
Nous aljonsà préfent donner en extrait ce qffen
dit M. Duhamel.
Dans notre climat le figuier v eu t être défendu du
Froid : li les arbres foht plantés contre un mur que
je fuppofe en. état de les garantir de la gelée , on
abaifle une partie des branches près dé terre ; on
•attache lesautres co n tre lem u r , après les avoirincli-
nées aufli horizontalement qu’il eft poflible fans les
rompre , & on les cou v re toutes d e lit ie r e , feu ille s ,
fo ù g e r e , &e.
Si les figuier s font plantés en buiffon loin des murs,
•aux approches des fortes g elé es , on butte le pied de
chaquefiguier, on rapproche toutes fes branches le
qjlus qu’on peut les unes des autres ; on les lie en
plufieurs endroits av e c des liens d’ofier & de paille ;
•on les enveloppe de longues pailles ; enfin on file
tin long lien de paille gros comme le bas de la
jambe j avec lequel on couv re le to u t , depuis le
pied jufqu’à la cime , faifant toutes ces révolutions
les unes immédiatement contre les autres , afin
que la gelée & le verglas ne puiffent pénétrer : vers
i a mi-mars, On décohvre le pied des figuiers ; & à
«nefurè que la faifon s’adoucit, on continue de les
d écouv rir fucçefïivemeht , réfervant à découvrir
l ’extrémité lorfqu’il n’y a plus rien à craindre des
petites gelées & des pluies froides , c’eft-à-dire , au
commencement de mai, un peu plutôt ou plus ta rd ,
fuivant la température de l’année & les progrès des
^figuiers, car lorfquq les fruits ont environtrois lignes
de diamètre , il faut les accoutumer à l’air , fa u fà
les couv rir de draps ou dé pailla (Tons , fi l’on eft
menacé de quelques nuits trop froides , & cela de
peu r qu’ils ne s’étiolent fous là pa ille , & qifenftiite
le foleil ne les fafl’e périr : o r l’expofition & la qualité
des terreins peuvent avancer ou retarder leurs
progrès do près d’un mois.
I l eft bon de rabattre chaque année jufques fur la
Foüche , quelques-uns des brins les plus gros & les
plus élevés , qui prennent naiffance à fleur de terre
dans les figuiers élevés en buifl'on. M. Duhamel regarde
comme un avantage la multiplication des branches
qui réfulte de cette méthode. O n a vu que
l ’abbé Roger Shabol craint a v e c raifon cette multiplication
qui donne beaucoup de faux b o is , & qu’il la
prévient par l’ébourgeonnement. V o yon s à préfent
•ce que dit du régime du figuier le favant jardinier de
Çhelfea.
L e meilleur tems , d it - il, pour la taille du figuier,
c’ eft l’automne ; il ne faut jamais raccourcir les branchés
, puifque le fruit vient toujours à la partie fupé-
rieure des bourgeons de l’année précédente : quand
les branches font très-près les unes des autres, il vaut
mieux coupér fur le tronc celles qui font furnumé-
ra ire s ; on doit condamner à c e retranchement les
branches n u e s , & conferver celles qui ont des branches
latérales : la diftance convenable à laiffer entre
ces branches principales eft au moins d’un pied ; lor s qu'elles
font bien rameufes , on peut les écarter de
quatre ou cinq pouces de plus.
En automne on ôtera aufli des branches toutes les
figues automnales-; fi l’on Retranche av e c les doigts
le bouton terminal des branches, elles en porteront
plus de fruit au printems. Plutôt on peut faire cette
o péra tion, quand les feuilles commencent à tomber,
c’eft le mieux. Il y a des faifons humides oii le bois
<Lu figuier n’a pas mûri ; dans ce cas, il faut retrancher
les branches les plus malades , fans quoi elles infec-
te ro ien t tout l ’arbre.
L es figuiers que l’on a détachés des contr’efpaliers
pour les abaiffer & les cou v rir, ne doivent être rattachées
qu’à la fin de mars ; ceux contre les murailles
peuvent refter quelque tems de plus ; quand on a
fixé avec des clous les branches principales de ceux-
Ci, faut rejetter derriçrp elles les petites branches
latérales pour les appliquer contre le mur. Cette pré*
cau.tipn garantira les jeunes figues des froids du matin
; lorfque,le danger en fera pâlie , on les ramènera
en devant dans leur pofition naturelle. Il ne faut
toucher alors à ces arbres que pour pincer au prin4
tems le boiit des branches n.ues, afin de leur faire
pouffer des andouillefs. Comme les figuiers ont les
feuilles très-larges , ils font fouyent fatig.ués par les
vents ; fi quelque branche fe diétache , il faut avoir
foin de la rattacher bien vite.
Le figuier c roît, dit Miller, dans îpute forte de
fols & de fituations ; mais c’eft dans une terre forte
& loameufe qu’il donne ie plus de fruit ; il en rap-r
porte bien moins dans un fol aride ; car fi le tems eft
l‘ec en mai & en juin , les figues abandonnent l’arbre.
Lorfque cela arrive , il faut bien arrofer les
figuiers, & entourer leur pied de litiere, pour prévenir
cette chute du fruit dont il faut faire d’autant plus
de cas , qu’il eft de bien meilleur goût fur c es figuiers
plantés en terre feche, que fur ceux qui fe nourriffent
d’une terre plus fubftantielle, Le fol le plus convena*
ble au figuier y tant pour la quantité que la qualité du
fruit, eft celui qù il fe trouve un pied d’une bonne
tçrre un peu forte & onftueufe fur un fond graveleux.
Le figuier ?C\me un air libre, il croît aufli fort
bien entre des murs rapprochés , mais il y produit
rarement du fruit.
Puifque plufieurç efpeces peuvent fruélifîer en
plein vent, il faudroit mettre à cet ufage des individus
de celle-ci ; car fouvenr ils rapportent plus de
figues que ceux qu’on applique contre les murailles ;
on peut auffi les mettre en contr’efpaliers , & c’eft
peut-être le meilleur parti : on les abaiffe en automne
, on les couvre l’hiver, & on ne les déshabille
au printems que par dégrés , ne les découvrant
tout-à-fait que lorfque le jeune fruit eft en fureté. A
l’égard d es figuiers qu’on ne couvre pas , plantés au
nord & à l ’eft , ils rapportent plutôt que dans des
expofitions chaudes , parce que leur fruit qui naît
bien plus tard , n’a pas à effuÿer les gelées printan-
nieres. En Italie on regarde la première récolte des
figues comme peu de chofe; c’eft la fécondé que
portent les bourgeons de l’année qui eft la plus con-
fidérable. Dans nos climats, au contraire, cette fécondé
cueillette n’a lieu que fur trois ou quatre efpeces
, & c ’eft la première qui doit fixer notre attention
, à moins que les figuiers ne foient appliqués,
contre des murailles, échauffées, de forte qu’il convient
à l’égard de ceux que l’on plante contre des
murs à de bons afpefrs, de les détacher de la muraille
en automne, d’en lier les branches enfemble
par petits paquets , de les abaiffer , & les attacher
après des pieux, pour éviter qu’elles ne foient trop
près de la terre, dont les vapeurs humides pour-
roientleur nuire ; alors on peut les couvrir , quand
l’hiver eft rude , avec de la paille, de la fane de
pois, ou quelqu’autre légère couverture. Si le tems
eft doux il faut les découvrir, car le but de ce régime,
eft de les retarder autant qu’il eft poflible. J’ai vu
aufli employer avec fuccès des nattes de jonc , que
l’on tendoit en devant du figuier, en les attachant à.
la muraille.
Les figuiers plantés en contr’efpaliers, & qu’on ne,
veut point abaiffer de la maniéré dont nous venons,
de parler, doivent être protégés l’hiver par des ro-
feaux ou nattes placées des deux côtés , qu’on peut
ôter chaque jour aux heures convenables , & remet«*
tre la nuit ; cett^ précaution ne devient néceffaire
que par les vents froids & les matinées froides ; &c
quoique ce régime demande quelque foin & quelque,
depenfe, on en fera furabondamment récompenfé
par l’augmentation de la récolte de figues qu’on en
obtiendra, Ces nattes peuvent être roulées, êcmifea,
l ’été dans un hangar : elles fe conferveront plufieurs
années.
Miller parle aufli de figuiers placés contre des
murs échauffés artificiellement avec un vitrage en
devant : on a par ce moyen des figues de très-bonne
heure : mais cette méthode eft fort difpendieufe,
e lle ne convient qu ’aux grands & aux riches ,& nous
n’ écrivons pas pour eux.
Multiplication & plantation du figuier. Les figuiers
é levés de furgeons^ fuivant la méthode commune
, font les moindres de tous , parce qu’ils
font fujets à en pouffer eux-mêmes en quantité de
leurs pieds. C eu x des marcottes font très-bons : il
faut choifir des branches boifeufes , com p a re s &:
fertiles ; On les fera en automne , & on les couvrira
l ’hiver ; elles feront fuffifamment enracinées un an
après : fi dans la même faifon l’on coupe des branches
fertiles de figuier, qu’on les plante dans des p o ts ,
qu ’on plonge l ’hiver ces pots dans une couche de
tan dans l’étuve , elles donneront du fruit qui fera
mûr pour la mi-mai. On peut au refte multiplier les
figuiers cu ltiv é s , comme les figuiers fauvages , par les
b o u tu re s , en ufant des précautions que nous avons
indiquées.
^ On peut mettre les figuiers contre des murs artificiellement
échauffés ; mais il faut que la chaleur foit
douce ; on lèv era les vitres toutes les fois que le tems
le permettra, afin de leur donner le plus d’air qu’il
e ft poflible. Tandis que les arbres encore jeunes ne
peuvent étendre leurs racines par de-là les cha flis,
al convient de les arrofer fréquemment dès qu’ils
commencent à montrer leur fruit; Si ces figuiers font
bien g ou v erné s , la première récolte de leurs figues
fera plus abondante que fur les figuiers en plein a i r ,
& leur maturité àura lieu fix femaines ou deux mois
auparavant : on en obtiendra une fécondé cueillette
en feptembre , & même en a o û t , tems o ù l’on fait la
fécondé réco lte dans lespays.chauds ; mais il ne faut
échauffer les murs que vers le commencement de
fé v r ie r ; fi on fo rçoit ces figuiers de trop bonne heure,
le tems étant alors trop froid pour pouvoir leur donner
une fuffifante quantité d’a i r , le jeune fruit tom-
beroit ; mais il faut mettre les vitres devant les arbres
trois mois auparavant pour les garantir du
froid.
Nous terminerons cet article par quelques obfer-
vations fur tout ce que nous avons rapporté. En
vain chercheroit-on à reconnoître dans les efpeces
de figuiers cultivés que Pline rapporte, celles qui font
de nos jours cultivées en Italie. L e naturalifte ancien
ne m et pas affez de détail & d’exaftitude dans fes def-
criptions , pour affeoir un jugement à cet égard ; tout
c e qu’on peut in fére r , c’eft que les figuiers n°. a , 5 ,
& 7 , par leur couleur n o ire , paroiffent être les
mêmes que ceux dont parle Pline, fous la dénomination
commune de figues d’Alexandrie , d’Egypte 8z
de Rhodes. La prodigieufe quantité d’efpeces qui fe
font multipliées depuis C a to n , peut donner une idée
de la merveilleufe fécondité de la nature & de la variété
infinie qu’elle met dans fes procédés ; que l’on
feme encore à préfent les graines de ces efpeces de
figuier, on obtiendra de nouveaux individus cara&é-
rifés par quelque différence : nous nous lafferons
plutôt de folliciter la nature, qu’elle ne fe laffera de
répondre à nos voe u x & à nos foins par la magnificence
de fes bienfaits. I ln ’eftpas étonnant qu’elle ait
tant multiplié les efpeces de figuier fous la main du
cultivateur ; cet a rb re , ainfi que l’o liv ie r , eft le plus
anciennement cultivé. V o y e z les Origines des loix
& des arts de Goguet.
S Puifque les figues.d’Egypte & de Rhodes ont pu
réuflîr en Angleterre , ne réufliront-elles pas encore
mieux dans notre France feptentrionale & occidentale
? & combien d’autres variétésprécieufes dont on
Tome J I I ,
pourroit enrichir celles de nos provinces comprifes
entre le nord & le fud de ce royaume ! C’eft donc
bien à tort qu’on s’y borne à trois efpeces qui ne font
pas des meilleures, & que nos livres de jardinage
excluent toutes les autres , fous prétexte que les
arbres ne réfifteroient pas au froid de nos climats ,
& qu’elles n’y mûriroient pas. Nous avons fait voir
que c es figuiers ont paffé d’Egypte & de Rhodes dans
la Campanie & dans les environs de Rome; on a vu
qu’elles ont été cultivées long-tems après à Venife ,
& eqfin que le fameux jardinier de Chelfea les a acclimatées
en Angleterre. C ’eft ce que je voulois mettre
dans le plus grand jou r, afin d’engager nos cultivateurs
à faire les mêmes effais dans nos provinces froides.
Je fais que la petite figue noire fe cultive en
Auvergne, & qu’elle y eft délicieufe ; qu’on la faffe
paffer par gradation de ce pays à Paris, je ne doute
pas qu’elle n’y réufliffe aufli bien.
Nous avons, dit qu’on couvroit les figuiers dans
l’ancienne Moefie, pays affez froid , connu aujourd’hui
fous le nom de Servie &c de Bulgarie, & que
par ce moyen on avoit des figues printannieres. Ne
pQurroit-ônpas, en attachant ces couvertures convenablement
, conferver les figues d’automne déjà à
moitié formées , que Miller confeille d’ôter avec
foin avant d’empailler , & faire enforte que les premières
chaleurs du printems achèvent de les groffïr
& de les amener en maturité. Il faudroit employer
une couverture qui leur laiflat de l’air tout en les
les abritant, & qui ne s’en approchât pas affez pour
les froiffer ; lors donc qu’on voudra tenter cette
expérience , on fera bien de fe fervir de la maniéré
d’empailler que nous avons indiquée à Varticle Ala-
TERNE, Suppl. ( M. le Baron DE Ts c h o u d i . )
Figuier , ( Mythol. Hifi. ) Paufanias rapporte
que Cérès voulant récompenler Phytalus Athénien
de ce qu’il avoit exercé envers elle L'hofpitalité, lui
fit prêtent d’un figuier dont on fe fervit pour faire
toutes les plantations de l’Attique. Les anciens Grecs
difoient par piété : « La figue eft chez nous un préfent
des dieux, l’on ne doit pas être étonné qu’elle
y foit excellente, & qu’elle y puiffe tenir lieu de
toute autre efpece d’aliment ». Les anciens nourrif-
foient leurs athlettes avec des figues feches. Le figuier
étoit confacré à Mercure. Les Cyrénéens, pendant
les jours de fête , couronnoient de figues fraîches
les ftatues des dieux, fur-tout celle de Saturne,
parce qu’il leur avoit enfeigné l’agriculture, l’art
de greffer, en un mot tous les arts qui faifoient la
richeffe de leur pays. Les Lacédémoniens foutenoient
que Bacchu's avoit planté le premier figuier de leur
territoire. Dans l’île de Naxos, on failoit les ftatues
de Bacchus d’un fep de vigne ou d’un tronc de figuier:
il paroît cependant par deux vers d’Horace que le
bois de figuier étoit méprifé de fon tems, & que l’on
ne s’en fervoit que pour fairea^es bancs ou des ftatues
de l’infame Priape. IL efl: peu de pcrfonnes qui
ignôrent l’allégorie fatyriqué des vers fui vans :
Olim truncus eram ficulnus inutile lignum ,
Cumfaber incertus ne deum faceret ne Priapum..',',
Horus Apollo, prêtre Egyptien, & Pierius Vale-
rian, dans fes Hiéroglyphes, nous donnent de longs
détails fur l’ufage allégorique du figuier parmi les anciens
: par exemple, lorfque l’on fe préparoit à un
voyage, on mettoit au-devant de fa porte des branches
de figuier; on les regardoit même comme un
préfage de l’heureux retour." Dans les myfteres d’Ifis
& d’Ofiris, les perfonnes qui dévoient porter fur
leur tête les vafes pleins d’eau , ou les corbeilles far-
crées, étoient obligées de faire une couronne de
feuilles de figuier entortillées pour fupporter les vafes.
La feuille du figuier étoit l’emblème des termes
de la loi qui cachent & couvrent le fruit, c’eft-à-dire,