confumé avec elle par les flammes qui l’environnent ;
qu’il la préfente mefurant tour-à-tour avec des yeux
égarés, l’effrayante hauteur de la chute, & le peu
d’efpacç, plus effrayant encore, qui la fépare des
feux dévorans; tantôt élevant fon enfant vers le
ciel avec les regards de l’ardente priere, tantôt prenant
avec violence la Féfolqtion de le laiffer tomber,
& le retenant tout-à-coup avec le cri du défefpoir 6c
des entrailles maternelles, alors le preffant dans fon
fein 6c le baignant de fes larmes, & dans l’inftant
même fe refufant à fes innocentes careffes qui lui déchirent
le coeur; ah ! qui ne fent l’effet que ce tableau
doit faire , s’il eft peint avec vérité ?
Combien de peintures phyfiques dans l’Iliade ! en
eft-il une feule dont l’impreflion foit aufli générale
que celle des adieux d’Heélor 6c d’Andromaque, 6c
de la fcene dé Priam aux pieds d’Achille , demandant
le corps de fon fils ?
Il arrive quelquefois au théâtre qu’un bon mot détruit
l’effet d’un tableau pathétique ; 6c le penchant
de certains efprits , de la plus vile efpece, à tourner
tout en ridicule, eft ce qui éloigne le plus nos poètes
de cette simplicité fùblime, fi difficile à faifir, 6c fi
facile à parodier. Mais il faut avoir le courage d’écrire
pour les âmes fenfibles, fans nul égard pour
cette malignité froide 6c baffe, qui cherche à rire où
la nature invite à pleurer.
Lorfque pour la première fois on expofa fur la
fcene le tableau des enfans d’Inès aux genoux d’Al-
phonfe, deux mauvais plaifans auroient fuffi pour en
détruire l’illiifion. Un prince qui connoiffoit la légèreté
de l’efprit françois, avoit même confeillé à La-
inotte de retrancher cette belle fcene ; Lamotte ofa ne
pas l’en croire. Il avoit peint ce que la nature a de
plus téhdre 6c de plus touchant ; & , toutes les fois
qu’on n’aura que les parodiftes à craindre, il faut
avoir comme lui le courage de les braver.
II en eft des objets qui élevent l’ame comme de
ceux qui l’attend ri fient : la générofité, la confiance,
le mépris de l’infortune, de la douleur 6c de la mort,
le dévouement de foi-même au bien de la patrie, à
l’amour ou à l’amitié, tous les fentimens courageux,
toutes les vertus héroïques produifent furnous des
effets infaillibles ; mais vouloir que la poéfie n’imite
que de ces beautés, c’eft vouloir que la peinture
n’emploie que les couleurs de l’arc-en-ciel. Que les
partifans de la belle nature nous difent donc fi Racine
6c Corneille ont mal fait de peindre Narciffe 6c
Félix , Mathan 6c Cléopâtre dans Rodogune. Il peut
y avoir quelques beautés naturelles dans Cléopâtre,
dont le caraélere a de la force 6c de la hauteur ; mais
dans l’indigne politique & la dureté de Félix, dans
la perfidie 6c la fcëlérateffe de Mathan, dans la fourberie,
la noirceur ÔC la baffeffe de Narciffe , où
trouver la belle nature ? Il faut renoncer à cette
idée, 6c nous réduire à l’intention du poète, réglé
unique, réglé univerfelle 6c qui ramene tout au but
de l’intérêt.
Mais Y intérêt le plus v if, le plus attachant, le plus
fort eft celui de l’aélion dramatique. Voye^ A c t io n ,
I n t r i g u e , Pa t h é t iq u e , U n i t é , T r a g é d i e ,
&c. dans ce Suppl. (AT.Ma rm o n t e l .')
IN T E R LA K EN ,(Géogr. ) bailliage fort étendu
du canton de Berne, 6c un des plus remarquables
par les glaciers qu’il renferme, 6c par mille autres:
produ&ions de la nature. Il y avoit ci-devant une
abbaye de chanoines réguliers de l’ordre de faint Au-
guftin. Cette abbaye très-confidérable par l’étendue
immenfe de fes poffeffions, fut fondée en 1130 par
Selger, baron d’Oberhofen. Elle fut extrêmement
enrichie par les donations qu’elle reçut des comtes
de Kiburg, de Buchegg, 6c de la nobleffe des environs
, Sc elle parvint à avoir le droit de patronage
fur une vingtaine d’églifes , & la jurifdiôion fur unë
douzaine de villages, outre une immenfité de rev e nus
en dixmes, en c en fes, en domaines, &c. Les empereurs
6c les papes concoururent à l’envi à accorder
des privilèges conlidérables à cette fondation ,
le droit d’élire fon a v o y e r , fon p ré vô t, &c. Les mai-
fons de^æringen, de Waedenfchwyl, deStrafsberg ,
6c autres exercèrent fucceffivement cette avo yerie.
Peu-à-peu la ville de Berne s’en empara. Cette abbaye
fut fécularifée en 15 x 8 , malgré la réfiftance
des habitans des environs 6c du canton d’Unterwal-
den. Le monaftere fervit lon g -tems de réfidence au
ba illif jufqu’à ce qu’on a jugé à propos de lui bâtir
un château ; les revenus font appliqués, la plus grande
partie, à l’entretien des é glifes , des é co le s , des
miniftres 6c à des charités conlidérables. A côté de
ce monaftere il y avo it un couvent de religieufes du
même ordre de faint Auguftin, fous l’infpeélion des
chanoines d’Interlaken. En 1 4 8 4 , il fut aboli par
ordre du pape , 6c fes revenus affignés au chapitre
de faint Vincent à Berne.
Outre ces deux monafteres il y a encore la fameufe
caverne de faint Bea t, le lac de Brienz fi poiffonneux ;
le Kien holz fameux par l’alliance qui y fut conclue
en 13 5 2 , en vertu de laquelle Berne fut reçue dans
la confédération helvétique. C e même endroit étoit
aufli deftiné pour décider par arbitrage les difficultés
qui pourroient s’élever entre les confédérés. Cette
place fi illuftre dans notre hiftoire, a été enfuite ruinée
par des chûtes de neiges & par des inondations;
la vallée de Lauterbrunnen très-renommée par la
beauté des glaciers, par les mines de fer qui s’y trouvent
établies, par la belle cataraéle nommée Staub-
bach, 6c par plufieurs produélions du régné minéral,
tels qu’une marne noire fi fine qu’on s’en peut fervir
en place d’encre de la Chine , des terres bolaires
très -fin es , &c. La vallée de Grindelwald, n’eft pas
moins curieufe par les glaciers qu’elle renferme 6c
qu’on approche de fort p rè s , entre lefquels on remarque
le W e tte rh o rn , le Sc rekho rn , la Sch eidek,
le Mettenberg 6c fu r - to u t le Grindelwald Gletfcher.
On y trouve aufli des marbres d’une grande beauté ,
de l’ard o ife , &c. Malgré toutes ces maffes énormes
de glaces éternelles, ce pa ys eft cependant fertile en
pâturages. (//.)
IN T E R P O L A T IO N , {Astronomie. ) méthode emp
lo y é e , fu r - to u t par les aftronomes, pour remplir
les intervalles d’une fuite de nombres, d’obferva-
tions, de longitudes, &c. dont la marche n’eft pas
é ga le , ni le progrès uniforme. Dans l’ufage des ob-
fervations 6c des tables aftronomiques, on emploie
continuellement des réglés de t ro is , 6c des parties
proportionnelles, parce qu’on fuppofe que les nombres
croiffent uniformément ; cependant il y a des cas
où cette fuppofition feroit défeftueufe ; on eft alors
obligé d’avo ir recours à la méthode des interpola-
tions. Le problème général qu’il faut réfoudre eft
celui - ci : étant données deux fuites de nombres qui
fe répondent l’une à l’autre , fuivant une certaine lo i ,
6c dont l’une s’appelle la fuite des racines, & l’autre ,
la fuite des fonctions, trou v er un nombre intermédiaire
entre deux fonélions, qui réponde à un nombre
intermédiaire donné entre deux racines. On peut
vo ir cette matière traitée dans toute fa généralité par
des formules algébriques, dans Newton, dans C ô te s ,
dans Stirling, dans M a y e r , Mémoires de Pétersbourgy
6c dans VAfronomie de la Caille. L e pere Bofcovich a
fait voir qu’on pou rro it, par ces méthodes, dreffer
des tab les , même des inégalités de faturne, produites
par l ’attraftion. Pour mo i, voyant que des formules
très-compliquées ne pouvoient jamais être d’un ufage
journalier, & que dans l’aftonomieon avo it toujours
à confidérer des cas beaucoup moins généraux, j’ai
traité les interpolations d’une maniéré plus limitée ,
mais plus commode par le moyen des différences
premières, fécondés 6c troifiemes.
Je fuppofe une fuite de nombres o , 1 , 3 , &c.
.comme dans la table c i-d e ffo u s , dont les différences
foient inégales, mais d’une inégalité confiante. 6c
régu liè re , par exemple 1 , 2 , 3 , 4 , &c. enforte que
les fécondés différences foient confiantes, par exemp
le , égale à 1 , comme dans la troifieme colonne.,Si
l ’on pe prend les mêmes nombres que de deux en
d e u x , par exemple,, 0 , 3 , 1 0 , 2 1 , les différences
feront 3 , 7 , 1 1 , 6c leur inégalité ou leur fécondé
différence fera de 4 , c’eft-à-dire, quatre fois plus
grande qu’auparavant, parce qu’ en doublant les intervalles
, l’on a pour différence première d’un côté
la fomme de 1 6c 2 , de l’autre la fomme de 3 6c 4 ;
enforte que la fécondé différence a augmenté à rai-
fon de la différence qu’il y a entre 2 6c 3 , & de celle
qu’il y a entre 1 6c 4 , qui eft trois fois plus grande.
Si l’on prenoit les nombres de trois en tro is , on trou-
v ero it la fécondé différence 9 , &c.
Nombres.
Première
différence.
Seconde
différence.
56
0
1 1 I
g 2 1
6 3 I
10 | 4 I
21 j
28 7 1
3<S 8 1
A in fi, en général, les différences fécondés croiffent
comme les quarrés des intervalles des nombres. D e là
je vais tirer une regie générale pour remplir les
intervalles d’une fuite de nombres qui fuivroient la
même loi.
Je fuppofe quatre nombres, comme feroient quatre
longitudes, obfervées de 12 heures en 12 heures ,
dont les trois différences foient 7 8 , 22 2, 3 6 6 , en-
fo rte que l’inégalité de leur marche, où de leur progrès
foit 14 4 , c’eft - à - d ir e , que la différence fécondé
, ou la différence des différences foit conftamment
de 144. Les nombres o , 7 8 , 300, 6 6 6 , ne croiffent
pas uniformément, puifque leurs différences 7 8 ,2 2 2
font inégales, mais du moins l’uniformité eft telle
que ces différences augmentent également: tel eft le
cas le plus fimple des interpolations ; mais ce cas eft
fuffifant dans l’ufage de l’aftronomie, même pour le
mouvement de la lune qui eft la planete la plus irréguliere
de toutes.
Heures. Nombres. . Différences. Secondes
différences.
0 0 78
12 78 222 144
24 300 366 144
36 666
Connoiffant ces nombres, ou ces longitudes de 12
heures en 12 heures, on peut facilement les avoir
de 6 heures en 6 heures, en les affujettiffant à cette
réglé des fécondés différences confiantes; il ne s’agit
que d’interpoler un nombre dans chacun des intervalles
; car on fait que leur fécondé différence doit
être quatre fois moindre que 1 4 4 , c’eft-à-dire, 36 ;
il fuffira donc de faire une fuite de nombres dont la
fécondé différence foit 36. Pour avoir la différence
première, on prendra la moitié de la différence 78 >
c’eft-à-dire 3 9 , 6c l ’on en ôtera la moitié de la fé condé
différence 3 6 , c ’eft-à-dire, 1 8 , il reliera 21 ;
o r ayant cette première différence 2 1 , il fuffira de
l’augmenter fucceffivement de la fécondé différence
36 pour avoir toutes les autres différences ; en effet,
la première différence jointe à la fé con d é ,,doit faire
7 8 , 6c ces deux différences doivent différer de 3 6 ;
o r quand on a la fomme 6c la différence d.es deux
nombres, il fuffit pour trouver le premier de retrancher
la demi-différence de la demi-fomme.
Si au lieu d’avoir un nombre à interpoler .entre
o , 7 8 , 300, on en vouloit interpoler 2 , on.prenr
droit le tiers de la différence première, 6c on en ôte-
roit une fois la fécondé différence trouvée,; car les
trois différences que l’on cherche doivent faire 78
dans l’exemple, précédent & elles doivent différer
de la valeur de la fécondé différence trouvée ;
o r quand on a la fomme de trois quantités, 6c leur
différence, on trouve la plus petite quantité par la
réglé que je viens d’ indiquer.
En général, pour interpoler un nombre 12 de
termes entre deux termes d’une fuite donnée, on
divifera la fécondé différence de la fuite d o n n é e par
le quarré de 12 + 1 : pour avoir la fecOnde différence
de la nouvelle fuite , on divifera la différence première
par 12 -J- 1 ,6c l’on ôtera du quotient là fécondé
différence de la nouvelle fuite multipliée par , il
faudroit l’ajouter fi les différences premières alloient
en décroiflant. C ’eft ainfi qu’on trouvera la première
des différences premières qui doivent avoir lieu dans
le nouvel ordre de termes que l’on cherche ; les fui-
vantes fe trouvent en ajoutant fucceffivement la diffé-,
rence fécondé trouvée pour la nouvelle fuite.
La feule confidération des fécondés différences
fuppofées égales, eft fuffifante dans bien des calculs
aftronomiques, fur-tout pour conftruire des tables.
M. Sharp qui calcu la , en 1695 > ^es tables d’afeen-
fion droite, & d e déclinaifon pour chaque dégré de
longitude 6c de latitude, qu’on trouve dans l’hiftoire
célefte de Flemfteed, ne les calcula par la trigonométrie
que de 50. en 50. & il les étendit par la méthode
des interpolations à chaque dégré. M. Mou ton,
chanoine de L y o n , qui calcula les déclinaifons du
foleil pour chaque minute de longitude en fécondés
6c en tierces, ne les calcula que pour chaque dégré
de la trigonométrie, & chercha les autres nombres
par la méthode des fécondés différences.
Il fuffit dans ces cas - là de calculer rigoureufement
affez de termes pour que leurs fécondés différences
foient à-peu-près égales, ou varient infenfiblement.
J’ai publié dans la Connoiffance des tems, de 1 771 ,
une table fo rt commode pour abréger ces fortes
d ’opérations.
On fe fert auffi des fécondés différences pour corriger
des calculs, ou limiter des obfervations, c’eft-
à -d ire , les ramener à une marche régulière 6c uniforme.
Quand on trouve une fécondé différence qui
eft trop grande ou trop petite par rapport à la précédente
& à la fuivante, il faut corriger le nombre
qui répond à cette fécondé différence du tiers feule-*
ment de l’erreur qu’on a remarquée dans la différence.
C ette correélion eft de même efpece que celle
de la fécondé différence e lle -m êm e , fi le progrès
eft de différente efpece dans les nombres 6c dans les
premières différences.
En procédant ainfi par induÉlion, il eft aifé de trouv
e r une formule pour corriger d’une maniéré générale
l'inégalité des fécondés 6c même des troifiemes
différences, comme je les ai données dans les M L
moires de l’académie de Paris , pour 1 76 1. Au fujet
des interpolations confidérées plus généralement ,
y oy e^SERIE 6* Suite , dans le Dictionnaire r a i f des.
S cien ce s, 6c c, ( Af. D E L A L a n d e , )