
feieneuts mû dévoient défrayer fa cour pendant Tes
voyages, virent avec M qu’il ne s’y conformolt
pas : en effet, il réiida cônflamment dans les états
de Baviefe , à moins que quelque néceffité preffante
ne le forçât d’en forur. On croit que c’elt le premier
qui le l'oit fervi dans les fceaux de deux aigles
en forme de fnpport. Venceflas les changea & les
réduifit en une aigle-à deux têtes.
Ce fut fous fon régné que parut le célébré Riçnzi,
cet homme prodigieux qui né dans la bafleffe s eleva
à la dignité de tribun qu’il fit revivre, prétendit rap-
peller dans Rome dégradée les vertus 6c la valeur
de fes premiers habitans, 6c rendre à cette ancienne
capitale du monde fon premier empire. IJ eut allez
de confiance pour citer à fon tribunal & l’empereur
& le pape, 6c alfez de crédit pour fe rendre redoutable
à ces deux puiffances. (M— Y. )
Louis U Pieux ou le Débonnaire, ( Hifioire de
France & d'Allemagne. ) IIe empereur d’Occident
depuis Charlemagne; & XXIVe roi de France ,
né l’an 778 , de Charlemagne 6c d’Hildegarde, nommé
empereur par fon pere en 813 , confirmé par la
nation en 814, mort le 20 juin 840, âgé de 63 ans
après un régné de 27 ans.
Ce prince étoit en Aquitaine , qu il gouvernoit
depuis fon extrême enfance avec le titre augufte de
roi , lorlqu’il apprit la mort de Charlemagne fon
pere : il fie rendit aulli-tot à Aix-la-Chapelle , 6c
ïompit les mefures de plufieurs courtifans qui pou-
voient l’éloigner du trône de l’empire : il prit, des
précautions qui font foupçonner qu’on avoit conf-
piré pour lui ravir le diadème. Louis voulut commencer
fon régné par réformer fa famille : fes foeurs,
pour fe dédommager du célibat ou la négligence de
leur pere les avoit laiffées , le livroient à leurs penchants.
Leur vie licencieufe humilioit ce monarque
qui les confina dans un cloître : leurs amans languirent
dans les priions, & plufieurs même perdirent
la vie. Cette rigueur exercée fur les principaux
feigneurs, fit beaucoup de mécontens; & en réta-
blilfant les moeurs, Louis jetta les femences de la
révolte.
Le régné de Charlemagne n’avoit été qu’un enchaînement
de guerres , 6c les.loix avoient beaucoup
perdu de leur vigueur : des citoyens avoient
été livrés à l’oppreffion 6c à la fervitude : les vols ,
les rapts étoient reliés impunis. Louis fit choix de
magiftrats intégrés qui parcoururent les provinces.
Alors les loix reprirent leur aélivité. Les biens ulur-
pés furent rendus , 6c les citoyens opprimés trouvèrent
un vengeur contre l’injultice des grands.
Le premier foin de Louis, après qu’il eut rétabli le
bon ordre, fut d’alfurer l’indivifibilité de la mo’nar-
chie dans la main des aînés. Il avoit vu les délor-
dres que le partage de l’autorité avoit occalionnes
dans l’empiré fous la première race : ce fut pour les
empêcher de renaître , qu’il fe donna pour collègue
Lotaire fon aîné, & qu’il le déclara empereur: il
• ne,donna à Louis 6c à Pépin, fes puînés, que le titre
de roi qui ne devoit pas les difpenferde l’obéiffance.
Louis, pour faire voir qu’il ne vouloit qu’un leul
maître dans la monarchie , & que la qualité de roi
devoit être fubo_rdonnée à celle d’empereur, exigea
l’hommage de la part de fon neveu Bernard, que
Charlemagne avoit fait roi d’Italie : il le punit du
dernier fupplice , pour avoir refulé de le rendre ou
pour l’avoir rendu de mauvaife grâce. Telles étoient
les vues politiques de Louis le Débonnaire, 6c telle
fut la rigueur des premières années de fon régné.
Un fils qu’il eut de Judith fa fécondé femme, rendit
inutiles les foins qu?il prenoit pour conferver les
états dans le calme de la paix. Cet enfant fut la caufe
pu plutôt L’occafion de bien des troubles : on ne
pou voit lui refufer , fans injuftice , le titre de roi»
On ne pouvoit non plus lui faire un apanage , fans
réformer le partage de la fucceffion déjà fait entre
les fils du premierdit : Lothaire 6c les freres fe refu-
fereht à un aéle aullî légitime. Les prélats accoutumés
à la licence fous les régnés précédens le plai-
gnoient de la lévérité du monarque , qui leur pref-
crivit l’obfervartce ftriéle des canons : d’un autre
côté , les feigneurs attachés aux rois d’Aquitaine 6>C
de Bavière ne voyoient qu’avec peine la réunion
de la monarchie dans la main de l’émpereur, parce
qu’alors ils avoient deux maîtres , leur roi d’abord
, enfuite l’empereur: pour les fèigneurs de la
fuite de’ Lotaire , ils auroient voulu qu’il eût joui
dès-lôrs de toutes les prérogatives attachées à la
dignité impériale : mais fon pere ne lui avoit donné
le titre d’empereur, que pour lui affurer le fouve-
rain pouvoir lôrfqu’il rie feroit plus, 6c non pas
pour le partager avec lui : on voit donc que lesTei-
gneurs & les prélats avoient de puiffarts motifs de
le déclarer contre le monarque : la plupart fe rangèrent
du côté de fes fils. Le pape ennemi, tantôt
iecret, tantôt déclaré de la cour de France , prit le
parti de Lotaire: ce n’étoit pas par amour pour ce
prince, il efpéroit profiter des défordres des guerres
civiles pour achever l’ouvrage de l’indépendance
de fa cour commencé par lès prédéceffeurs.
Telles furent les véritables caufes des tragédies,
dont Louis fut la principale viftime. Deux fois ce
prince, fans contredit le meilleur de ceux qui font
montés fur le trône impérial, fe vit prifonnier de fes
propres fils : ce n’eft pas qu’il manquât de courage
6c d’expérience dans l’art militaire ; il avoit fait les
preuves : fon régné en Aquitaine avoit été celui
d’un héros & d'un fage. Mais le coeur trop fenfible
de Louis ne lui permettoit pas de foutenir le fpefla-
cle d’une guerre civile oit il avoit contre lui fes propres
enfans qui l’attaquoient avec des armes de
toute efpece, Le pape, c ’étoit Grégoire IV, paffa
les Alpes , & lé rendit au camp des fils. Cette première
démarche confacroit la révolte, c’étoit
pere qu’il eût dû parler d’abord. Après qu’il fe fut
abouché avec Lotaire , il fie rendit auprès de Louis,
dont on connoiffoit les ientimens pacifiques : il y relia
plufieurs jpurs loUs prétexte de travailler aune réconciliation
, mais en effet pour débaucher Ion
armée. Le monarque fe trouva prefque feuNe jour
du départ du pontife: telle fut l’excellente oeuvre
qu’opéra le iaint-pere. Louis ne pouvant le déterminer
à s’échapper en fugitif, une cohorte vint le
fommer- de fe rendre de la part de Lotaire : toutes
les loix de la nature furent violées , un pere fut
obligé d’obéir à fon fils qu’il avoit fait roi, empereur
& pourainfi dire-ion égal : l’infortuné monarque
eut peine à obtenir qu’on refpeâeroit les jours
de l’impératrice fon epoufie 6c du prince Charles fon
fils: Louis, qui avoit tout à craindre de la part de
cette ame dénaturée, exigea le ferment de Lotaire ,
comme il ne leur feroit couper aucun membre : on
voit par ce ferment quelle pouvoit être la férocité
de ce fiecle affreux. Louis eft obligé de fuivre en
efclave le char de ce perfide fils qui, après l’avoir
traîné dç ville en v ille, le refferre dans une prifon
de moines à Soiffons. Il eft impoffible de rendre les
traitemens affreux qu’on lui fit effuyer : le grand
j but étoit de le déterminer à fe faire moine, 6c l’on
croyoit y parvenir en multipliant fes fpuffrances:
On i'avoit que l’impératrice Judith 6c fon fils Charles
étoit le feul lien qui l’aftachoit au monde. On ne
ceffoit de lui repérer qu’ils étoient morts. Il ne pouvoit
en apprendre de nouvelles , étant fans ceffe entouré
de gardes. Son coeur étoit déchiré des plus
cruels regrets : un religieux qui ne put être témoin
de tant de douleur > lui gliffa un billet comme il lui
préfentoit l’hoftie , 6c lui apprit que fon époufe&
fon fils étoient encore en vie. Lotaire ne pouvant
réullir à lui faire prendre l’habit, forma la réfolu-
tion , par le confeil des évêques , de le mettre en
pénitence publique : .cette pénitence rendoit incapable
du gouvernement : il falloit lui fuppofer des
crimes & le forcer à s’en avouer coupable ; ce fut
pour exécuter cet exécrable projet qu’il convoqua
une affemblée d’états ; cette afl'emblée féditieufe fe
tint à Compiegne. « Ç ’eft alors, dit Muratori, qu’à
» la honte du nom chrétien, on voit les miiiiftres de
» Dieu ‘ faire un abus impie d’une religion, toute
» fainte, pour épouvanter, pour détrôner un prince
»»-malheureux, 6c le forcer à s’avouer coupable des
» crimes fuivaqs. D ’avoir permis la mort de fon
» neveu Bernard, 6c d’avoir forcé fes freres natur
e l s , à fe faire moines, deux prétendus crimes dont
» il avoit déjà fait pénitence d’avoir violé fes fer-
» mens en révoquant le partage qu’il avoit fait de
» la monarchie, 6c contraint fes fujets à faire deux
» fermens contraires, occafion de beaucoup de par- -
» jures 6c de grands troubles : d’avoir indiqué pen-
» dant le carême une expédition générale, ce qui
» n avoit pas manque d’exciter de grands murmures :
» d’avoir payé de l’exil 6c de la confifeation des
» biens ceux de fes fideles fujets qui l’étoient allé
» trouver pour l’informer des défordres de l’état 6c
» des embûches qu’on lui dreffoit : d’avoir exigé de
». fes fils 6c de fes peuples différens fermens’ con-
» traires à la juftice : d’avoir fait diverfes expédi-
» tions militaires, dont les fruits avoient été des ho-
» micides, des facrileges, des adultérés, des incen-
». dies fans nombre , 6c l’oppreffion des pauvres
» tous crimes dont il devoit répondre devant Dieu :
» d’avoir fait des partages de la monarchie en ne
» confultant que fon caprice : d’avoir troublé la paix
». générale : d’avoir armé fes peuples contre fes fils ,
». au lieu d’employer fes fideles lerviteurs & fon au-,
» torité paternelle à les faire vivre en paix : enfin
» d’avoir mis fes fujets dans la néceflité de commet-
» tre une infinité de meurtres, lorfque fon devoir
» étoit d’entretenir la paix entr’eux , 6c par-là de
» procurer leur fûreté. Sur ces griefs mal imaginés , .
» les évêques font entendre à ce pieux empereur
» qu’il avoit encouru l’excommunication ; 6c que,
» s’il voulpit fauver fon ame, il avoit befoin de faire
» pénitence : ce prince trop fimple fe laiffe traiter
»comme le veulent ces prélats ( comment eût-il
» fait autrement ? ) , don^ la confcience s’étoit ven-
» due à Lotaire. Louis fe dépouille de la ceinture
» militaire 6c des ornemensimpériaux,fe revêt d’un
»cilice, 6c condamne lui-même toutes les aérions
»de fon régné: c’en eft affez pour que Lotaire
» croie fon pere déchu de l’empire : mais comme il
» s’en méfioit, 6c qu’il comptoit très-peu fur le
» peuple, il continue de le faire garder étroitement,
» fans permettre que perfonne lui parle, fi ce n’eft
» le petit nombre de gens deftinés à le fervir ; le
» peuple témoin de cette trille feene fe retire con-
» fus de chagrin ». Certainement les annales du
monde ne préfentent, point d’exemple d’un prince
auffi bon, auffi fenfiblement outragé. Louis ne fit cet
a v eu , ou plutôt ce menfonge qu’après y avoir été
forcé: on multiplia les mauvais traitemens pour l’y
contraindre. Cette guerre excitée par des tracaffe-
ries domeftiques , fut terminée par une intrigue. Les
moines avoient joué un grand rôle dans une feene
oii il s’agiflbit dë déterminer Louis ou à fe confef-
fer , ou à prendre l’habit religieux. Ils avoient de
fréquens entretiens avec les fils du monarque, ils
parvinrent à les rendre fufpeâs les uns aux autres
6c à les divifer. Lotaire abandonné de fes freres ,
ne fut plus affez puiffant par lui-même pour çonfom-
pier fon attentat ; les liens de l’emperçur furent rompus,
il fe trouva avec furprife fur le trône également
confondu par fa bonne 6c par là mauvaife for-
tune. Ses malheurs lui donnèrent un- càraélere de
timidité qu’il ne fut vaincre ; la cour fut agitée par
de nouvelles tracafferies. Les rois d’Aquitaine 6c de
Bavière regardèrent moins comme un devoir que
comme un fervicé d’avoir confpiré pour lui rendre
la liberté qu’ils lui avoient ôtée de concert avec Lo-
taire. Ils voulurent être dépofitaires de Faùtorité 6c
en quelque forte les maîtres. Mais l’impératrice Judith
avoit auffi recouvré fa liberté : elle étoit jaloufe
de l’autorité, 6c ne vouloit la reprendre que pour
fe venger des injures qu’elle avoit reçues d’eux 6c
de Lotaire. Cette princefl'e politique retint les premiers
mouvement de fa haine; 6c c’étoit par leurs
propres armes qu’elle afpiroit à les perdre : elle
permit que l’empereur fon mari augmentât les domaines
de Pépin &-de Louis, mais elle fit déclarer Lo-
taire déchu de fes droits à l’empire. Il lui falloit
beaucoup d’adreffe pour cacher fes deffeins de vengeance
: la cour étoit gouvernée par un efprit de fu-
perftition à peine concevable /le leéteur en jugera
par ce trait. Lotaire qui avoit tout à redouter de fa
difgrace, afpiroit à fe réconcilier avec-fon pere.:
Angilbert, archevêque de Milan, fon ambaffadeur,
fut reçu favorablement.« Saint archevêque, lui dit
» l’empereur, comment doit-on traiter fon ennemi >
» Le Seigneur, répondit Angilbert , ordonne dans
»Ton évangile, de l’aimer & de lüiTaire du bien ».
Si je n’obéis pas à ce précepte, reprit Louis? « Vous
» n’aurez pas la vie éternelle, répliqua le prélat».
L empereur fâche d’être obligé de renoncer à fa vengeance
ou au paradis, convint d’une conférence
pour le lendemain avec l’archevêque, 6c il s’y fit
accompagner par tout ce qu’il y avoit de favant à
fa cour. « Seigneur^, dit Angilbert, pour ouvrir la
» controverfe , favez-vous que nous fommes tous
» freres en Jefus-Chrift ? G u i, répondirent les affif-
» tans-, car nous avons tous, le même pere dans les
» deux. L’homme libre,continua Angilbert, le fe r f,
» le pere, le fils font donc freres. Or l’apôtre S. Jean
» n’a-t-il pas dit que qui hait fon frere eft homicide
» 6c un homicide peut-il entrer dans la béatitude
» éternelle » ? A ces mots tous les favans de l’emper?
reur s’avouèrent vaincus, & lui-même pardonna
Lotaire ; mais il le refferra toujours dans les bornelr
du royaume d’Italie , fans lui rendre le titre d’empe-
reur : cependant les rois d’Aquitaine & de Bavière
plus jaloux du crédit de l’impératrice dont ils avoient
pénétré les intentions dansil’angmentatioriàie leur
partage , que reconnoiffans de fes perfides bienfaits
entretinrent des liaifons avec Lotaire : mais pour
déconcerter leurs meliîres, elle fit elle-même une
alliance fecrette avec lui. Cette princeffe confultoit
toujours les intérêts de fon fils, & jamais ceux de
fa haine : Lotaire, qui ne vouloir' reconnaître dans
fes freres que fes premiers lieutenans , fut flatté des
démarches de l’impératrice qüile prioit de fervir de
tuteur à fon fils , qui fut couronné roi de Neuftrie
6c prefqu’en même tems roi d’Aquitaine , par la
mort prématurée de Pépin : le roi Louis fut entière- i
rement oublié 6c réduit à la feule Bavière dans
un partage qui fu t . fait de toute la monarchie
entre Lôtaire 6c Charles. Ce prince fut extrêmement
fenfible à cette efpece d’exhérédation ; il prit
les armes 6c recommença la guerre civile : l’empereur
le pourfuivit avec une extrême chaleur & le
força de fe refferrer dans fes limites , il ne put le
contraindre de même de renoncer à fes fentimens
•de vengeance. L’empereur ne vit point la fin de
cette guerre ; il mourut-dans une, petite île vis-à-vis
d’Ingelheim, épu.ifé de fatigues 6c de chagrin .-outre
Lotaire, Louis 6c Charles, ce prince laiffa trois filles
Alyaïde , Hildegardç 6c Gifelle. La première fut