tarde point à prendre une forme fenfible ; on apper-
ç o it , en effet, deux petites protubérances à côté du
collet de la plume, qui annoncent les racines latérales
; quant à la radicule ou racine inférieure , le
placenta qui l ’enveloppe groffit, perce les enveloppes
du grain & devient verdâtre de jaune qu’il
étoit ; le noeud ombilical, qui attache la plantule ait
lobe, eft auffi tuméfié ôcluifant, à caufe des liqueurs
qui y circulent.
Après deux jours, la plume qui doit former la
tige, rompt les enveloppes de la femence, fe redreffe
& forme una petite éminence fur le dos voûté du
grain. Le placenraoii eft la radicule, fe gonfle comme
une éponge imbibée & fe garnit de petits filamens
lanugineux. Le troifieme jour, la plante s’alonge, la
gaine blanche qui l’enveloppoit commence à s’en-
tr’ouvrir,& lafommitéde cette plume prend une teinte
plus verte , elle forme un angle plus ouvert avec
le lobe ; la radicule entièrement dehors du placenta
eft garnie comme lui de petits filamens blancs qui
ne lont que des utricules pofés bout à bout. Les
deux racines latérales commencent à piquer hors du
fourreau qui les enfermoit & à fe couvrir de poils
comme la radicule. Ces poils formés d’utricules s’attachent
aux molécules terreftres & aux particules
falines , pour en pomper l’humidité, enforte qu’ils
fe contournent en différens fens & paroiffent tout
crépus ; le placenta de la radicule fe flétrit peu-à-peu
à mefureque celle-ci s’enfonce perpendiculairement
dans la terre.
Le quatrième jour, la plume toujours garnie de.
de fon enveloppe blanche & diaphane, s’alonge
encore & forme un angle droit avec la femence ou
le lobe qui refte attaché à la radicule : ce lobe eft
alors entièrement mou & laiteux ; lorfqu’on le preffe
en cet état entre les doigts, on en fait fortir une
efpece de crème blanche & douce ; c’eft ce lait vé-
. gétal qui nourrit la plantule jufqu’à ce que la radicule
& les petites racines latérales aient pouffé
affez de petits filamens utriculaires pour embraffer
les molécules terreftres. Lorfque ces racines trouvent
un vuide dans la terre, leurs filamens fe multiplient
au point de le remplir, & formem par leurs
anaftomofes une efpece de filet réticulaire. A mefure
que les racines s’alçjngent, le lobe fe flétrit, & le cordon
ombilical, qui en tranfmettoit la fubftance à la
plantule, fe durcit. Le cinquième jour, la gaine blanche
& tranfparente quirenfe’rinoit la plume,s’entr’on-
vre tout-à-fait & laiffe fortir la pointe des feuilles
vertes, & l’on commence à appercevoir une ou deux
tumeurs à côté de l’origine des racines latérales.
Le fixieme jour, la pointe de la feuille verte &
ftable, qui fort du fourreau de la plume , s’alonge
& s’entr’ouvre ; le lobe, devenu creux, commence
à fe deffécher ; le cordon ombilical s’oblitère fk forme
une efpece de noeud dur & difficile à couper
avec un couteau. Si on ènleve la feuille, féminale caduque
ou gaine blanche qui enveloppe la tige, on découvre
ordinairement au-deffus du noeud ombilical,
entre la tige & fa gaine un nouveau germe ou une
nouvelle plantule dont la pointe commence à pa-
roître. Le placenta eft entièrement flétri & oblitéré
comme le noeud ombilical. Le onzième jour, le lobe
qui tient toujours après la plante eft entièrement flét
ri, & fi on le déchire on ne trouve plus qu’une
fubftance muqueufe & gluante entre fes enveloppes ;
toutes les racines devenues plus longues & plus fortes,
en jettent de latérales qui fe recouvrent auffi de
petits filamens; la tige fans avoir pris plus d’accroif-
ïement extérieur, devient plus forte & plus dure à
caufe des noeuds qui s’y forment, & des petits germes
qui fe trouvent & fe développent entre ces noeuds
qui font fort rapprochés & qui touchent prefque le
pceud ombilical, Ce n’eft que par les progrès fuççeflifs
de la végétation que ces noeuds de la tige s’a-
longent avec elle & que l’intervalle d’un noeud à
l’autre eft foutenu par le bas de la feuille qui lui fert
de gaine.
Après un mois, la tige & les racines ayant pris plus
de force & de croiffance, on commence à appercevoir
de nouveaux germes qui fortent du premier
noeud, & de petites protubérances, d’oti fortent de
nouvelles racines. Ces nouvelles racines ayant pris
leur accroiffement, il s’y forme également des noeuds,
& des jets s’élèvent de celles de ces racines qui (ont
près de la fuperficie de la terre; voilà ce qui fait les
ralles & la multiplication des,grains, lur-tout dans
les hivers doux, car leis fortes gelées font périr une
partie des talles que les plantes avoient faites pendant
l’automne ; mais fi les printems font frais & humides
, il s’en forme de nouvelles. On voit par-là qu’il
eft avantageux de femer de bonne heure, & que
tout ce qui favorife la végétation comme les engrais,
les labours profonds, lefarclage fréquent, augmente
les talles, & par confisquent les récoltes; je reviendrai
fouvent fur cet objet.
Dans ce détail des progrès de la végétation, Mal-
pighi fuppofe vraifemblablement quel’accroiffement
n’en a point été retardé par des caufes étrangères ,
comme le défaut d’humidité, par la féchereffe furve-
nue après le tems des femailles, un fol maigre & fec,
une terre forte & qui n’eft pas affez ameublie pour
laiffer le paffage libre de l’air , de la chaleur, des influences
& des pluies, &c. Alors la femence dépourvue
de nourriture & privée de l’a&ion ou du concours
des élémens, ou ne végété pas, ou ne donne
que des productions foibles & tardives qu’on ne peut
comparer à celles que je viens de décrire. C ’eft la
raifon pour laquelle les terres qui ne font ni ameublies
, ni améliorées comme elles doivent l’être, fe
fe trouvent infruétueufes : il en eft de même lorfque
les femences font enterrées trop profondément par
la charrue & recouvertes de grofl'es mottes de terre
que les plantules ne peuvent percer ni -pénétrer ;
d’ailleurs elles fe trouvent étouffées, & l’onriait que
fans air libre il n’y a. point de germination ; St ces femences
comme accablées de la pefanteur de la terre
ont moins de part aux vapeurs & exhalarfons nitreu-
fes qui nagent dans l’atmofphere. « Gardez-vous
» d’enfevelir vos grains trop avant dans la terre ( dit
» M. Ray) ils feroient enterrés fans efpérance de ré-
» furre&ion ». Summopere cavendum ne femina alte
demergantur aut nimiâ terra obruantur, adeoque fine
ullâ refurrectionis fpe fepeliantur. Hift. Plant, p. 3 4.
Je dois rendre raifon pourquoi les grains de bled
enterrés dans tous les fens, ceux dont la radicule eft:
en l’air fe retournent, pour ainfi dire, afin que la
plume'puiffe gagner l’air & s’élever tandis que la radicule
fe recourbe pour s’enfoncer dans la terre. Il ne
faut pour cela que fuppofer, avec M. Dodard, que
la radicule fe contrarie à l’humidité & la petite tige
ou plumule à la féchereffe. Suivant cette idée, dit M.
Ofonnet, lorfqu’une graine eft femée à contre - fens
la radicule qui fe trouve alors tournée vers le c ie l, fe
contracte du côté d’oii vient l’humidité & s’incline
ainfi vers la terre: la plume au contraire fituce Véritablement
en en-bas fe courbe du côté oit il y a le
moins d’humidité & fe rapproche ainfi de la furface
de la.terre. Cette différence entre la radicule & lx
petite tige vient fans doute de celle de leur organisation.
On doit fe rappeller que les fibres ligneufes
& les utricules font difpofés dans la racine d’une
maniéré précisément contraire à celle dont elles font
difpofées dans la tige : ici les fibres ligneufes occupent
l’extérieur, & les utricules l’intérieur ;mais dans
la racine les utricules, en forme de petites éponges,
occupent l’extérieur, & fe contrarient à l’humidité.
Vallerius, } a recours à la fermentation pour
expliquer. la caufe qui fait defeendre ces racines &
monter la plume ou la tige; mais cette obfcure théorie
ne rend raifon de rien, & il eft plus naturel de s’en
tenir à la différence d’organifation de ces parties.
Une fingularité particulière ,à la végétation des
plantes céréales & de l’ivraie, c’eft que ces plantes
produifent dans le cours de leur végétation, deux
rangs de racines fupérieures à celles qui partent de
la radicule lors de la germination. M. Bonnet a examiné
ce phénomène avec fa fagacité ordinaire , je
vais abréger fon obfervation. Il fema du bled & de
l’ivraie le 4 octobre ; le 19 les plantes .ayant levé, il
en arracha quelques-unes avec précaution ; & après
les avoir lavées, il les mit dans un verre d’eau très-
claire: il apperçut un petit noeud d’un blanc très-vif
à quinze lignes au - deffus des racines de l’ivraie ; il
n’y en avoit point dans le bled; le 24 il remarqua
des radicules qui fortoient des noeuds de l’ivraie en
forme de feuilles verticillées, il n’y avoiPencore rien
dans le bled. Le 10 novembre, il arracha de nouveau
quelques plantesdebled ; les ayant mifes dans un verre
plein d’eau, il obferva un corps cylindrique moins
franfparent que l’enveloppe extérieure & féparé
d’elle par un vuide : ce corps cylindrique n’étoit au- -
tre chofe que la tige renfermée dans une enveloppe
fort diaphane ; dix à douze jours'après, le corps cylindrique
lui avoit paru diminué de groffeur & devenu
plus opaque: il apperçut flous l’enveloppe, à deux
pouces des racines, un noeud fort opaque qui rem-
pliffoit toute la capacité de l’enveloppe ; il arracha
dans les champs, à cette époque, quelques plantes
de bled, & il y trouva un grand noèibre de racines
qui partoient de ce noeud. Ces racines fupérieures
font de grands progrès pendant l’h iver, & leur nombre
détermine celui des tuyaux que la plante pouffera.
Lorfque les tuyaux s’élèvent au printems, il fort du
noeud placé immédiatement au - deffus de celui dont
on vient de parler à environ un pouce, de troifiemes
'racines deftinées apparemment à fournir à là plante
une abondance de fucs néceffaires à la-nourriture des
nouvelles productions qui doivent s’y développer:
onpourroit nommer ces troifiemes racines, les racines
de l'âge virile les fécondés racines feront celles de
Yadolefcence, les premières celles de Y enfance. Dès
que les racines de l’adolefcence fe font développées,
les premières fe deffechent peu-à-peu & deviennent
inhabiles aux fondions qui leur étoient propres, car
M. Bonnet ayant arraché des plantes de bled de fix
à fept mois & les ayant tenues plongées dans l’eau
par leurs premières racines, elles fe font fléchées en
auffi peu de tems que de femblables plantes qui ont
été laiffées abfolument fans nourriture, tandis que
d’autres plantes plongées avec leurs racines fupérieures
ont continué à végéter. Il en eft donc des
premières racines comme des lobes qui fe deffechent
après avoir rendu à la jeune plante des fervices néceffaires.
On trouve ordinairement ces trois rangs de
racines dans une plante de bled arrachée après la
moiffon, ainfi que l’enveloppe du grain dont la plante
etoit fortie un an auparavant, enveloppe qui n’a pu
etre confumée .pendant un tems fi long. Les noeuds
de ces trois rangs de racines font plus ou moins rapprochés
fuivant lesciconftances,ce qui peut conduire
à quelques réglés de pratique fur la profondeur à laquelle
on doit enterrer le grain pour procurer le dé-
loppement d’un plus grand nombre de racines. On
remarque en général que les noeuds font les parties
de la plante oii la végétation des racines & des boutons
s opéré avec le plus d’énergie, foit que les
frequens replis que les vaiffeaux y fouffrent ra-
lentiffant le cours du fuc nourricier, facilitent fon
entree dans les germes que renferment ces noeuds,
foit que ce fuc y reçoive un préparation qui le rend
plus propre au développement de ces germes. C’eft |
Tome III,
donc des noeuds placés à leurs pieds que le bled, l’ivraie
, l’orge & les autres plantes de ce genre pouffent
de nouveaux germes, & ces nombreux tuyaux
qui font leur fécondité.
Les tuyaux qui font la fécondité des grains & qui
partent des noeuds placés auprès des racines, fe multiplient
proportion delà vigueur de celles-ci & de
la liberté qu’elles ont d’étendre leur chevelu dans
une terre bien meuble. Une belle expérience de M.
Delabaiffe dans fon excellente Differtation fur la circulation
de la feve couronnée à Bordeaux,prouve que
: le chevelu eft la partie la plus effentielle des racines :
ayant ajufté des plantes de maniéré que les unes ont
Pompé l’eau par le corps de la racine, les autres par
1 extrémité, il a toujours obfervé que celles-ci ont
vécu plus long-tems que celles-là : en multipliant
le chevelu on multiplie les bouches des maîtreffes
racines & par conféquent le développement des germes
& des tuyaux. « C ’èft-là, dit M. Bonnet,deprin-
» cipal objet de la nouvelle culture inventée en An-
» gleterre par M. Tull, introduite en France par M,
» Duhamel, & perfectionnée par M. de Château-
» vieux, premier fyndic de la république de Genève.
» Par cette nouvelle méthode d’enfemencer lés terres
» le bled reçoit, pendant qu’il croît, une culture qui
» en multiplie prodigieufement les racines & conlé-
» quemment les tuyaux: femé grain à grain au fond
» de trois filions tracés par un lemoir de l’invention
» deM. de Château-vieux fur des planches d’une cer-
» taine largeur féparées les unes des autres par des
» plattes-bandes ou efpaces intermédiaires qu’on
» n’enfemence point, il étend fes racines en liberté ;
» elles vont puifer dans fes efpaces intermédiaires
» une abondante nourriture: une petite charrue qu’on
» y fait paffer de tems en tems, taille ces racines :
» l’effet naturel de cette taille eft de procurer le dé-
» veloppement d’un grand nombre de radicules qui
» ne fe feroient point développées fans cette opéra-
» tion. La feve qui n’auroit fervi qu’à prolonger une
» racine fimple, s’arrêtant à la coupe ou dans les en-
» v iron s,y développe les germes des radicules qui
» s’y trouvoient logés. Ces radicules font autant de
» bouches toujours ouvertes pour recevoir les fucs
» alimentaires & les tranfmettre aux maîtreffes ra-
» cinés, une plus grande abondance de fucs occa-
» lionne le développement d’un plus grand nombre ,
» de tuyaux. Les plantes de froment cultivées de
» cette maniéré tallent donc prodigieufement, & il
» n’eft pas rare d’en voir qui rendent huit à neuf
» cens pour un fans le fecours d’aucun engrais. Cette
» furprenante multiplications’étend encore plus loin
» dans l’orge & y produit quelquefois deux mille
» pour un ; l’application de'cette culture aux autres
» efpeces de plantes qu’on éleve en pleine campa-
» gne ou dans les jardins, fera fuivie d’effets analo-
» gués. On l’a déjà tenté avec fuccès fur le fainfoin,
» fur quelques plantes potagères, fur la vigne, &c. »,
De la formation & de La multiplication des germes
par le. retranchement des tiges & des feuilles du bled. Je
viens de parler de la multiplication des germes par le
retranchement des racines, il s’agit maintenant de
leur multiplication parle retranchement de la fanne;
on verra enfuite les immerfions & les arrofemens
qui font d’autres moyens de multiplier,les germes :
mais je dois auparavant établir en peu de mots une
théorie fur leur formation.
Ces élémens ou principes infenfibîes des corps
organifés que j’ai appellés germes , foit parce qu’ils
font l’origine des corps organifés, foit parce qu’ils fervent
à leur nutrition & à leur reprodii&ion par le développement
& l’intuffufeeption, font répandus partout
, dans l’air, fur la terre & dans les eaux. J’ai défini
ci-deffus ce qu’il falloit entendre par ces germes
confidérés comme les principes élémentaires des corps