!de la peine à s’y accoutumer ; maïs on jette un peu
'de fel ou de farine , dans l’eau chaude, dont il faut
Fhume&er dans lé tems qu’on la leur donne ; par
là , onreleve le goût de la mouffe, & on excite l appétit
des animaux. Qn leur en fait manger le matin ;
ùl lorfqu’ilsont été abreuvés, on leur donne, comme
à l’ordinaire, du foin 6c de la paille. On a remarqué
que cette nourriture rend leur chair plus fucculente,
& leur fumier de meilleure qualité ; mais on ne peut
en faire ufage que pendant l’hiver: au printems,
la trop grande humidité qu’elle contient, nuiroit à
la fanté du bétail. (D . ) .
La nature n’a rien fait d’inutile : la mouffe dont les
bruyères font couvertes en Laponie, fournit en été
& en hiver la nourriture nécefl'aire aux rennes. En
Bothnie feptentrionale elle fert au bétail, melee en
hiver avec le fourrage. Èn hiver, le Lapon repofe
dans un lit fait avec de la mouffe aux ours. La mouffe
de marais fert de couche, de lange, de couffin aux
enfans Lapons ; elle eft plus douce que la foie 6c fert
à garantir le corps de l’âcreté de l’iirine. L’ iflandois
ïe prépare des mets nourriflàns avec de la mouffe
qui croît chez lui. Les François donhe au vin de Pon-
tac la couleur la plus foncée par le moyen de la
mouffe marine. Prefque toutes les efpeces de mouffe
contiennent une couleur. ( C. )
MOUTON, f. m. pecus, oris, (terme de Blafon.)
animal qui paroît dans l’écu de profil 6c paffant.
Le mouton eft le fymbole de la douceur, 6c de
ïa vie champêtre.
De Barjac de Caftelbouc en Vivarois ; de gueules
au mouton paffant d’or, accompagné en chef d'un
croiffant d’argent.
Duchilau en Poitou ; de fable à trois moutons
paffant d’argent. ( G. D . L. T. )
MOUVANT, T E , adj. (terme de Blafon. ) fe dit
d’une piece ou meuble qui faille de fun des flancs,
ou de l’un des angles de l’écu.
11 fe dit auffi des pièces ou meubles qui touchent
à quelques autres.
Dapougny de Jambeville, de Sericourt, à Paris ;
da^ur au dextrockere mouvant du fl-‘nc feneflre de
l ’écu; & tenant un vafe de trois lis , le tout d'argent.
L a y e rn e d’A rh é e , du M a g n y en B o u r g o g n e ;
d’azur ait vol & au demi-vol d'or, mouvans dune
rofe de gueules pofee au centre de Vécu. ( G. D . L. T. )
§ MOUVEMENT, ( Mufique. ) Chaque efpece
de mefure a un mouvement qui lui eft le plus
propre , 6c qu’on défigne en italien par ces mots,
tempo giuflo ; mais outre celui-là il y a cinq principales
modifications de mouvement qui, dans l’ordre
du lent au vite, s’expriment par ces mots : largo,
adagio, andante , allegro , preflo ; & ces mots fe
rendent en françois par les fuivans, lent, modéré,
gracieux, gai, vite. Il faut cependant obferver que,
le mouvement ayant toujours beaucoup moins de
précifion dans la mufique françoife , les mots qui
le défignent y ont un fens beaucoup plus vague
que dans la mufique italienne.
Chacun de ces dégrés fe fubdivife & fe modifie
encore en d’autres , dans lefquels il faut diftinguer
ceux qui n’indiquent que le degré de vîteffe ou
de lenteur, comme larghetto, andantino, allegretto,
preflijjîmo, & ceux qui marquent de plus le caraéfere
& l’expreffion de l’air , comme agitato , vivace ,
guflofo , con brio , &c. Les premiers peuvent être
faifis 6c rendus par tous les muficiens ; mais il n’y
a que ceux qui ont du fentiment 6c du goût qui
fentent 6c rendent les autres.
Quoique généralement les mouvemens lents conviennent
aux paffions triftes , & les mouvemens
animés aux paffions gaies, il y a pourtant fouvent
$les modifications par lefquelles une paffion parle
fur le ton d’une autre : il eft vrai tou te foisque
la gaieté ne s’exprime guere avec lenteur; mais
fouvent les douleurs les plus vives ont le langage
le plus emporté.
Le favant Jérôme Mei, à l’imitation d’Ariftoxene
diftingue généralement dans la voix humaine, deux
fortes de mouvement; favoir celui de la voix parlante ,
qu’il appelle mouvement continu, 6c qui ne fe fixe
qu’au moment qu’on fe tait , 6c celui de la voix
chantante qui marche par intervalles déterminés,
6c qu’il appelle mouvement diaflématique ou -inter-
vallatïf. (S)
Pour l’ufage des trois mouvemens, le contraire ,
le femblable 6c l’oblique, voye{ C o n s o n n a NCE
(Mufique) Suppl. {F. D . C.)
M o u v e m e n s d u S t y l e . (Littérature. Poéfie.
Eloquence.) Montagne a dit de l’ame« l’agitation eft fa
» vie & fagracè ». Il en eft de même du ftyle : encoré
eft-ce peu qu’il foit en mouvement, fi ce mouvement
n’eft pas analogue à celui de Famé ; & c’eft ici
que l’on va fentir la juftefle de la comparaifon
de Lucien, qui veut que le ftyle 6c la chüfe,
comme le cavalier & le cheval, ne faflent qu’un
6c fe meuvent enfemble. Les tours d’expreffion qui
rendent l’aflion de l’ame, font ce que les rhéteurs
ont appellé figures depenfées. Or l’a&ion dé l’ame peut
fe concevoir fous l’image des directions que fuit
le mouvement des corps. Que l’on me pafTe la
comparaifon ; une analyfe plus abftraite ne feroit
pas auffi fenfible.
Ou l’ame s’élève ou elle s’abaiffe, ou elle s’élance
en avant ou elle recule fur elle-même , ou ne
fachant auquel de fes mouvemens obéir , elle
penche de tous les côtés, chancelante & irréfolue ,
ou dans une agitation plus violente encore , 6C
de tous fens retenue par les obftacles, elle fe roulé
en tourbillon, comme un globe de feu fur fort
axe.
Au mouvement de Famé qui s’é lèv e, répondent
tous les tranfports d’admiration, de raviffement,
d’enthoufiafme , l’ex,clamation, l’imprécation, les
voeux ardens 6c paffionnés, la révolte contre le
ciel, l’indignation contre la foiblefle & les vices
de notre nature. Au mouvement de l’ame qui s’abaifle
répondent les plaintes , les humbles prières, le
découragement, le repentir, tout ce qui implore
grâce ou pitié. Au mouvement de l’ame qui s’élance
en avant 6c hors d’elle-même, répondent le defir
impatient, l’inftance vive 6c redoublée, le reproche ,
la menace, l’infulte , la colere & l’indignation ,
la réfolution 6c l’audace, tous lesaétes d’une volonté
ferme & décidée , impétueufe 6c violente , foit
qu’elle lutte contre les obftacles , foit qu’elle faffe
obftade elle-même à des mouvemens oppofés. Au
retour de l’ame fur elle-même répondent la furprife
mêlée d’effroi, la répugnance 6c la honte, l’épouvante
6c le remords, tout ce qui réprime ou
renverfe la réfolution, le penchant, l’impulfion
de la volonté. A la fituation de l’ame qui chancelle
répondent le doute , l’irréfolution , l'inquiétude
& la perplexité, le balancement des idées, 6c le
combat des fentimens. Les révolutions rapides
que l’ame éprouve au dedans d’elle-même lorsqu’elle
fermente 6c bouillonne , font un, compofé
de ces mouvemens divers, interrompus dans tous
les points.
Souvent plus libre & plus tranquille, au moins
en apparence, elle s’obferve, fe poffede & modéré
fes mouvemens. A cette fituation de l’ame appartiennent
les détours, les allufions, les réticences
du ftyle fin, délicat, ironique, l’artifice & le manège
d’une éloquence infinuante, les mouvemens
retenus d’uns ame qui fe dompte elle-même, 6c
d’une paffion violente qui n’a pas encore fecoué
le frein.
Les mouvemens fe varient d’eux-mêmes dans le
ftyle paffionné, lorfqu’on eft dans l’illufion, &
qu’on s’abandonne à la nature: alors ces figures,
qui font fi froides quand on les a recherchées,
la répétition, la gradation , l’accumulation , &c.
fe préfentent naturellement avec toute la chaleur
delà paffion qui les a produites. Le talent de les
employer à propos n’eft donc que le talent de fe
penetrer des affections que l’on exprime : l’art ne
peut fuppléer à cette illufion ; c’eft par elle qu’on
eft en état d’obferver la génération, la gradation,
le mélange des fentimens , & que dans l’efpece
de combat qu’ils fe livrent, on fait donner tour à
tour l’avantage à celui qui doit dominer.
A l’egard du ftyle épique , au défaut de ces
mouvemens, il eft animé par un autre artifice &
varié par d’autres moyens.
Une idée à mon gré bien naturelle, bien ingé-
nieufe, 6c bien favorable aux poètes, a été celle
d’attribuer une ame à tout ce qui donnoit quelque
figne de vie : j’appelle figne de vie l’a&ion,
la végétation, & en général l’apparence du fenti-
ment. L’aftion eft ce mouvement inné qui n’a point
de caufe étrangère connue , 6c dont le principe
réfide ou femble réfider dans le corps même qui
fe meut fans recevoir fenfiblement aucune impulfion
du dehors : c’eft ainfi que le feu l’air & l’eau font
en aCtion.
De ce que leur mouvement nous femble être indépendant
, nous en inférons qu’il eft volontaire, 6c le
principe que nous lui attribuons eft une ame pareille
a celle qui meut ou qui femble mouvoir en nous les
refforts du corps qu’elle anime. A la volonté que fup-
pofe un mouvement libre , nous ajoutons en idée l’intelligence,
le fentiment, & toutes les affeCtions humaines.
C ’eft ainfi que des élémens nous avons fait
des hommes doux, bienfaifans, dociles, cruels,impérieux,
inconftans, capricieux, avares, &c.
Cette induction , moitié philofophique & moitié
populaire, eft une fource intarriffable de poéfie , &
une réglé infaillible & univerfelle pour la juftefle du
ftyle figuré.
Mais fi le mouvement feul nous a induits à donner
une ame à la matière, la végétation nous y a comme
obligés.
Quand flous voyons les racines d’une plante fe
glifler dans les veines du ro c , en fuivre les finuo-
lités, ou le tourner "s’il eft folide, & chercher avec
l ’apparence d’un difcernement infaillible, le terrein
propre à la nourrir ; comment ne pas lui attribuer la
même fagacité qu’à la brebis qui, d’une dent aiguë,
enleve d’entre les cailloux les herbes tendres & fa-
voureufes ?
Quand nous voyons la vigne chercher l’appui de
l’ormeau, l’embraffer, élever fes pampres pour les
enlafler aux branches de cet arbre tutélaire ; comment
ne pas l’attribuer au fentiment de fa foiblefle
& ne pas fuppofer à cette aâion le même principe
qu’à celle de l’enfant qui tend les bras à fa nourrice
pour l’engager à le foutenir ?
Quand nous voyons les bourgeons des arbres s’épanouir
au premier fourire du printems, & fe refermer
auffi-tôt que le fouffle de l’hiver, qui fe retourne
& menace en fuyant, vient démentir ces
carefles trompeufes, comment ne pas attribuer à
l’efpoir, à la joie, à l’impatience, à la fédu&ion
d’un beau jour le premier de c es mouvemens, & l’autre
au faififlement de la crainte ? Comment diftih-
guer entre les laboureurs, les troupeaux & les
plantes, les caufes diverfes d’un effet tout pareil}
A c nequejamflabulis gaudet pecus, aut arator igni.
Tome III.
Les philofophes diftinguent dans la nature le mé-
chanifme , l’inftinâ:, l’intelligence ; mais l’on n’eft
philofophe que dans les méditations du cabinet : dès
qu’on fe livre aux impreffions des fens, on devient
enfant comme tout le monde. Les fpéculations transcendantes
font pour nous un état forcé ; notre condition
naturelle eft celle du peuple : ainfi lorfque
Rouffeau, dans l’illufion poétique, exprime fon inquiétude
pour un jeune arbrifleau qui fe preffe trop
de fleurir, il nous intérefle nous-mêmes.
Jeune <S* tendre arbriffeau, l’efpoir de mon verger.;
Firtile nourriffon de irtumne & de Flore ,
Des faveurs de Chiver redoute£ le danger, ■
Et retenez vos fleurs qui s’empreffcnt d'éclore ,
Séduites par C éclat dun beau jour paffager.
Dans Lucrèce la pefte frappe les hommes, dans
Virgile elle attaque les animaux : je rougis de le
dire ; mais on eft au moins auffi ému du tableau
de Virgile que de celui de Lucrèce, 6c dans cette
image,
It triflis arator
Motrentem abjungens fraterna morte juvencum7
ce n’eft pas la trifteffe du laboureur qui nous touche.-
De la même fource naît cet intérêt univerfel répandu
dans la poéfie, le plaifir de nous trouver
par-tout avec nos femblables, de voir que tout fent,
que tout penfe, que tout agit comme nous : ainfi le
charme du ftyle figuré confiée à nous mettre en
fociété avec toute la nature, 6c à nous intéreffer à
tout ce que nous voyons, par quelque retour fur
nous-mêmes.
Une réglé confiante & invariable dans le ftyle
poétique eft donc d’animer tout ce qui peut l’être
avec vraifemblance.
Virgile peint le moment oii la main d’un guerrier
vient d’être coupée : il eft naturel que les doigts
tremblans ferrent encore la poignée du glaive ; mais
que la main cherche fon bras, la vraifemblance n’y
eft plus.
Non feulement l’aélion 6c la végétation, mais le
mouvement accidentel, 6c quelquefois même la forme
& l’attitude des corps dans le repos, fuffifent pour
l’illufion de la métaphore. On dit qu’un rocher fuf-
pendu menace ; on dit qu’il eft touché de nos plaintes;
on dit d’un mont fourcilleux, qu’il va défier les tempêtes
; & d’un écueil immobile au milieu des flots,
qu’il brave Neptune irrité. De même lorfque dans
Homere la fléché vole avide de fang, ou qu’elle discerne
6c choifit un guerrier dans la mêlée, comme
dans le poëme du T afle, fon aâion phyfique donne
de la vraifemblance au fentiment qu’on lui attribue :
cela répond à la penfée de Pline l’ancien, « Nous
» avons donné des aîles au fer 6c à la mort ». Mais
qu’Homere dife des traits qui font tombés autour
d’Ajax fans pouvoir Patteindre, qu’épars fur la terre
ils demandent le fang dont ils font privés, il n’y a
dans la réalité rien d’analogue à cette penfée. La
pierre impudente du même poëte , 6c le lit effronté
de Defpréaux, manquent auffi de cette vérité relative
qui fait la juftefle de la métaphore. Il eft vrai
que dans les livres faints le glaive des vengeances
céleftes s’enivre 6c fe raffafie de fang ; mais au
moyen du merveilleux tout s’anime. Au lieu que
dans le fyftême de la nature, la vérité relative de
cette efpece de métaphore n’eft fondée que fur l’illufion
des fens. Il faut donc que cette illufion ait fon
principe dans les apparences des chofes.
Il y a un autre moyen d’animer le ftyle ; & celui
ci eft commun à l’éloquence & à la poëfie pathétique.
C ’eft d’adreffer ou d’attribuer la parole aux
abfens, aux morts, aux chofes infenfibles ; de les
vo ir , de croire les entendre 6c en être entendu.
Cette forte d’illufion que. l ’on fe fait à foi-même
GGGggg ij