celte propofition du célébré Ingfaflïas : Quod viterinaria
medlcina formaliter una eadetnque cum nobi-
liore hominis medicina fit mattritz duntaxat nobilitate
différent, Scc. Les preuves qu’il produit ne paroiflent
pas avoir engagé beaucoup de gens inftruits à s’appliquer
à cette branche réelle de la médecine; il a
fallu du tems pour s’accoutumer à croire qu’un médecin
de chevaux pouvoir mériter l’eftime Sc la
conlidération du public ; mais le fiecle de la philo-
fophie a fait fecouer ce préjugé, ainfi que bien d’autres
, Sc l’art vétérinaire a maintenant l’eftime & la
conlidération que l'on utilité mérite.
Il n’y a point d’animal au monde, ditFoubert, qui
rende plus de fervice à l’homme, fort dans la paix,
foit dans la guerre, que le cheval : durant la pa ix,
il fert à la pompe, à l’ornement & à la magnificence ;
en la guerre, il fert de renfort, de foutien Sc de dé-
fenfe ; il eft ardent au combat Sc ambitieux de gloire ;
il s’anime au fon de la trompette Sc combat avec
l’homme en tout tems;il eft le foulagement de la
fragilité humaine ; il fournit des pieds à ceux qui
n’en ont point ; il entend ce que le frein demande de
lu i, a u fii promptement Sc au fil facilement qu’une
perfonne raifonnable entendrait la voix d’une autre
çjui lui parleroit ; il eft vigilant Sc ne fe repofe
jamais, li ce n’eft lorfqu’il eft fatigué ; il porte ou
traîne des fardeaux; il court, il faute, Sc femble
qu’il eft né pour procurer à l’homme toutes fes commodités
; qui eft-ce qui n’admirera pas en un fi grand
animal, avec la force & la vigueur du corps, une
grande docilité & une merveilleufe difpofition pour
recevoir toutes fortes d’inftruûions ? Scaliger rapporte
qu’en Irlande il y a des chevaux fi doux Sc fi
ailés, qu’ils fe baiffent 6c prêtent le dos pour recevoir
celui qui veut les monter. Dion Cafiius, en la vie de
Trajan, écrit que les Parthes, entriautres préfens
qu’ils firent à l’empereur, lui préfenterent un cheval
fi bien inftruir, qu’il s’inclinoit devant lui, fléchiflant
les jambes de devant Sc courbant la tête. Athénée
dir que les Sibarites étoient tellement plongés dans
les délices Sc dans les plaiûrs, qu’ils accoutumoient
leurs chevaux à danfer au fon des flûtes durant leurs
banquets ; Sc Pline écrit qu’on auroit vu toute la
cavalerie de leur armée.danfer au fon de la fympho-
nie. Paufanias fait mention d’un cheval , lequel
toutes les fois qu’il remportoit la viâoire aux jeux
olympiques, accouroit vers ceux qui préfidoient à
ces jeux, comme s’il eût voulu les avertir qu’il a voit
mérité le prix. Platon, dans le livre intitulé Lâches,
dit que les Scythes ne combattoient pas moins en
fuyant qu’en pourfuivant ; de-là vient qu’Homere,
louant les chevaux d’Enée, dit qu’ils pourfuivent Sc
fuient de côté & d’autre. Jules-Céfar Scaliger, parlant
de l’induftrie de cet animal, dit qu’il a eu un
cheval d’Efpagne qui tiroit le foin avec fes pieds de
derrière, à la façon des finges. Pindare remarque la
diligence Sc la docilité d’un cheval, nommé phere-
nicus, lequel, fans être pouffé de l’éperon, obéifloit
parfaitement à fon maître dans la courfe.Homere donne
cette louange à quelques cavales, qu’elles cou-
roient fans être incitées par l’éperon;n’y a-t-il pas fujet
de s’étonner voyant le bon naturel, l’afFeûion Sc la
tendreffe que lé cheval a pour fon maître, Iorfque
nous lifons que celui de Licomedes, roi de Bythinie,
voyant fon maître mort, ne voulut ni boire ni manger
, Sc qu’il fe laiffa mourir de faim , fini fiant fa vie
en pleurant? Suétone nous en fournit encore un
exemple affez mémorable dans la vie de Jules Céfar,
Iorfque décrivant les prodiges qui arrivèrent un peu
avant fa mort, rapporte qu’il trouva des troupeaux
de chevaux qu’il avoit confacrés en paffant le Ru*
bicon, & qu’il avoit laiffés errans çà Sc là fans aucun
gardien, ne voulant prendre aucune nourriture, êc
pleurant abondamment ; tous ces faits peuvent être
outrés ; mais moi qui écris fur Ykippiairique, je puis
affurer avoir vu des preuves inconteftables de l’attachement
de certains chevaux à l’égard de leur
maître. En 1757 Sc 1758, je fis les campagnes d’Hanovre
, avec un cheval qui avoit l’art de fe délicoler
pour venir fe coucher auprès de moi : un jour que
l’armée paffoit le Véfer àHoefter, Sc que je l’avoir
laifle au gros du bagage , & attaché derrière un
chariot, je le vis venir me joindre à plus de fept cens
pas de-là ; & après m’avoir reconnu au milieu d’une
infinité d’équipages, s’arrêter jufqu’à ce que je fûs
monté défit»-, Sc me conduire à l’endroit où étoit fa
bride pour que je le rattachaffe ; & cela fans que
j ’euffe befoin d’emprunter d’autre bride pour le conduire
: cet animal , non-feulement me fuivoit &
s’arrêtoit des heures entières aux portes fans être
attaché, ne fe laiffant toucher par perfonne, Sc encore
moins monter ; Sc quand je reftois trop long-
tems dans une maifon, & qu’il croyoit m’avoir
perdu, il alloit hennir à toutes les portes des maifons
I où j’avois coutume d’aller ; ce cheval m’a été fi cher
que je ne diflimulerai pas de dire que j’ai eu Ja foi*
bleffe, après l’avoir fait deflîner, quoique dans un
état de marafme Sc de vieillefle, de le faire enterrer
dans le jardin de ma maifon de campagne, après
avoir confervé fa peau Sc fa forme, & avoir mis fon
coeur dans de l’efprit de vin. J’ai vu un cheval être
enchevêtré, Sc refter dans cet état une nuit entière
de peur de blefler fon palfrenier, qui dans l’ivrefle
s’étoit couché fous lu i, & l’animal endurer ce mal
au point qu’il en eft mort de gangrené,. M. le comte
de Levenhock m’a rapporté que fôn cheval étoit fi
docile, qu’il hennifloit, comme jettant des cris de
douleur, toutes les fois qu’il le frappoit ou qu’il le
faifoit fouffrir ; doutant du fait, il fe mit fur fon che*
v a l, qui étoit couché, il lui pinça la langue avec des
tenailles ; il lui fendit la peau des levres ôc de l’épaule
avec un canif, Sc le cheval fe contenta'de crier & de
fe plaindre fans faire le moindre mouvement • Sc
étant relevé, il fe contenta de regarder fixement fon
maître Sc de verfer quelques larmes ; le comte auflï
peu attaché à cet animal que l’animal l’étoit au
comte, me le vendit, parce qu’il n’avoit plus d’ardeur;
je le confervai environ deux ans, & je puis
dire qu’il n’en cédoit guere au premier que j’appel-
lois renard, que bien des perfonnes ont vu entre mes
mains, 6c que je regretterai long-tems.
Oppian étale magnifiquement les belles 6c les excellentes
qualités dont le cheval eft Orné ; il dit que
la nature a donné aux chevaux un coeur d’homme,
& leur a verfé dans le fein diverfes affeâions ; ils
reconnoiflent toujours celui qui les gouverne, St
henniflent en voyant celui qui les conduit; ils regrettent
le malheur de leurs compagnons qui fuccon&ent
dans les combats ; 6c autrefois on a vu un cheval
rompre les liens du filence 6c violer les loix que la
nature avoit établies, enfaifant fortir de fa bouche
une voix femblable à celle d’un homme, 8c faifanc
faire à fa langue ce qu’un homme pourroit faire faire
à la fienne, voulant peut-être infinuer ce . qui fe lit
dans Homere, touchant le cheval d’Achille, nommé
Xanthus, lequel ce poëte fait parler à fon maître^
Ælian fait voir bien clairement combien cet animal
eft plein de feu, difant que Iorfque le cheval entend
le bruit de fon mors, & qu’il voit fon harnachement,
il hennit Sc frappe du pied contre terre ; la feule voix
de l’écuyer eft capable de l’animer, il dreffe les
oreilles ; 8c enflant fes narines, il ne refpire qu’un
prompt départ.
LeS hiftoires nous fôurniffent plufieurs exemples
du grand courage qui fe rencontre dans les chevaux :
elles difent que celui de l’empereur Tibere vomiffoit
feu & flamme par la bouche lorfqu’il étoit dans les
combats. Alexandre-le-Grand s’eft fervi de fon
Encéphale dans toutes les guerres qu’il a f%es en
Afie ; & Iorfque ce cheval fut bleffé devant la ville de
Thebes qui étoit afliégée , il ne voulut pas fouffrir
qu’Alexandre en montâtd’aufreS;le même cheval, en
la guerre que ce conquérant fit dans les Indes , quoiqu’il
fût tout percé de fléchés, Sc qu il eût perdu
prefque tout fon fàng, ne laifla pas d enlever fon
maître du milieu de fes ennemis; & apres lavoir
mené hors de la portée du trait, Sc qu il fut aflure
qu’il étoit en fûreté, il expira au meme lieu. Philippe
Camerarius , en fes Méditations hiftoriques, fait
voir le jugement Sc la finefle de cet animal dans une
hiftoire qu’il récite : un gentilhomme François, dit-
il ami de mon pere , nommé Mathieu de Rotenham,
nous a affitré qu’il avoit échappé des embufcades de
fes ennemis par l’induftrie de fon cheval, Iorfque
voulant pafîer le Mein par un endroit guéaMe qui lui
étoit connu ; Sc les ennemis étant de l’autre côté de
la riviere qui l’obfervoient avec la troupe de gens
de cheval qu’il conduifoit, fon cheval qui d’ailleurs
étoit obéiflant Sc intrépide, s’arrêta tout court au1
milieu de la riviere , dreflant les oreilles Sc ne Voulant
jamais paffer outre ; mais il tourna en arriéré
nônobftarit les coups d’éperon Sc la voix de fon
maître qui l’exeitoit à paffer ce fleuve , jufqu’à ce
qu’ayant découvert qu’il y avoit une embufcade de
l’autre cô té , il fut contraint d’avouer qu’il avoit
été fàuvé par l’aide de Dieu Sc par la prudence de
fon cheval : le même auteur dit avoir vu plufieurs
fois ce cheval qui étoit de diverfes couleurs ; Sc eés
fortes de chevaux font appelles dés Thraees marrons.
Darius s’eft pu vanter d’avoir obtenu le royaume
par la vertu de fon écuyer Sc de fon cheval, ainfi
u’il le témoigna par l’infcription qu’il fit mettre au-
effous de la ftatue de pierre qui le repréfentoit à
cheval, où ces mots étoient gravés : Darius , fils
d'Hyfiape, a acquis le royaume de Perfe,- tarit par la
vertu de fon écuyer, nommé ABARE, que par celle de
fon cheval, duquel on peut voir Vhifioife dans le troi-
fieme livre d'Hérodote. Jules-Céfar avoit un cheval
dont les pieds étoient diftingués par des raies Sc
marques noires- en forme de doigt d’homme , fans
aucune féparation ni divifion, ce qui lui fut un pre-
fage qu’il parviendroit à l’empire du monde. Cert’eft
pas d’aujourd’hui que les chevaux font eftimés né-
ceffaires pour le bien public : autrefois il étoit enjoint
parmi les G recs, à tous les riches , pour l’utilité de
la république, d’entretenir des chevaux ; d’où vient
que Pindare, parlant de Xenoncrate , comme d’un
homme très-vertueux, dit qu’il avoit foin de nourrir
dés chevaux,fuivant la loi établie chez les Grecs. On
lit aufli fur ce même fujet,dans Socrate,qu?entre plufieurs
louanges données à Alcibiade, celle-ci lui étoit
particuliérement attribuée ; favoir§ qu’il s’adonnoit
à nourrir des chevaux, ce que nulle perfonne vile
& abjeûe ne pouvoit faire. Anciennement e’étoit
une chofe.fort honorable 8c bienféante aux perfonnes
de condition relevée, d’aller à cheval ; Sc pour
preuve de cela,l’on n’a qu’à lire dans Homere comme
Minerve parle à Nauficao, fille d’Alcinoiis, Sc lui dit
qu’il eft bien plus honorable d’aller à cheval qu’à
pied. Il n’y a point de doute que toutes les-belles
qualités que poffede le cheval, 8c qui te rendent recommandable
par-deffus tous les autres animaux ,
ne le rendent aufli plus digne de nos foins : il faudroit
être bien dur Sc bien cruel, fi on ne faifoit pas tous
les bons traitemens poflibles à un animal, dont nous
tirons tant d’avantage Sc de p rofit, Sc qui nous eft fi
néceffaire , foit pour les commodités de la v ie , foit
pour notre contentement Sc divertiflement; Sc comme
nous ne pouvons pas avoir un excellent cheval,,
fi ce n’eft pour un prix confidérable,&ily va de notre
intérêt de le conferver en fanté, & de le garantir des
maladies qui l’attaquent, fi nous ne voulons fouffrir
une grande perte, non-feulement à caufede l’argent
qu’il à coûté, mais aufli par la difficulté qu’il y a d’en
rencontrer un autre pareil en bonté. Il y a des chevaux
fi exquis, que le prix en eft extraordinaire, Sc
dont on ne fauroit en fouffrir la perte fans un grand
regret. Pline dit que le cheval d’Alexandre coûta
feize falens. Plutarque, en fa vie, Sc Aulugelle, difent
qu’il fut feulement acheté treize talens ou trois cens
douze fefterces; chaque talent faifant vingt-quatre
fefterces, c’eft-à-dire, foixante livres d’argent pe-
fant, qui font fix cens dueatons d’Italie. Le même
Aulugelle rapporte qu’ un certain conful allant en
Syrie , s’arrêta à Argos, pour y voir un cheval a’un
grand prix, qu’il acheta cent mille fefterces : il arrive
quelquefois que nous aimerions mieux perdre le
double du prix que le cheval même, à caufe de l’ef-
time que nous en faifons.
Nous avons des exemples de' grands princes qui
ont aimé leurs chevaux jufqu’à l’excès : Alexandre
aima tant fon Bucéphale , que pour honorer fa mémoire
il fit bâtir une ville , nommée de fon nom.
Semiramis aima un cheval au-delà de la raifon Sc de
l’honnêteté. L’empereur Augufte fit faire un tombeau
à un cheval fur lequel Germanicus fit des vers. Dion
Caflius dit que l’empereur fit faire un fépulcre à un
cheval mort, Sc lui fit dreffer une colonne, fur laquelle
étoit gravée une épitaphe. Jules-Céfar fit nourrir
Sc entretenir avec foin ce ch eval, dont les pieds
approçhoient de la figure de ceux d’un homme ; &
après fa mort il l’honora d’une ftatue pofée devant
le temple de Vénus la mere, comme le dit Suétone.
A n t o n iu s - V errns f i t dreffer une ftatue d’or, qui repréfentoit
fon cheval. Néron honora- le fien d’une robe
de fénateur. Caligula faifoit boire le fien dans des
vafes d’o r , Sc le vouloit faire conful. Andromaque ,
femme d’He&or, dans Homere , a plus de foin des
chevaux de fon mari que de lui-même ; elle leur fait
donner à manger du froment, & à boire du vin pour
foufenir leur courage Sc les fortifier dans les combats.
Je n’eftime point qu’il faille louer les folles
pallions que ces païens ont eues pour leurs chevaux ,
Sc avoir foi à un tas de fadaifes ; mais je crois que perfonne
ne doit blâmer le foin Sc la peine que l’on
prendra à guérir & fauver un animal qu’on fait gloire
de poflëder ; que fi on prend le foin de conferver en
fon entier, ou de rétablir la machine d’une horloge
qui eft dérangée, à caufe des commodités que nous
en recevons, combien plus doit-on employer de
diligence & d ’induftrie pour conferver cette machine
vivante Sc mobile qui fe préfente fi agréablement à
l’homme; Sc qui: non-feulement s’approche, mais
qui fe joint Sc s’unit avec lui, par maniéré de dire,
pour l’aflifter dans fes néceflïtés ? Les anciens confi-
dérant cette aflociation de l’homme avec le cheval,
pour concourir de concert auxfins que l’homme s’eft
propofées : on feint que l’homme Sc le cheval ne com-
pofoient qu’un feul&même animal, qu’ils ont nommé
hippocentaure ; Sc à dire vrai, il femble qu’un
homme à cheval n’eft autre chofe qu’un cheval
conduit & gouverné par un homme qui eft monté
fur lui, ou bien un homme emporté par la vertu Sc
légéreté du cheval, comme parle Grinacus, dans la
préface qu’il a mifedevant les auteurs Grecs de l’art
Vétérinaire. La première fois que les Indiens virent
des hommes à cheval, Sc que le cheval Sc l’homme
ne leur parurent qu’un feul corps, ils en furent fi
faifis, qu’ils furent ifur le champ vaincus parles Efpa-
gnols, qui le furent à leur tour dans tous les endroits
où les chevaux ne purent pénétrer ; mais comme
nous ne pouvons p^s pofleder long-tems un bien
fans reflentir quelque difgrace qui trouble la joie
que nous en recevons , aufli cette machine vivante
dont nous venons de parler ,• fe déréglé fort fouvent,
ce qui l’empêche dans fes mouvemens, Sc nous prive