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expreffions dont il fe fer vit dans une requête qu’il
prefenta aux évêques de fon royaume; après les
avoir appelles, les per,es , \esdq fleurs des hommes ,
les médiateurs entre Dieu & le-genre humain , il leur
dit expreffément que la dignité tpy.ale devoit fefou-
inettre à la facerdotale ; que tousles fideles étoient
gouvernés par ces deux puiffances, mais que l’une 9
c;eft-à-dire la Laçerdotale, étoit; bien fup.érieure à
l’autre. Ses oncles qui lui difputoiept les faveurs du
clergé , convinrent à-peu-près des :mêmes principes.
Doit-on s’étonner de la chute d’une famille, dont les
chefs tenoient une conduite fi ,p,eu:digne de leur
rang, & fembloient fe difputer àq.ui fe dégraderoit le
plus vite? Lotaire.régna depuis 8 5:5 , jufqu’en 869,
çe quiforme u.rt>efpace,,de 14 ans.,( M--Y.')
; L o t a i r e II (Hjjl. d’Allemagne.^) XIIe roi ou
empereur de Germanie, depuis.Çonrad I , XV eempereur
d’Occiçlent depuis Charlemagne , fils de
Gérard de Siupliftboqrg, & d’Hedwige, né en 1075 ,
fait duc de Saxe en 1106, élu empereur en 1125 ,
mort en 1137,^1^ ;
.. LotaireII dut. fon élévation à.fon attachement
aux intérêts du faint fiege , & à fa haine contre la
maifon de Franconie. Dans fa jeuneffe, il a voit
porté les armes contre Henri IV , & avoit toujours
été l’un de fes ennemis les plusopiniâtres. Henri V ,
pour le récompenser de l’avoir aidé à détrôner fon
pere, lui avoit donné le duché de la Haute-Saxe ; mais
Lotaire I I , en fe déclarant en faveur du fils perfide
contre le pere malheureux, ne fervoit que fa haine.
Henri V. s’en apperçut, dès qu’il fut parvenu au
trône. Dans fes longs démêlés avec les papes au
fujetdes inveftitures , il l’eut toujours pour ennemi
déclaré. La cour de Rome pour payer fon zele , &
pour l’entretenir, fe fervit de toute fa politique, &
lui fit donner la préférence fur Conrad, & fur Frédéric,
neveux de Henri V. Lotaire II. fut couronné
à Aix-la-Chapelle, en préfence des légats d’Hono-
rius II, qui lui prêta le fecours de fes anathèmes
pour écarter fes concurrens. Conrad bravant les
excommunications du pontife, paffa à Milan, oh il
fe fit facrer & couronner roi de Lombardie. La mort
d’Honorius arrivée dans ces conjonctures, fut une
circonftance malheureufe pour Lotaire. Rome fut
partagée en deux fadions ; le peuple nomma Innocent
II , pour fucçéder au pape défunt ; & les cardinaux
qui prêtendoient avoir le droit exdufif de
nommer au fouverain pontificat, élurent Anaclet
II. Celui-ci plus riche que fon concurrent, le force
de fortir de Rome, & de fe réfugier en France, afyle
ordinaire des papes opprimés. Conrad appuya Anaclet
de toutes les forces de fon royaume, & trouva
en lui un puiffant foutien. C’étoit donc un devoir de
la politique de Lotaire de fe déclarer pour Innocent
IL Ce pape s’étant rendu à Liege, Lotaire alla l’y
vifiter , Sc eut pour lui les plus grands égards. On
lui fait même un reproche d’avoir compromis la
majefié du fouverain devant ce pontife. Il eft vraique
fans perdre la réputation d’un prince pieux qu’il am-
bitionnoit, il eut pu modérer au moins en public fon
refpeû pour Innocent II. Il lui rendit tous les devoirs
de domeflicité : dans les cavalcades de ce pape,
il lui fervoit tantôt de coureur, tantôt de palfrenier
& de valet-de-pied. Il tenoit la bride de fon cheval,
écartoit la foule, quelquefois il couroit devant, &
revenoit à l’étrier. Pépin en avoit fait à-peu-près
autant, mais dans des circonftances bien différentes.
Cependant Lotaire paffe en Italie pour chaffer
Anaclet & Conrad. Les préparatifs de cette expédition
furent confidérables. C’étoit un ufage d’annoncer
le voyage en Italie, plus d’un an avant de
l’entreprendre. Tous les vaffaux de la couronne fe
rendoient dans la plaine de Roncaille où fe faifoit >
la revue générale. Les vaffaux qui refufoientde s’y
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trouver, étoient privés de leurs fiefs, ainfi. que les
arriéré-vaffaux qui refufoient d’accompagner leurs
feigneurs. Conrad n’ayant point d’armée, capable
d’arrêter les progrès du monarque , abandonna l’Italie,
& repafla en Allemagne, où il effaya,.mais
inutilement, de ramener fon parti. Lotaire I I ^ après
la retraite, ou la fuite de ,-fon concurrent, fe.rend
maître de Rome , inftalle. le pape , & fe fait couronner
empereur. Pour prix de fes fq.uple.ffes &
de fes fervices , il obtint pour lui pour Henri,
duc de Bavière, fon gendre ;,*»l’ufufruit: des biens
de Matilde , cette comteffe fi fameufe par,fes, intrigues
, par fon zele pour les papes, & fa haine, contre
la domination Allemande. [Le pontife exigeoit
une redevance annuelle au; :faint fiege:; mais c’étoit
moins un bienfait de fa part, qu’une aliénation de
celle de Lotaire. En effet les papes: n’avoient qu’un
droit fort équivoque fur ces biens, dont la fouve-
raineté appartenoit inconfeftablement: aux empereurs.
C’étoit, dit Voltaire, une femenee de guerre
pour leurs.fiicceffeurs.
Le pape jaloux de perpétuer la mémoir.etde fon
avènement au fouverain pontificat , fit. faire, un
tableau peu modefte , dans, lequel il étoit repré-
fenté avec tous les attributs, de la fouvé.raineté ; &
Lotaire étoit à fes pieds;:, Telle étoit la légende de
ce tableau ; « Le roi vient à Rome, & jure devant
» les portes de lui eonferver tous fes droits. Il fe
» déclare vaffal du pape qui lui donne la couronne. »
On ne fait fi Lotaire eut connoiffance de,ce. tableau ;
mais il eff bien certain que fes fucceffeurs ne fe
contentèrent point du titre de vaffal des papes. II
eff cependant à croire que cette infcription inju-
rieufe ne parut qu’après un fécond voyage que Lotaire
entreprit en Italie pour .achever de détruire
Anaclet II, que Roger , roi de Sicile s’obftinoit à
faire reconnoître pour vrai pape. Roger, vidime
de fon attachement pour fon allié, fut chaffé juf-
qu’au fond de la Calabre, & privé de la Pouille
que l’empereur conféra au duc Renauld; quoique
les fuccès appartinffent à Lotaire II entièrement,
le pape lui contefta le droit d’en inveftir Renauld ,
& partagea l’honneur de la cérémonie , en portant
la main fur l’étendart delà province, à l’inftantqu’on
le donnoit à ce duc. Il ne paroît pas que. la religion
fut intéreffée à ce que fes chefs jouiffent de cet
honneur. Lotaire, peu après ce voyage , mourut à
Bretten, petit village de Bavière.
Entre les . dietes qui fe tinrent fous fon régné , la
première eff la plus mémorable. Les états affemblés
à Ratisbopne , lui tracèrent plufieurs loix qui limi-
toient fon pouvoir. Il fut décidé que les biens des
profcrits appartiendroient aux états , & non à l’empereur
, que les princes coupables de félonie, ne
pourroient être jugés que dans les affemblées générales
: ç’étoit une loi ancienne, mais les Henri y
avoient porté atteinte. On lui défendit d’adopter
aucune province de préférence pour y fixer fa cour,
& on lui fit un devoir de parcourir fucceffivement
toutes les villes de l’empire. Il ne fut plus permis
aux empereurs de faire conftruire des citadelles, pas
même de fortifier les anciennes. Les états fe réfer-?
verent encore le droit d’établir de nouveaux impôts
, celui de délibérer fur la paix, fur la guerre :
enfin les grands & les évêques ne voulurent voir dans
l’empereur qu’un chef & nullement un maître. Son
régné fut remarquable par la découverte du Digefte
qu’il trouva au fiege de Melphi. Après avoir fait
tirer des copies de ce précieux ouvrage , il envoya
l'original aux Pifans qui lui fournirent un fecours de
quarante galeres, fans lequel il n’auroit pu fe rendre
maître de cette ville rébelle. Pife partageoit
alors la gloire du commerce avec Gênes & Venife.
Ces trois villes rivales voiturqient dans leur port
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les richeflès de l’Afie ; & c’étoient les feules, avec
Rome dans l’Occident, que le gouvernement féodal
n’avoit pas défigurées. Lotaire confirma les hérédités
des fiefs & arriere-fiefs, & fournit les officiers
des villes aux feigneurs féodaux. C’étoit le moyen
de tenir l’Allemagne dans la fervitude & la mifere.
On place fous le régné de ce prince l’extindion
des rois Venetes ou Vandales , anciens fouverains
du Mekerbourget, d’une partie de la Poméranie.
Ces rois avoient été fournis à un tribut par plufieurs
empereurs, & s’en étoient affranchis pendant les
troubles excités par l’ambition des grands vaffaux
& des papes. Lotaire donna l’inveftiture de ces
provinces à Canut, roi des Danois, pour les tenir
en fief de l’empire. C’efl: depuis cette époque que
les fucceffeurs de Canut portent le titre de roi des
Vandales , quoique leur domination fur ces provinces
ne fubfifte plus. Il eff incertain fi, ce fut fous le
régné de Lotaire I I , ou fous celui de Henri V ,
fon prédéceffeur, que les feigneurs prirent le titre
de coimperantes, fe regardant vaffaux de l’empire,
& non de l’empereur.
Lotaire II. eut de fon mariage avec Rebecca ou
Richenfa, un fils qui mourut jeune, & deux filles,
Gertrude & Hedvige ; la première époufa Henri le
Superbe, l’autre Louis le Barbu, langrave de Thu-
ringe & de Heffe. ( M—y .)
L o t a i r e , XXXIIIe roi de France , ( Hijloire de
France. ) fils & fucceffeur de Louis d’Outremer,
& de la reine'Gerberge , monta fur le trône de
France en 954. Son frere Charles fut le premier
des fils de rois qui n’eût point d’états; une longue
fuite de guerres civiles avoit appris que le partage
de la monarchie étoit le germe du dépériffe-
ment d’un état. Cet heureux exemple a totijours
été fuivi depuis. Hugues le Grand qui tenoit fous
fa domination le duché de France & de Bourgogne,
étoit revêtu des premières dignités de l’état. Roi
fans en avoir le titre, il favorifa l’élévation de Lotaire,
qu’il tint dans fa dépendance. Cette modération
feinte fut récompenfée du duché d’Aquitaine qui
fut enlevé à la maifon de Poitiers : la mort délivra
Lotaire d’un fujet qui balançoit fon pouvoir ,
& n’eût pas manqué de troubler fon régné, comme
il avoit fait celui de Louis d’Outremer, fon pere.
Hugues laiffoit trois fils , dont l’aîné, célébré fous
le nom de Hugues Capet, fut la tige de cette longue
fuite de rois qui ont occupé & occupent encore aujourd’hui
le'trône de France. Othon & Henri fes
deux autres fils, pofféderent fucceffivement le duché
de Bourgogne.
Quoique Lotaire s’applaudît en fecret d’être délivré
d’un vaffal q u i, après l’avoir élevé fur le trône,
étoit affez puiffant pour l’en précipiter, il crut cependant
devoir témoigner fa reconnoiffance à fès en-
fans. Hugues Capet étoit à la cour du duc de Normandie
qui l’y retenoit dans un efclavage honorable.
Lotaire employa les prières & les menaces pour
l’en retirer, & voulant fe l’attacher par le-lien des
bienfaits, il lui donna le duché de France & celui
de Poitiers qu’avoit poffédés fon pere. Leurs intérêts
étoient trop oppofés pôur qu’ils fuffent long-
tems unis. Hugues Capet rechercha l’alliance du
duc de Normandie , & dès qu’il fut affuré de fon
inclination, il donna un libre cours à fon ambition,
Lotaire fachant qu’il avoit tout à redouter de-la part
des Normands, s’occupa à multiplier les embarras
de Richard, & lui fufcita une infinité d’ennemis :
il avoit même formé la réfolution de le faire enlever;
le complot fut découvert, & Richard montra
toute fon indignation contre ce lâche procédé ; fon
reffentiment éclata contre Thibaut, comte de Chartres
, qui s’étoit fignalé par.fon attachement aux intérêts
de Lotaire* Tous deux-entrèrent dans une
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guerre où Thibaut eut ie défavantage, le roi entreprit
de le venger. Richard attira Hugues dans fort
parti, l’alliance de ce duc ne lui paroiffant pas
fuffifante , il appellâ les Danois à fon fecours : ces
barbares fondirent tout-à-coup fur la France , ils
femblerent n’y être entrés que pour la changer en
défert. Ce,fut dans le comté de Chartres qu’ils exercèrent
leurs plus cruels ravages , un nombre prodigieux
d’habitans furent réduits en captivité. Thibaut,
dépouillant la fierté de fon cara&eré, demanda
humblement pardon à Richard qui le reçut à la tête
de fon armée , & daigna lui pardonner1.
Richard, affezpuiffant pourimpoferlaloi, n’écouta
que fa générofité. Lotaire lui députa pour lui deman-*
der la paix : fes ambaffadeurs furent reçus avec
bonté, on affignâ une conférence entre le roi St
le duc, qui promirent de tout oublier réciproquement
, & leur réconciliation parut fincere, par des
préfens que fe firent le roi & le duc.
Lotaire avoit autant d’ennemis que de grands vaffaux
: il tourna fes armes contre Arnôul, comte de
Flandres, & voulut le punir du refus qu’avoit fait
ce comte de l’affifter dans la guerre contre les Normands.
Arras fut fa première conquête, une place
auffi forte remportée dans les premières attaques ,
déterminèrent les villes voifines à ouvrir leurs
portes. Le comte alloit être dépouillé de fes états,
ÎOrfque Richard , par fa médiation, força les deux
partis à convenir de la paix. Le roi re*fta en poffef-
fion d’une partie de fes conquêtes.
Ce fut après ce traité que Lotaire fe rendit à Co logne,
où il eut une entrevue avec l’empereur
Othon le Grand. Ces princes fe donnèrent réciproquement
les marques d’eftime & d’amitié ; & pour
établir Une parfaite intelligence entre les François
& les Allemands , on y arrêta le mariage du roi
avec Emme, fille de Lotaire I I , roi d’Italie » & d’Adélaïde,
fécondé femme d’Othon. L’empereur mena
enfuite la cour de France à Ingelheim, pour y célébrer
les fêtes de pâques ; la princeffê Emme vint
en France l’année d’après,'accompagnée d’une infinité
de feigneurs Allemands, qui affifterent aux fêtes
qui fignalerent fon mariage avec Lotaire. Cette
alliance avec les Impériaux ne pouvoit long-tems
fubfifter;la Lorraine qu’ils retenoient ,.&• que les
rois de France avoient toujours regardée comme
une partie de leur patrimoine , étoit un germe de
guerre toujours prêt à éclorre. Othon IL avoit fuc-
cédé à Othon I. Cet empereur, après avoir pacifié
fes états, s’étoit rendu à Aix-la-Chapelle pour fe
délaffer de fes fatigues : il s’occupoit des affaires de
religion; maïs un état fi tranquille ne dura guere.
Le roi de France profita de fa fécurité pôur exécuter
fes deffeins fur la Lorrainè ; il fait une irruption
fubite dans cette province, & entre en vainqueur
dans Aix-la-Chapelle fans déclaration de guerre, &
fans qu’on eût le moindre avis de fa marche. Peu s’en
fallut que l’empereur ne tombât entre fes mains ; on
dit même que les François y arrivèrent comme il
alloit fe mettre à table. Lotaire ne garda pas long-
tems fa conquête , qui, à proprement parler, n’étoit
qu’Un brigandage. Othon II. ne rentra en Allemagne
que pour faire des préparatifs ; il envoya dire à
Lotaire que c’étoit dans Paris même qu’il prétendôic
lui demander raifon de cette infulte : il fë rendit en
France dans l’année même , & vint devant Paris
qu’il tint affiégée pendant trois jours : il aiiroït continué
plus long-tems fes affauts -, fans la faifon qui
étoit fort avancée : il reprit la route de fes états,
Lotaire l’incommoda dans.fa retraite ; des auteurs
prétendent que ce prince remporta une grande vi-
âoire fur les Impériaux au paffage de là riviere
d’Aîne; mais comme la Lorraine refta fous la domination
Allemande, leur opinion nous paroît fort fu£?