» Un nuage étant chargé par la terre , par quel-
» que moyen que ce toit, peut frapper fur d’auttes
» qui n’ont pas été chargés , ou qui ne Font pas été
» autant; ceux-ci liir d’autres encore, jufqu’à ce que
»l'équilibre foit établi entre tous.les nuages qui
» font à portée de fe frapper l’un l’autre.
- » Le nuage ainfi chargé s’étant déchargé d’une
» bonne partie de ce qu’il a reçu d’abord, peut rece-
» voir une nouvelle charge de la terre ou de quel-
» que nuage qui aura été pouffé par le vent à portée
» de la recevoir plus promptement delà terre. De-
» là ces coups 6c ces éclairs redoublés 6c continuels
» jufqu’à ce que les nuages aient reçu à-peu-près
».leur quantité naturelle en tant que nuages, ou
» jufqu’à ce qu’ils foient tombés en ondée 6c réunis
» à ce globe terraquée d’où ils tirent leur origine ».
» Ainli les nuages orageux font généralement par-
» lant dans un état négatif d’éleétricité, par rapport
» à la te re, félon la plupart de nos expériences; ce*
» pendant comme dans l’une , nous avons trouvé
» un nuage éleétrifé pofitivement , je conjeéture
» que dans ce cas, un pareil nuage , après avoir reçu
» ce qui, dans fon état de raréfadtion , étoit feule-
» ment fa quantité naturelle , fe trouva comprimé
» par l’adtion des vents ou de quelqu’autre maniéré,
» enforte qu’une partie de ce qu’il avoit abforbé,
» fut chaffe fur la lurtéce , 6c forma une atmofphere
» autour de lui, dans fon état de condenfation. C’eft
» ce qui le rendit capable de communiquer une ëlec-
» tricité pofitivè à la verge.
» Pour prouver qu’un corps dans différentes cir-
» confiances de dilatation & de contradlion, eft cà-
» pable de recevoir 6c de retenir plus ou moins de
» fluide éledtrique fur fa furface, je rapporterai l’ex-
» périence fuivante. Je plaçai fur le plancher un
» verre à boire propre, 6c deffus un petit pot dar-
» gent , dans lequel je mis environ trois braffes de
» chaîne de cuivre , à un bout de laquelle j’attachai
» un fit-de-foie, qui s’élevoit çfiredlement au plafond
» où il paffoit fur une poulie, 6c de-là redefeendoit
» dans ma main , de forte que je pouvois à mon g ré,
» étendre la chaîne hors du p o t , l’élever à un pied
» de diflance du plafond , & la laiffer par gradation
» retomber dans le pot. Du plafond, avec un autre
» fil de fine foie écrue , je fufpendis un petit flocon
» de coton , de maniéré que quand il pendoit per-
» pendiculairement il touchoit le côté du pot ; en-
» fuite approchant du pot le crochet d’un bouteille
» chargée , je lui donnai une étincelle qui fe répan-
» dit autour en atmofphere éledtrique, 6c le flocon
» de coton fut repouffé par le côté du pot à la dif-
» tance de neuf à dix pouces ; le pot ne recevoit
» plus alors d’autre éteincelle du crochet de la bou-
» teille : mais à mefure que j’élevois la chaîne , l’at-
» mofphere du pot diminua en fe répandant fur la
» chaîne qui s’éjevoit, 6c en conféquence le flocon
» de coton s’approcha de plus en plus du pot ; 6c
» alors fi je rapprochois de ce pot le crochet de la
» bouteille, il recevoit une autre étincelle 6c le coton
» retournoit à la même diflance qu’auparavant, 6c
» de Gette forte à proportion que la chaîne étoit éle-
» vée plus haut, le pot recevoit plus d’étincelles,
» parce que le pot avec la chaîne déployée étoient
» capables de fupporter une plus grande atmofphere
» que le pot avec la chaîne ramaffée dans fon inté^
» rieur. Que l’atmofphere autour du pot fût dimi-
» nuée en élevant la chaîne, & augmentée en la
» baiffant, c’eft une chofe non-feulement conforme
» à la raifon, puifque l’atmofphere de la chaîne doit
» être tirée de celle du pot quand on l’éleve, 6c y
» retourner quand elle retombe ; mais la chofe eft
» encore évidente aux yeux., car le flocon de coton
» s’approchoit toujours du pot quand on tiroit la
» chaîne en haut, 6c s’éloignoit quand on la laif-
» foit tomber ». ( Cette expérience reuflît encore
mieux , en fe fervant d’une longue bande de papier
doré qu’on roulera autour d’un petit bâton 6c qu’on
lùbftituera à la chaîne ).
« Ainfi, nous voyons que l’augmentation de fur-
» face rend un corps capable de recevoir une plus
» grande atmofphere éledtrique ; mais cette expér
» rience, je l’avoue , ne démontre pas parfaitement
» ma nouvelle hypothefe; car le cuivre 6c l’argent
» continuent toujours à être folides 6c ne fe dilatent
» pas en vapeurs comme l’eau en nuages. Peut-être
» que danslafuite, des expériences fur l’eau élevée
» en vapeurs , mettront cette matière dans tin plus
>,> grand jour.
» Il s’élève contre cette nouvelle hypothefe une
» objection qui paroît,importante, la voici : fi l’eau
» dans fon état de raréfaction j-comme nuage;attire
» 6c abforbe plus de fluide éledtrique que dans fon
» état de denfité, comme eau , pourquoi ne tire-t-
;» elle pas de la terre tout ce dont èlle manque, à
» l’inftant qu’elle en quitte la furface, qu’elle en eft
» encore proche, 6c qu’elle ne fait que s’élever en
» vapeurs? J’avoue que je ne faurois, quant à pré*
» fent, repondre à cette difficulté d’une maniéré qui
» me fatisfaflé ; j’ai cru cependant que je devois l’éta-
» blir dans toute fa force, comme je l’ai fait, & fou-
» mettre le tout à l’examen ». ..
Telles font routes les conjectures de M. Franklin fur
la formation du tonnerre,6c l ’objedtion que lni-mêmè
fait contre ; ce qui ne fait pas moins l’éloge de fon
caradtere , que les ouvrages font celui de fon efprit,
préférant le progrès des fciences à la gloire qu’il
pourroit tirer de l’invention d’une hypothefe ingé*
nieufe 6c plaufible , contre laquelle on n’auroit peut-
être pas fait cette objection. Au refte la même façon
de penfer fe trouve dans tous les ouvrages de cet
ingénieux écrivain, toujours empreffé à avouer fes
erreurs, 6c fouvent le premier à les faire connoître,
après en avoir été convaincu par de nou velles expériences.
Mais depuis la publication des Lettres du dodteur
Franklin, dans lefquelles il donne cette hypothefe ,
de nouvelles découvertes en éledtricité ont donné
lieu à de nouvelles conjectures fur ce fujet. Le favant
tradufteur de cet auteur, M. Wilcke, qui a beaucoup
contribué à ces découvertes par fes recherches
fur les différentes maniérés d’exciter ou de produire
l’éleClricité dans les corps , a encore profité
de celles que M. Æpinus a faites fur la tourmaline,
pour hazarder , comme il le dit lui-même de nouvelles
conjectures fur une matière que la nature
tient encore cachée fous un voile épais.
Nous pouvons, dit-il, exciter l’éleCtricité des
corps, de deux maniérés. La première qui eft la
plus connue, eft par le frottement. Là chaleur 6c la
fufion eft l’autre manière ; 6c l’éleCtricité ainfi produite
porte le nom à’électricité fpontanée , que M.
Gray a fait connoître le premier. Mais fans entrer
dans de plus longs détails fur ce fuje t, qui d’ailleurs
ne feroient pas ici à leur place , il eft à remarquer,
que toutes les fois qu’on excite ainfi quelque électricité,
il y a toujours un corps qui s’éleCtrife pofitive-
ment 6c l’autre négativement. On trouve dans la
tourmaline un exemple frappant de l’éleCtricité
produite par la chaleur ; mais elle a encore ceci de
particulier, c ’eft que toutes les fois qu’on l’échauffe
jufqu’à un certain point,elle acquiert une forte électricité
proportionnelle à fa groffeur, qui eft pofitivè
fur l’une des faces, 6c négative fur l’autre. Voilà tout
ce que nous avons à dire ici de cette pierre, qui fe
rapporte à notre fujet. N’eft-il pas croyable que ce
qui fe paffe en petit fous nos y e u x , ne puiffe pas
avoir lieu en grand dans la nature ? On cherche ordinairement
dans l’air la caufe de l’éledricité qui fe
irtanifefte dans notre atmofphere, parce que ce fluide
eft éleClrîque par lui-même. Mais le frottement mutuel
des particules d’air ne peut,pas produire d’électricité,
parce que-ees particules attirent to.utèsavec la
même force le fluide éledtrique, enforte que l’équilibre
n’eft altéré nulle part. Ainli il taudroit que l’éleClricité
fût produite , ou par le frottement des particules
d’air avec les vapeurs dont il elt charge , ou
de l’air avec les corps qui font fur la furface de la ’
terre, ou par le- frottement des unes avec les autres,
ou avec l'es-cor-ps qui font fur la terre. Il ne paroît
•pas incroyable que le frottement de ces différens
corps ne puiffe exciter différentes efpeces d’éledtri-
cité, tantôt pofitivè, tantôt négative. On dit qu’on
a excité l’éleClricité par le feul frottement des particules
d’air, les-unes avec les autres. Mais fans vouloir
nier cette, expérience, il paroît qu’il eft impofli-
ble que l ’éleClricité excitée par ces moyens mécha-
niques foit en affez grande quantité pour produire
les terribles effets dont nous fommes fouvent les,
témoins. Il paroît plutôt que tous ces phénomènes
font caufés par une efpece d’éleClricitê fpontanée
excitée par la chaleur. 11 ne faudroit à notre terre,
ou à de certains pays, ou à quelques' montagnes,
qu’une feule des propriétés de la tourmaline, fa-
v o ir , que la chaleur pût exciter en ellesTéleClrieité ;
cette feule propriété luffiroit pour expliquer tous
les phénomènes. Peut-être que les pointes des
hautes montagnes autour defquelles nous voyons
ordinairement les nuages orageux le former, font de
ces efpeçés de tourmalines , dont la chaleur excite
l ’éleClricité ; ces pointes attirent à elles les vapeurs
non éleûriques qui nagent dans l’air , ce qui forme
d’abord un petit nuage qui tient à la montagne. Celui
ci augmente ; & dès qu’il a affez tiré à lui de fluide
éleCtrique, la montagne le repouffe , ils ’èn fépare, ■
6c fe répand dans les environs.
Il fe pourroit aufli que de vaftes régions euffent
cette propriété de s’éledtrifer par la chaleur d’un
feu fouterrain, 6c que l’effet s’en mànifeftât à la
furface. Les parties de la furface communiqueroient
alors aux vapeurs qui en partiroient, une éledtri-
cité pofitivè bu négative , fuivant que le côté po-
fitif ou négatif de cette immenfe tourmaline lou-
terraine feroit tourné vers la furface de la terre.
Si c?eft par la fufion qu’on veut exciter l’électricité
fpontanée , il faut pour cet effet qu’un corps
fluide éleCtrique repofe fur un autre corps éleCtrique
ou non éleCtrique, qu’il foit échauffé fur ce corps,
après cela qu’il èn foit féparé 6c fe refroidiffe. La
chaleur, qui ne peut agir fur ces corps fans les dilater,
peut alors divifer entr’eux le fluide éleCtrique,
dans un tout autre rapport qu’il ne l ’eft dans leur
état naturel ; de-là vient enfuite, après le refroidif-
fement de ces corps, qu’on trouve l’un éleCtrifé
pofitivement, & l’autre négativement, fuivant que
l’un ou l'autre a gagné ou perdu de la quantité de matière
éleCtrique qui lui eft propre. Mais nQtre air eft
un fluide éleCtrique , qui-repofe en partie fur nombre
de corps éledtriques. Il fe pourroit donc que ce
qui fe paffe entre le verre ou le métal, 6c le foufre,
la cire d’Efpagne , la cire , la poix, &c. que l’on y
fond, eût également lieu entre l’air & la terre. Ainfi,
l’air pourroit être éleCtrifé pofitivement ou négativement,
fuivant la diverfité de naturedes différentes
parties de la terre > avec lefquelles il eft en con-
taCt quand il devient éleCtrique par l’adion de la
chaleur. Lorfqu’après cela cet air s’élève dans les
hautes régions de (’atmofphere au-deffus de ces lieux
échauffés, il conferve toujours la même efpece d’é-
ieCtricité, 6c il peut la communiquer aux vapeurs
qu’il y trouve ou qui y font pouffées.
Ceux à qui ces matières ne font pas tout-à-fait
étrangères, verront facilement fans’ de plus longs
détails, quelles font mes vues, ditM. "Wilcke &
quelles conféqnences on peut tirer de ce qui précédé.
L’expérience s’accorde bien ici avec nosraifonne-
mens, car nous favons que la plupart des orages
furviennent après de grandes chaleurs, particuliérement
vers le foir 6c pendant la nuit; mais il faudroit
une longue fuite d’oblervations pour décider fi tous
les phenomenes s’accordent bien aveenos principes,
11 eft certain que notre terre a fort fouvent un
grand dégré d’eledtricité, 6c elle doit alors repouffer
les nuages q u il’entourent; c’eft ce que l’on petit facilement
connoître à la figure de ces nuages , dont
là furface inférieure eft alors unie 6c parallèle à la
lurfaçè de la terre-, la fupérieure ait contraire eft
tout-à-fait irrégulière. On peut au refte mettre foits
les yeux ce phénomène , par cette expérience. Ayez
un quaclre-quarré de 7 à 8 pieds; placez deffus à
la diftanee de 6 à 8 pouces des fils d’ârchal parallèles
-entr’eux '6c allant d’un bord à l’autre , 6c élec-*
trifez cet appareil. Après cela, fi avec un tube de
verre éledtrifé on tient des flocons de coton fur ce
quadrè électrifé , on verra qu’ils fe rangeront parai-*
le ment à fa furface, tandis que les plus petits fe
placeront par deffus les autres d’une maniéré tout-
à fait irrégulière.
Mais fi on veut faire attention à ce que nous
éprouvons quelquefois en été en nos personnes, o a
doit avoir fend que la chaleur qui précédé l’orage,
fait une toute autre imprefîion fur nos corps, que
le même dégré de chaleur 6c même un plus fort ne
fait ordinairement. Nous nommons ce tems-là un air
étouffé; il nous appefantit, 6c il paroît qu’en même
tems il tuméfie le làng. Le vent, qui pour l ’ordinaire
rafraîchit agréablement nos-corps, nous envoie alors
d’ardens tourbillons. Mais en général , il n’eft pas
difficile de diftinguer cet état de l’air des chaleurs
ordinaires. Il eft à préfumer que toutes ces fenfa-
tions ne font que des effets de l’électriciré de l’air:
car je ne fuis pas le feul, ajoute M. Wilcke, qui ait
éprouvé chez lu i , une fenfation de Iaflitude ou
d’accablement, après avoir été fortement éledtrifé ,
fur-tout négativement, ce qui me caufoit même quelquefois
des vertiges auxquels je ne fuis cependant
pas fujet : le même chofe m'arrivoit après avoir
frotté pendant long-tems avec les mains un globe de
verre. Il dit encore, qu’il.lui eft fouvent arrivé,
après avoir été renfermé chez lui, de fortir brufque-
mentau grand a ir , 6c de fentir alors cette odeur d’é-
ledtricité , qui lui eft d’ailleurs fi connue , avec tant
de force, qu’il étoit affuré que ce n’étoit pas un effet
de l’imagination. Au refte, n’entend-on pas dire fouvent
à gens qui n’ont aucune connoiffance de ces
matières , que l’air répand une forte odeur de
chaleur ?
Après avoir mis fous les yeux du leéteurles hy-
pothefes de deux célébrés phyficiens fur la caufe
du tonnerre, il faut encore l’entretenir des travaux dit
P. Beccaria fur ce fujet, dont les oblervations 6c
les expériences furpaffent par leur étendue toutes
celles qu’on a faites jufqu’à préfent, afin qu’il n’ignore
rien de ce qui a été dit ou fait d’important
fur une matière où il y a encore beaucoup de
chofes à décider , 6c qu’il voie par lui-même
quelle de ces opinions lui paroît la plus probable.
.Pour faire fes expériences, le P. Beccaria fe pourvut
d’un appareil tel qu’aucun phyficien n’avoit. encore
eu. Il dreffa plufieurs barres pointues dans le même
lieu &' dans différens lieux ; il fit de même ufage
de plufieurs cerfs-volants dont quelques-uns avoient
leur ficèlle garnie de fil d’archal ; il y en avoit
qui s’élevoient très-haut 6c d’autres pas autant. Il fe
fervit pour les ifoler de la machine qu’on a nommée