prince, il en recevoit chaque jour une folde de
cent écus, elle eût été de cent mille, qu’il n’eût pas
été plus excufable de la recevoir : un empereur devoit
fe montrer avec plus de dignité. Il accompagna
Henri à la fameufe journée de Guinegafte, appellée
la journée des éperons ; & dans un âge mûr il parut en
fubalternedans ces mêmes lieux où il avoit commandé
& vaincu dans fa jeuneffe. Les grands événemens
qui s’accomplirent en Europe fur la fin de fon régné,
n’appartiennent point à fon hiftoire ; il ne fut que les
préparer. On peut confulter les articles L o u is XII,
F r a n ç o i s I , C h a r l e s - Q u i n t , dans ce Suppl.
auxquels appartiennent ces détails intéreffans. Maximilien
mourut à Ureh, dans la haute-Autriche; il
étoit dans la foixantieme année de fon âge, & la
Vingt-cinquième de fon régné. Il fut vanté dans le
commencement de fon régné comme un prince qui
reuniffoit dans le plus éminent dégré les qualités
brillantes du héros & toutes les vertus du fage.
C ’eft le fort de tous les fouverains qui fuccedent à
des princes foibles ; ce n’eft pas qu’on veuille obf-
$urcir fon mérite. On avoue qu’il n’étoit pas fans
capacité, & qu’il en falloit avoir pour fe foutenir
dans ces tems orageux. A le confidérer comme hom- 1
me p rivé, Thiftoire a peu de défauts à lui reprocher,
il etoit doux, humain, bienfaifant, il connut les char*
mes de l’amitié, il honora les favans, parce qu’il
avoit éprouvé par lui-même ce qu’il en coûtoit
pour l’être. A le confidérer comme prince, il n’avoit
pas cette majefté qui imprime un air de grandeur aux
moindres aâions; fes maniérés fimples dégénéraient
quelquefois en baffeffe; il ne favoit ni uler de fa
fortune, ni fupporter les revers ; léger & impétueux,
un caprice lui faifoit abandonner des entreprifes
commencées avec une extrême chaleur. Son imagination
enfantoit les plus grands projets, & fon
inconftance ne lui permettoit pas d’en fuivre aucun.
Allié peu fûr, il fut ennemi peu redoutable ; aimant
prodigieufement l’argent, il le dépenfoit avec prodigalité,
il fut rarement l’employer à propos, & Ton
blâme, fur-tout, les moyens dont il ufa pour s’en
procurer. Il effaça Frédéric, fon pere, de fon vivant,
& il fut effacé lui - même par Charles - Quint, fon
arriere-fils : il faut cependant convenir que fon régné
offriroit moins de taches, s’il eût été le maître d'un
état plus fournis. Quand il jettoit un coup d’oeil fur
la France obéiffante & amoureufe de fes rois, il avoit
coutume de dire que s’il avoit deux fils il voudrait
que le premier fut dieu, & le fécond roi de France.
Marie de Bourgogne, fa première femme, lui donna
trois enfans, favoir, Philippe, Marguerite & François
; il n’en eut point de Blanche - Marie Sforce,
mais il en eut un très - grand nombre de fes nîaîtreffes.
P^diftingue George qui remplit fucceffivement les
eveches dè Brixin, de Valence Sc de Liege.
Quant à ce qui pouvoit influer fur le gouvernement,
on remarque une promeffe aux états de ne
faire aucune alliance au nom de l’empire fans leur
confentement : c’eft la première loi qui borna l’auto-
Tome III.
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rite des empereurs à cet égard : il proferivît les duels
& tous les défis particuliers; la peine du ban impérial
fut prononcée contre les infraâeurs de cette fa-
lutaire ordonnance, qui ne fut pas toujours fuivie ;
& Ton érigea un tribunal fuprême qui devoit con-
noitre des différends qui avoient coutume d’arriver
entre les états.
Tant que les fouverains d’Allemagne n’avôieflt
point ete à Rome, ils ne prenoient que le titre de
roi des Romains ; Maximilien changea cet ufage , &
fe fit donner le titre d’empereur élu, que prirent tous
fes fucceffeurs. Des auteurs lui attribuent l’abolition
du jugement fecret ; mais cet honneur appartient in-
conteftablement à Frédéric-le-Pacifique, fon pere.
Son régné eft fameux par la découverte du nouveau-
monde , découverte fi fatale à fes habitans. ( T - n. )
MAXIMILIEN I I , fucceffeur de Ferdinand I ,
( Hijloire £ Allemagne. ) XXXIe empereur depuis
Conrad I , né en 15 27 de l’empereur Ferdinand I &
de 1 impératrice Anne de Hongrie, couronné roi des
Romains en 1 562 , élu empereur à Francfort, le 24
novembre de la même année , facré roi de Hongrie
en 1563.
5 Les commencemens du régné de Maximilien I I
n’offrent rien qui appartienne à Thiftoire de ce prince.
Il tacha de concilier les différentes feéles qui divi-
ferent la chrétienté, ou plutôt à les rappeller toutes
à Tagcien culte ; toutes fes tentatives furent infruc-
tueufes. Ces détails concernent Thiftoire eccléfiaf-
tique, & il en eft fuffifamment parlé aux articles des
différentes feftes, tant dans le Dicl. raif. des Sc. &c.
que dans ce Supplément. Il eut cependant la guerre
à foutenir contre les Turcs, toujours gouvernés par
le célébré Soliman I I , la terreur & l’effroi des Hongrois
fous fes prédéceffeurs. La Tranfilvanie fut la
caufe de cette guerre. La maifon d’Autriche vouloit
y entretenir un gouverneur, depuis que Ferdinand
avoit acquis cette province de la veuve de Jean Si-
gifmond pour quelques terres dans la Siléfie. Le fils
de Sigifmond, mécontent de l’échange qu’avoit fait
fa mere, avoit reparu dans la Tranfilvanie , & s’y
foutenoit par la proteûion des Turcs. Les commencemens
de cette guerre furent heureux : les Autrichiens
fe fignalërent par la prife de Tokai ; mais cette
conquête ayant allarmé Soliman , ce généreux ful-
tan, chargé d’années, fe fit porter devant Rigith
dont il ordonna le fiege. Le brave comte de Serin!
que fa valeur rendit cher à fes ennemis même , dé-
fendoit cette place importante. Maximilien devoit
le fecourir à la tête d’une armée de près de cent mille
hommes levés dans fes différens états ; mais il n’ofa
s’approcher de l ’endroit où étoit le danger. Le comte
de Serin, fe voyant abandonné, montra autant de
courage que l’empereur montroit de pufillanimiré.
Au lieu de rendre la ville aux Turc s, ce qu’il eût
pu faire fans honte, puifqu’il étoit impoffible de
la conferver, il la livra aux flammes dès qu’il vit
l’ennemi fur la brèche , & fe fit tuer en en difputant
les cendres. Le grand vifir, admirateur de fon courage
& de fa réfolution héroïque , envoya la tête de
cet illuftre comte à Maximilien, & lui reprocha
d’avoir laiffé périr un guerrier fi digne de vivre. Ce
fiege fut mémorable par la mort du fultan, qui précéda
de quelques jours celle du comte de Serin.
Maximilien pouvoit profiter de la confternation que
devoit répandre parmi les Turcs la perte d’un aufli
grand chef, il ne fit aucun mouvement, & retourna
fur fes pas fans même avoir vu l’ennemi. La tranquillité
de l’Allemagne fut ehcore troublée par un
gentilhomme de Franconie,appe!lé Grombak. C ’étoit
un fcélérat proferit pour lès crimes, qui cher-
choit à tirer avantage du reffentiment de l’ancienne
maifon éle&orale de Saxe, dépouillée de fon électorat
par Charles-Quint. Il s etoit réfugié à Gotha