Ij ijl! f
I fIIÜ
globules farineux. Ces globules étant, comme je l’ai
dit, delà nature des terres blanches alkalines, ab-
forbantes ou de celle dés fucres 6c Tels neutres, font
folubles dans l’eau, ils attirent l’humidité comme
tous les Tels alkalis, & fe changent en véritable lait
végétal 6c paient dans la plantule pour la nourrir
par les filets de la racine féminale.
Le grain tient fans doute cette matière blanche
& farineufe de la nourriture qu’il a reçue de la terre
lors de fa formation dans la plante-mere : cette matière
farineufe végétale, feche, blanche ou jaune
fuivant les grains, friable, douce au toucher, molle,
mifcible à l’eau avec laquelle elle s’unit en maniéré de
mucilage alimenteux 6c no.urriflant, doit fon origine
à une terre blanche, argilleufe ou crétacée 6c mar-
neufe, qui fe combine avec les fues végétaux, pour
cn/rer aVec eilx ^ans racines des plantes. On voit
meme que la fecule de plufieurs racines, comme la
bryone, l’iris noftras, la pomme de terre, &c. approche
beaucoup de la nature de cette matière farineufe,
douce & friable, qu’on trouve dans les
grains, non-feulement des plantes céréales, mais
meme des legumes 6c autres végétaux : les racines de
la fcrophulaire , de l’yucca,du pied de veau, des
orchides, du manioc dont on fait le pain de cafta v e ,
la moelle de certains arbres, comme celle du palmier
fagou dont on fait un pain excellent, &c. prouvent
que cette matière faripeufe eft une des plus abondantes
du régné végétal ; d’où viendroit-elle donc, fi ce
n’eft de la terre elle-même qui s ’unit aux fcls alkalis
dès qu’elle devient foluble dans l’eau? Admirable con-
verfion de la terre même en farine dans les vaifleàux
des plantes ! C ’eft à ce titre , que la terre efl proprement
la mere commune de tous les êtres qu’elle
nourrit. Ceux qui revoqueroient en doute un pareil
fait, n’ont qu’à en voir les preuves multipliéesdans
1 Art du Boulanger, par M. Malouin. Vallerius convient
lui-même que les corps farineux Iaiffent après
leur ignition une terre blanche vitrifiable : il cite même
les expériences rapportées dans le vingt-unieme
volume des aéles de Stockholm : mais il prétend que
cette terre blanche vitrifiable qui eft dans la farine,
ne provient que de la converfion de l’eau en terre,
par le mouvement: hinc concludimus farinaceamfubf-
tantiam confîare terra per motum intrinfecum ab aquâ
originem trahente, combina ta cum magnâ quantïtate olei
fimiliter motu infolidioretn terram confîflentiam redacli ;
quibusfotidisporùuncula aquoe acidulce incorporata fuit.
Mais j ai déjà fait voir l’abfurdité du fyftême qui j
attribue la confiftance ou la bafe terreufe de tous
les végétaux à la converfion de l’eau pure en terre,
en bois, en fel, &c. On verra ailleurs que les bleds j
venus dans^ la marne ou fur des terres nouvelle- j
ment marnees, donnent une farine courte, grife i
pefante, qui tient beaucoup des qualités dé cette
fubftance : nouvelle preuve que la terre entre dans
la compofition du corps farineux ; on fait d’ailleurs,
que les bleds , comme les vins , peuvent contracter
un goût de terroir, &c. &c.
. Si le germe qui eft à la pointe du bled eft, comme
je l’ai dit, une véritable plante elle doit avoir
toutes fes parties comme les plantes formées, dont
il eft l’embryon. Cette plantule en effet, eft com-
pofée de deux parties principales la radicule & la
plume. La radicule eft cette pointe arrondie que l’on
voit percer les enveloppes extérieures du grain. Les
Botaniftes l’appellent rojlellum, àcaufe de fa reffem-
blance à un petit bec ; c’eft cette partie qui forme la
racine de la plante lorfqu’elle fe prolonge & qu’elle
fe divife dans la terre en bifurcations multipliées &
aufli fines que les cheveux d’où elles prennent le nom
de chevelu. L’autre partie du germe qui doit former la
tige,les feuilles & les fruits,eft cachée entre les lobes à
ieur pointe, & fe nomme par quelques-uns plante centrdle,
& par1 d’autres,plume ou plumult^'Axct que c’eft
un petit bouquet de feuilles déja.todtes formées ; qui
reffemble à une petite plume. La tige rapprochée de
cette plante centrale , de lagroffeur d’un graiftde fable,
eft féparée de la radicule,par une efpece de cercle
que j ai nomme liaifon ,• dans les plantes formées ;
c’eft de ce point que la tige commence à s’élever
tandis que la radicule fe prqiqnge, dans un fens op-
pofé. La plantule tient au corps du lobe par des
appendices, dont les fibrilles s’étendent en forme de
ramage que l’on diftingue quelquefois à la fimple vue
dans certaines graines dont les lobes font liffes &
unis. La plupart des plantes ont deux lobes dans la
graine, & s’appellent par cette rai fon dicotylédones,
pour les diftioguer de la famille des gramens apportés
monocotyledones, parce que leurs femences
nont qu’un feule lobe; c’eft par cette raifon qu’a-
près la germination du bled, fa femence refte enterre
attachée après les racines de la plante qui en eft
111115 & qùe Ton n’y apperçoit point de feuilles
dilumilaires comme dans les dicotylédones, dont les
lobes, après avoir nourri la plantule, s’étendent 6c
s alongent en forme de feuilles ordinairement plus
épaifles, 6c différentes des autres feuilles de la plante
; l’ufage deces feuilles diflimilaires eft de confére
r la plume encore tendre & délicate lorfqu’elle
fort de terre ; c’ eft pour cette raifon que la plume
du bled qui n a point de feuille deffinée, eft enfermée
dans une membrane qui eft une efpece de fourreau.
Les feuilles de la plantule du bled font repliées,
elles-mêmes en forme de gaines, renfermées dans le
foureau dont je viens de parler, ce qui différencie
cette plantule de celle des autres graines,où elles font
etendues entrelesdeux lobes. La plumule du grain de
bled reffemble à un petit cône couché fur le dos de
la femence 6c dans lequel eft emplantéle fac arrondi
de la radicule , recouverte d’une enveloppe particu-
Iiere que Malpighi appelle plactntula;puifque chaque
: grain de bled contient la plante enminiatureauffi par-,
mite dans fon raccourci, qu’aprèsfonaccroiffement.
On conçoit que \z germination & la végétation ne font
que des développemens fucceflifs, au moyen de la
nourriture que la plantule tire tant du lobe amorti
par l’humidité , que d’une terre bien préparée par les
labours 6c les engrais , enforte qu’on peut conclure
de tout ce qui précédé,qu’une graine n’eft qu’une plante
concentrée, qui a en elle une efpece d’ame végé*
tative,ou fi l’on veut, un principe de vie,de renaiffan-
ce 6c de-reproduêrion qui ne ceffe que par la deftrue-
tion de ce corps organifé.
Une merveille encore plus frappante;eft que cette,
plante concentrée n’eft pas unique maigre fa peti-
teffe, & qu’elle renferme encore aux environs de fa
radicule & de l’endroit que j’ai nomméliaifon, où les
noeuds de la tige font rapprochés, plufieurs autres
germes ou plantules qui fe développent à leur tour
lors de la végétation, enforte qu’un feul grain de
bled ne produira pas feulement un épi chargé de cinquante
ou foixante grains, mais encoreplufieurs tiges
terminées chacune par fon propre épi, 6c qu’une
plante de bled venue du même grain formera une
troche de plufieurs tuyaux & épis,félon que les terres
' Iabources, engraiffées 6c bien ameublies en. auront
préparé le développement ; ainfi la graine contient
en^foi non-feulement la plante entière qui en doit
naître, mais encore les principes de régénération
; de plufieurs autres, 6c une fécondité cachée 6c iné-
pmfable, qUe l’art peut multiplier & varier à l'on gré
Voili pourquoi l ’agriculture eft un art dont la théorie
entier« exige de fi profondes connoiffances . &
dont le produit eft ordinairement égal à l’induftria
& aux lumieresde celui qui met un champen valeur
d ou vient le proverbe fi connu & fi vraig tant vaut
t homme , teint vaut la terre.
il
Il faut remarquer que les deux partiesqui compo-
fentlaplantule,telles que la radicule 6c la plume,font
effentielles à fa reproduêrion, mais que les lobes ne
devant fournir que la nourriture àlaplantule, jufqu’à
ce qu’elle foit en état de s’approprier les fucs de la
terre , elle pourroit fe paffer abfolüment parlant de
fes lobes, fi l’on pouvoit fuppléer à l’entretien de la
plantule par quelqu’autre moyen. M. Bonnetl’abien
démontré en femant fur du terreau fin & léger, des
plantules ou des germes de haricots dépouillés de
leurs lobes : ces plantules ont végété 6c fleuri, mais
elle n’ont rien produit. La hauteur de ces petits haricots
nains étoit de deux pouces. Malpighi dit
avec raifon,que l’aêrion des lobes eft fi néceflàire, que
fi on les ôte, la graine ne le vera point, ou ne donnera
qu’une végétation foible 6c manquée. Il fuit encore
de ce qu’on a dit, i° . que fi la fubftance des lobes eft
altérée dans fon principe, foit par la moifliffure, foit
par réchauffement des graines entaffées, 6*c. ils communiqueront
à la plantule une nourriture vicieufe,
qui la fera périr, ou lui occafionneront des maladies
telles que la nielle, le charbon , la rachytifme, &c.
a°* Il fuit pareillement que fi la plantule n’a pas
acquis fa perfeêrion dans toutes fes parties, par
line pleine maturité de la femence , elle ne végétera
point ou fera ftérile, 6c qu’ainfi des bleds cueillis
avant la pleine maturité ne vaudroient rien pour fe-
mences. M. Aymen ayant femé à deffein des grains
cueillis huit jours avant leur pleine maturité, ils
n’ont produit que des épisftériles ou charbonnés. Il
a obfervé le même effet fur les grains qui furna-
•gent & qui ne vont pas au fond de l’eau ^3°. que la
plantule,tant que le grain n’eft point en terre,tire des
lobes toute fa fufiftance & une efpece de nourriture
fubtile qui lui conferve affez long-tems le principe
de vie ou de reproduêlion; mais cette nourriture
fubtile finit avec le tems ou s’évapore, enforte que
les graines trop vieilles deflechées & flétries par
la vétufté ne germeroient point, parce qu’elles fe-
roient dépouillées de cette huile qui s’évapore à
mefure que les grains vieilliffent, puifqu’ils diminuent
fenfiblement de groffeur & de poids. Les
grains privés de cette huile volatile qui conftitue
la duûilitédes parties, étant jettés enterre, pe s’im-
biberoient que d’eau & d’une feve trop crue pour la
plantule délicate ; 40. enfin fi chaque grain de bled
contient au moins une plantule qui doit porter fon
épi chargé de cinquante ou foixante grains, tout le
fecret de l’agriculture confifte à bien choifir fa femence
; elle doit être éprouvée & triée, pour à i n fi
dire, à la main, puifqu’il n’y a que la femence bien
conditionnée dans toutes fes parties qui puiffe rapporter,
■ & que fans cette attention primordiale toutes
les autres façons qu’on donne à la terre & les
avances qu’on lui prête, feront en pure perte.
Ainfi il ne faut choifir pour femences , que des
grains bien mûrs 6c de la même année de la récolte,
bien feos , gros, unis, comparés j- foüdes,
remplis, pefans, &• dont la couleur jaune & luifan-
tes annonce la vie 6c lafan té , puifque l’expérience
rend manifefte que les' femences les plus robuftes
manquent , il eft v r a i, quelquefois quôiqu’àflez
rarement ; niais que jamais les femences foiblès 6c
altérées dans les principes , ne peuvent acquérir une
force de végétation affez puiffànte pour donner de
belles produirions. Si les femences étoientbien choi-
fies , éprouvées 6c enterrées à propos, il eft évi- '
dent que nous devrions retirer au moins'cinquante
ou foixante pour un qui eft le plus foib'lé: produit
d un grain de bled qui leve dans une terre bien préparée.
Mais où font celles de nos terres qui rapportent
feulement fept à huit pour un ? La pkipart ne
produifent pas entre trois à quatre pour’ un , 6c
-font infufiifantes pour rembotirfer les frais-& -les
Tome III.
charges ; enforte qu’il vaudroit mieux: les abandonner
que de-les cultiver. Ce n’eft point la faute de
la terre, qui eft toujours douée d’une jeuneffe per-
-pétuëlle & d’une confiante fécondité ; mais c’eft là
Faute du laboureur, qui n’emploie que des femences
•mal choifies ou altérées dans l’origine.
C eft d’après les principes de cette théorie que
W olf, dans fon traite latin, de la multiplication
des grains, donne comme un moyen infaillible d’â-
voir d’abondantes récoltes, le confeil de deftiner'
un champ particulier pour y élever les grains def-
tinés à fervir de femences. Ce champ»cultivé 6c en-
graiffe convenablemênt, fuivant les principes de cét
auteur, doit produire des grains plus gros, plus forts,
plus vigoureux ,& par conféquent plus prolifiques;
de tels grains étant employés pour femences, il
eft évident qu’ils doivent donner les plus belles
produirions dans toutes fortes de terres ; comme on
voit les animaux robuftes être les plus propres à la
propagation de leur efpece. Semina de terra combuftd
feepe magis proliféra effe.folent quemadrnodum ràbujla
animalia reliquis niagis prolifica ; utile itaqut- & neceffa-
riutn , hujufmodi ut infituantur feminaria in quibus eâ
quee decet cura & follicitudine plantatiofies traclaû
pofjint, ut femina obtineantur magna vi germinandi pree-
dita-, tumida mulio nucleo, 6cc. 6cc.
Végétation du grain de froment & de la multiplication
des germes , par le retranchement des racines.
Après ce qu’on vient de voir du bled, il eft aifé
de concevoir fa germination & -les progrès de ik
végétation. Je vais-les fuivre , d’après ce qu’en dit
Malpighi, en me réferyant néanmoins-dé commenter
fon texte latin.
La germination eft l’airion par où commence îa
végétation ou le développement dü^erme d’une
plante; c’eft à proprement parlef le premier degré
d’accroiffemênt quë- prend l’efpëce d’embryon
ou germe attaché aux lobes. J’ai dit que cet embryon
étoit improprement nommé-'ger/tie , - parce
que c?éft en effet une petite planté routé formée-,
•qui renferme vers le collet de fa radiculë d’autres
germê-s' infenfibles '6c qui ne ferpnt vifibles que
par leur développement lors ’des progrès de la vé-
•gétation, germes qui végéteront aiirti promptement
que la plantule don t ils dépendent & à laquelle ils font
attachés malgré Ta :petitëffe. Ces germes étant fout
formés dans les graines , ils y demeurent comme
endormis-, aufli lông-téms qu’ils reftent féparés de
la terre, leur véritable matrice : mais à peine y
-font-ils dépofés , que la matière aêlive donteces germes
font formés j eft-réveillée par l’aTlion du feu
élémentaire ou flilide ëleélrique , -principe de tout
mouvement, de toute fermentation 6c l’ame de la
nature. Alors les germes s’animent tout-à-coup, 6c
commencent Je développement 6c l’accroiffement
de la plantule.
De toutes les femences, le froment eft une de
celles dont la germination eû la plus prompte , parce
que la fubftance qui eft moins ferme & moins hui-
leüfe que la plupart des autres graines , eft plutôt
amollie par l’humidité 6c convertie en nourriture
propre à la végétation de fa plantule: dès qu’il eft
femé , il commence pàf fe gonfler de l’humidité dç
la terre , & dès le premier jour on apperçoit dans
lés érivëloppes de petites ouvertures oii fentes autour
de là planitule ;• la fubftance dit lobe■ s’amollit
comme une pâte , 6c l’on voit la plume de la plantule
enveloppée d’une efpece de gaine où fourreau
blanchâtre, qui n’eft qu’une prolongation-dit placenta
de la radicule , grôflir & prendre une teinte verte
qui provient du fuc nourri rtier qu’elle tire du lobe
par fa racine féminale ; ce fuc entretient la plantule en
augmentant le volume 6c l’aêrion de chaque partie
organique, qui étant Imperceptible dans l’origine ne
Dd