■ »îans le Cônféîl du monarque. Ferdinand fit couronner
fon fils roi d’Hongrie & de Bohême. On
feignit de laiffer aux Hongrois la liberté des fuffrages,
mais on n’ùfa point de ce ménagement envers les
Bohèmes. On leur préfenta le nouveau ro i, & on
leur ordonna d’obéir. Cependant leconfeil de France,
-éclairé par Richelieu,-fentit qu’il étoitnéceffaire d’in*
terrompre une fortune aufli ■ confiante ; & Louis
XIII s’apperçut que "s’il étoit 'intereffant d’abaifer
les proteftans de France , il étoit d’une fage politique
de ne point laiffer abattre ceux d’Allemagne.
11 falloit divifer ce grand corps de princes qui,
s’il euffent tous prête la même obéiffance à Ferdinand
, enchaînoient l’Europe à la maifon d’Autriche
qui déjapoffédoit quatre trônes, dont deux, TEfpa-
.gne & la Bohême, étoient gouvernés defpotique-
menr. Valftein continuoit les victoires , & Stralzund
étoit l’unique place qui lui oppofât une barrière.
Cette ville impériale à qui le commerce favorifé
par fa fituation, avoit donné une marine, des ri-
-cheffes & des fortifications, faifoit de continuels
efforts pour fa liberté dont la perte paroiflbit inévitable.
Tel étoit l’état de l’empire , lorfque là
France s’unit fecrétement avec Guftàve-Adolphe,
l ’émule -des Alexandre & des C é fa r, qu’il égaloit
par fes talens & qu’il furpaffoit par les vertus.
Guftave, en humiliant Ferdinand, vengeoit fa gloire
offenfée, & foutenoit les intérêts de fon trône.
L ’empereur avoit témoigné du mépris pour ce grand
homme, & fourniffoit des fecours à Sigifmond, roi
<le Pologne, implacable ennemi de la Suede; aidé
d’un fubfide de douze millions que lui payôit la
-France , Guftave fe prépara à entrer en Allemagne
avec vingt mille hommes* -Cette armee, peu confi-
dérable par le nombre, étoit compofée d’hommes
robuftes que la viftoire avoit fuivis dans vingt
batailles. Les premiers foins du héros furent de délivrer
Stralzund. Valftein, jufqn’alors invincible,eft
forcé de lever le fiege. Guftave avoit caché fes
defl'eins , mais dès qu’il eut mis Valftein en fuite,
il fe déclara le libérateur de l’empire, il fit une def~
•çente dans l’île de Bugcn d’où il chaffa les lieute-
nans de l’empereur qui fe rembarquèrent avec pré-
cipation. Il les fuivit dans la Poméranie & entra
en Allemagne. Le duc fouverain de cette province,
.à l’exemple des autres princes du corps germanique,
fervoit Ferdinand qu’il n’aimoit pas ; mais il re-
doutoit fa vengeance, s’il venoit à l’abandonner.
Guftave le força de garder la neutralité ; & pour
s’alfurer une communication avec la Suede, il fe
fit aflurer la régie de fes état s. Ferdinand, qui, quelques
mois auparavant ne croyoit pas qu’aucune puif-
fance pût réfifter à la fienne, fut étrangement furpris
•d’être fommé par les députés de Guftave de rendre,
aux princes dépouillés leurs biens, aux pro-
teftans la liberté de confcience , à l’empire fes privilèges.
Guftave invita en même tems les membres
du corps germanique à s’unir avec lui , & promit
de ne point mettre bas les armes, qu’il n’eût brifé
•le joug fous lequel leur chef les tenoit. Le Palatin
Frédéric qui depuis fon ban vivait ignoré dans un
coin de la Hollande , & le duc de Meklenbourg,
accoururent, & remirent leur fort entre les mains
de Guftave. Magdebourg montra des difpofitions
à la révolte. Les états proteftans, au comble de la
joie de voir un fi digne vengeur de leur culte ,
s’affemblerent à Leipfiçk oit ils firent à l’empereur
de très-humbles remontrances, & les appuyèrent
d ’une armée de quarante mille hommes qui devoit
faciliter les opérations des Suédois. Ferdinand *.m-
ployoit les. négociations au plus fort de la guerre ;
-mais l’a&ivité de Guftave rendit tous fes efforts
.impuiffans : fon général Tilli qu’il avoit fubtitué â
Valftein, déploya en vain tout ce qu’une longue
'expérience lui avoit appris : Guftave déeonfcerîe *a
vigilance, & met l’Oder entre lei» impériaux & lui
jamais guerre ne fut pouffée avec plus de chaleur,
ne caufa tant de ravages & ne produifit plus de grands
événemens, T illi, furieux de s’être laiffé tromper ,
fe jette fur Magdebourg qu’il détruit; Les habitans
de cette déplorable ville font impitoyablement égorgés.
Il pénétré enfuite dans la Saxe que le roi avoit
îàiflee fans défenfe pour punir le duc, qui fous une
feinte -amitié méditoit fa ruine , &. y met tout à feu
& à fang. L’éle&eur, dont les armes Suédoifes font
l’unique reffource pour fauver fon pays , fe jette
dans les bras de Guftave qui lui pardonne , & qui
l’oblige-de lui confier toutes fes forces. Tilli fe rend
maître de Leipfiçk, mais une défaite dans une bataille
rangée près de cette ville, le contraint de prendre
la fuite. Le héros Suédois profite de tous les avantages
que lui offre fa victoire ; une armée commandée
par l’éle&eur de Saxe pénétré dans les états héréditaires
de.l’empire : une autre va nettoyer les bords
de la Baltique ; la troifieme conduite par Guftave ,
envahit la Franconie; car une fécondé fois Tilü prend
Francfort , fe rend maître de tout le cours du Mein,
parvient jufqu’au Rhin, d’oii fe repliant brufquement
vers le Palatmat, il en chaffe lesEfpagnols, & le rend
à Frédéric V ; Tilli n’ofant pluss’expofer en bataille
rangée, veut au moins difpurer le paffage des rivières.'
Il fe porte fur le Le'ck que fa profondeur & fes bords
efearpés rendent peu pratiquable à une armée : mais,
ce nouvel obftacle eft furmonté; Tilli perd la vie
dans un choc, où ce vieillard s’expofe en téméraire £
& le chemin de Vienne eft ouvert au vainqueur. G uf-
tave prend Munick, & fes généraux infultent Ratif-
bonne où une diete compofée des feigneurs de la ligue
catholique, délibéré fur les moyens de retarder
la chûte de Ferdinand. Ce prince, dans un péril aufli
imminent, privé de fon général, jette les yeux fur
Valftein. Ce vieillard qu’il a outragé, eft tropfenfible
à la gloire pour refuler l’honneur de commander.'
C’eft ici le moment on I’hiftoire d’Allemagne.offre le
tableau le plus intereffant. L’Allemagne eft envahie
par un royaume qu’elle traitoit en province fujette.
Lepluspuiffant monarque de l’Europe refte tremblant
dans fa capitale. Les deux plus grands capitaines de
leurfieclefont aux prifes; l’un combat pour lagloire
& pour la liberté des rois, que la maifon d’Autriche
prétendoitaffervirr l’autre parle defird’abaif-
fer un conquérant qui joint à l’expérience cette intrépidité
que donnent la force & le feu de l’âge ; par
l’honneur de relever un parti prefqu’abattu, & autrefois
triomphant par fa valeur, & de montrer à l’Europe
un homme fupérieur au héros qu’elle admire i
tous deux enfin brûlent du zele d’affurer la fupériorité
à leur religion. Valftein, avant de chercher Guftave,
effaie fes troupes, & par de légères attaques adroitement
ménagées, il releve leur courage; il laiffe à
Maximilien le foin de défendre la Bavière, & marché
vers la Bohême enproie aux Saxons, zélés partifans de
Guftave. L’aigle impérial reprend fon afcendantdans
ce royaume & dans la Weftphalie d’où les Suédois
font prefque entièrement chaués. L’efpoir renaît dans
les coeurs, & les (accès le? rempliffent d’ardeur. Valftein
qui voit combien il importe de ne pas la laiffer
refroidir, preffe Maximilien devenir le joindre pour
livrer une bataille décifive. Guftave qui ne fe laiffe
point éblouir par l'éclat de fes triomphes, multiplie
en vain fes efforts pour empêcher cette jonction; inférieur
eh nombre , il fait une retraite favante fous les
yeux des deux armées qui le pourfuivent jufques
fous le canon de Neubourg. Les Autrichiens lui firent
de continuels' défis ; il ipéprifa leurs inlultes, & ce ne
fut qu’après avoir reçu dç nouveaux renforts qu’il-
livra la fameufe bataille de Lutzen qui mit le comble
à fa gloire ; mais qui lui coûta la vie. Le corps de ce
grince fi digne de l’immortalité, fut trouvé fur le
champ de bataille percé de deux balles & de deux
coups d’épée. Une aufli bellé mort .devoit terminer
fine aufli glorieufe vie. Gette perte fut fatale à Frédér
ic , qui attendoit fon rétabliffement des armes Suédoifes.
Il étoit alors malade à Mayence : le chagrin
Sc ie mal le mirent au tombeau le 19 novembre 1631.
Ainfi la perte de la bataille de Lutzen rut balancée
dans l’efprit de Ferdinand par la mort de fes deux
plus redoutables ennemis. Le corps de Guftave fut
porté en triomphe dans prefque toute l’Allemagne.
L’ombre feule de ce grand homme enflammoit le
courage de fes foldats.; la paix dont l’empereur s’étoit
flatté, ne fut point rétablie; le chancelier Oxenftiern
choifi par Guftave pour gouverner la haute-Allemagne
, eft chargé par lé fénat de Suede de fuivre fes
glorieux projets. Oxenftiern put alors fe flatter que
jamais un particulier n’avoit joué un aufli beau rôle
en Europe. Il convoqua une diete à Heilbron dans
fa maifon même, & y parut au milieu de tous les
princes proteftans de l’empire , &: des ambaffadeurs
de France, d’Angleterre.& des états généraux. Il fe
fignala d’abord en faifant ordonner la reftitution du
haut & du bas-palatinat à Charles Louis, fils de Frédér
rie; ce jeune prince prit dès-lors le titre d’éleôeuf; le
cardinal de Richelieu y renouvella le traité fait entre
la France & la Suede : les affaires ayant été réglées
dans cette diete , les généraux Suédois, Banier,
Torftanfon & Varengel, fécondés du duc de Saxe-
Veimar, fe répandirent dans les différens cercles de
l’Allemagne, & y portèrent la défolation. Ferdinand
vivoit toujours au milieu des frayeurs. De tous fes
vaftes états, l’Autriche feule n’avoit point été entamée
par les Suédois. Il revint à fon premier projet
<jui étoit de femer la divifion parmi fes ennemis. : il
n’y put réuflir. Ses amis l’abandonnoient, & fon général
Valftein retiré en Bohême depuis la malheureufe
journé de Lutzen, cherchoit moins à le fecourir qu’à
cchapper au péril. Ferdinand fe crut dans la néceifité
fie lui retirer le commandement ; mais comme il
craigno.it le reffentiment d’un aufli grand général, il
3e fit affafliner. Si Ferdinand I I , dit M. de Voltaire ,
fut obligé d’ën venir à cette extrémité odieufè, il
faut la compter parmi fes malheurs. Cet auteur doute
du, crime de Valftein, mais on a de fortes préemptions
qu’i l . afpiroit à fe faire couronner roi de Bohême.
Cependant les efprits s’aigrirent dans ce royaume
, & dans la Siléfie. Les armées de Suede tenoient
toute l’Allemagne en échec, & la perte de Guftave
ne leur avoit rien fait perdre de leur confiance. Banier
s’étendait fur tout le cours de l’Oder, le maréchal
Horn étoit fur le Rhin,Bernard Veimarfurle Danube,
& l’élefteur de Saxe dans la Luface & la Bohême.
L ’empereur reftoit toujours dans Vienne; fon bonheur,
comme l’a remarqué l’illuftre écrivain qu’on
vient de citer, voulut que les Turcs demeurèrent
fians l’inaftion. Amurat IV étoit occupé contre les
Perfans, & le prince de Tranfilvanie, fon allié, étoit
mort. Ferdinand , tranquille de ce côté, tiroitdes fe-
coùrs de la Hongrie, de l’Autriche, de la Carinthie, de
la Carniole & du Tiroî. Le roi d’Efpagne .lui avoit
envoyé le général Féria avec des troupes & de l’argent.
La ligue catholique faifoittoujoursquelqu’effort
en fa faveur. Le duc de Bavière à qui les Suédois
vouloient ôter le Palatinat, étoit obligé de s’unir au
chef de l’empire. Cependant te parti proteftànt raf-
fembloit toutes fes forces pour terminer la guerre
par un coup décifif. L’empereur donne le commandement
général à Erneft ion fils, roi d’Hongrie. Ce
jeune monarque s’empare de Ratisbonne fous, les
yeux du duc de Saxe-Veimar. Celui-ci fe joint au
maréchal Horn ; & tous deux s’efforcent de fermer
l ’entrée de la Suabe aux Autrichiens qui par le gain
dune bataille rompent leurs mefures, & rendent à
Ferdinand une partie de fa fupériorité (5 feptembfC
1634.). Cette bataille eft fameuïe par la qualité dei
chefs, par fa durée & par le nombre des mortsi.
L’armée de Veimarfut prefque détruite. La Suabe &c
la Francome furent ouvertes aux vainqueurs. Cependant
Louis XIII, ou plutôt Richelieu qui dominoit
dans les confeils de ce prince , fongeoità tirer avantage
de tous les événemenS; Les Suédois quifuppor-
tôienttout le poids de cette guerre , avoient prétendu
jufqu’alors en recueillir tout le fruit. Ceux qui
ont le mieux approfondi la politique du grand car*
dinal , ônt placé la mort de Guftave au nombre des
crimes heureux qu’il comrhit; eh diminuant la puif-
fance de Ferdinand, il n’eh devoit pas élever une plus
grande encore. Telle eût été la Suede, fi elle eût éten*
du fa domination en Allemagne. La perte de la Bataille
de Nordlingue valut l’Alface â la France. Oxenftierii
qui avoit refufè à Louis XIII Centrée dans cette province
, fe vit dans la néceflité de prier ce monarque
d’en prendre pofteflion fous le titre de profcetteur^
Louis X llî fit aufli-tôt partir une armée pour l’Alface
, & mit garnifon dans toutes les villes, excepte
Strasbourg qui, dit M. de Voltaire , joua ie perfoii-
nage d’un allié confidérable, L’éle&eur de Treves
étoit déjà fous la proteélion de la France : Tempèrent
le fit enlever, & le mit fous la garde du cardinal
infant, gouverneur des Pays-Bas ; ce qui donna
un prétexte à Louis XIII de déclarer la guerre aux
deux branches Autrichiennes. Tandis qiTil réunit
toutes fes forces contre elles, la Suede relevée par
fes fécours, agit contre la cour de Vienne avec une
nouvelle vigueur. Le duc de Veimàr dont il
foudoie les troupes, fait des progrès fur le Rhin, &
fe rend maître des villes que baigne ce fleuve; Varengel
conferve la Poméranie, retient Téleôeur dé
Brandebourg qui menaçoit d’abandonner la caufe
commune, & fe venge de l’élefteur de Saxe qui
l’avoit trahie. Torftanlonqui luifuccede, preffe les
opérations avec encore plus de vivacité & de bon*
heur ; mais les Faits de ce capitaine appartiennent
au régné fuivant. L’empereur mourut au milieu de ces
troubles , épuifé de fatigues & d’infirmités. Il avoit
Cependant affuré fempire à Erneft fon fils, en lui
donnant lé titre de roi des Romains. Ferdinand avoit
cinquante-neuf ans , dont il avoit régné dix-huit : it
eut de l’impératrice Marie-Anne fa première femme,
fille de Guillaume duc de Bavière, outre Erneft dont
nous venons de parler,•& qüi eft mieux connu fous
le nom de Ferdinand III, Léopold Guillaume,qui fut à
la fois évêque'de Strasbourg, de Halberftadt,dePaf*
fau, de Breflau & d’Olmus, grand-maître de l’ordre
Teutonique & adminiftrateur des Pays-Bas ; Marie-
Anne qui fut mariée à Maximilien , éle&eur de Bâ-
viere;& Cecile-Rénée qui époufa le roi de Pologne Là*
diflas IV : il eut encore un fils & une fille, Charles &
Chriftine , qui moururent en bas âge. Eléonore de
Gonzague, fa fécondé femme, ne lui donna aucun hé*
ritier. Ferdinand //,ditun moderne, avoit toutes
lés qualités du héros, & toutes les vertus dü grand
homme, une âme noble & fublime, une fageffe con-
fommée, un difeernement jufte , & une fermeté qui
lemettoit, pour ainfi dire,au-deffus des événemens*
Cet empereur fembloit né pour rendre à l’empire fon
antique fplendeur, & à Téglife d’Allemagne fes plus
beaux jours de paix. A ces traits reconnoît-ôii Ferdinand?
Peut-on donner le nom de héros â un prince
qui pendant une guerre de dix-huit ans n’ofa pâroître
une fois à la tête de fes armées ? Quand l’ennemi dé*
vaftoitfon empire, étoit - ce l’hérbifme qui l’enchai*
noit dans fa capitale? On cherche en vain dans fa vie
ces efforts de la nature qui déceïent cette atne noble
que lui prête l’anonyme. S’il eut ce difeernement
qu’il lui luppofe, comment put*il fe réfoudre à allumer
les premiers feux d’une guerre fi longue ôc,